Catherine Pont-Humbert, Quand les mots ne tiennent qu’à un fil, Une épopée poétique

Discours de Madame Béatrice Bonhomme pour la remise du Prix Vénus Khoury-Gatha

Une maille à l’endroit, une maille à l’envers, méditation au crochet, au tricotage, au point mousse, à l’aiguille, à la reprise, à la broderie. Méditation filée sur le fil des mots, méditation funambule sur les mailles du tricot, du filet, de l’œuvre d’art, celle de Pierrette Bloch, ornant la couverture du beau recueil de l’édition La tête à l’envers.

Le livre s’ouvre sur un prologue et se clôt par un épilogue car les mots sont archétypaux, venus d’une mémoire ancestrale, immémoriale comme celle de la tragédie antique et de son chœur de voix collectives et anonymes, venus du fond de notre inconscient, comme conte, fable, fabliau ou épopée. Les mots venant de la langue, la grande commune qui nous lie les uns aux autres en tant que fil de vie et de mort. Méditation sur les textures, les linges pliés dans les armoires, les vêtements de vie et de mort, le berceau comme le linceul. Les mots incarnés et notre corps de mots comme miroir de la précarité, de la finitude de la vie et de la mort, de l’amour et des contes de fées :

 J’apprenais leur sens, leur poids, leur couleur, leur odeur. Je
devinais qu’ils existent comme des corps autonomes,
indépendants. […] Nous sommes enfouis dans un cercueil de peau.
L’enveloppe fine de la peau se relie à l’intérieur dont elle garde
la mémoire et résume tout.
L’amour lui-même se résume à la peau, si fine qu’elle ne supporte
pas le moindre grain de sable sur le drap.
Aucune miette, aucune boule de poussière au fond du lit. Une
peau de princesse au petit pois 

 Méditation sur les mots personnifiés, vivants, morts ou malades, portant blessures et plaies :

 la plaie tracée dans la blancheur crayeuse »
“tranchant du fil de l’épée pour des plaies cachées »

Catherine Pont-Humbert, Quand les mots ne tiennent qu'à un fil. Une épopée poétique, œuvre de couverture, Maille de Pierrette BlochEditions La Tête à l'envers, 2025, 18 €.

Écriture de variété polymorphique, dans sa superposition hélicoïdale d’époques, dans son travail de composition au sens musical par effets d’échos, de symétrie, de reprise, de couture décalée. Orchestration de strates d’événements en couches géologiques, de textes écrits entre lesquels des échos et relais symboliques conjurent l’éparpillement, mots-rythmes, mots-refrains, mots reprisés autour de l’œuf en bois de l’enfance, où sans cesse revient jouer l’aiguille de la poète, l’origami de la poète :

 

D’abord sont arrivés les mots « plis, pliages, pliures.
Ils sont entrés dans la chambre amenés par la nuit.

Les plis, pliages, pliures ce furent d’abord les cassures dans
les tissus qui m’attiraient follement dans l’enfance.

 

Poésie qui réinvente son lieu et sa formule. Car les mots sont énigmes et mystères à déchiffrer, à décrypter. La poète doit désormais se faire trouveuse, découvreuse, quêteuse, archéologue, pour pénétrer l’os des mots et tenter de retrouver, à travers les brisures, l’inscription originelle. Il s’agit de retrouver la trace archaïque, enfouie, la lettre perdue, la graine de l’origine, énigme indéchiffrable. Mais l’origine, c’est peut-être avant tout soi-même. Pour comprendre les signes des mots et du monde, il faut d’abord plonger en soi-même. La poésie n’est-elle pas un acheminement toujours recommencé vers l’intérieur de soi ? comme l’explique Novalis « le chemin secret va vers l’intérieur » et le poème apparaît comme voix de réponse dans quelque dialogue secret :

 

Les mots ont des mystères
Ils sommeillent dans les hauts-fonds de la langue 

 

Car les mots, tissés sur le rouet du temps, sur le rouet des contes, mots endormis comme des belles au bois dormant, mots attendant leur réveil par la poète devenu prince des contes, forment textures, forment tissu, fil de laine et de bure. Les mots sont aussi le corps où s’incarne notre pensée, ils sont le pouls qui bat à notre poignet, le rythme comme vague entre flux et reflux du sang et de la houle :

 

Ils s’écoulent vers l’océan
Se glissent sur les gestes
Recouvrent les objets
Filent à travers les trouées de ciel
Pour échapper à l’informe
J’avance drapée de leur tissu
Dans les roulis de leurs vagues incessantes

 

La poète s’engage dans la quête incessante des mots, du mot juste, du mot vrai, quête presque métaphysique pour trouver sous l’apparence, dans les plis où demeurent le caché, le secret des mondes inconnus qui se déploient en vérité originelle :

 

Je cherche depuis toujours leur densité de chair
L’onctuosité de leurs courbes
Leur tremblement sous les ratures
Descente sous le langage
Sous la croûte des mots
Là où rien ne parle 

 

Les mots sont pliés dans les armoires, les armoires de la mémoire. Pour tisser la toile du texte, la poète puise dans la toile d’araignée de la mémoire. La mémoire est d’abord textuelle, il existe un tissage de la mémoire chez Catherine Pont-Humbert comme se tisse le texte même du poème et tout cela est œuvre de patience. Patience qui lutte avec le temps lorsque celui-ci est compté, mais patience infinie, patience intime, secrète par laquelle la poète se donne le temps, le temps de la maturation de l’œuvre, patience qui est déjà acte de mémoire. L’image du voile, du tissu et du tissage est récurrente, toile à saisir sous les brisures, toile du monde qui nous entoure qui inspire la toile textuelle. Dans l’univers sans cesse de petits réseaux se tissent, fragile toile d’araignée :

 

Carte d’un territoire aussi délicate qu’une toile d’araignée pour former un immense filet de lumière où se rassemble le monde. 

 

Dans les fils d’Arachné, plusieurs nuances se nouent et se dénouent et la poète est comme Pénélope, recousant sans cesse, réparant l’ouvrage du monde et de la page. Mais, en dépit du dessaisissement, la mémoire reste trace, inscription. Les mots prennent la valeur d’un témoignage comme s’il importait, malgré la fuite du temps et des choses, que cela fût dit. Tisser les mots, Inscrire, écrire, relier, relire, tout cela est devoir de mémoire, conjuration de la mort par l’écriture. Sans doute, nous explique la poète, survivaient-ils déjà d’une certaine manière dans le souvenir mais la parole confère aux souvenirs et à ces moments fugitifs une sorte de forme spirituelle, c’est pour cela qu’il est nécessaire de mettre à toutes choses la couronne des mots, cette frise de l’enfance, cette scintillation. Efflorescence s’enroulant comme le thyrse autour d’une construction secrète. Pourquoi dirions-nous épopée ou rhapsodie ? Parce que ce travail est comme une couture de plusieurs morceaux de vie ou de mémoire, comme un chant à travers le feuilletage du temps, toutes les coutures joignant leurs fils pour coudre et recoudre le patchwork du monde, dans le puzzle, dans le jeu des sept familles des mots et du monde car l’enfance est là et les jeux de l’enfance tissés dans notre mémoire :

 

Répétant « plis, pliages, pliures » je pensais avoir fait le tour du
silence, je cessais de douter et donnais chair aux mots.
Alors, comme pour me faire perdre pieds, est arrivée une
cohorte de leurs semblables, de leurs frères, de leurs sœurs : « fil,
filage, filure ». Nouvelle famille conviée à la fête que
j’ordonnais.

Et voilà qu’aussitôt une autre tribu s’annonçait : « rame, ramage,
ramure ». Bientôt elle rejoindrait les premières. Et d’autres
encore viendraient.
La mémoire consentait à poursuivre sa remontée du temps. Elle
tirait le fil.

 

Fil, filage, filure » s’installait dans mon paysage de mots

 

Catherine Pont-Humbert est rhapsode, à l’instar du premier, ce chanteur de la Grèce antique qui, de ville en ville, allait récitant des poèmes épiques, des fragments homériques qu’il cousait ensemble en discours toujours nouveaux :

 

un refrain sur le bout des lèvres, quelques pas de danse, une
ronde de mots.

Cette forme de présentation circulaire comme une chorégraphie explique la structure organique du rythme de l’epos qui est un rythme de récurrences ou des formes oratoires qui s’y rattachent. Au sein de cette écriture du crescendo, nous ressentons ce rythme épique qui s’adresse à un auditoire et pas seulement à un auditeur, cette tension si essentielle dans l’épopée qui aussi feuilletage de la mémoire.

 

Tout commence par des mots qui ouvrent les portes
Qui balaient les vieilles peurs accrochées aux murs suintants
Qui aèrent l’esprit et allègent le cœur
Des familles se sont formées au fil du temps
Des tribus reliées par de secrètes alliances
Elles accompagnent mes rêveries
Petites graines semées dans le champ de mon imaginaire
Avec elles j’ai appris à inscrire l’impensé dans le sable des jours
À sculpter lettre à lettre ce qui ne pouvait l’être
Les mots s’accrochent aux parois de la mémoire
Comme si le temps rechignait à filer
Pour ne pas les perdre
Je les dessine à même la table, gravés dans le bois sombre 

Toute récitation épique a quelque chose d’une récitation cérémonielle, rituelle et d’une présence vivante tout à la fois. Cette récitation a besoin d’une forme particulière, d’un souffle, d’une respiration ample :

Les tiroirs étaient verrouillés. Il ne servait à rien de trouver la
clef. À l’intérieur, entre les draps pliés, se cachaient des papiers,
des photographies, des objets… Fatras de souvenirs déposés là,
puis oubliés.

Un certain souffle, un récit ample qui s’édifie dans le pur déroulement du langage. Cette forme qui ouvre les chemins de la liberté hors des mètres reçus, cette forme qui échappe à la métrique traditionnelle, c’est tout à la fois le vers, la prose, le verset. Le verset accueille la poésie comme il accueille générosité et fantaisie. Le verset n’est pas l’intermédiaire entre vers et prose, mais en lui, réside plutôt la possibilité de dépasser les deux, ce qui évidemment dérange, bouscule les idées poétiques reçues. Hybride au-delà de l’hybride, il invente une autre phrase comme le signe d’une liberté, d’une délivrance, d’un refus des normes attendues, des formes convenues, des convenances poétiques et culturelles. Ce vers, entre vers libre et prose, parfois si long qu’il vient à déborder une, puis deux, voire davantage de lignes, ignore les prétentions stratégiques, les positionnements rhétoriques, il demeure dans la souplesse polymorphe du vivant qui ne s’enferme ni ne se réduit, le poème devenant également questionnement, interrogation sur le genre poétique et ses débordements.

La litanie des mots. C’est le « retardement épique » dont parlait Schiller. L’épopée est ainsi efficace par ses répétitions qui sont relance, possédant une vertu rythmique qui agit sur l’auditeur. C’est une diction d’énergie. Un souffle. Le poème surgit là où les mots se tissent, se détissent, se métissent, là où l’on lie les saisons et les amours dans une convergence d’horizon. Mots à la dimension de l’univers.

 

ll suffisait d’étirer les bras, de dénouer les articulations des
doigts de pieds pour me tendre comme un élastique. Je pouvais
ainsi incorporer le globe terrestre pendant mon sommeil. 

 

J’insisterai maintenant sur un point qui me paraît essentiel est l’architecture du recueil, car il y a bien une composition. Cohérence interne parfaite où chaque élément renvoie à l’ensemble. Pour filer un texte où les mots se lient et se mêlent, la poète en appelle à ces enfants de la nuit ou de l’Érèbe que sont les grandes fileuses, les trois sœurs « Atropos, Clotho et Lachésis » réglant ainsi la durée de vie depuis la naissance jusqu’à la mort à l’aide d’un fil que l’une file, que la seconde enroule et que la troisième coupe.

Ces trois fileuses sont filles de Zeus et de Thémis mais aussi sœurs des Heures ou divinités des saisons : 

 

J’adoptais la filure cependant, et la mêlais à mon nouveau bouquet de mots.
De filage, j’avais aussi appris sur des gravures ce geste ancien des femmes qui filaient les femmes qui filaient à l’image de Jeanne d’Arc la maîtresse.
Fuseau et quenouille, mots qui sonnaient étranges dans mon imaginaire. 
Bientôt le filage des étoffes entrait dans la danse. 

Rame, ramage, ramure, de branches, d’arbres et d’oiseaux, plumes sergent-major, plumages, mots comme une cartographie de chambre des cartes, comme une chorégraphie de tournes, de tournis, de tournure et dans la lumière rayon, rai, rayures pour habiter les mondes :

 

Chants d’oiseaux dans les ramures des arbres, aubes qui résonnent du chœur des colombes, des geais, des roitelets…  Ramages, gazouillements. Passeurs entre visible et invisible, chants annonciateurs de volontés venues de hautes sphères. Attention d’enfant à cette poésie simple. 

 

Le rythme de ce poème comme, forme stable d’un flux, un battement. Le poème des mots suit son rythme naturel circulaire/cyclique, affronte la variété en s’enroulant et se reprenant comme le thyrse. Ce mouvement est également très présent dans le versus poétique de Catherine Pont-Humbert dans la danse en cercle et les litanies, dans la parole du mythe, toujours répétée. Concentré sur les miracles de l’échange, de la mise en relation, du renouement, la poète multiplie les rencontres, les rapports, les accords, les connivences dans l’ouverture à la polyphonie du monde, chaleur du soleil, rayonnement et fleur, silence et concentration sur le minuscule, passage et finitude, précarité et pépiement, humilité d’un regard porté vers l’aiguille du chant de l’oiseau, mince et brillant dans la toile du monde, recousant le monde en lui apportant son étroite, sa fine résonance, son ample chant dans l’épopée des mots.

Présentation de l’auteur

Catherine Pont-Humbert

Catherine Pont-Humbert est écrivaine, poète, journaliste littéraire, lectrice et conceptrice de lectures musicales.

Productrice à France Culture de 1990 à 2010, elle y a réalisé de très nombreux grands entretiens (« A voix nue ») et documentaires. Depuis, elle programme et anime des rencontres littéraires à l’occasion de festivals de littérature en France et dans des pays francophones.

Elle est titulaire d’un doctorat de lettres modernes portant sur la littérature du Québec qui lui a valu une bouse de recherche du Conseil des Arts du Canada. Elle a vécu à Montréal.

Elle est par ailleurs membre du comité de rédaction de la revue Apulée (dirigée par Hubert Haddad) depuis sa création, membre de l’équipe du Festival de poésie de Sète, et membre du comité de direction du PEN Club français.

Bibliographie 

Elle est l’auteur d’essais, de récits, et de livres de poésie. Elle a notamment publié Carnets de Montréal, éditions du Passage, 2016, La Scène (récit), éditions Unicité, 2019, Légère est la vie parfois (poésie), éd. Jacques André, 2020, Les Lits du monde (poésie), éditions la rumeur libre, 2021, Chemins (livre d’artiste avec des encres de Jean-Luc Guinamant), éditions Transignum 2022, Noir printemps (poésie), éditions la rumeur libre, 2023, Quand les mots ne tiennent qu’à un fil. Une épopée poétique (prose poétique), éditions La tête à l’envers, 2025 (prix Vénus Khoury-Ghata, première sélection du prix Mallarmé).

Sa poésie est parue en revues (Apulée, Les cahiers du sens, Siirden, Verso, Concerto pour marées et silence, Recours au poème), dans des anthologies (« Feu » éditions Henry, « Du corps du poète au corps poétique » jeudidesmots.com, « Europoesia », « l’Athanor des poètes », « Voix vives de Méditerranée » …). Elle est régulièrement invitée dans des festivals de poésie en France et à l’étranger.

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Catherine Pont-Humbert, Quand les mots ne tiennent qu’à un fil. Une épopée poétique

Quand les mots ne tiennent qu’à un fil semblent n’évoquer que la fragilité et la temporalité du verbe dispersé en particules de vie, Catherine Pont-Humbert nous surprend par un sous-titre qui reprend en mains leur aventure conjointe, Une épopée poétique. Serait-ce le secret de la lumière qui peut être perçu comme corpuscule ou comme onde. 

Ce qui plane pour polliniser l’espace et ce qui crée le vol des migrants. Il y a continuellement ce va-et-vient entre le timbre (tremblement du mot) et l’écriture qui nous emmène dans ses propres voies, aussi inexplicables soient-elles, à travers l’ampleur magnétique de ce que l’on nomme poésie.

Les mots se cognent les uns aux autres… pour écrire l’histoire de nos aïeux. Que voir à travers la percussion surprenante de l’émotion et des éclats de quotidien, la racine séculaire : liberté au bord du chaos jusqu’à la continuité de l’individu qui fait cause commune, mais secrète, avec sa tribu.Une longue séance de mots biffés contient le vide, se heurte aux frontières du dicible. Et c'est là qu'entre en scène la poésie de nulle part, de toutes parts.

J'ai lu avec lenteur et quelques sauts temporels ce beau livre d'équilibriste du mot, du son/sens et des sentes de l'être. Belle et surprenante promenade dans le tremblement et les modulations de la voix. Ce livre qui est aussi porté par le tissage de couverture de Pierrette Bloch, entremêle avec bonheur l’aléatoire de la création artistique et l’objet qui n’est jamais final mais fenêtre sur l’espace. La poésie étant une tentative d'aller vers la vraie vie qui n'est pas la littérature en soi mais la quête, la surprise. La littérature se fait sans le vouloir, au fond ! Elle précède le vrai silence qui vient au bout des mots.

Catherine Pont-Humbert, Quand les mots ne tiennent qu’à un fil. Une épopée poétique, éditions la Tête à l’envers, 2025.

Présentation de l’auteur

Catherine Pont-Humbert

Catherine Pont-Humbert est écrivaine, poète, journaliste littéraire, lectrice et conceptrice de lectures musicales.

Productrice à France Culture de 1990 à 2010, elle y a réalisé de très nombreux grands entretiens (« A voix nue ») et documentaires. Depuis, elle programme et anime des rencontres littéraires à l’occasion de festivals de littérature en France et dans des pays francophones.

Elle est titulaire d’un doctorat de lettres modernes portant sur la littérature du Québec qui lui a valu une bouse de recherche du Conseil des Arts du Canada. Elle a vécu à Montréal.

Elle est par ailleurs membre du comité de rédaction de la revue Apulée (dirigée par Hubert Haddad) depuis sa création, membre de l’équipe du Festival de poésie de Sète, et membre du comité de direction du PEN Club français.

Bibliographie 

Elle est l’auteur d’essais, de récits, et de livres de poésie. Elle a notamment publié Carnets de Montréal, éditions du Passage, 2016, La Scène (récit), éditions Unicité, 2019, Légère est la vie parfois (poésie), éd. Jacques André, 2020, Les Lits du monde (poésie), éditions la rumeur libre, 2021, Chemins (livre d’artiste avec des encres de Jean-Luc Guinamant), éditions Transignum 2022, Noir printemps (poésie), éditions la rumeur libre, 2023, Quand les mots ne tiennent qu’à un fil. Une épopée poétique (prose poétique), éditions La tête à l’envers, 2025 (prix Vénus Khoury-Ghata, première sélection du prix Mallarmé).

Sa poésie est parue en revues (Apulée, Les cahiers du sens, Siirden, Verso, Concerto pour marées et silence, Recours au poème), dans des anthologies (« Feu » éditions Henry, « Du corps du poète au corps poétique » jeudidesmots.com, « Europoesia », « l’Athanor des poètes », « Voix vives de Méditerranée » …). Elle est régulièrement invitée dans des festivals de poésie en France et à l’étranger.

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Au fil des mots : Rencontre avec Catherine Pont-Humbert

Catherine Pont-Humbert est une voix singulière dans le paysage poétique contemporain, dont la sensibilité et l’engagement se révèlent à travers une écriture à la fois raffinée et audacieuse. Figure incontournable pour ceux qui, comme nous, cherchent à redécouvrir le pouvoir des mots, elle a su conjuguer tradition et modernité, explorant avec finesse les méandres de l’âme humaine et les reflets de notre monde en perpétuelle mutation. Elle est également une figure essentielle dans la transmission de la poésie, qu’il s’agisse d’émissions radiophoniques ou d’animation de débats dont les invités, découverts ou mis en lumière par son professionnalisme, ne se comptent plus.

Dans cette Rencontre, nous aurons le privilège d’aborder avec elle les sources de son inspiration, son cheminement artistique et les questions essentielles qui traversent sa pratique poétique. Passionnée par la capacité du langage à transcender le quotidien, Catherine Pont-Humbert nous invite à repenser notre rapport à la poésie, à explorer ses dimensions sensibles et à célébrer la beauté des mots dans leur plus simple expression. Elle évoquera particulièrement son dernier recueil, Quand les mots ne tiennent qu'à un fil, épopée poétique,  prix Venus Khoury Ghata 2025.

Chère Catherine, tout d'abord, pourquoi, comment, la poésie ?
Depuis toujours je dirais. Je crois que mon désir de poésie remonte à ce moment décisif où l’apprentissage du langage m’a permis de comprendre que les mots faisaient exister les choses en les désignant. Or j’ai souvent ressenti un décalage entre le mot que l’on me proposait pour désigner une réalité et la façon dont je percevais cette réalité. J’aurais volontiers choisi d’autres mots si l’on m’en avait laissé la possibilité. J’en aurais volontiers inventé d’autres. Je presentais qu’une autre histoire, avec d’autres mots, pouvait s’écrire et qu’il m’appartiendrait un jour de le faire.
De ce premier élan est sans doute née la poésie. Et puis la poésie c’est aussi une manière d’être dans le monde, c’est un rapport avec la beauté, qui aiguise une sorte de vigilance et d’attention aux choses.
La poésie c’est d’abord cette ardeur ressentie très tôt dans l’enfance qui ne m’a jamais quittée, un élan pour réduire la distance avec le monde, les êtres, les émotions, m’approcher au plus près des choses, tenter de toucher le mystère. Les mots mystère et secret reviennent d’ailleurs souvent dans mes textes. C’est l’insaisissable qui m’anime.
La poésie je crois, c’est se positionner dans le mystère.
Tu as permis de faire découvrir la voix essentielle d’Edouard Glissant, et de nombreux autres poètes. Peux-tu évoquer comment tout ceci est arrivé ?
A l’époque où je travaillais à France Culture (pendant plus de vingt ans) j’ai eu de nombreux dialogues avec des poètes. Avec des romanciers aussi, et des peintres également.
Edouard Glissant, en effet, chez qui poétique et politique sont adossées l’une à l’autre. Son œuvre s’est développée au carrefour de la pensée et de la poésie, dans un mouvement d’émancipation poétique et politique (au sens large du terme) d’une grande puissance que j’ai très vite reconnu et voulu contribuer à faire entendre au plus grand nombre.

#64secondes c'est le bonus de #64minutes avec Catherine Pont-Humbert, TV5 Monde.

Mais aussi Andrée Chédid, elle pour qui le mot fraternité était un mot de passe, elle chez qui la réconciliation entre les contraires dominait toujours, elle m’est vite apparue comme une poète du cœur et du corps. Cette dimension « incarnée » de la poésie étant une des caractéristiques de ce que j’écris.
Je crois que cette époque de la radio a tout simplement nourri et enrichi un terreau sur lequel a poussé ma poésie.
En plus des rencontres avec des écrivains qui m’ont marquée (il faudrait ici ajouter le nom d’Henry Bauchau au nombre de ces rencontres marquantes), il y a eu les voyages nombreux qui ont entretenu la nécessité de l’écriture. Partout où je suis allée j’ai gardé l’écriture avec moi (Les lits du monde). Le monde m’a appelée. Je me suis frottée aux différences, et notamment aux diversités des langues, expérience fondamentale pour moi.
Dans quelles conditions as-tu écrit ton dernier livre, Quand les mots ne tiennent qu’à un fil - Épopée poétique ?
Dans la réclusion absolue, condition indispensable pour me permettre de terminer un livre. Je dois pouvoir me détacher de tout ce qui constitue mes repères habituels pour achever un livre.
Au-delà de cette réponse factuelle, je crois que ce livre là, je le porte depuis des années. Il s’est nourri de toutes les expériences que les langues et les mots ont pu m’offrir, de toutes les « initiations » qu’ils m’ont apportées.
Il y a chez moi une sorte d’obstination à vouloir creuser, à forer sans cesse le langage, à chercher ce qu’il y a dessous que ce livre restitue bien.
L’interrogation sur les mots, sur le langage traverse de bout en bout Quand les mots ne tiennent qu’à un fil.

Pourquoi une épopée ?
Parce qu’il s’agit d’un voyage dans les mots, avec les mots, qui prend en charge aussi bien le temps que l’espace.
Le poème rejoint l’absence de temps déterminé et d’espace contenu. Il traverse le temps, le fait exploser, et enjambe les lieux clos pour ouvrir des étendues infinies.
Je tire un fil sur lequel les mots viennent s’arrimer pour entrainer dans leur sillage. Il y a un foisonnement de l’épopée qui me plait, et une vitalité aussi qui renvoie aussi bien à l’enfance qu’à l’ailleurs.
En quoi Quand les mots ne tiennent qu’à un fil constitue un tournant dans ton œuvre ?
Mais je crois que chacun des livres que je publie constitue un tournant !... parce que chacun représente une aventure. Pour répondre plus précisément, d’un point de vue formel, c’est la première fois que j’écris un livre de prose poétique. Conçu en sept chapitres avec un prologue et un épilogue, Quand les mots ne tiennent qu’à un fil déploie un récit qui le rapproche de formes littéraires hybrides, là où prose et poésie se rencontrent, se bousculent, se relient.
Pratiquer le mélange des genres, décloisonner les esthétiques est important. Je me rends disponible à chacune des formes.

Catherine Pont-Humbert, Quand les mots ne tiennent qu'à un fil, épopée poétique, éditions La Teêt à l'Envers, 2025.

Et maintenant, une autre étape sur ce chemin incontournable qu’est l’écriture ?
Oui, deux projets très différents, un livre de poésie versifié d’une part, et un récit consacré à un peintre de l’autre. Un livre qui essaie de se confronter à une question : comment mettre des mots sur une œuvre picturale, la peinture est muette ou plutôt elle est une parole qui se tait. Alors j’essaie de toucher le silence, ce silence qui donne accès à l’invisible… Mais ces deux projets sont encore trop embryonnaires pour que je puisse en parler vraiment.

Présentation de l’auteur

Catherine Pont-Humbert

Catherine Pont-Humbert est écrivaine, poète, journaliste littéraire, lectrice et conceptrice de lectures musicales.

Productrice à France Culture de 1990 à 2010, elle y a réalisé de très nombreux grands entretiens (« A voix nue ») et documentaires. Depuis, elle programme et anime des rencontres littéraires à l’occasion de festivals de littérature en France et dans des pays francophones.

Elle est titulaire d’un doctorat de lettres modernes portant sur la littérature du Québec qui lui a valu une bouse de recherche du Conseil des Arts du Canada. Elle a vécu à Montréal.

Elle est par ailleurs membre du comité de rédaction de la revue Apulée (dirigée par Hubert Haddad) depuis sa création, membre de l’équipe du Festival de poésie de Sète, et membre du comité de direction du PEN Club français.

Bibliographie 

Elle est l’auteur d’essais, de récits, et de livres de poésie. Elle a notamment publié Carnets de Montréal, éditions du Passage, 2016, La Scène (récit), éditions Unicité, 2019, Légère est la vie parfois (poésie), éd. Jacques André, 2020, Les Lits du monde (poésie), éditions la rumeur libre, 2021, Chemins (livre d’artiste avec des encres de Jean-Luc Guinamant), éditions Transignum 2022, Noir printemps (poésie), éditions la rumeur libre, 2023, Quand les mots ne tiennent qu’à un fil. Une épopée poétique (prose poétique), éditions La tête à l’envers, 2025 (prix Vénus Khoury-Ghata, première sélection du prix Mallarmé).

Sa poésie est parue en revues (Apulée, Les cahiers du sens, Siirden, Verso, Concerto pour marées et silence, Recours au poème), dans des anthologies (« Feu » éditions Henry, « Du corps du poète au corps poétique » jeudidesmots.com, « Europoesia », « l’Athanor des poètes », « Voix vives de Méditerranée » …). Elle est régulièrement invitée dans des festivals de poésie en France et à l’étranger.

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Catherine Pont-Humbert, Noir printemps

Rester présent aux pulsations du monde, vivre un corps à corps fébrile avec chaque instant, l’accueillir dans la subtilité de toutes ses nuances… Car chacun de nous appartient à cette vie, avec sa place, si éphémère soit-elle. Et donc il ne faut rien perdre, pas une seule des notes qu’elle nous donne à entendre. Dans Les lits du monde et Légère est la vie parfois, Catherine Pont-Humbert emportait déjà ses lecteurs dans une exploration de l’intime, avec les frôlements et les ravissements que procure tout ce qui se tisse d’heure en heure, où que nous soyons, pour peu que nous y prêtions attention.

La poète poursuit avec Noir printemps une quête menée sur un fil tout en acuité, où elle cherche à saisir l’en-deçà de nos pas.  Château de signes /Assiégé de fissures / Le monde est vieux, écrit-elle, dans un regard qui embrasse ce qui nous a précédés. S’ouvrir à ce qui vient n’est pas simple abandon, mais plutôt un chemin recommencé dans la conscience de ce qui se franchit d’un être à un autre, d’une mémoire à une autre. Bras noués / Dos percé de mille flèches / Front barré / Pieds minés de crevasses

Si le monde est entassement de quêtes, d’espoirs et de blessures, il est d’abord le lieu que nous habitons ici et maintenant, en tant qu’êtres humains. Et c’est à l’intérieur de cet espace que la poète rejoint l’émotion de ce qui vit et palpite en chacun de nous. Sans épuiser cette fragilité qui nous fait / Nous avançons sur le fil commun de nos échanges Alléger le poids du monde et demeurer conscient de notre vulnérabilité préserve un émerveillement, dont l’expérience première remonte à l’enfance. Nous en gardons la mémoire, en même temps que l’aptitude à l’éprouver de nouveau, même si nous tendons souvent à l’oublier. La poète nous rappelle que nous sommes les danseurs du ballet d’un royaume millénaire.  Notre refus d’en quitter la scène est aussi notre force, celle de tous ces désirs qui persistent en nous, êtres minuscules / Avides, têtus, violents / Installés dans leur souffrance Choisir de désirer, de garder intacte la capacité d’attendre et de recommencer sans faiblir est constitutif de notre humanité. 

Catherine Pont-Humbert, Noir printemps, La rumeur libre, collection Plupart du temps, 2023, 64 pages, 14 €.

C’est dans ces profondeurs que nous puisons l’énergie de continuer, autant que d’éprouver aussi de la joie. Guetter les émois, les tremblements / Invincibles et lointains / Goûter les mots un à un / Les mâcher en silence, écrasés sous la langue / Matin et soir / Soir et matin Bien que nous soyons de minuscules humains, notre entêtement à vivre, la confiance placée dans un sablier du temps qui est dilué d’or peuvent nous sauver.

La poète nous rappelle à tous ces petits riens, grains de sable où mirer l’immensité, où balayer la somme des échecs et des déceptions pour apercevoir plus loin devant la beauté et tenter un bref instant de déchiffrer l’opacité qui enveloppe notre présence.

Un très beau recueil qui nous touche en plein cœur.

Présentation de l’auteur

Catherine Pont-Humbert

Catherine Pont-Humbert est écrivaine, poète, journaliste littéraire, lectrice et conceptrice de lectures musicales.

Productrice à France Culture de 1990 à 2010, elle y a réalisé de très nombreux grands entretiens (« A voix nue ») et documentaires. Depuis, elle programme et anime des rencontres littéraires à l’occasion de festivals de littérature en France et dans des pays francophones.

Elle est titulaire d’un doctorat de lettres modernes portant sur la littérature du Québec qui lui a valu une bouse de recherche du Conseil des Arts du Canada. Elle a vécu à Montréal.

Elle est par ailleurs membre du comité de rédaction de la revue Apulée (dirigée par Hubert Haddad) depuis sa création, membre de l’équipe du Festival de poésie de Sète, et membre du comité de direction du PEN Club français.

Bibliographie 

Elle est l’auteur d’essais, de récits, et de livres de poésie. Elle a notamment publié Carnets de Montréal, éditions du Passage, 2016, La Scène (récit), éditions Unicité, 2019, Légère est la vie parfois (poésie), éd. Jacques André, 2020, Les Lits du monde (poésie), éditions la rumeur libre, 2021, Chemins (livre d’artiste avec des encres de Jean-Luc Guinamant), éditions Transignum 2022, Noir printemps (poésie), éditions la rumeur libre, 2023, Quand les mots ne tiennent qu’à un fil. Une épopée poétique (prose poétique), éditions La tête à l’envers, 2025 (prix Vénus Khoury-Ghata, première sélection du prix Mallarmé).

Sa poésie est parue en revues (Apulée, Les cahiers du sens, Siirden, Verso, Concerto pour marées et silence, Recours au poème), dans des anthologies (« Feu » éditions Henry, « Du corps du poète au corps poétique » jeudidesmots.com, « Europoesia », « l’Athanor des poètes », « Voix vives de Méditerranée » …). Elle est régulièrement invitée dans des festivals de poésie en France et à l’étranger.

Autres lectures

Catherine Pont-Humbert, légère est la vie parfois

 « En ce temps-là mon nom / n'avait pas encore été prononcé / La poésie dormait dans les limbes » : à cette origine dans « l'ombilic des limbes », Catherine Pont-Humbert rend grâce en renouant avec la [...]

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Catherine Pont-Humbert, Poèmes

Il existe des lieux de songe
Des lieux clairs et secrets
Où se fabrique l’imaginaire

Il existe des lieux sauvages
Où une langue intime nous tire de nous-même

Des lieux qui nous entraînent sur des chemins imprévus
Nous relient à la présence invisible du monde

Il existe des lieux bouleversants qui guérissent et qui sauvent
Des lieux par lesquels se consoler de notre condition

*

L’océan s’est dressé en murailles d’écume, dérobant l’horizon

Sa voix m’est parvenue
Il était là, poitrine luisante d’une pluie furieuse
Les yeux dilatés par l’orage
Ses cheveux noirs ruisselaient sur mes seins
Des avalanches d’eau frappaient nos corps, battaient nos peaux glacées

Il était la terre où j’accosterai
Le pli de mer qui marquerait mon horizon

Dans un envol pesant, les mouettes ont tournoyé en s’insultant
La mer s’est retirée
Tout son sel collé sur lui

*

La joie explose
Lumière intérieure qui se déverse au grand jour
Se répand en gouttes claires

Une étoile filtre dans le regard
A surprendre son éclat, on se sent troublé

On croit toucher le secret du monde
Ce lointain message parfois lancé jusqu’à nous

 

Extraits de Légère est la vie parfois, Jacques André éditeur, 2020

∗∗∗

La page blanche

Une page blanche s’étire devant moi
Draps lissés, tendus du lit

Plage infinie, ouverte aux vents de mon rêve
Offerte à mes divagations

J’ouvre le lit intact, immaculé
Pages vierges du livre à venir

Parfaite blancheur, vertige du vide qui m’appelle

Aveuglée, je caresse la surface luisante qui m’attend

Je peux enfin entrer dans le livre
Me glisser entre ses draps
Renouer avec les mots perdus

*

 Au chevet des lits

La solitude du premier livre, je la garderai à jamais

J’étais seule et je voulais embrasser la mémoire du monde

De ville en ville
De lit en lit
Le livre a grandi
Dans le geste lent et maladroit du mot balbutiant

Au chevet des lits du monde où je me suis glissée
J’ai laissé quelques traces
Elles attestent ma présence
Elles disent que j’ai bien dormi là

J’ai dormi dans tant de lits
J’ai emprunté tant de chemins pour arriver jusqu’à moi

*

L’attente

Ecrire c’est attendre
Attendre que les mots surgissent

Egrenés au fil des heures lentes
Etirés vers une invisible frontière

Perles d’un patient collier
Ils roulent dans les embrasures de la nuit

Ne pas les laisser tomber par inadvertance
Ne pas trop les couver non plus

Ephémère construction riche de ses seuls doutes

Ils mordent la chair du rêve

Dans le buisson du sommeil
Ils s’envolent sans un cri

Au matin, les mots renaissent sauvages et impétueux
Enigme du souffle toujours présent
Aussi fragiles qu'un songe chevauchant le petit matin
Avant de se perdre dans un ailleurs broussailleux

Ils glissent sur l’or des fenêtres
Tissent un voile somptueux au banquet du jour

Un chant s’invente avec eux
Avant de disparaître emporté par un vent mousseux

Brûlure de l’attente
Proche d’une extase filée de mots paresseux

Écrire c’est attendre

 

Extraits de Les lits du monde, éditions La Rumeur libre, 2021

Présentation de l’auteur

Catherine Pont-Humbert

Catherine Pont-Humbert est écrivaine, poète, journaliste littéraire, lectrice et conceptrice de lectures musicales.

Productrice à France Culture de 1990 à 2010, elle y a réalisé de très nombreux grands entretiens (« A voix nue ») et documentaires. Depuis, elle programme et anime des rencontres littéraires à l’occasion de festivals de littérature en France et dans des pays francophones.

Elle est titulaire d’un doctorat de lettres modernes portant sur la littérature du Québec qui lui a valu une bouse de recherche du Conseil des Arts du Canada. Elle a vécu à Montréal.

Elle est par ailleurs membre du comité de rédaction de la revue Apulée (dirigée par Hubert Haddad) depuis sa création, membre de l’équipe du Festival de poésie de Sète, et membre du comité de direction du PEN Club français.

Bibliographie 

Elle est l’auteur d’essais, de récits, et de livres de poésie. Elle a notamment publié Carnets de Montréal, éditions du Passage, 2016, La Scène (récit), éditions Unicité, 2019, Légère est la vie parfois (poésie), éd. Jacques André, 2020, Les Lits du monde (poésie), éditions la rumeur libre, 2021, Chemins (livre d’artiste avec des encres de Jean-Luc Guinamant), éditions Transignum 2022, Noir printemps (poésie), éditions la rumeur libre, 2023, Quand les mots ne tiennent qu’à un fil. Une épopée poétique (prose poétique), éditions La tête à l’envers, 2025 (prix Vénus Khoury-Ghata, première sélection du prix Mallarmé).

Sa poésie est parue en revues (Apulée, Les cahiers du sens, Siirden, Verso, Concerto pour marées et silence, Recours au poème), dans des anthologies (« Feu » éditions Henry, « Du corps du poète au corps poétique » jeudidesmots.com, « Europoesia », « l’Athanor des poètes », « Voix vives de Méditerranée » …). Elle est régulièrement invitée dans des festivals de poésie en France et à l’étranger.

Autres lectures

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Catherine Pont-Humbert, légère est la vie parfois

 « En ce temps-là mon nom / n'avait pas encore été prononcé / La poésie dormait dans les limbes » : à cette origine dans « l'ombilic des limbes », Catherine Pont-Humbert rend grâce en renouant avec la poésie des premiers instants rejoints par les strates d'une écriture au présent.

À retrouver les « mots délaissés », la vérité des expressions du passé remonte à la surface, souvenirs chargés de l'avenir du dire toujours...

« Une mémoire liquide s'est abattue sur moi / Tout a coulé en vagues / Ressac obsédant du temps » : dans ces replis balayés par l'oubli, lecteurs comme auteure découvrent la saveur des heures passagères portées à incandescence dans l'écrin des formules affluant de nouveau, mêlant désormais les poèmes anciens à la parole d'aujourd'hui.

Invitation à ce retour à la source, l'anaphore des infinitifs prescrit de se relier à l'aube étincelante, au matin souverain qui annonce cette « insoutenable légèreté de l'être », pour reprendre l'oxymore du titre du roman de Milan Kundera, moins pour sertir la plaisanterie de gravité que pour donner souffle au « bon côté de la vie », à « son versant lumineux » : « Toucher l'élémentaire / Retourner au torrent / Poser le pas sur le chemin / Rejoindre la vallée / Boire la rosée »

Catherine Pont-Humbert, légère est la vie parfois, coll. Poésie XXI, N° 61, Jacques André Éditeur, 54 pages, 13 euros.

Cette alchimie de la vitalité à même de transmuer le chagrin en joie, la négativité en positivité, fait de la douleur un prélude à l'ardeur. La fille qui affirme à sa mère : « J'ai fait de nos tragédies des souffles légers », dévoile la comédie de vivre, faisant le deuil des traumatismes et colorant des teintes du bonheur les multiples facettes du joyau de l'existence.

« La parole garde la solidité de la main / Et remercie » : gratitude rendue au cours des choses, hymne à la chair du monde, la plume de Catherine Pont-Humbert se glisse au fil des sensations pour mieux dire le don à l'autre dans l'acte d'amour comme l'indiquent les conseils de l'amante à l'amant.

« Soyez mon amant / Soyez l'homme fin / Qui glisse sous le drap / Soyez ce corps qui m'emporte », ces injonctions aux plaisirs à partager dans l'étreinte tressent les éloges de la différence dans l'art d'aimer qui forme l'apothéose d'un sens possible à la vie, miroir de l'autre en soi.

« Diversité, étrangeté, altérité / Je vous ai démasqués / Vous étiez en moi / Je l'ignorais » : cette ouverture aux multiples visages de l'altérité est une réponse de la poésie dans sa puissance d'évocation comme dans sa délicatesse fondatrice, un cri toujours contenu qui s'élève en chant intérieur, se déployant à la rencontre de ce qui advient, signature des derniers vers de ce recueil en ode à la légèreté à conquérir !

Présentation de l’auteur

Catherine Pont-Humbert

Catherine Pont-Humbert est écrivaine, poète, journaliste littéraire, lectrice et conceptrice de lectures musicales.

Productrice à France Culture de 1990 à 2010, elle y a réalisé de très nombreux grands entretiens (« A voix nue ») et documentaires. Depuis, elle programme et anime des rencontres littéraires à l’occasion de festivals de littérature en France et dans des pays francophones.

Elle est titulaire d’un doctorat de lettres modernes portant sur la littérature du Québec qui lui a valu une bouse de recherche du Conseil des Arts du Canada. Elle a vécu à Montréal.

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Sa poésie est parue en revues (Apulée, Les cahiers du sens, Siirden, Verso, Concerto pour marées et silence, Recours au poème), dans des anthologies (« Feu » éditions Henry, « Du corps du poète au corps poétique » jeudidesmots.com, « Europoesia », « l’Athanor des poètes », « Voix vives de Méditerranée » …). Elle est régulièrement invitée dans des festivals de poésie en France et à l’étranger.

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Catherine Pont-Humbert est une voix singulière dans le paysage poétique contemporain, dont la sensibilité et l’engagement se révèlent à travers une écriture à la fois raffinée et audacieuse. Figure incontournable pour ceux qui, [...]