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Jacques Goorma, Tentatives

Jacques Goorma n’a cessé de parcourir les espaces ouverts par une expérience océanique de son enfance, relatée dans Le Vol du loriot : « Un gigantesque tourbillon me fait basculer et tomber dans le ciel. Dans le même mouvement, son immensité s’engouffre en moi.  »  Elle est évoquée çà et là dans ce nouveau recueil, dont le sous-titre indique que le poète tente des regards sur l’inconnaissable – quatre-vingt-dix poèmes intensément condensés.

« Connaître : Avoir dans l’esprit un certain objet de pensée bien saisi dans sa nature et ses propriétés ((Henri Bénac, Dictionnaire des synonymes.)) ».

L’inconnaissable est donc ce qui ne peut pas être un objet dans un esprit. Autrement dit, l’effacement de la distinction esprit-objet en une pure « perception » globale :  

ce geste intérieur
infime et foudroyant

retourne la conscience
vers sa source

doit-on nier
ce qu’on ne peut saisir ?

Jacques GOORMA, Tentatives, Les lieux dits éditions, 2017

Jacques GOORMA, Tentatives, Les lieux dits éditions, 2017

Il importe de comprendre que le ravissement de l’enfant n’est qu’une manifestation impressionnante de ce retournement de conscience. Car sa forme « ordinaire » est en fait la base permanente de notre être, « notre véritable nature », que sa simplicité même nous dérobe : « Quand vous êtes absorbé dans une activité, quelle qu’elle soit, sentez-vous un ego quelconque ? », demande Swami Prajnanpad ((Daniel Roumanoff, Swami Prajnanpad, un maître contemporain.)).

Ce qui est souvent nommé  « notre véritable nature » est pour Jacques Goorma le séjour : « On ne peut sortir du séjour, mais on peut l'oublier, l'ignorer, être dans la confusion. Personne ne peut l'obtenir, car il réside où il n'y a personne, mais on peut disparaître et naître dans sa lumière.  On ne peut qu'être le séjour. ((Le Séjour. José Le Roy (eveilphilosophie.canalblog.com/) consacre plusieurs billets à l’auteur, qu’il rapproche de Douglas Harding et de sa « vision sans tête ».)) »

Pas question de le décrire – « autant demander aux nuages / de parler du ciel ». Seule voie, peut-être : « décrasser / la parole // racler / le silence » pour le laisser vibrer. Cette  « folle tentative » - parfois nommée « tentation » - ne semble donner que de « pâles reflets », et le dernier poème exprime une aspiration presque douloureuse. Comment en serait-il autrement ?  Toucher l’espace ne se peut et « l’immensité que nous sommes » s’est déjà évaporée - laissant la trace qui ensorcèle notre réceptivité :

un mot
me cloue

sur le mur impalpable
de ma nuit

quelque part
dans l’inétendu

Présentation de l’auteur

Jacques Goorma

Jacques Goorma a publié une quinzaine de recueils aux Éditions Fagne, Rougerie, Lieux-Dits, Le Drapier et Arfuyen, ainsi que de nombreux textes en revue. Il a également réalisé des livres d’artistes, des lectures, présenté des conférences et des émissions de radio. Responsable de l'édition de l'œuvre de Saint-Pol-Roux chez Rougerie et Gallimard, directeur de collection aux Éditions Lieux-Dits, initiateur des poétiques de Strasbourg, il a animé des ateliers de poésie dans les prisons durant plusieurs années. Actuellement, il se consacre à la promotion de la poésie francophone et européenne, en tant que Secrétaire Général de l’Association Capitale Européenne des Littératures. Il figure notamment dans :

  • Histoire de la littérature européenne d'Alsace, (Presse Universitaire de Strasbourg, 2004),
  • Anthologie poétique 2005, (Seghers, Paris 2006),
  • Poètes aujourd'hui : un panorama de la poésie francophone de Belgique, Anthologie de Yves Namur et Liliane Wouters, (Le Taillis Pré et Le Noroit, 2007),
  • La poésie c’est autre chose, 1001 définitions de la poésie, de Gérard Pfister, (Arfuyen, 2008),
  • Poésie de langue française, 144 poètes d’aujourd’hui autour du monde,
  • Anthologie, (Seghers, 2008), L’Arbre du veilleur, de Jean Royer, Le Noroit, 2013
Jacques Goorma

On trouvera sur ce site plusieurs poèmes, ainsi qu’une belle analyse de Muriel Stuckel  : « Jacques Goorma : une po-éthique du dépouillement lumineux ».

Recueils de poésie

  • Peau-pierre, Henry Fagne, 1975
  • Réveil, Henry Fagne, 1978
  • Lucine, Rougerie, 1984
  • Nue, Rougerie, 1987 
  • Signes de vie, Eaux-fortes de Germain Roesz, Les Lieux Dits, 1994
  • Lux Claustri, Gravures de Sylvie Villaume, 400e anniversaire de Jacques Callot, Nancy 1994
  • Orage, Rougerie, 1994 (Prix de L'Académie des Marches de l'Est)
  • Papier à fleurs, Livre d'artiste avec Sylvie Villaume, 1997
  • La chambre aux nuages, Les Lieux-Dits, 1997 
  • À, Le Drapier, 1999 (nouvelle édition chez Arfuyen en 2017, sous le titre À, Hommages, adresses, dédicaces
  • Lucide silence, Les Lieux-Dits, 2000
  • Parfois, livre CD, Le Drapier, 2002
  • Le vol du loriot, Éditions Arfuyen, 2005
  • Carnet d'éclairs, dessins de Germain Roesz, Lieux-Dits, 2006
  • Le Séjour, Éditions Arfuyen, 2009
  • Irrésistible, Les Lieux-Dits, 2015
  • Tentatives, Les Lieux-Dits, 2017.

Il a aussi écrit des pièces de théâtre, et des études sur Saint-Pol-Roux.