Roselyne Sibille, Une libellule sur l’épaule

Roselyne Sibille depuis longtemps nous offre une poésie contemplative à déguster en silence, un silence descendu en nous grâce à ses mots  nous guidant vers une expérience et une qualité d’être au monde. Comme le souligne Florence Saint-Roch dans sa postface, suivre les pas de Roselyne, pas devenus mots par la magie de la complicité de la poétesse avec l’environnement traversé et observé, « suscite une joie merveilleusement surgie, qui nous enchante et devient notre respiration. »

Par la présence des rizières et de l’eau, le lecteur devine que les poèmes naissent de promenades et d’un séjour en Asie. Et se couler au fil de l’eau, devenir l’eau tient du prodige :

              On trouvera les passages dans les rêves  
              de la rivière

Et les passages on les trouve aussi grâce aux odeurs :

Seringats      sureaux
glycines        lilas

Grâce à leur parfum
nul besoin de plan
pour m’orienter

Roselyne Sibille, Une libellule sur l’épaule, Collection Grand Ours, éditions l’Ail des Ours, 70 pages, 8 euros, avec des Illustrations (très bleues !) de Sophie Rousseau et une postface de Florence Saint-Roch.

Toute sensation, tout ce qui passe par le corps, assimilé, vibré, est restitué en mots, y compris ce qu’absorbe ou ce dont se nourrit la poétesse, bien souvent le paysage, comme bu. Dans le livre il apparaît souvent gris et brumeux. L’élan du regard est celui de devenir, de se fondre avec la réalité des éléments, jusqu’à se mêler aux sèves des arbres, d’accéder à leurs cimes et au-delà, accéder au ciel, avec la conscience aigüe du cosmos qui le contient, auquel la poétesse se sent pleinement appartenir. Ainsi : les lieux deviennent de l’air. La magie de l’évaporation physique et météorologique va de pair avec la forme de lâcher prise et d’oubli de soi qu’atteint Roselyne Sibille en se promenant.

Dans ce livre il est aussi un autre enjeu, assumé, avoué : je cherche une écriture plus nombreuse. C’est l’enjeu d’une conscience augmentée, d’une métamorphose en langage poétique, celui d’une traduction :

Sur l’île de mes mots
le ciel est blanc
et la montagne attend

Si le thé devient mon encre
je pourrai peut-être
descendre dans la couleur

On ne le sait peut-être pas, mais Roselyne Sibille a suivi une formation de géographe avant de poursuivre une carrière de bibliothécaire. Elle voit donc des cartes géographiques dessinées par les lichens et les rocailles, mais l’alphabet est aussi incorporé dans la lecture du paysage, et de cette manière R.S. tient ensemble les deux bouts de ses inclinations pour habiter le monde en poète.

Oiseaux, lucioles, abeilles, grillons, sauterelles, libellules, ces apparitions merveilleuses matérialisent le jaillissement de la vie, ressenti à l’intérieur en même temps que vu, et qui est toujours associé à un besoin de le traduire en mots, qui passe par l’expérience de l’envol, du rapt, et c’est alors qu’un chant s’élève, la poétesse passe ensuite le relais :

Avec le reflet des nuages
      la grenouille rousse
          écrira le poème

Et c’est bien comme une intention discrète et toute en délicatesse qui se dessine derrière la poésie de Roselyne Sibille. En cheminant elle s’augmente, se dilate, s’envole, et nous augmente aussi par l’expérience que nous faisons en la lisant. Elle nous tend la main, pour qu’à notre tour nous cheminions et partagions ces sensations, ce sentiment à la fois paisible et exalté de rayonnement intérieur, jusqu’à atteindre une qualité d’être et de vivre tout en fluidité.

Page 25, la poétesse affirme : la nature écrit.  Et c’est bien ce que les Indiens d’Amérique et les peuples autochtones nous rappellent, eux qui le savent depuis la nuit des temps. Il faut savoir lire les signes qu’elle nous montre, lire son histoire à même la végétation, les roches et leurs accidents, ils sont des témoins, ils racontent d’anciennes histoires, des histoires dont nous sommes le résultat et nous savons l’importance pour l’humain de savoir d’où il vient afin de choisir où il va. Comme le dit R.S. très justement, cette histoire est écrite par l’effet du temps qui passe : Le temps signe.

Il y a parfois comme des notes discrètes de mélancolie dans ce livre, avec la conscience plus large d’un monde en souffrance :

L’âpreté de l’histoire
s’est enfoncée entre les pierres
La montagne respire doucement

Sur la planète en pleurs
la lune passe sa douce main
Je tourne vers elle mon visage

Parfois le poème témoigne de ce que d’aucuns appelleraient hallucinations visionnaires :

La pleine lune
a étendu ses draps entre les arbres

 Sa lumière coule dans la rivière avec les mots
frissonne
crée et perd le poème

En conclusion, je dirais qu’à l’instar de Roberto Juarroz, un poète que R.S admire, elle nous offre une poésie verticale, limpide ; et dans les tumultes belliqueux du monde, elle nous offre un espace d’apaisement, sinon de  guérison.

Présentation de l’auteur

Roselyne Sibille

Roselyne Sibille est née en 1953 en provence  elle vit. Géographe de formation, bibliothécaire. Elle est écrivain de voyages et poète

Elle co-crée avec de nombreux artistes, fait des lectures musicales et participe à des expositions.
Ses poèmes ont été traduits en anglais, allemand, espagnol, italien, tchèque, écossais, et en quatre langues de l'Inde (hindi, bengali, tamil, manipuri).

Bibliographie

  • Au chant des transparences - Lavis de BANG Hai Ja  - Éd. Voix d’encre - 2001
  • Éclats de Corée  in Anthologie Triages - Éd. Tarabuste - 2002
  • Versants – Préface Jamel Eddine BENCHEIKH  - Éd. Théétète - 2005
  • Préludes, fugues et symphonie - Ed. Rapport d’étape - 2006
  • Tournoiements - Éd. Champ social - 2007
  • Un sourire de soleil - Photos Hélène SIMMEN - Trad. Masami UMEDA - Edition japonaise bilingue - 2007
  • Par la porte du silence - Peintures BANG Hai Ja - Trad. Michael FINEBERG / MOON Young-Houn - Edition coréenne trilingue - 2009
  • Lumière froissée - Encres Liliane-Ève BRENDEL - Éd. Voix d’encre - 2010
  • Implore la lumière, peintures de Sylvie Deparis, Éditions SD - 2011
  • L'appel muet, Éditions La Porte - 2012
Roselyne Sibille

Publications en revue

  • 1998 - Éclats de Corée - Revue Culture coréenne49 et 50
  • 2003 - Trois jours d’avant-printemps au temple des sept Bouddhas - Revue Culture coréenne n°64
  • 2010 - in Anthologie poétique « Terres de femmes »
  • 2010 - Calmes aventures au Pays du Matin Calme - Revue Culture coréenne n°80
  • 2011 - Les points cardinaux du temps - Revue Terre à ciel
  • 2011 - L'Ombre-monde - extraits (traductions en anglais) - Revue Pratilipi
  • 2011 - Les marchés de Corée : un présent multiple - Revue Culture coréenne n°84
  • 2012 - L'Ombre-monde - extraits (traductions en anglais) - Revue Asymptote
  • 2012 - Entre sable et ciel - Revue Qantara n°85 (Institut du monde arabe - Paris)




Roselyne Sibille, L’ombre est une ligne de crête

L'ombre est une ligne de crête
fissurée de lave et d'impossible

Elle griffe son appui illisible sur le ciel écorché

Pour acheminer le noir
         – sa partition verticale –
un pont craquelé enroule écailles et copeaux

L'autre moitié de l'ombre est granulée de neige bleue

Dans ce livre de cendres
aucune parallèle n'attend le ressac

Tu sais le gouffre derrière l'œilleton
      suspends ta signature
      au liseré des lèvres de l'ombre

 

The shadow is a ridgeline
splintered by lava and impossibility

It scores its illegible brace on the grazed sky

To transport darkness
           – its vertical screen –
a splintered bridge reels in shells and shavings

The other half of the shadow is grained with blue snow

In this book of ashes
no meridians await the surf

You know the chasm behind the peephole
         Dangle your signature
         to the edges of the shadows’ lips

Traduction Karthika Naïr

Présentation de l’auteur

Roselyne Sibille

Roselyne Sibille est née en 1953 en provence  elle vit. Géographe de formation, bibliothécaire. Elle est écrivain de voyages et poète

Elle co-crée avec de nombreux artistes, fait des lectures musicales et participe à des expositions.
Ses poèmes ont été traduits en anglais, allemand, espagnol, italien, tchèque, écossais, et en quatre langues de l'Inde (hindi, bengali, tamil, manipuri).

Bibliographie

  • Au chant des transparences - Lavis de BANG Hai Ja  - Éd. Voix d’encre - 2001
  • Éclats de Corée  in Anthologie Triages - Éd. Tarabuste - 2002
  • Versants – Préface Jamel Eddine BENCHEIKH  - Éd. Théétète - 2005
  • Préludes, fugues et symphonie - Ed. Rapport d’étape - 2006
  • Tournoiements - Éd. Champ social - 2007
  • Un sourire de soleil - Photos Hélène SIMMEN - Trad. Masami UMEDA - Edition japonaise bilingue - 2007
  • Par la porte du silence - Peintures BANG Hai Ja - Trad. Michael FINEBERG / MOON Young-Houn - Edition coréenne trilingue - 2009
  • Lumière froissée - Encres Liliane-Ève BRENDEL - Éd. Voix d’encre - 2010
  • Implore la lumière, peintures de Sylvie Deparis, Éditions SD - 2011
  • L'appel muet, Éditions La Porte - 2012
Roselyne Sibille

Publications en revue

  • 1998 - Éclats de Corée - Revue Culture coréenne49 et 50
  • 2003 - Trois jours d’avant-printemps au temple des sept Bouddhas - Revue Culture coréenne n°64
  • 2010 - in Anthologie poétique « Terres de femmes »
  • 2010 - Calmes aventures au Pays du Matin Calme - Revue Culture coréenne n°80
  • 2011 - Les points cardinaux du temps - Revue Terre à ciel
  • 2011 - L'Ombre-monde - extraits (traductions en anglais) - Revue Pratilipi
  • 2011 - Les marchés de Corée : un présent multiple - Revue Culture coréenne n°84
  • 2012 - L'Ombre-monde - extraits (traductions en anglais) - Revue Asymptote
  • 2012 - Entre sable et ciel - Revue Qantara n°85 (Institut du monde arabe - Paris)




Roselyne Sibille : Entre les braises

Aux limites de l’humainement supportable, la mort d’un fils. Face à l’irréparable, la stupeur d’une mère « incluse dans le plomb », l’incompréhension : « Je me cogne/dans chaque mur/du labyrinthe », l’indicible chagrin : « Ça brûle-serre-mouille-creuse les yeux-gorge-désespoir ».

Pour autant, Entre les braises n’est ni une mélopée funèbre, ni un lamento. Si le cri « impossible » déchire la gorge, dans la tête et sur la page ne règne d’abord qu’un immense silence blanc. Roselyne Sibille, si profondément mère, si subtilement poète, est aux prises avec l’impensable : comment dire, comment écrire avec justesse cet inconcevable qui n’a pas de mots et que la vérité, pourtant, exige qu'on exprime sans détour : «On ne l’a pas perdu. Il s’est suicidé». Impitoyable, la mort disperse celui qui a disparu (dispersion que vient redoubler l’éparpillement de ses cendres dans le vent), dissout les images et les souvenirs – désassemble celle qui, « dépouillée », « déchiquetée », se regarde vivre de l’extérieur : « Elle le caresse, elle lui parle,/elle écoute son plus jeune fils lui parler », « On marchera sans les jambes, par habitude, jusqu’à l’évier. On remplira la bouilloire ». À l’encontre de cette dissolution, s’inscrivant dans les flux et les reflux, s’autorisant « l’expiration des marées basses », Roselyne Sibille sauve ce qui peut être sauvé, se retrouve en retrouvant ce qui constitua l’enchantement d’une présence : « Je porte en moi, et pour toujours ancré, un regard vert. De ce vert-lumière que donne le soleil à la transparence des feuilles ». Étape après étape, chemin de deuil et chemin d’écriture, dans leur progression conjointe, réalisent une traversée. Mieux, ils font œuvre de transformation, et dans ce mouvement permanent, il n’est pas de forme arrêtée.

Roselyne Sibille, Entre les braises, La Boucherie littéraire, 106 p. 16 €

 En des pages tour à tour en prose ou en poésie, narration, propos plus méditatifs et poèmes se succèdent. Pour accompagner ces variations, le recueil, dans sa matérialité, joue une partition colorée, tantôt en teinte vermillon, tantôt en teinte ocre ; d’évidence, Entre les braises, dans l’aigu brûlant de la séparation définitive, obstinément s’écrit « à la périphérie du cercle enflammé », choisissant ainsi la meilleure part du feu, à savoir la lumière. Avec un courage qui ne se dément jamais, Roselyne Sibille s’attache à convertir la brûlure en éclats lumineux : « baliser le chemin de lueurs que je reconnais », « Accompagner la vie/ Éclairer des bougies », « pour que ton regard vert-lumière soit tissé à ma vie, subtilement, sans la brûlure », et à continuer à être bellement disponible au monde et aux autres : « Ta mort m’amène à la conscience extrême qu’il ne faut pas que j’oublie la dimension fondamentale : la qualité des moments qui ne reviendront pas, la vibration fine au magique de la vie, la matière sacrée ».

Entre les braises retrace aussi les tentatives d’une langue qui va se cherchant et qui, ce faisant, invente une nouvelle relation avec le fils disparu. Que chacun, de part et d’autre de « la membrane entre nos mondes », accède au repos et à la paix. Roselyne Sibille, en parlant à son fils, fait le pari de la porosité. Et voici qu’advient une langue plus que jamais maternelle, qui prend sa source au cœur du plus grand amour qui soit : «Rompre, l’écrire, chercher la rupture. Envelopper le passé dans une bulle de protection, et le lâcher pour t’offrir la liberté, pour ouvrir un horizon d’insaisissable toi » - passer du scandale de la disparition à l’acceptation du mystère. Car accueillir le mystère, c’est commencer à voir clair. En réponse à l’impermanence, il établit une permanence d’un autre ordre. En son creux, dans son creuset, s’opère une alchimie pleine d’allégements : « au plus fin d’elle », le plomb s’est transmué, et, entre la première et la dernière page du recueil, le fils lui aussi s’est métamorphosé. Le temps de la perte irrémédiable, « temps de la parole morte/des mots hannetons aux pattes cassées » est devenu l’heure d’un avènement délicat et aérien : « Toi, là, venu vers moi à pas de papillon ».




Roselyne Sibille, Lisières des saisons

Une écologie poétique de l’instant

Le nouveau recueil de Roselyne Sibille invite à un parcours en cinq étapes – d’une vie humaine, d’une vie de femme, d’une méditation poétique et spirituelle –, chacune commençant par un poème-liste consacré à un élément de la nature : le poème-liste des papillons inaugure le temps de l’enfance ; celui des herbes folles préfigure le temps de la jeunesse ; la liste des oiseaux annonce le temps du ventre qui s’arrondit ; le poème des fleurs sauvages instaure la période de la perte ; et le poème-liste des arbres ouvre le temps de la maturité.

Assurément, la matière de ce recueil, c’est bien la vie de l’auteur. Mais Roselyne Sibille présente moins les événements eux-mêmes que l’expérience de ces événements, moins les faits que la méditation qu’ils induisent au creux de la poésie, moins une écriture autobiographique que la pesée exacte du retentissement intérieur des choses.

Lisières des saisons rejoint le lyrisme tempéré et critique dont Jean-Michel Maulpoix s’est fait le héraut. S’il s’agit de saisir au plus près ce qu’éprouve le sujet, émerge alors une certaine circonspection à l’encontre du langage poétique. Le langage permet de donner une forme à l’expérience, les mots saisissent la fluence de la vie ; mais cette saisie est aussi figement et pétrification, ainsi que le rappelle le poème « Dans le néant ou le tonnerre » (pp. 60-61) :

Nous leur demandons de bâtir nos vies
Comme si les matins n’effaçaient rien

Nous les figeons            fragiles
Perdus dans l’abstraction

 

Roselyne SIBILLE, Lisières des saisons

Roselyne SIBILLE, Lisières des saisons, Bordeaux, Les Éditions Moires, collection « Clotho », mars 2017, 125 pages.

Quand joyeuse est la vie, une manière de saisir le mouvement de la joie consiste à mobiliser un langage poétique varié, ludique, chantonnant parfois. Dans les premières sections du recueil, s’entremêlent des poèmes brefs et des formes longues ; et s’y donnent à entendre des jeux sonores et des sortes de refrain, ainsi que des rythmes anaphoriques et des créations de mots. Contre le langage qui pétrifie, le poème est une solution. Parfois aussi, s’élève discrètement la musique de l’alexandrin. On en trouve çà et là, dans la forme du tétramètre le plus régulier qui soit, pour ouvrir ou clore le poème :

Ton regard tourbillonne et s’oppose au ressac (p. 17)

Sur le bord d’un canal où s’écoulent les algues (p. 24)

Je porte mon enfant et des boucles d’oreille (p. 51)

Le langage est aussi inexorablement inadéquat pour dire la douleur de la perte, la dilacération de la souffrance :

On porte un collier           un cœur en pendentif
On se méfie des mots

[…]

On aurait tant à dire s’il nous fallait parler (p. 67)

L’expérience de vivre comporte ici son pendant, son penchant à la réflexion sur le temps qui fuit, et même une meditatio mortis, qui évoque les vanités baroques et les crânes qu’elles mettent en scène : « ton crâne est ouvert » (p. 92), « les appuis sur mon crâne » (p. 99). Le poème dit alors le « rien nu » (p. 59)

Comment écrire des poèmes quand la vie est ainsi rongée, ainsi vrillée ?

On cherche où est le chant à travers le ciel froid  (p. 80)

Et pourtant, le poème de la page 90 vient réaffirmer le pouvoir du poète ; car s’il porte « les tourments qui n’ont pas été chantés », il « invente l’unique mot dérobé aux brindilles ». Le lyrisme est ici humble. Ce n’est pas le chant du rossignol qui en est le symbole, mais le tireli de l’alouette. Une autre image pour dire la voix du poète est la flûte grêle (p. 38).

Alouette ou flûte, que reste-t-il au poète, ainsi parvenu au bout du dénuement ?  - À « goûter le temps », ou plutôt, à se poser la question :

Aurons-nous su goûter le temps ? (p. 55)

Et le poète de continuer, dans le même poème :

Aurai-je regardé la couleur des poivrons
les boutons de rose par la fenêtre
les pétales safran
et les branchages entrecroisés en toiture inutile ?

L’extrême dénuement intérieur et le carpe diem sont deux éléments d’une même méditation. Le carpe diem est ici à prendre à la lettre. Le recueil de Roselyne Sibille propose une poétique de l’humilité, qui permet de faire une place en soi au goût de la nature. Le langage poétique permet de dire l’accord profond de l’être nu avec la nature. Sous la plume de Roselyne Sibille, le poème tend, de manière ludique, à l’enregistrement sonore des voix de la nature. Par exemple, le poème « les nuages gris glissent » retranscrit joyeusement le chant d’un oiseau. Plus largement, le poème tend à la saisie de l’expérience humaine de la nature. À cet égard, Lisières des saisons comporte une dimension profondément écologique. S’y donne à entendre que l’esprit de l’homme, non seulement son corps - ses poumons et son estomac -, a besoin de la nature. Les retrouvailles avec la nature sont en réalité des retrouvailles avec soi.

La poésie de Roselyne Sibille mobilise discrètement tout un héritage poétique occidental et le fond dans son recueil. Il est curieux d’observer qu’elle rejoint aussi par certains aspects, et de manière précise, la poésie persane. Omar Khayyâm écrivait jadis :

Les roses et les prés réjouissent la terre.
Profite de l’instant : le temps n’est que poussière,

leçon qu’a méditée Abbas Kiarostami, comme il a eu l’occasion de le souligner lui-même et comme on peut le voir dans son film Le Goût de la cerise. L’instant présent, savouré avec intensité, a la profondeur de l’infini. À la fin de Lisières des saisons, le poème :

Dans mon bol de thé vert
mimosa            peuplier        platane
se mirent

Je les bois
avec le ciel,

énonce concrètement cette leçon. La coupe ou le bol qui recueille une image de l’infini, c’est là un motif cher à la poésie persane, repris par Abbas Kiarostami dans ses propres poèmes. Parfois, les mystiques issues de traditions différentes se rejoignent. Il semble bien que cela vaille aussi pour la poésie.

Présentation de l’auteur

Roselyne Sibille

Roselyne Sibille est née en 1953 en provence  elle vit. Géographe de formation, bibliothécaire. Elle est écrivain de voyages et poète

Elle co-crée avec de nombreux artistes, fait des lectures musicales et participe à des expositions.
Ses poèmes ont été traduits en anglais, allemand, espagnol, italien, tchèque, écossais, et en quatre langues de l'Inde (hindi, bengali, tamil, manipuri).

Bibliographie

  • Au chant des transparences - Lavis de BANG Hai Ja  - Éd. Voix d’encre - 2001
  • Éclats de Corée  in Anthologie Triages - Éd. Tarabuste - 2002
  • Versants – Préface Jamel Eddine BENCHEIKH  - Éd. Théétète - 2005
  • Préludes, fugues et symphonie - Ed. Rapport d’étape - 2006
  • Tournoiements - Éd. Champ social - 2007
  • Un sourire de soleil - Photos Hélène SIMMEN - Trad. Masami UMEDA - Edition japonaise bilingue - 2007
  • Par la porte du silence - Peintures BANG Hai Ja - Trad. Michael FINEBERG / MOON Young-Houn - Edition coréenne trilingue - 2009
  • Lumière froissée - Encres Liliane-Ève BRENDEL - Éd. Voix d’encre - 2010
  • Implore la lumière, peintures de Sylvie Deparis, Éditions SD - 2011
  • L'appel muet, Éditions La Porte - 2012
Roselyne Sibille

Publications en revue

  • 1998 - Éclats de Corée - Revue Culture coréenne49 et 50
  • 2003 - Trois jours d’avant-printemps au temple des sept Bouddhas - Revue Culture coréenne n°64
  • 2010 - in Anthologie poétique « Terres de femmes »
  • 2010 - Calmes aventures au Pays du Matin Calme - Revue Culture coréenne n°80
  • 2011 - Les points cardinaux du temps - Revue Terre à ciel
  • 2011 - L'Ombre-monde - extraits (traductions en anglais) - Revue Pratilipi
  • 2011 - Les marchés de Corée : un présent multiple - Revue Culture coréenne n°84
  • 2012 - L'Ombre-monde - extraits (traductions en anglais) - Revue Asymptote
  • 2012 - Entre sable et ciel - Revue Qantara n°85 (Institut du monde arabe - Paris)




Roselyne Sibille, L’ombre est une ligne de crête

L'ombre est une ligne de crête
fissurée de lave et d'impossible

Elle griffe son appui illisible sur le ciel écorché

Pour acheminer le noir
         – sa partition verticale –
un pont craquelé enroule écailles et copeaux

L'autre moitié de l'ombre est granulée de neige bleue

Dans ce livre de cendres
aucune parallèle n'attend le ressac

Tu sais le gouffre derrière l'œilleton
      suspends ta signature
      au liseré des lèvres de l'ombre

 

The shadow is a ridgeline
splintered by lava and impossibility

It scores its illegible brace on the grazed sky

To transport darkness
           – its vertical screen –
a splintered bridge reels in shells and shavings

The other half of the shadow is grained with blue snow

In this book of ashes
no meridians await the surf

You know the chasm behind the peephole
         Dangle your signature
         to the edges of the shadows’ lips

Traduction Karthika Naïr

Présentation de l’auteur

Roselyne Sibille

Roselyne Sibille est née en 1953 en provence  elle vit. Géographe de formation, bibliothécaire. Elle est écrivain de voyages et poète

Elle co-crée avec de nombreux artistes, fait des lectures musicales et participe à des expositions.
Ses poèmes ont été traduits en anglais, allemand, espagnol, italien, tchèque, écossais, et en quatre langues de l'Inde (hindi, bengali, tamil, manipuri).

Bibliographie

  • Au chant des transparences - Lavis de BANG Hai Ja  - Éd. Voix d’encre - 2001
  • Éclats de Corée  in Anthologie Triages - Éd. Tarabuste - 2002
  • Versants – Préface Jamel Eddine BENCHEIKH  - Éd. Théétète - 2005
  • Préludes, fugues et symphonie - Ed. Rapport d’étape - 2006
  • Tournoiements - Éd. Champ social - 2007
  • Un sourire de soleil - Photos Hélène SIMMEN - Trad. Masami UMEDA - Edition japonaise bilingue - 2007
  • Par la porte du silence - Peintures BANG Hai Ja - Trad. Michael FINEBERG / MOON Young-Houn - Edition coréenne trilingue - 2009
  • Lumière froissée - Encres Liliane-Ève BRENDEL - Éd. Voix d’encre - 2010
  • Implore la lumière, peintures de Sylvie Deparis, Éditions SD - 2011
  • L'appel muet, Éditions La Porte - 2012
Roselyne Sibille

Publications en revue

  • 1998 - Éclats de Corée - Revue Culture coréenne49 et 50
  • 2003 - Trois jours d’avant-printemps au temple des sept Bouddhas - Revue Culture coréenne n°64
  • 2010 - in Anthologie poétique « Terres de femmes »
  • 2010 - Calmes aventures au Pays du Matin Calme - Revue Culture coréenne n°80
  • 2011 - Les points cardinaux du temps - Revue Terre à ciel
  • 2011 - L'Ombre-monde - extraits (traductions en anglais) - Revue Pratilipi
  • 2011 - Les marchés de Corée : un présent multiple - Revue Culture coréenne n°84
  • 2012 - L'Ombre-monde - extraits (traductions en anglais) - Revue Asymptote
  • 2012 - Entre sable et ciel - Revue Qantara n°85 (Institut du monde arabe - Paris)