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Chronique du veilleur (17) – Max de Carvalho, Les Degrés de l’incompréhension

Max de Carvalho est né à Rio de Janeiro en 1961, d’une mère brésilienne et d’un père polonais. Il a beaucoup voyagé au gré des tournées de récitals de ses parents, tous deux artistes lyriques, qui s’établirent en France en 1970. Il a créé avec des amis la revue La Treizième dont le nom fait directement référence aux Chimères de Nerval. Sa poésie, publiée d’abord chez Obsidiane et à l’Arrière-Pays, a quelque chose du mystérieux pouvoir des écrits nervaliens.

Après Enquête sur les domaines mouvants (Arfuyen, 2007), Les Degrés de l’incompréhension témoignent parfaitement de la richesse de vision et de pensée de ce poète singulier. Dans un même poème (« L’intérieur même du dépatriement »), en effet, nous sont offertes, tendues à notre admiration comme dans un tableau, « la prune du compotier », « les fleurs du cristallisoir », « l’odeur de la cire », mais aussi, ouvrant l’horizon soudain, « l’inquiétude du vent / loin du rivage natal. » On trouve là, dans la concision du poème, le goût du poète pour le plus précieux, jusque dans le vocabulaire choisi, et pour le plus exaltant des voyages, celui qui vise à l’infini.

Max de Carvalho, Les Degrés de l’incompréhension, 158 pages, Arfuyen, 14 euros

Max de Carvalho, Les Degrés de l’incompréhension, 158 pages, Arfuyen, 14 euros

Le poème « Mi raccomando » dira, mieux qu’un long commentaire, combien cette création se nourrit d’inattendu et de familier à la fois, de très secret et de très pur :

Ne va pas t’obstiner à
franchir les miroirs, à
percer les murailles,

inonde plutôt la
chambre de clair
de lune.

Une seule haleine unit
le vent et le courant
secret des pièces ;

entre pieds nus dans
la fraîcheur du plus
lointain des nuits.

Il y a, souvent sous chaque poème, la conviction très intime que l’absolu se cache dans le plus infime et le plus pauvre, que l’écriture ne pourra jamais tout à fait faire entendre les connivences  que nous éprouvons « avec ces joies / si mal comprises » que la vie nous donne. Quelquefois, une approche à peine esquissée s’avère possible :

Le vent a tressailli,
tellement obscur que

c’est merveille d’en
deviner le sens.

C’est déjà beaucoup, il suffit alors d’accepter le mystère là où il est,  là où il nous parle. Ce qui est « étranger » peut alors devenir proche, à la lisière de l’invisible et de l’ineffable.

Semblable au feu qui
sans visage fascine,

semblable au temps,
essence de la perte,

ton sillage d’écumes a
le vent pour feuillage,

qui sans forme dessine
et te voue au nuage.

On ne peut être que touché par la poésie de Max de Carvalho, exigeante, sensible, où chaque éclat de splendeur s’entoure du plus beau silence.