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Giuseppe Conte : L’EricaLa bruyère

traduction ; Marilyne Bertoncini

La Bruyère est le tout dernier texte du voyage épique et mythographique auquel nous invite l'oeuvre de Giuseppe Conte, fondateur du Mythomodernisme, recherche spirituelle et éthique de l"action poétique orientée vers la quête de la Beauté. L'auteur offre  ce long poème liminaire du recueil en anteprima à Recours au Poème, alors que le livre est encore à paraître en Italie, chez Fallone editore, dans la collection "Leone Alato".

 

 

L'Erica

 

Erica- nome comune di  arbusti sempreverdi con foglie aghiformi rigide e dai  fiori a grappolo molto minuti, dal colore tra rosa scuro e viola, della famiglia delle ericacee, che crescono nei terreni incolti e sabbiosi. Fioriscono tra fine estate e autunno.

                                    J’ai cueilli ce brin de bruyère

                                    l’automne est morte, souviens t’en

Apollinaire ( L’Adieu)

 

 Bruyère erica - nom commun des arbustes à feuilles persistantes avec des feuilles rigides en forme d'aiguilles et des fleurs en grappes très minuscules, avec une couleur entre le rose foncé et le violet, de la famille des éricacées, qui poussent dans des sols incultes et sableux. Ils fleurissent entre la fin de l'été et l'automne.

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Amo l’erica. Quando arriva l’ autunno

ne poso un arbusto sul mio tavolo

in mezzo a libri, plichi, statuette, foto.

Sta lì, come se dovesse riempire un vuoto

che non c’è . Con le sue foglie aghiformi

con i suoi fiori  non più grandi di pupille

colore del vento e del vino

mi parla di chissà quali brughiere

mi porta lo spirito dell’autunno vicino.

Poi dice che ineluttabile è il declino

e ascolta tutte le notti le mie preghiere.

 

 

J'aime la bruyère. Quand arrive l'automne

J‘en place un arbuste sur ma table

au milieu des livres, des plis, des statuettes, des photos.

Il se tient là, comme s'il devait remplir un vide

qui n'est pas. Avec ses feuilles en aiguille

avec ses fleurs pas plus grandes que des pupilles

couleur de vent et de vin

elle me parle de qui sait quelles landes

m’apporte l'esprit de l'automne.

Puis dit que le déclin est inéluctable

et toutes les nuits écoute mes prières.

                               

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Amo l’erica come amo il vento

come amo le poesie di Apollinaire.

Ricorda: non siamo sulla  terra per

restarci, ma dove andremo lo sanno

loro, l’erica, l’autunno.

 

 

 

J'aime la bruyère comme j'aime le vent

comme les poèmes d'Apollinaire.

Souviens-toi : nous ne sommes pas sur terre pour

demeurer, mais où nous irons, eux le savent

la bruyère, et l'automne.

                      

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L’erica convive bene con  le tempeste,

il vento  lascia dentro di lei  il suo soffio

le nuvole i loro vaganti riflessi

il sole le sue ultime, brevi feste.

 

E’ bella come lo è una  capigliatura

di donna dopo un   orgasmo burrascoso,

e come una donna  in lacrime o nel sonno

è  ispida, tenera, pura.

 

 

 

La bruyère cohabite bien avec les tempêtes,

le vent, elle laisse son souffle la pénétrer

les nuages ​​leurs reflets vagabonds

le soleil ses brèves ultimes fêtes.

 

Elle est belle comme la chevelure

d'une femme après un orgasme orageux,

et comme une femme en larmes ou endormie

elle est hirsute, tendre, pure.

 

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Amo l’erica come amo te, Mary,

l’autunno ci appartiene

dopo tutte le nostre stagioni piene

di eros, di incendi, di piaceri.

 

Anche tu mi ricordi isole

del Nord, erbose, fatate

le Orcadi, le Aran disalberate

e limpide, e così ardue da raggiungere.

 

Il nostro lungo amore autunnale

ci ha portato qualche saggezza.

Non vogliamo  più farci del male.

Amo la delicata compostezza

 di te che giochi  a Brick Classic sul cellulare

e vinci sempre, sempre contro di  me.

 

 

 

J'aime la bruyère comme je t'aime, Mary,

l'automne nous appartient

après toutes nos saisons pleines

d'eros, d‘incendies, de plaisirs.

 

Toi aussi  me rappelles les îles

du Nord, herbeuses, enchantées

les Orcades, lesAran démâtées

et claires, et si difficile à atteindre.

 

Notre long amour automnal

nous a donné un peu de sagesse.

Nous ne voulons plus nous blesser.

J'aime ta gracieuse modestie

quand tu joues à Brick Classic sur ton portable

et que tu  gagnes  toujours, toujours contre moi.

 

                                      

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Mia erica colore del vento e del vino

sei stanca di starmi vicino?

Cosa sono quei filamenti bianchi

simili a neve caduta ai tuoi fianchi?

 

Vorresti forse essere in un giardino

e non tra i volumi e i fogli su questo tavolo

a condividere il mio recluso destino?

Vorresti ancora la compagnia delle nuvole?

 

 

 

Ma bruyère couleur du vent et du vin

es-tu lasse d’être à mes côtés?

Que sont ces filaments blancs

comme neige tombée sur tes flancs?

 

Tu pourrais souhaiter être dans un jardin

et pas parmi  les livres et les feuilles de cette table

à partager mon destin  de reclus?

Désires-tu  toujours la compagnie des nuages?

     

6

 

Anche tu non hai mai sonno

è vero? mia erica, mia amica

è come se ogni fatica

del giorno la notte svanisse

 

e noi ce ne stessimo quieti

fuori dalle maglie del tempo

senza pesi, doveri, divieti

sospesi come in un eclisse.

 

 

Mentre tutti dormono, noi viaggiamo

verso  dove la vita ha origine

verso dove la vita declina

e tu sei con me, soffio e brina

 

per questo, mia erica, ti amo.

 

 

 

Toi non plus tu n'as jamais sommeil

n’est-ce pas? ma bruyère, mon amie

c'est comme si chaque fatigue

du jour disparaissait la nuit

 

et nous serions tranquilles

hors des mailles du temps

sans charges, sans devoirs, sabs interdictions

suspendus comme dans une éclipse.

 

Pendant que tous sommeillent, nous voyageons

vers le lieu où s‘origine la vie

vers lelieu où la vie décline

et tu es avec moi, souffle et gel

 

pour cela, ma bruyère, je t'aime.

Présentation de l’auteur

Giuseppe Conte

Né en 1945 à Porto Maurizio en Ligurie, et vivant désormais à Imperia, Giuseppe Conte, passionné de voyage et de mythologie est poète, romancier, essayiste et traducteur. Il a fait paraître en italien des œuvres de William Blake, P.B Shelley, D.H Lawrence et Walt Whitman .

Passionné de voyage et de mythologie, il est l'un des fondateurs du mytho-mythomodernisme, mouvement créé en en 1995.

Après un doctorat d’esthétique, en 1968, il publie, en 1972, un essai critique consacré à la métaphore baroque (La metafora barocca: saggio sulle poetiche del Seicento, Milano, Mursia, 1972).

Ses premiers textes poétiques sont publiés en 1978 dans l’anthologie La Parola innamorata.

En 2006, il a remporté le Prix Viareggio, section poésie, pour Ferite e rifioriture (Mondadori) et, en 2008, le Prix Stresa pour L'adultera.

 

L’Ultimo aprile bianco (poésie), Milano, Società di poesia per iniziativa dell'editore Guanda, 1979
Un chant pour des résurrections songées, traduction de Jean-Pierre Faye, Change n° 39 « L’Italie changée », mars 1980
L’Oceano e il Ragazzo, Rizzoli, 1983 ; L'Océan et l'Enfant (poésie), traduction française de Jean-Baptiste Para, Arcane 17, Saint-Nazaire, 1989. Préface d’Italo Calvino. Réédité par Jacques Brémond, 30210 Remoulins, 2002. Prix Nelly Sachs pour la meilleure traduction de poésie de l'année (1989)
Le Stagioni (poésie), Milan, Rizzoli, 1988 (Les Saisons, traduction collective de l’italien, relue, complétée et préfacée par Jean-Baptiste Para, éditions Royaumont, Collection Les Cahiers de Royaumont, Asnières-sur-Oise, 1989)
Le Manuscrit de Saint-Nazaire (récits), édition bilingue, traduction de Jean-Baptiste Para, en appendice : entretien de Giuseppe Conte avec Bernard Bretonnière, Saint-Nazaire, M.E.E.T., Arcane 17, 1989 (cet ouvrage n'est plus disponible)
Dialogo del poeta e del messaggero (poésie), Milano, Arnoldo Mondadori Editore, “Il Nuovo Specchio”, Milano, 1992
Terres du Mythe (essai) [Terre del mito, Arnoldo Mondadori Editore, Milano, 1991 ; nuova edizione ampliata, Longanesi, Milano, 2009], traduction de Nathalie Campodonico, Saint-Nazaire, Arcane 17, 1994
Le Roi Arthur et le sans-logis (théâtre), traduction de Jean-Yves Masson, entretien de Giuseppe Conte avec Bernard Bretonnière, Saint-Nazaire, M.E.E.T., 1995 (cet ouvrage n'est plus disponible)
Villa Hanbury & autres poèmes (anthologie), traduction de Jean-Baptiste Para, L'Escampette, Bordeaux, 2002. Cette anthologie comprend des extraits de L’Océan et l’enfant, Les Saisons, Dialogue du poète et du messager, Chants de Yusuf Abdel Nur, Nouveaux Chants. Malheureusement, cette édition ne comprend pas le texte original en italien.
Ferite e rifioriture, Mondadori, Collana Lo Specchio, Milano, 2006. Premio Viareggio Poesia 2006
Le Troisième Officier (roman) [Il terzo ufficiale, Longanesi, Milano, 1997 ; poi TEA, Milano, 1999], éditions Laurence Teper (éditions de Corlevour), avril 2007. Traduit de l’italien par Monique Baccelli
La Femme adultère [L'adultera, Longanesi, Milano, 2008], éditions Laurence Teper (éditions de Corlevour), 2009. Traduit de l'italien par Monique Baccelli. Premio Stresa. Premio Manzoni du meilleur roman historique 2008.
L’homme qui voulait tuer Shelley [La case delle onde, Milano, Longanesi, Collana La Gaja scienza, 2005], roman, éditions Phébus, 2008. Traduit de l’italien par Frédéric Klein.
Poesie 1983-2015, Oscar Mondadori, Oscar poesia, 2015. Introduzione di Giorgio Ficara. Nota biografica e bibliografia a cura di Giulia Ricca.
Non finirò di scrivere sul mare, Mondadori, Collana Lo Specchio, 2019

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