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Jean-Pierre Vidal, Fille du chemin

Avant de parler du nouveau texte de Jean-Pierre Vidal il convient d’évoquer son livre précédent, un recueil également publié aux éditions Le Silence qui roule de Marie Alloy ; il s’y passe déjà une rencontre, celle entre le vent et la couleur qui ont en commun la puissance. Ils sont tout un monde sous la dictée duquel le poète écrit.

Dans ce nouveau livre en partie en prose, la rencontre est celle de deux êtres vivants et, avant tout, il faut à propos de celui-ci laisser l’auteur parler lui-même. Il a eu l’occasion de dire :

J'aime beaucoup les grands poèmes narratifs italiens, par exemple La Chambre de Bertolucci, certains poèmes de Mario Luzi, en prose (Trames) ou en vers, et je considère bien des récits d'André Dhôtel comme des poèmes. Textes inclassables... Prose poétique, oui, je l'espère. Après tout c'est au lecteur de le dire.

 

Jean-Pierre Vidal, Fille du chemin, éditions le Silence qui roule, 2024.

Certaines constations faites ici conduiront à affirmer qu’il s’agit bien de poésie et que cet ouvrage est bien aussi un recueil.

L’opus est placé sous l’égide de Robert Marteau, le poète des sonnets dont on lit cette citation : « …Intense viridité de l’amour inaccompli… »

La délicatesse de l’incipit liée à un échange inattendu dans le plaisir de la marche est à elle-même en effet d’ordre poétique ; l’économie de mots dans ce constat en est une de plus :

 l’autre était là, simplement, et c’était bien… et il en était ainsi depuis toujours…nous allions de concert.

S’engage ensuite une analyse très fine - avec son champ lexical abstrait de sentiments - de cette compagnie réciproque dont « l’inflexion » des voix rappelle celle des poètes.

La nuit innocente que passent ensemble le narrateur et la femme donne lieu à une aussi belle définition que le style du reste de ces pages de « prose » : « alors que…nous était perceptible l’irréductible et belle distance entre les vivants du monde », longue période qui s’achève par « un frisson du corps dans la nuit » ; ce partage supérieur entre écart et proximité des corps - « se repaître du monde… dans la bienheureuse proximité d’un autre mortel plutôt que dans l’isolement amer » est ici magnifié et participe de « l’ordre du monde ».

Les pages suivantes sont d’une pureté sans égale. La nudité décrite, les « corps intègres » ne sont « ni proies, ni prédateurs ». « Avec le monde comme jardin » on peut à coup sûr parler de prose poétique et le lecteur se réjouit d’avancer vers d’autres découvertes animées par « l’énergie divine ».

Le corps « comme part du paysage », le visage « comme un livre qui a la légèreté d'une feuille » : délicates notations pour un « absolu » anonyme et éphémère qui termine cette première partie éponyme du titre. Le désir finalement n'y aura été que celui du chemin et du rythme de la marche. Ni l'émotion ni « la culture » ni même « la pensée » n'en parasitent les instants. Seul ainsi comptent « le passage » et l'imaginaire face à une réalité où la liberté de chacun est restée vive. Les trois poèmes qui suivent intitulés Dans la chambre nue prouvent bien quel genre d'écrivain Jean-Pierre Vidal montre qu’il est depuis l'incipit. Un poète qui apporte un souffle nouveau avec toujours une dentelle de mots : « C’est par vagues la souvenance de toi ».

Puis viennent des pages dont les titres sont Présente et préservée et Si l’autre se donne et qui sont consacrées à des paragraphes ayant la même force que des versets. On y retrouve le thème de la pureté de la rencontre : « Pas de fauve dans ce livre heureux » et la question de savoir si le « récit » est commun entre deux êtres reliés par l’imaginaire d’une relation restée désir. La réflexion, monologue intérieur ponctué de questions, se fait incantatoire et ramène l’auteur à la question de l’écriture :

 

Ecrire, c’est souffler sur le feu frêle ou puissant que le monde nous propose. Se préparer à le voir, ce feu d’un visage, ce regard, d’une courbe, d’une voix.

Et dans cette vision libre et pure, sans passion, mais dans « une confiance absolue… qui leur donne un sentiment d’éternité » ils ne se perdent pas, ils se trouvent.

Il n’y a plus un homme et une femme mais deux êtres humains ce qui réjouit le narrateur :

 Je nage dans cette merveille que m’offre l’accord obtenu sans mots par l’acte de chacun.

A part un passage de nouveau en prose l’opus s’achève sur trois pages poétiques ; on retiendra, pour finir, de celles-ci une strophe qui résume la rencontre et son présent idéal :

L’un et l’autre simplement là
Où ils sont
Ni ensemble ni séparés
Là au même moment
Sans attente et sans promesse

 

Présentation de l’auteur

Jean-Pierre Vidal

Jean Pierre Vidal est un poète français qui a vécu à Lyon. Il a collaboré à de nombreuses revues : Verso, Aires, Faire part, Théodore Balmoral, Chef-lieu, La Nouvelle Revue française, Sud, Recueil, Arpa, La Sape, Le Paresseux, Écriture... 

© Wikipedia, Jean Pierre Vidal, 2014.

Alentour de Philippe Jaccottet, numéro spécial préparé par André Ughetto et Jean Pierre Vidal, Sud, 19891

Philippe Jaccottet Pages retrouvées - Inédits - Entretiens - Dossier critique - Bibliographie, Payot Lausanne, 19892.

Feu d'épines, Le Temps qu'il fait, 19933.

La Fin de l'attente, Le Temps qu'il fait, 19954.

Du Corps à la ligne, avec des estampes de Marie Alloy, Le Silence qui roule, 20005.

Vie sans origine, avec des estampes de Marie Alloy, Les Pas perdus, 2003.

Thanks, avec des estampes de Marie Alloy, Le Silence qui roule, 20106.

Gravier du songe, avec des estampes de Marie Alloy, Le Silence qui roule, 2011.

Le Jardin aux trois secrets, avec des estampes de Marie Alloy, Le Silence qui roule, 2015.

Exercice de l'adieu, Le Silence qui roule, 2018.

Passage des embellies, image de Marie Alloy, Arfuyen, 2020.

Philippe Jaccottet, Une transaction secrète : lectures de poésie, Gallimard, 1987

Philippe Jaccottet, Écrits pour papier journal : chroniques 1951-1970, textes réunis et présentés par Jean-Pierre Vidal, Gallimard, 19947

Philippe Jacottet, Tout n'est pas dit : billets pour La Béroche, 1956-1964, Cognac, le Temps qu'il fait, 19

Poèmes choisis

Autres lectures

Chronique du veilleur (41) : Jean-Pierre Vidal

« Elans, interruptions », le titre de la cinquième partie du nouveau livre de Jean-Pierre Vidal pourrait être une bonne entrée pour parler de Passage des embellies, œuvre d’une richesse surprenante, voire heureusement déconcertante. Il [...]

Jean Pierre Vidal, Le vent la couleur

Objets d’une publication initiale aux éditions Le Temps qu’il fait, ces poèmes ont longtemps patienté sous le boisseau de l’indifférence avant que Marie Alloy, éditrice avisée, ne les mettent à nouveau en lumière. [...]

Jean Pierre Vidal, Le vent la couleur

Objets d’une publication initiale aux éditions Le Temps qu’il fait, ces poèmes ont longtemps patienté sous le boisseau de l’indifférence avant que Marie Alloy, éditrice avisée, ne les mettent à nouveau en lumière. [...]

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Avant de parler du nouveau texte de Jean-Pierre Vidal il convient d’évoquer son livre précédent, un recueil également publié aux éditions Le Silence qui roule de Marie Alloy ; il s’y passe déjà une [...]




Jean Pierre Vidal, Le vent la couleur

Objets d’une publication initiale aux éditions Le Temps qu’il fait, ces poèmes ont longtemps patienté sous le boisseau de l’indifférence avant que Marie Alloy, éditrice avisée, ne les mettent à nouveau en lumière.

Bien lui en a pris car nous voilà du même coup pris dans un exercice salutaire d’introspection désintéressée et tout à fait essentielle, au cours de laquelle le poète ne s’attache qu’à une chose : faire le jeu de l’instant. Autrement dit, c’est bien la question du sens de nos vies et de l’écriture qui est posée, sans autre réponse que le mystère des mots en forme d’ostinato et de résonance à la voix insondable du vent. Jean Pierre Vidal a recours à une grande économie de moyens. Pas d’effets ni de lyrisme, et encore moins d’artifices. Rien que le nécessaire, pour dire toute la précarité de la vie humaine face à ce qui la dépasse. Car ne nous y trompons pas, Vent et couleur / ne sont pas matière de mémoire. Certes. Mais nous nous souvenons / du soleil d’Hiroshima / du vent glacé d’Auschwitz. C’est la dualité du monde qui donne souffle au poème. Le chaud, le froid. L’éphémère et l’éternité. La vie, la mort. Et puis la couleur et le vent qui transcendent toute chose, en tant que métaphores à l’unisson, basses continues de la symphonie du monde et de l’existence. S’il est une chose à retenir, c’est sans doute que Le vent nous dit qu’une digue / doit se rompre en nous, rien de moins. La peur de mourir, le désir d’aimer, la vanité du poète alors que les mots dont il dispose ne sont pas sa propriété ? L’angoisse de la perte de l’âme ? Sans doute, et peut-être bien d’autres choses encore.

Jean-Pierre Vidal, Le Vent la couleur, Le silence qui roule, collection Poésie du silence, 2021, 100 pages, 13 €.

Qui écrit veut se survivre, nous dit Jean Pierre Vidal, tout en soulignant la vanité de l’entreprise. En ayant conscience du poids de l’illusion et aussi de sa nécessité vitale. Interrogation spirituelle ? Avant tout poème, pour dire le désir de vivre et d’être au monde, entre la peinture et le vent, avec au cœur la certitude qu’il n’est pas d’autre voie.

Présentation de l’auteur

Jean-Pierre Vidal

Jean Pierre Vidal est un poète français qui a vécu à Lyon. Il a collaboré à de nombreuses revues : Verso, Aires, Faire part, Théodore Balmoral, Chef-lieu, La Nouvelle Revue française, Sud, Recueil, Arpa, La Sape, Le Paresseux, Écriture... 

© Wikipedia, Jean Pierre Vidal, 2014.

Alentour de Philippe Jaccottet, numéro spécial préparé par André Ughetto et Jean Pierre Vidal, Sud, 19891

Philippe Jaccottet Pages retrouvées - Inédits - Entretiens - Dossier critique - Bibliographie, Payot Lausanne, 19892.

Feu d'épines, Le Temps qu'il fait, 19933.

La Fin de l'attente, Le Temps qu'il fait, 19954.

Du Corps à la ligne, avec des estampes de Marie Alloy, Le Silence qui roule, 20005.

Vie sans origine, avec des estampes de Marie Alloy, Les Pas perdus, 2003.

Thanks, avec des estampes de Marie Alloy, Le Silence qui roule, 20106.

Gravier du songe, avec des estampes de Marie Alloy, Le Silence qui roule, 2011.

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Exercice de l'adieu, Le Silence qui roule, 2018.

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Philippe Jaccottet, Une transaction secrète : lectures de poésie, Gallimard, 1987

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Objets d’une publication initiale aux éditions Le Temps qu’il fait, ces poèmes ont longtemps patienté sous le boisseau de l’indifférence avant que Marie Alloy, éditrice avisée, ne les mettent à nouveau en lumière.

Bien lui en a pris car nous voilà du même coup pris dans un exercice salutaire d’introspection désintéressée et tout à fait essentielle, au cours de laquelle le poète ne s’attache qu’à une chose : faire le jeu de l’instant. Autrement dit, c’est bien la question du sens de nos vies et de l’écriture qui est posée, sans autre réponse que le mystère des mots en forme d’ostinato et de résonance à la voix insondable du vent. Jean Pierre Vidal a recours à une grande économie de moyens. Pas d’effets ni de lyrisme, et encore moins d’artifices. Rien que le nécessaire, pour dire toute la précarité de la vie humaine face à ce qui la dépasse. Car ne nous y trompons pas, Vent et couleur / ne sont pas matière de mémoire. Certes. Mais nous nous souvenons / du soleil d’Hiroshima / du vent glacé d’Auschwitz. C’est la dualité du monde qui donne souffle au poème. Le chaud, le froid. L’éphémère et l’éternité. La vie, la mort. Et puis la couleur et le vent qui transcendent toute chose, en tant que métaphores à l’unisson, basses continues de la symphonie du monde et de l’existence. S’il est une chose à retenir, c’est sans doute que Le vent nous dit qu’une digue / doit se rompre en nous, rien de moins. La peur de mourir, le désir d’aimer, la vanité du poète alors que les mots dont il dispose ne sont pas sa propriété ? L’angoisse de la perte de l’âme ? Sans doute, et peut-être bien d’autres choses encore. Qui écrit veut se survivre, nous dit Jean Pierre Vidal, tout en soulignant la vanité de l’entreprise. En ayant conscience du poids de l’illusion et aussi de sa nécessité vitale. Interrogation spirituelle ? Avant tout poème, pour dire le désir de vivre et d’être au monde, entre la peinture et le vent, avec au cœur la certitude qu’il n’est pas d’autre voie.

Jean Pierre Vidal, Le vent la couleur, Le Silence qui roule, 2021, 92 p, 13 €.

Présentation de l’auteur

Jean-Pierre Vidal

Jean Pierre Vidal est un poète français qui a vécu à Lyon. Il a collaboré à de nombreuses revues : Verso, Aires, Faire part, Théodore Balmoral, Chef-lieu, La Nouvelle Revue française, Sud, Recueil, Arpa, La Sape, Le Paresseux, Écriture... 

© Wikipedia, Jean Pierre Vidal, 2014.

Alentour de Philippe Jaccottet, numéro spécial préparé par André Ughetto et Jean Pierre Vidal, Sud, 19891

Philippe Jaccottet Pages retrouvées - Inédits - Entretiens - Dossier critique - Bibliographie, Payot Lausanne, 19892.

Feu d'épines, Le Temps qu'il fait, 19933.

La Fin de l'attente, Le Temps qu'il fait, 19954.

Du Corps à la ligne, avec des estampes de Marie Alloy, Le Silence qui roule, 20005.

Vie sans origine, avec des estampes de Marie Alloy, Les Pas perdus, 2003.

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Gravier du songe, avec des estampes de Marie Alloy, Le Silence qui roule, 2011.

Le Jardin aux trois secrets, avec des estampes de Marie Alloy, Le Silence qui roule, 2015.

Exercice de l'adieu, Le Silence qui roule, 2018.

Passage des embellies, image de Marie Alloy, Arfuyen, 2020.

Philippe Jaccottet, Une transaction secrète : lectures de poésie, Gallimard, 1987

Philippe Jaccottet, Écrits pour papier journal : chroniques 1951-1970, textes réunis et présentés par Jean-Pierre Vidal, Gallimard, 19947

Philippe Jacottet, Tout n'est pas dit : billets pour La Béroche, 1956-1964, Cognac, le Temps qu'il fait, 19

Poèmes choisis

Autres lectures

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« Elans, interruptions », le titre de la cinquième partie du nouveau livre de Jean-Pierre Vidal pourrait être une bonne entrée pour parler de Passage des embellies, œuvre d’une richesse surprenante, voire heureusement déconcertante. Il [...]

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Objets d’une publication initiale aux éditions Le Temps qu’il fait, ces poèmes ont longtemps patienté sous le boisseau de l’indifférence avant que Marie Alloy, éditrice avisée, ne les mettent à nouveau en lumière. [...]

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« Elans, interruptions », le titre de la cinquième partie du nouveau livre de Jean-Pierre Vidal pourrait être une bonne entrée pour parler de Passage des embellies, œuvre d’une richesse surprenante, voire heureusement déconcertante. Il y a 7 parties dans ce regroupement de proses méditatives et poétiques.

« Chants bibliques » en est l’ultime, et ce n’est évidemment pas un hasard. La toute dernière phrase nous saisit par sa puissance et sa portée spirituelle profonde :

 

                 C’est le désordre de l’amour qui fait du monde du figement ou de la manducation le lieu pur de la joie grave.

 

Jean-Pierre Vidal, Passage des embellies suivi de Thanks, Arfuyen, 13 €.

Les questions ne manquent pas ici, comme dans la vie ordinaire. Celles qui ont trait à l’amour, à l’autre, sont primordiales. Le silence leur répond souvent. Celui de Jean-Pierre Vidal résonne en nous, comme une vibration de l’âme qui a déjà tout dit et que l’écriture saisit avec une sûreté remarquable.

                     Ne sachant pas si je suis vivant, tu peux faire en cet instant même l’hypothèse de ma mort, accomplie ou prochaine, en tressaillir peut-être dans le fauteuil près de la fenêtre où tu lis le nouveau livre de ***. Ainsi, ne connaissant rien de sa vie, de ses jours, nous habitons chacun la mort de l’autre.

 

Le regard est parfois lui-même en question. On comprend que pour Jean-Pierre Vidal, compagnon de Marie Alloy, il soit inséparable de l’acte de peindre. Regard mystérieusement creusé par le poète, qui assiste à cette transmutation de l’objet devenu « part de l’esprit » :

 

                         On ne regarde rien. Ce sont les objets du monde qui nous « regardent », de toute éternité, leurs grands yeux invisibles nous cherchent et nous obtiennent. Cela me regarde, m’oblige à regarder.

 

Jean-Pierre Vidal aime l’art, et donc le monde des formes. Il écrit : Seule la forme peut donner vie à la parole, et donc à l’existence. Ce qui échappe à la forme est perdu pour la vie. Il n’y a donc, dans la vie, que la forme. La forme est, à vrai dire, la vie. On ne saurait exprimer mieux cet acte de foi dans ce qui élève l’homme et lui fait surmonter le tragique de son destin.

Croire en la création artistique, qu’elle soit picturale ou littéraire, c’est croire en l’éternel. Ce petit morceau d’éternité que nous parvenons à cerner, à sertir de mots et d’images, nous sauve à jamais. Passage des embellies est un haut témoignage de ce que peut rêver et accomplir l’artiste. Dans la première partie du livre, « L’acte éternel » est, à cet égard, une page majeure, où se révèle pleinement la qualité unique de pensée et d’écriture de Jean-Pierre Vidal :

 

                        Il y a dans une vie quelques actes éternels qui échappent à toute morale, à toute chronologie.  Ce sont des gestes, des situations muettes, parfois des  paroles dont la justesse brise, pour un moment  hors du temps, l’infinie théorie des mensonges.

 

Présentation de l’auteur

Jean-Pierre Vidal

Jean Pierre Vidal est un poète français qui a vécu à Lyon. Il a collaboré à de nombreuses revues : Verso, Aires, Faire part, Théodore Balmoral, Chef-lieu, La Nouvelle Revue française, Sud, Recueil, Arpa, La Sape, Le Paresseux, Écriture... 

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Philippe Jacottet, Tout n'est pas dit : billets pour La Béroche, 1956-1964, Cognac, le Temps qu'il fait, 19

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« Elans, interruptions », le titre de la cinquième partie du nouveau livre de Jean-Pierre Vidal pourrait être une bonne entrée pour parler de Passage des embellies, œuvre d’une richesse surprenante, voire heureusement déconcertante. Il [...]

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Objets d’une publication initiale aux éditions Le Temps qu’il fait, ces poèmes ont longtemps patienté sous le boisseau de l’indifférence avant que Marie Alloy, éditrice avisée, ne les mettent à nouveau en lumière. [...]

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Objets d’une publication initiale aux éditions Le Temps qu’il fait, ces poèmes ont longtemps patienté sous le boisseau de l’indifférence avant que Marie Alloy, éditrice avisée, ne les mettent à nouveau en lumière. [...]

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