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Les méditations poétiques de Philippe Mac Leod 

Philippe Mac Leod n’en finit pas d’écrire des « poèmes pour habiter la terre » comme l’indiquait le titre de l’un de ses derniers livres (Le Passeur, 2015). En quête de « vif », de « pur », « d’infini », de « transparence »…, il voudrait rendre à la parole poétique « ce pouvoir incomparable, non plus de nommer, de capter, de saisir, mais d’être elle-même le cœur battant du mystère ». C’est bien le cas dans cette Supplique du vivant qu’il publie aujourd’hui aux éditions Ad Solem et dans Variations sur le silence chez le même éditeur.

Né en 1954, attiré par la tradition monastique mais aujourd’hui engagé dans la voie d’une consécration laïque, Philippe Mac Leod a longtemps mené une vie solitaire, à la manière d’un ermite, dans le massif pyrénéen près du sanctuaire de Lourdes. S’il réside aujourd’hui en Bretagne, dans les Côtes d’Armor, il continue à dire sans faillir « le poème de la montagne » (titre d’un des chapitres de Supplique du vivant). « Il n’y a rien à expliquer sous un ciel si grand. Rien à éclaircir. Et pourtant, vivre réclame tes mots » (…) « Ton poème ne viendra que de ce chemin retrouvé – et sans jamais dépasser l’herbe rase des pelouses, l’étoile d’un ciel de gentianes ».

Philippe Mac Leod s’exprime en « prose poétique ». Il flirte parfois avec l’aphorisme. Mais le ton dominant est celui de la méditation, de la contemplation et de l’introspection. Il associe toujours poésie et réflexion. Il y a, en permanence, une pensée, une idée, en toile de fond de ses textes. Son écriture est exigeante. Ses poèmes, note l’éditeur, « ne décrivent pas mais écrivent ce dont l’auteur vit, ce qui l’a poussé à entamer un chemin d’écriture en rupture avec le monde et ses artifices ». Aussi peut-on lire, sous sa plume, ce type de constat : « Il faudra enfin mourir pour commencer à vivre ». Et donc, ajoute-t-il avancer « plus que d’un pas libre ». Pour retrouver quel pays ? « Les marges ». Pour faire place à quoi ? « A l’infime, l’inaperçu, l’éraflure du timbre brisé, le geste inachevé, l’étincelle perçue d’un clignement ». Car, nous dit Philippe Mac Leod, « le temps ne nous a rien pris. Il nous rend à ce que nous avons toujours été, une enfance qui ne savait que naître ». Ailleurs, il nous parle de «  la voix qui brûlait dans la lumière du jour et que nous n’avons pas su entendre ni retenir ».

Nous voici donc orphelins de quelque chose ou de quelqu’un. Les mots-clés pour se mettre à l’écoute de cette voix dont il parle et pour passer sur l’autre rive s’appellent « lumière » et « silence ». Philippe Mac Leod écrit : « Le silence est ma lumière et la lumière est mon silence ». C’est ce silence qui charpente précisément ses Variations sur le silence.

…/…

Face à ce magma qu’est le monde actuel, que peut la poésie ? Dans son livre La poésie sauvera le monde (Le Passeur, 2016), Jean-Pierre Siméon esquissait une réponse. « Rejoindre le réel par l’évocation du sensible ». Comme en écho, Philippe Mac Leod affirme : « Nous entendons mais du réel nous n’écoutons rien. Nous écoutons mais nous n’entendons pas. Parce que le cœur n’est pas tourné vers le silence ». Ce que Jean-Pierre Siméon formulait aussi à sa manière : « Tout poème est un acte de résistance » car « le poème nous rend au silence dont il est né, il fait silence en nous ».

C’est bien sûr ce silence-là qui habite les textes de Philippe Mac Leod. Et qu’il entend sauver. « Silence défiguré – moqué – piétiné - puis se redressant d’un lumineux aplomb, silence de gloire au-dessus des vallées étroites de nos courtes vies, tristes vies, qui attire tout à lui, de son écume un jour lancée comme le filet d’une parole irrévocable ». Sous d’autres cieux, à une autre époque, le poète britannique Thomas Carlyle (1795-1881) n’avait pas dit autre chose : « Lorsqu’on observe l’inanité tapageuse du monde, ses mots porteurs d’un sens si maigre, ses actes si insignifiants, il est réconfortant de songer au grand Royaume du Silence ». L’espoir habite donc toujours les poètes : « Dans le grand silence des mondes ensevelis, souligne pour sa part Philippe Mac Leod, il neige de petites semences de silence qui mûrissent d’autres mondes où les nuits sont blanches et l’ignorance clairvoyante ».

Le silence peut devenir ainsi, pour nos âmes égarées, un « sas », un « filtre », un « tamis ». C’est ce silence qui peut nous aider à gagner « l’autre monde ». Mais cet autre monde « est de ce côté – tout proche – aussi ténu qu’une palpitation sous le fin duvet de l’oisillon ». Il nous tarde de le rejoindre car « le bain de silence toujours nous mène au bain de lumière ».

 

 

Supplique du vivant, Philippe Mac Leod, Ad Solem, 88 pages, 14 euros.

Variations sur le silence, Philippe Mac Leod, Ad Solem, 96 pages, 14,50 euros.




The Reproach & autres poèmes

traductions par Marilyne Bertoncini

The Reproach

 

“I’ve never changed.” Your problem, friend,
though I can’t say I’m not pained.
Regret ? That nudges up to blame.

Constancy. What’s the use, what price
lies decades old – that curse
we needn’t carry on. What worlds

we’ve lived since our uncertain dallying.
Your hand on my arm, pressed oddly ;
both of us led with ploys we couldn’t follow,

the closeness jarred. Still we write cards,
replay the mistaken sharing
of times when we so truly cared.

 

 

Le Reproche

“Je n’ai pas changé.” C’est ton problème, mon ami,
même si je ne peux pas dire que je n’ai pas de peine.
Du regret ? ça encourage au blâme.

La constance. A quoi ça sert, quel prix
depuis des décennies – cette malédiction
que nous ne devrions pas porter. Quels mondes

avons-nous vécus depuis notre hésitant badinage.
Ta main sur mon bras, pressée étrangement :
chacun de nous menait des plans que nous ne pouvions suivre,

l’intimité faisait mal. Pourtant nous écrivons des cartes,
rejouons les partages erronés
des temps où nous nous aimions tant.

 

*

Street Reader

 

At Swanston and Collins he dominates the pavement
with a fixture’s humility, sidelined to the kerb
between his knee-high speakers, a small encampment.
Constantly, rapidly, in a soft-shoe version of voice
rising in the midst of each indistinguishable
sentence to descend, endless aural shuffle
laid down to inattentive passers-by, he delivers
who knows what revered text, now and then a number
marking the place without intervention of mind.
Is he bolstered in his self-obliterating grey
by a theory of the efficacy of rehearsal ? Or helped
through pensioned weeks and months by the oscillation
of hapless words, the unheeded prophets, the unhearing
conveyor-belt herd of people with appointments ?

 

 

Prédicateur de rue

A Swanston et Collins il domine le pavé
avec l'humilité d'un objet, aligné au bord du trottoir
entre ses haut-parleurs à hauteur de genoux, un petit campement.
Vite, sans cesse, d'une voix type chaussure de gomme
montant au milieu de chaque phrase indistincte
pour descendre, traînement de pieds incessant et bien audible
qui s'impose aux passants inattentifs, il prononce qui sait
quel texte révéré, un chiffre de temps à autre
indiquant un passage sans qu'il doive y penser.
Est-il soutenu dans l'effacement gris qu'il s'impose
par une théorie de l'efficacité de la répétition? Ou aidé
depuis des semaines et des mois rémunérés par
les oscillations des mots sans succès, des prophètes ignorés,
la sourde courroie de transmission du troupeau salarié ?

 

*

Bear Dream

I slept and dreamed worms big as logs
that turned on men and tossed the dogs

I slept again and dreamed of bears
that shone and wriggled in their lairs

and dug them down into the mould
and followed rain up to the world

of worms like bears and fish like clouds
I hear you mutter ‘Why not birds ?’

And oh, the bears at nesting-time,
hemming the nests and chirping rhyme !

 

 

Rêve d'ours

En dormant je rêvais de vers gros comme des bûches
qui agressaient les hommes et renversaient les chiens

Je dormis de nouveau et rêvai d'ours
qui brillaient et se tortillant dans leur tanière

et s'enfouissaient dans la moisissure
et pourchassaient la pluie jusqu'au monde

des vers comme des ours et des poissons-nuages
Vous murmurez "Pourquoi pas des oiseaux ?"

Ah, oui, les ours au moment des amours,
ourlant les nids, sifflant des airs !

 

*

Fourteen Times Saying Rain For Tom

After heat, and the hills damply nudging,
rain falls on timely sleep.

The high darkness of Taringa under inkwash sky
is groves for dancers;

wide-eyed streetlamps scatter
and crossings pose blinking, canted among ridges, St Lucia.

Your plants stand open as bowls and alert as retrievers
on the back verandah,

blest spirits revive,
around us the River courses heaven and earth.

The lovers switch on a jiggety radio, low,
switch it off for rain-sounds –

great murmur of rain spreading over suburbs and into the hills
- splashes on a path –

sluicing down the gutter-spout – runnels and drips by the louvres –
splatter, a broad leaf.

By a swimming-pool light
the elephant-beetle gleams and fronts up, shirring and threatening
and cane-toad flop in the wet,
hands of creation feeling coolness, feeling grass-runners,

or flattened lie pale to the blackness of rained-on bitumen
or silt down in dirt roads.

There is not loneliness – your room all round me
drinks sounds of life,

the aluminium plant ailing outside
lifts, unfolds, remakes language,

the mid-air silvery darkness easily, easily
prints thought like touch.

 

 

Quatorze façons de nommer la pluie pour Tom 

 

Après la chaleur et  l'écrasement moite des collines,
la pluie tombe sur le sommeil opportun.

En haut l'obscurité  de Taringa sous le ciel d'encre
est un  bosquet pour des danseurs,

des réverbères aux yeux écarquillés s'éparpillent
et des passages cloutés clignent  en penchant parmi les stries, St Lucia.

Vos plantes se tiennent ouvertes comme des bols et vigilantes comme chiens à l'arrêt
sur la véranda de derrière,

des esprits bénis revivent,
tout autour la Rivière entraîne terre et ciel.

Les amoureux allument une radio frétillante, tout bas,
l'éteignent pour la pluie – les sons -

un long murmure de pluie s'épand sur les faubourgs et dans  les collines
- plouf dans un chemin –

lessive les gouttières – s'écoule et goutte le long des  persiennes -
éclabousse, une large feuille.

Dans une lumière de piscine,
le scarabée-éléphant luit et fait front, crissant de menaces
et les crapauds-buffles s'affalent dans le mouillé,
mains de la création sentant la fraîcheur, les racines rampant  
dans l'herbe,

ou s'écrasent, étendus pâles sur la noirceur du bitume détrempé,
ou s'envasent dans la boue des chemins.

Il n'y a pas de solitude – votre chambre autour de moi
boit les sons de la vie,

la plante d'aluminium qui souffre dehors
soulève, déploie, refait le langage,

l'obscurité argentée de l'air, bien facilement
imprime la pensée de sa touche.

 

 

*

Knife In Head

In the heads of millions it is found -
knife in head.
The barb of injustice nests there.
It turns and festers.

This man has queued
for days at the check-point.
His family needs food and medicine.
On the other side is work.
More buildings for a rich nation.
On his side, foreigners
snatch land and build.
Foreign troops in tanks
plough up streets, homes,
livelihood, memories.
In the wrecked market
anger enters at the eyes
invades the brain
seats the blade
drives the point home :

nothing can staunch his shame
but the dead he’ll claim, the body-count.
Knife in head.
This girl is a student.
In her angry city
her brothers are out throwing stones
at the tanks of the occupying forces -
for them, no chance
of safety, good years, travel.
Her people have stopped listening
for those rumours of a sound-track
from a receding planet.
Her cousin one year older
became a dead hero.
People in her street have been killed.
She straps the explosive packets under her breasts.
For her, no wedding, but a name
in the lengthening list of martyrs.
Every day will heap dust on her sacrifice.
The bus pulls up
full of the justified -
people with high fences,
people who can travel everywhere.
She moves up the aisle and sits
next to a woman with a child.
Knife in head.

 

 

Couteau en tête

Dans la tête de millions de gens on le trouve -
couteau en tête.
Les dards de l'injustice font leur nid ici.
S'enroulent et  couvent.

Cet homme a fait la queue
pendant des jours au poste de contrôle.
Sa famille a besoin de nourriture et de médicaments.
De l'autre côté se trouve le travail.
Encore des constructions pour une nation riche.
De son côté, des étrangers
volent la terre et construisent.
Des troupes étrangères dans des blindés
ratissent les rues, les maisons,
les moyens de vivre, les mémoires.
Sur le marché dévasté
la colère entre par les yeux
envahit le cerveau
fait le lit de la lame
enfonce le clou :

rien ne peut étancher sa honte
sinon les morts qu'il réclame, le compte des morts.
Couteau en tête.

Cette jeune fille est étudiante.
Dans sa cité en colère
ses frères dehors jettent des pierres
aux blindés des forces d'occupation -
aucune chance pour eux
de sécurité, d'années heureuses, de voyage.
Son peuple a cessé de guetter
les bruits d'une bande sonore
venant d'une planète en fuite.
Son cousin d'un an plus vieux qu'elle
est devenu un héros mort.
Des gens dans les rues ont été tués.
Elle attache les explosifs sous sa poitrine.
Pour elle, nul mariage, mais un nom
dans la liste toujours plus longue des martyrs.
Chaque jour couvrira de poussière son sacrifice.
Le bus s'arrête
empli des justes -
gens à hautes clôtures
qui peuvent voyager n'importe où.
Elle remonte l'aile et s'assied
à côté d'une femme et de son enfant.
Couteau en tête.

 

*

In Flight Note

Kitten, writes the mousy boy in his neat
fawn casuals sitting beside me on the flight,
neatly, I can’t give up everything just like that.
Everything, how much was it? And just like what ?
Did she cool it or walk out? Loosen her hand from his tight
white-knuckled hand, or not meet him, just as he thought
You mean far too much to me. I can’t forget
the four months we’ve known each other.  No, he won’t eat,
finally he pays – pale, careful, distraught –
for a beer, turns over the pad on the page he wrote
and sleeps a bit. Or dreams of his Sydney cat.
The pad cost one dollar twenty. He wakes to write
It’s naïve to think we could be just good friends.
Pages and pages. And so the whole world ends.

 

 

Note de vol

Minouche, écrit le jeune homme effacé dans sa tenue kaki
tirée à quatre épingles assis à côté de moi dans l'avion,
soigneusement, Je ne peux pas tout abandonner juste comme ça.
Tout, ça faisait combien? Et juste comme quoi ?
L'a-t-elle refroidi, est-elle partie? a dégagé sa main de sa blême
main serrée , ne l'a pas  rencontré, à l'instant où il pensait
Tu signifies bien trop pour moi. Je ne peux pas oublier
les quatre mois passés ensemble. Non, il ne mangera pas,
finalement il paie – pâle, attentif, désespéré -
une bière, retourne à la page du bloc-notes où il écrivait
et dort un peu. Ou rêve de son minou de Sydney
Le bloc-notes a coûté un dollar vingt. Il s'éveille pour écrire
c'est naïf de penser qu'on pouvait n'être que des amis.
Des pages et des pages. Ainsi finit le monde.

 

*

Some Politicians

To have preached even for a moment
that money matters
more than the good it buys ;
to have proclaimed the end of caring ;
to have unmothered the State
and left orphans to the wind;

to have waged phony battle
on the homeless and fugitive,
the needy come to our door ;
to have danced on a tally of the drowned
to have pursued the desperate
for electoral triumph;

these are your names
on the sea-bed at our shore gate
behind razor wire
among the fatherless
the trapped and the destitute
and among the separated families.

 

 

Quelques politiciens

Avoir prêché même pour un moment
que l'argent compte
davantage que le bien qu'il acquiert ;
avoir proclamé la fin du social :
avoir désengagé  l'Etat
et abandonné ses orphelins au vent :

avoir mené d'hypocrites batailles
sur les sans-abris et les fugitifs,
les indigents frappant à notre porte ;
avoir dansé sur le compte des noyés
avoir poursuivi les désespérés
en vue d'un triomphe électoral ;

voici vos noms
sur la plage de nos côtes frontières
derrière les barbelés
parmi les orphelins
les piégés et les misérables
et parmi les familles séparées.

 

*

At The End Of The Garden

There’s light under the limes,
Marvellian gloom –
compost of people not going there
visited perhaps by dogs
whose shit we’re told
to dig in where they ‘doze the ferns.

Leafdrift there deepens and sinks
and backs up.
The bird a cat hurt
and finally hauled off
dries to a tatter, light
as spider’s loot.

Where the back meets the side fence
throw in neglect.
The sprinkler drilling the leaves
falls short – possums nick across, unhampered
by house-happenings.

Corraled in no album
this is place
invulnerable –
awake, uneyed. No labels
sort out where and with whom
you came to the end of the garden.

 

 

Au fond du jardin

De la lumière sous les tilleuls,
Ombre verte et secrète  -
compost de gens qui n'y viennent pas
visité peut-être par des chiens
dans la crotte desquels il faut
bêcher là où ils chambardent les fougères.

L'amas des feuilles s'y épaissit et s'affaisse
et recule.
L'oiseau qu'un chat a blessé
et finalement traîné là
devient guenille sèche, léger
comme proie d'araignée.

Le coin où se rejoignent les clôtures
ajoute à l’abandon
Le tourniquet forant les feuilles
manque son but  -

les opossums coupent à travers,
indifférents
aux  événements domestiques.

Enclos en nul album
espace
invulnérable -
éveillé, inobservé. Nulle étiquette
n'indique où ni avec qui
vous êtes venu au fond du jardin.

 

*




Martin Harrison

3 poèmes extraits de Wild Bees, avec leur traduction par Marilyne Bertoncini




visages de l’Australie, Carole Jenkins

Pour la route

D'abord comme un défi, puis pour la chaude langueur
du goudron, à minuit, rentrant à pied à la maison,
nous avons étendu nos corps au mileu
de Moana Road, et nous sommes embrassés, ces longs baisers
rêveurs où l'on s'abandonne l'un à l'autre, à la route,
aux pins noirs qui d'en haut nous regardent, à la lumière cadenassée
des maisons aux volets fermés serrées sur un quart d'acre
de pâtés de maison, l'arche de vertigineux amas brillant d'étoiles
au-dessus de nous, et nous nous sommes relevés, comme des anges
revenant dans un monde étrange, pour descendre
la rue en marchant, mains et bras enlacés,
riant, comme si nous avions avalé un univers
qui exploserait à l'extrémité de nos doigts.

For the Road

First as a dare and then for the warm languor
of the tar, at midnight walking to my house,
we lay down our bodies on the middle
of Moana Road and kissed, those long dreamy
kisses of abandonment, to each other, to the road,
to the dark pines looking on, to the locked light
of houses with blinds drawn tight on quarter acre
blocks, the stars’ bright and dizzy mass
arcing over us, and we’d get to our feet, like angels
coming to in a strange world, to walk
down the road, arms and hands tangling,
laughing, like we’d swallowed a universe
and it was exploding out of our fingertips.

*

Pendant l'hiver

J'ai jadis porté
de fins gants d'agneau et je vois encore
la façon dont la peau retient
le vide que la main
a quitté, j'entends le soupir
du gant, sa résistance tandis que lentement
il exhale la mémoire de la main
qu'il a tenue.

Over Winter

I once wore
fine kid gloves and still see
he way the leather holds
the emptiness the hand
has left, hear the glove’s
sigh, its endurance as it slowly
exhales the memory of the hand
it held and goes to winter
waiting under straw.

*

Les bienfaits de Saint Vincent-de-Paul

Saint Vincent, saint patron du vestiaire
étudiant, m'a légué depuis les profondeurs

et détours de ses tables de tri, une parfaite
camisole victorienne, chaque point de la taille

d'un seizième de pouce, épinglée
d'un linon et d'un pâle ruban de soie qui se faufilait

au coeur de trois pouces de dentelle pour jouer,
en travers de la poitrine et des épaules,

un jeu de tenu-tombé
et dans cette antique pratique

il me donna, alors que jupe et chemisier
tombaient à terre, quelque chose du sentiment

d'être à la fois moi-même et l'involontaire
gémissement du jeune homme, observant,

torse nu, prés du lit.

The Blessings of Saint Vincent

Saint Vincent, patron saint of student
clothing, bequeathed to me from the depths

and twists of his sorting tables, a perfect
Victorian camisole, every stitch scaled

in sixteenths of an inch, pin-tucked
lawn and pale silk ribbon that threaded

the three deep inches of lace to play,
across the breasts and shoulder,

a game of hanging on and falling
off and in this antique practice

he gave to me, as skirt and shirt
fell upon floor, something of the feeling

of being both myself and the involuntary
groan of the young man, watching,

waist naked, standing by the bed.

*

Préparatifs au froid

Pour doubler mon écharpe, je déniche du satin de soie, une crème
qui saisit ombres et lumière, coupé à la bonne taille,
les morceaux assemblés à points glissés qui passent comme le temps
Tôt, jai appris à épingler, pas à faufiler
mais c'est la tension du tricot à tisser, du fil à enfiler,
le glissement de l'ourlet retourné, la torsion de ce qui peut
s'étirer à ce qui ne peut pas, c'est ça le secret.
Le tricot est susceptible, mais, O, la chaleur et la couleur subtile,
leurs qualités, et comme le satin éclaire bien
la rudesse qu'il emprunte, comme mon joli visage
et ma peau contre la barbe du soir de ta joue.

Getting ready for the cold

To line my scarf, I hunt out silk satin, that cream
borrower of shades and light, cut to size,
pieces seamed with stitches that slip past like time
I early learnt to pin, no point tacking
but it’s the tension of knit to weave, thread to needle,
the slipping-under-edge, the torsion of what can
stretch to what will not that is the trick.
The knit is prickly but Oh, the warmth and subtle colour,
the merit in them, and how fine the satin
lights up its borrowed roughness, like my fine face
and skin against the afternoon stubble of your cheek.

*

Le Veston de Ted Hughes jeune

à partir de Poetry in the Making, ch.1 - Capturing animals

Au moment du battage, son veston grouillait,
la doublure doublée de soixante souris,
qu'il faisait naître des meulons et des
gerbes. Leurs fines griffes de souris
éraillaient le taffetas, leur fines dents taillaient
l'entoilage. Bouillonnant sous le tissu gonflé,
elles nichaient dans l'intérieur tendu
de l'ourlet.
Et le veston une fois posé – ou libre -
se sauvait avec des frissons sur des pieds cachés,
pullulant avec son odeur de renfermé,
d'ammoniac et de grains de millet.

Young Ted Hughes’ Jacket

                   From his Poetry in the Making, ch. 1, Capturing Animals

At threshing time his jacket seethed,
the lining lined with sixty mice,
that he conjured from stooks
and sheafs. Their thin mouse claws
ran the taffeta, their fine teeth incised out
the interfacing. Rising like boils,
they nested in the frayed inside
of the hem.
And when he set the jacket down – or free –
it shivered off on hidden feet,
pullulating with its smell of must,
ammonia and millet seed.

*

En quittant la ville

Etait-ce l'indigence du néon
semi-obscur dans une gare routière du côté le plus miteux de la ville,
les passagers d'avant-crépuscule -

la mère seule avec deux enfants de moins de cinq ans,
les yeux las serrant des oreillers, la dame plus âgée
avec des pantashort bleus et un haut assorti,

les filles en jeans serrés et thongs
soufflant des bouffées d'air blanc qui se dressaient,
comme de froids fantômes devant nous,

ou peut-être était-ce le moteur du bus qui tournait,
la porte qui glissait et claquait
en s'ouvrant avec des râles de fumeur, vous biaisez prudemment

vers un siège, où votre jumeau vous regarde
dans la glace, l'aube se propageant par-dessus les toits
et le quai humide, la ville embarquée de force par les voies rapides

votre visage brouillé de larmes inattendues,
un douloureux élan de solitude car vous quittez
une ville que vous n'aviez jamais pensé autant aimer,

ou était-ce juste le fait d'aller, gagner de la vitesse, la vue plongeante*
sur des poteaux télégraphiques, les maisons cédant la place à des fermes récréatives,
puis de vraies fermes, à l'infini.

Leaving Town

Was it the down-and-outness of the fluorescent
half-dark in a bus station on the seedier side of town,
the pre-dawn passengers—

the single mother with two kids under five,
bleary-eyed hugging pillows, the older lady
with mid-blue leisure pants and matching top,

the girls in tight jeans and thongs
blowing puffs of white air that hung themselves,
cold ghosts before us all,

or maybe the bus engine turning over,
the slide and slap of the door
wheezing open like a smoker, edging aisle-wise

into a seat, where your glass window twin gazes
back at you, dawn spreading over the roofs
and wet tarmac, the city getting dragged off by the highway

your face blurred by unexpected tears,
an ache of loneliness for leaving
a town you never thought you liked that much,

or was it just going, gaining speed, a high view
of telegraph poles, houses giving way to hobby farms,
then real farms, stretching out forever.

*

Le Dessin

Ebauche de bourdon de bus, tiré du tricot
dans le bourbier d'un voyage, ruban
ruban, brassière pour bébé, la manche
et le dos. Le rythme du tricot.
encore et encore, ces mouvements
intermittents quand le petit doigt
soulève une boucle – de la pelote – du fil
qui si léger, si soyeux,
dit progrès, dit projet,
et tout le temps le dessin attend ;
encore un bon bout de fil à venir.

The Pattern

Bus drone drawn, knitting in
in a slough of travel, garter
garter, baby cardi, sleeve
and back. The rhythm of stocking.
on and on, and those intermittent
movements where the little finger
lifts a loop –off skein– of thread
that lies as light, lies as silk,
says progress, says prospect,
and all the time the pattern waits;
a finite length of yarn ahead.

*

La Sotte

Cette grande sotte de nouveau jour arrive
gauche dans son pyjama bleu
ignare de ce qui va
se passser, même de ce que ce soir
ses habits couverts de rouille,
de traces de sang, pâle et meurtrie
elle partira en claudicant, par-delà l'horizon
oubliant presque l'éclat
de son azur, l'or interminable
de son après-midi

Dunce

That great dunce the new day arrives
awkward in her blue pyjamas
knowing nothing of what will
happen, not even that by evening
her clothes will be smeared with rust,
streaks of blood, that bruised and pale
she will limp off, over the horizon
nearly forgetting the brilliance
of her azure, the long gold
of her afternoon




France Burghelle Rey, Petite anthologie, Confiance, Patiences, Les Tesselles du jour

France BURGHELLE REY, Petite anthologie, Confiance, Patiences, Les Tesselles du jour

Rien ne pouvait permettre plus merveilleusement de constater la cohérence des thématiques chères au cœur de France Burghelle Rey que cette Petite anthologie qui réunit trois de ses recueils, Confiance, Patiences et Les Tesselles du jour. Tout d’abord, et comme à son habitude, la sobriété de la couverture suggère l’extrême pudeur de cette écriture simple et concise, profonde et émouvante.

Nous retrouvons dans cette anthologie les formes de prédilection de l’auteure telles que le verset, mais aussi le vers libre, constitué d’une ou deux phrases, trois au plus pour ce qui concerne Confiance, qui ouvre le recueil. Les poèmes, placés sous l’égide d’un appareil tutélaire façonné de chiffres romains dans Les Tesselles du jour, distribués en trois chapitres pour Patiences, s’enchaînent, parfois même sans titre aucun pour ce qui concerne les textes de la première partie. Ainsi rien ne vient troubler la disposition régulière et métronomique des vers : trois par page pour les deux dernier recueils, quatre strophes de trois vers par page pour le premier.

France Burghelle Rey, Petite anthologie

France Burghelle Rey, Petite anthologie, Confiance, Patiences, Les Tesselles du jour, éditions unicité, 2017, 155 pages, 15 euros

Avant même de découvrir la langue de France Burghelle Rey, il est aisé de constater que l’espace scriptural devient un élément qui participe à la mise en œuvre d’une sémantique particulière. Un rythme ternaire s’y déploie : Il est permis d’y voir une référence implicite à la trinité, ou, pour le moins, et par analogie, de supposer le caractère  sacré que l’auteure a souhaité conférer à l’ensemble de ses textes, grâce à ce dispositif tout à fait particulier. Mais découvrir les vers de France Burghelle Rey offre réponse : les thématiques abordées par celle-ci prennent racine dans une mystique toute particulière : celle d’une humanité enfin unie dans la paix et la fraternité.

 

   Fouiller le passé chercher parmi les figures absentes ramasser des lambeaux de
   mon territoire

   Telle une chair devenue informe avec l’éloignement je m’en irai pour laisser ce mi-
   rage car

   Je crois au miracle de l’avenir il suffit d’être disponible comme on ramasse des feuilles mortes 

 

L’ambivalence bien souvent dévolue au lexique confère une tonalité toute particulière à ces épanchements lyriques. Mais il ne faut pas s’y tromper : l’avenir ici n’est pas personnel, il s’agit bel et bien de celui de nos sociétés. Serons-nous capables d’édifier la paix ? Ecrire devient alors refuge et moyen d’enjoindre les hommes à ramasser les feuilles mortes de l’ancien temps, afin d’exister ensemble, dans la fraternité :

 

   alors le temps est cet ami l’inconnu qui s’installe pour maîtriser l’espace
   je refuse les voyages rêve de chapelles et de villages
  seule cette feuille est ma demeure j’y ferai du feu de vos fusils 

 

Évocation de paysages et contemplation du mouvement inaltérable des saisons, tel est le support d’une commémoration du souvenir, mais aussi de l’élaboration d’un univers inédit. La référence à la nature n’est pas ici, comme chez les romantiques, l’occasion de métaphoriser les mouvements d’une conscience en proie aux questionnements existentiels et métaphysiques.  Bien sûr, les confidences de l’auteure sont parfois poignantes :

XVIII

Qui sait ici qu’entre l’écorce et l’aubier suinte le temps ? tu t’obstines à croire
en tes proches mais ils sont ignorants et ton attente est vaine solitude

Il existe des matins où tu prends les branches tombées pour autant d’épaves de
Vaines amies qui pour rien t’émeuvent tu crois avoir gagné un jour de plus

Te voilà à la merci d’une eau qui coule goutte à goutte d’un repas que tu ne souhai-
tais pas et d’une lutte quotidienne car ici on ne chante plus les psaumes que tu ai-
mais 

Mais France Burghelle Rey enracine l’esquisse d’une mystique universelle au terreau de ses vers, et cultive un verbe qui se veut fédérateur. L’humanité est tissée d’une immanence dont la nature témoigne : préexistante à la civilisation vecteur de scissions et de guerres, son concept, exploité dans toute sa dimension allégorique, offre à la communauté humaine une harmonie exemplaire et chantée par la poète. Cette célébration transcende les  résonnances lyriques. Et même si parfois les états d’âme de France Burghelle Rey transparaissent, ils sont immanquablement l’occasion d’énoncer un discours universel et qui porte la fraternité au rang d’horizon fédérateur :

                                                                  XIX

Se battre quand les fleurs disparaissent se battre j’ai peur loin d’elles de la mer car
sable n’est pas terre mon chant n’est pas silence à l’aube où je me lève

Se battre quand l’heure claire fait problème ô nuits de mon enfance mes pieds sont
Glacés qui se chauffent à la brique se battre quand mes rêves disparaissent

Il gagne sur les plages des poèmes galets baroques de ses vers des algues lui servent de pinceaux pour saisir la couleur du soleil 

Message continu et invariable, malgré les années et la diversité de l’œuvre de France Burghelle Rey, c’est cet espoir d’une communauté humaine harmonieuse comme les arbres d’une forêt coexistent pour créer un espace de paix, vecteur d’épanouissement et de silence fertile, qui est au cœur de toutes ses préoccupations. Toute entière dédiée à cet idéal, la poésie de France Burghelle Rey, grâce aux champs sémantiques d’une simplicité qui confèrent à ses propos une innocence céleste et limpide et à une mise en œuvre syntaxique somme toute protocolaire, ne cesse d’exhorter ses semblables à se retrouver. Et en tout premier lieu, elle leur offre l’espace du poème comme territoire où édifier une parole fraternelle.

Faut-il perpétuer les beautés qui sont là ou bien se contenter de reflets 

 

                                                            I

L’étau se desserre et se libèrent les mots c’est l’espoir d’un sens je rassemble les
fleurs pour que leur parfum réponde à toute attente 




Feuilletons : Ecritures Féminines (1)

 

Y a-t-un genre à l'écriture du poème ? Question sans doute aussi vaine que les polémiques passées autour du sexe des anges ! Il y a évidemment des thèmes, des points de vue qui ne peuvent que leur appartenir, ou tout au moins suggérer que l'auteur se mette dans la peau d'une femme pour explorer la maternité, par exemple...La diversité des recueils reçus en début d'été invite loin des clichés, à esquisser une carte de ces écritures. Voici un bref florilège commenté de mes lectures estivales, qui ne fait que tracer imparfaitement des pistes, que le lecteur est invité à poursuivre, en piochant aussi dans le « panier » des livres reçus, dont la liste figure en page d'accueil.

 

*

 

 

C'est, comme une évidence, par Judith Chavanne qu'il nous faut commencer : en effet, le recueil qu'elle signe, publié dans la petite collection « La main aux poètes », des éditions Henry, s'intitule « Elle chantait » - et nous donne à lire des variations autour du chant d'une Orphée-femme dont la parole s'affirme et la libère comme une danse aux dimensions de l'univers :

 

« Elle chantait.
En elle et autour, c'était
comme la roche doit se réjouir
d'être pour l'eau ruisselante un passage
ou comme le bois dans l'herbe
défend son coin
de lumière quand vient le soir
et que l'écorce du sapin est alors
une rose halte »

 

et plus loin :

 

« au lieu qu'un chant,
c'était dans la salle des pas perdus,
des êtres évasifs, le surgissement
d'une danseuse, arabesques et volutes ;

avec quelle décision le chant
osait en elle, il dansait. »

 

Cette danse cosmique naît, de l'ombre d'une silhouette, remémorée à partir d'un fragment de « page dérobée » - désormais introuvable, ou rêvée - sur laquelle méditent « du lointain de sa maturité, un homme (qui) se souvient, et il écrit » et une enfant lectrice recréant, devenue à son tour scriptrice « la femme, la mère, quand elle chante ».

Le dispositif complexe – et inattendu - de cette double mémoire s'inscrit dans le cadre d'une fenêtre : « ce qui se présente comme l'équivalent de cette femme : une fenêtre découpée sur le ciel. A hauteur de l'enfant dont elle a adopté la place, il n'est possible de voir que cela ». Mais le recueil marche-danse avec la voix du souvenir, en quête de ce « mot qu'on se remémore / grâce auquel, ce jour, le corps se remembre ». La grâce de cette danse touche le verbe de la poète.

 

*

 

Le désordre amoureux est le thème du recueil d'Isabelle Alentour, Je t'écris fenêtres ouvertes, publié par la dynamique maison d'édition d'Antoine Gallardo, « la Boucherie littéraire », dans sa nouvelle collection, caractérisée par une couverture monochrome correspondant à la couleur des pages intérieures.

Ici, c'est le bleu qui domine – bleu du ciel entr'aperçu à la fenêtre peut-être - bleu de l'ombre évoquée « l'ombre de ton souvenir est un ciel dans le ciel » - bleu de la page sur laquelle se couchent les mots pour évoquer ce que narre de façon épistolaire ce recueil – une rencontre, et sa remémoration, dans l'absence nécessaire à l'écriture qui, jamais « n'épuise l'attente ».

En 4 chapitres (Un, Deux, Seule et Nous), de l'attente initiale, en passant par la rencontre, la séparation, au futur impossible imaginé sur le mode des jeux d'entants (« on dirait que... »), la poète nous plonge dans le continuum de cette attente, suspens souligné par l'absence de ponctuation. « Comment se nomme-t-il ce temps » s'interroge d'abord la scriptrice, aux prises ensuite avec une perpétuité matérielle, qui englue, entre « chair et sève », au cœur de ce manque qui troue même la page et la syntaxe.

Ces poèmes de désir, où la sensualité du monde (« une goutte de pluie ventrue » par exemple) fait écho à la « calligraphie lascive » du corps, disent aussi la hardiesse, l'impudeur du désir féminin - « désir animal » - dans un langage cru où le scopique pourtant évite la pornographie par la tendresse, la précision et la beauté des images, d'un érotisme qui hisse ces textes à la hauteur des plus beaux poèmes d' amour  :

 

« Je nomine ton corps homme de Vitruve et sa force en afflux Cuisses et bras déployés buste haut large empan j'agrippe tout de toi quand tu tends une main glisse un doigt lèvres chaudes et restes sans bouger me laisses devenir avant que d'être toute

Non ne te hâte pas je veux tout emparée abouchée je désir animal à voix basse écorché comme pour moi mais à toi je t'aime comme un vivat avec tout ce que j'ai et ce que je n'ai pas »

 

 

*

 

Le lien sexuel/sensuel entre poésie des corps et écriture éclate dans L'Entaille et la couture, d'Estelle Fenzy, autre superbe texte amoureux publié, lui, aux éditions Henry. Ecriture pyromane, d'une poète dont le recueil  « Mère » vient de sortir à La Boucherie Litttéraire. L'Entaille et la couture est un hymne amoureux ardent - « Tu as fait feu de ton bois / dans ma maison », un blason du corps amoureux dit avec une liberté qui en fait un texte d'un érotisme aigu, impudique et naïf à la fois, nouant sensualité animale -  « Je suis cet animal » dit la poète - et tendresse presqu'enfantine, comme ici se décrivant  « Le nez sous ton aisselle / comme une petite bête ».

Cette mise à nu des corps dans l'amplex amoureux, cette  «exactitude» du langage qui ose nommer chaque geste, chaque détail, dans une série d'instantanés de l'acte, les pare aussi de dentelles ou de tatouages, qui sont autant signes érotiques que traces d'écriture :  « Mon corps est crayonné / sa mémoire langagière »- et l'amant est la page où s'écrit le texte amoureux :  « Les accents tes bras /les points tes genoux // et // ton sexe virgule / où s'attarder vraiment // ponctuation vivante /repos du langage / sur ma bouche ».

 « Ecrire et caresser – oui / de la même main »- inlassablement, pour tisser ce texte qui a lui aussi l'authenticité et l'audace des grands chants d'amour, hissant le texte parfois à la hauteur d'une cosmogonie, entre salive du dire et averse créatrice.

 

*

 

La maternité, bien sûr, est un topos typiquement féminin, pourrait-on penser – ce que le recueil d' Estelle Fenzy Mère ( Boucherie Littéraire), confirme avec la même "im"pudeur que son exploration du territoire de l'étreinte et du coït. On retiendra plutôt pourtant le texte inclassable de Claire Tencin , Le silence dans la peau – désigné comme récit, aux éditions Tituli : il bouleverse tout ce qu'aurait d'attendu le thème de la maternité, pris ici à rebrousse-sensations et à rebrousse-mots : l'auteure y étudie ce qu'elle nomme  « Interruption Volontaire de Maternité » - non pas le refus d'enfant, mais le refus de se soumettre à la pression sociale qui veut que le destin physiologique soit non seulement consenti, mais désiré, comme l'unique aspiration du devenir féminin.

Commencé comme un poème, avec deux mots jetés sur la blancheur de la première page – silence / peau – le texte s'organise peu à peu, sort du mutisme par la voix qui pose peu à peu un sujet face à l'écran vide de l'impensé, donne voix à la mère qu'elle tire de son  «silence ancestral» dans une page magnifique consacrée à la langue maternelle «qui n'est que la langue des frontières de la géographie d'un peuple», confisquée à celle qui dépossédée se replie dans le babil enfantin et à laquelle le  « Récit » se substituera, devenu  « le sujet manquant de la mère », constituant peu à peu une syntaxe qui lui permette de dire – et de rayer, comme ce mot  « maternel » biffé sur la page.

La mère est/ n'est pas une mère précise, au silence obtus et au pied-bot, comme un personnage mythologique, qui donne naissance à. Sans cri. Malgré l'incision dont la cicatrice marque la narratrice, balafre-fermeture-éclair. Il s'agit de  « la Mère toute générique que le Récit veut attraper par la peau » sous la plume d'une fille tout aussi générique que particulière. Cette fille aux yeux verts qui ne ressemble à personne et lit des livres. Et qui s'insurge :  « il y aurait une pensée féminine à rayer ce sous-ensemble sexué dans l'ensemble de la pensée globale, genrée pour dire comme, le mauvais genre réhabilité par la doxa universitaire, cette duperie lexicale qui croit débusquer l'illusion ». Et le récit remonte l'arbre généalogique incomplet où manque l'aïeule, enfuie avec un amant, remonte à l'origine, Lilith, la rebelle, la lubrique, présentée comme démoniaque, que la Genèse tente d'effacer en créant Eve, femme soumise, et innocente, par qui la malédiction se perpétue. Et se rejette, dit la narratrice – peut se rejeter :  « Des actes isolés font silence autour d'elle, ceux de la mère qui défont la Mère-tout -amour, je pense à ma grand-mère, à celles qui accouchent sous X, à celles qui tuent leur progéniture dans un déni de grossesse, à celles qui ne peuvent pas aimer ce qu'elles ont mis au monde...». C'est la prise de conscience de ce monde marginalisé, privé de parole, que raconte le texte – la lente prise de conscience politique de La Fille, qui s'émancipe grâce aux livres (Annie Ernaux, première citée), grâce à la liberté des expériences sexuelles et érotiques -  « Le Récit a dit à la fille qu'il lui manquait les mots. Que l'érotisme ne vient qu'avec des mots ». Et délivre de la  « femellitude » primitive :  « J'ai continué à écrire mes théories dans ma tête. A me défendre du pronom personnel par le pronom générique. Tout se tramait dans ma tête en imitant la syntaxe des chasseurs, c'était comme une répétition pour conquérir mon droit d'appartenir à leur clan. »

Claire Tencin écrit juste. Recomposant le Récit de/pour sa mère, elle retisse ce lien mère/fille qui les mène sur une tombe du Havre où les désirs échoués du passé seront enfouis comme la montre de la grand-mère. Elle nous donne un texte magnifique, qui résonne comme, peut-être, le silence enfin rompu, la peau sensible d'un tambour.

 

*

 

Remontée sur l'arbre généalogique aussi, le très court et dense « Renée en elle » de Cécile Guivarch, publié en 2015 dans la collection « La vie comme elle va » aux éditions Henry, et dont je n'avais pas encore parlé. A tort : Cécile Guivarch y fait le récit chamanique d'une « possession » : la Geste de l'ancêtre, Renée, disparue de la mémoire familiale, mais qu'elle retrouve au cours de ses recherches généalogiques. Un peu à la fois, elle retrace la vie de Renée, les étapes de sa jeunesse – ses premières règles, ses premiers émois amoureux, les naissances – les enfants morts... La narratrice est habitée par cette parente défunte au point qu'elle lui donne sa voix, dans un dernière partie tragique où se dévoilent la véritable raison de l'éviction du souvenir de Renée, et l'horrifique situation de la morte sous terre, mais déjà enterrée vive auparavant.

On ne sort pas indemne de cette lecture, mais très émue, touchée par la grâce d'un récit sans artifice qui donne corps à cette absente.

 

*

 

On aimerait ne pas oublier Ghislaine Lejard pour Un mille à pas lent, dans les petits livrets des éditions de La porte. Ce mince recueil, sous l'égide de François d'Assise, est une série de brefs poèmes, comme des Fioretti modernes, où l'on ne peut s'empêcher de penser au travail d'artiste de la poète, à ses collages dont les papiers déchirés/assemblés procurent une semblable épiphanie :

 

L'arbre dépouillé
est don
dans la froideur hivernale
l'oiseau sur la branche
chante sa louange.

(...)

Ineffable cette innocente déchirure
dans l'éternel instant de la révélation

 

 

*

 

 

Ne pas manquer non plus Roselyne Sibille dont sortent deux recueils : Lisières des saisons, et Diagonales du silence. Ce dernier texte jouant sur l'ambiguité des pronoms (je/tu – nous) plonge le lecteur dans la quête d'une identité qui se construit au fil de la lecture : par une série de poèmes brefs, comme dialogués, c'est une méditation sur le parcours et le destin des nombreux exilés qui font la une des actualités, et que la poète suit, interroge, soutient de ses mots de tendresse et de pitié :

 

Tu es parti sans rien
sauf en toi
le parfum des fleurs de jasmin

il retire le sol devant tes pas
et tu titubes sous son poids

 

Exilés auxquels Roselyne Sibille s'identifie et prête sa voix, dans laquelle sourdent les inquiétudes du déraciné en marche vers des terres inconnues et inhospitalières même à la langue : «Je suis assailli par ces mots /que personne ici ne sait prononcer». Texte solidaire de toute la détresse des déracinés, arrachés autant à leur terre qu'à leur passé : « Mains arrachées / vous pleurez des pavés / vous longez à reculons / la mémoire des visages éclairés », ce recueil émouvant tente de panser les blessures par mots interposés

 

N'aie pas peur
rabats sur toi les pans de la lumière

Tu peux laisser derrière toi
les ailes de l'ombre

 

Peut-être est-ce par cette posture d'accueil que le texte « engagé » et politique de Roselyne Sibille, touche, sans effet de violence, mais de façon «diagonale» – à travers le miroir d'humanité qu'elle nous tend vers la détresse du monde.

 

 

*

 

Tout à l'opposé, nous dirons deux mots du recueil de Céline Escouteloup, Impromptus de bord de piscine , accompagné de fort belle photos de l'auteure mise en scène par Jean-Luc Favre, à La Lucarne des écrivains. Suite d'instantanés, de notations de sensations précises et justes, et de souvenirs remontés des fonds de l'enfance, le texte léger, et pétillant – qu'on ne peut toutefois, pour parodier la célèbre publicité d'un soda, confondre avec Alcools – sent bon le vernis, l'ambre solaire et le cheveu de poupée qui me faisait défaillir enfant. Constitue-t-il l'ébauche d'une histoire, avec ses larmes, ses plaisirs, ses éclats de mémoire? Sa petite voix personnelle n'est pas dépourvue de charme, qui voit/donne à voir une sirène-enfant de piscine, touchante et naïve, pas dupe non plus de l'univers en toc qu'elle décrit : « une fixité de pacotille / En sauvageries orageuses / Rectangle artificiel / D'immobile clarté-fausse-mère ».

L'iconisation glamour de la poète en Lolita mélancolique de magazine sur papier glacé dont coule le rimmel tandis qu'elle se défait de ses effets ( « Avec ma petite culotte mes mots tombent à mes pieds / Non ne les ramasse pas » (l'humour irrigue ce texte à l'écriture moderne) - ou qu'elle s'observe au miroir : « Un miroir tendu à l'avant / un autre à l'arrière / Nécessaire pour voir / De quoi la coiffure a l'air ») , semble le projet superficiel de ce recueil miroitant comme la surface de l'eau. On découvre pourtant qu'il est consacré à la co-naissance de soi, à la maîtrise d'un corps féminin et de son image découverte et dévoilée au lecteur à travers l'épisode narré p. 66 :

 

« Un jour mon coeur s'est emballé
On m'a repêchée
Au bout d'une grande perche métallique
Déposée sur le bord
Les pompiers sont venus

Ça s'est calmé
Des heures, des heures après

Il n'y avait que le regard des garçons
Sur mon corps

Ils avaient l'air de dire
Au milieu d'un enfer
Qu'il leur plaisait. »

 

à déguster dans les conditions de son écriture.

 

*

 

Très riche le « panier » des lectures de l'été - trop : il nous faudra rendre compte dans une seconde livraison des visions cosmiques, inspirées de la philosophie et de la pratique des textes antiques, de Dominique Sutter, dans Géodes, (éditions La feuille à thé),

 

Entrez dans le vif ou le feutré d'un paysage
Et courez le risque d'une initiation.
Accepterez-vous d'être l'initié?

 

tout comme des récits d' Angèle Paoli, dans Italies Fabulae, aux éditions Al Manar, recréant des mythes rêveurs et sensuels, avec une très belle postface d'Isabelle Lesveque, ou les écritures neuves d'Angèle Casanova avec Là où l'humain se planque, ou Nolwen Euzen pour Babel Tango, dans la publication au format et typo inusités de Tarmac éditions, mais encore Clara Regy, Claudine Bohi, Elodia Turki...

A suivre, donc. Comme tout feuilleton. 

 




Place de la Sorbonne n° 7

Qu’ajouter après l’éditorial de Laurent Fourcaut qui ouvre cette livraison annuelle forte de plus de 400 pages ? Tout y est dit, ne reste plus qu’à lire attentivement ce n° 7 de Place de la Sorbonne.

La première partie est consacrée à Olivier Barbarant, spécialiste d’Aragon mais aussi poète : étude sur la poésie et poèmes inédits. Une étude qui s’attache à montrer comment le quotidien (le réel) peut être à l’origine du poème, quotidien qui ne se confond pas avec la contingence dit Barbarant :

La fêlure, la fragilité, la douleur du deuil personnel, y empêch(ai)ent toute mise au pas de la voix » (p 17)

Il était bon que ces choses-là fussent dites. Les poèmes se veulent illustrations de ce que recèle l’étude (à moins que ce ne soit l’inverse). Suit un entretien avec Djamel Meskache des éditions Tarabuste réalisé par Laurent Fourcaut pour PLS. De cet entretien, il faut retenir ce que dit Meskache : à propos de la diffusion et de la distribution des livres qu’il édite, il répond, à la question posée sur la portion congrue des étals de poésie et de la faiblesse en mètres linéaires des rayonnages de cette même poésie chez les libraires : « Admettons qu’ils ne soient pas nombreux : cela ne dit rien de l’état de la poésie en France. Tout au plus, ça décrit l’état de renoncement dans lequel la médiocrité ambiante tente, sans toutefois y parvenir complètement, de plonger une part de plus en plus importante de nos concitoyens » (p 32). Dont acte.

Place de La Sorbonne n° 7 (Revue internationale de poésie de Paris-Sorbonne) : ce numéro 428 pages, 15 euros. Publié par les Presses Universitaires de Paris-Sorbonne (28 rue Serpente 75006 Paris, pups@paris-sorbonne.fr)… PLS : Université de Paris-Sorbonne ; 1 rue Victor Cousin. 75005 PARIS.

Place de La Sorbonne n° 7 (Revue internationale de poésie de Paris-Sorbonne) : ce numéro 428 pages, 15 euros.

Publié par les Presses Universitaires de Paris-Sorbonne (28 rue Serpente 75006 Paris, pups@paris-sorbonne.fr)…

PLS : Université de Paris-Sorbonne ; 1 rue Victor Cousin. 75005 PARIS.

 

La deuxième partie de la livraison annuelle est consacrée à la poésie contemporaine de langue française : une anthologie de 15 poètes (sur 107 pages) suivie d’une série de notices consacrées à ces poètes qui court sur une trentaine de pages. Il faut noter la diversité des poètes présentés, PLS n’appartient pas à une école littéraire ! J’ai découvert Julien Blaine par sa revue Doc(k)s, il y a déjà de longues années ; je le retrouve ici égal à lui-même, iconoclaste d’une certaine poésie. Je retrouve un Blaine paradoxal qui donne à imprimer ses poèmes alors qu’il est hostile au livre. Comment aborder les poèmes ici reproduits ? Comme la volonté de détruire la poésie du passé, comme l’œil qui voit et qui note ? J’ai bien aimé les poèmes de Murièle Camac pour leur atmosphère ; parmi les poètes connus (de moi), j’ai apprécié Francis Combes pour son usage du réel, sa façon de coller à ce réel. Les routes de mica d’André Ughetto me plaisent pour leur lyrisme et leur côté expérience… Jean Renaud et ses compressions de textes m’ont intéressé car la poésie est expérimentation : et là, je ne suis pas déçu de cette importation d’une technique de la sculpture. GB (Gérard Berthomieu ?) explique longuement dans sa notice ce que voudrait Jean Renaud : essai ou notice ? Cette mini-anthologie permet au lecteur de trouver son dû ; elle rappelle que la poésie est condamnée à innover sinon elle se cantonne dans la répétition des formes du passé. Les notices rappellent le rôle indispensable des revues comme banc d’essai de l’écriture poétique… Cependant le signataire ces lignes se pose une question : aimerait-il moins la poésie que dans sa jeunesse ? S’intéresserait-il moins aux nouvelles écritures poétiques que dans sa jeunesse ? Il est vrai qu’il en a vu (et lu) de ces expériences sans lendemains, ce qui explique qu’il soit de plus en plus difficile.

La troisième partie explore une partie du continent de la poésie de langue allemande : quelques 120 pages sont réservées à ce domaine… Plus précisément, le titre de cette séquence est : « Six poètes germanophones européens  », six poètes qui ont choisi d’écrire en allemand alors qu’ils sont nés dans un autre pays européen. De l’essai introductif de Bernard Banoun et d’Aurélie Maurin, il faut retenir ces mots : « … c’est dans les frontières de pays européens de langue allemande que vivent des écrivains étant passés à l’allemand » (p 150). De 1985 à 2016, le Prix Chamisso (du nom d’un noble français qui émigra en 1792 et qui passa à l’allemand tant par ses poèmes que par un conte justement célèbre, La Merveilleuse Histoire de Peter Schlemil ) récompensa de tels écrivains mais il s’arrêta en 2016 pour la raison qu’il s’agirait là de marquer comme étrangers ces auteurs… Essai fort intéressant au demeurant.

Pour Maja Haderlap les choses sont simples : écrire en allemand permet au slovène d’exister par la traduction de la langue de Goethe. On est loin de la revue poétique croate Le Pont (qui exista dans les années 60-70, au siècle dernier), encore que les traductions en anglais, en allemand, en français et en italien étaient nombreuses. C’est le problème des langues minoritaires qui est ainsi posé.  Haderlap s’interroge : «une langue sait-elle tirer une autre à soi / ou seulement la repousser ?» (p 163). Mais en même temps, elle interpelle le lecteur, seul capable de comprendre. Cependant les autres poètes ne manquent pas de poser des questions révélant le passage d’une langue à une autre, avec mine de rien, des contradictions internes clairement exprimées. Aurélie Maurin ne manque pas de remarquer qu’elle s’est fait aider par Christophe Manon qui ne parle pas un traître mot d’allemand ! À l’opposé des poètes écrivant en vers qui maîtrisent l’allemand et souvent la langue de la minorité à laquelle ils appartiennent : c’est révélateur de ces moments de suspension où la langue hésite. C’est passionnant, jusqu’au bilinguisme de José F.A. Oliver (p 219-220) !

La partie suivante est intitulée Contrepoints : des praticiens des beaux-arts passent au crible de la langue leurs productions respectives ; fragments d’entretien pour Claudine Griffoul (à propos de son travail plastique), comment passer du monotype au discours, de l’eau forte au texte, de la linogravure au poème ? Hugues Absil commente par des estampes, aussi les poèmes de Katia Sofia Hakim. De cette confrontation naît du sens qui doit beaucoup à l’exégèse de Laurent Fourcaut.

La séquence qui suit consiste en commentaires dûs à Catherine Fromilhague de plusieurs poèmes de Paul de Roux : réinscription dans l’histoire de la poésie, le commentaire du premier poème m’a paru très savant, décryptage de la métrique du poème pour le deuxième… Voilà qui prouve que parler de la poésie est un vrai travail. Catherine Fromilhague, très attentive, signe de véritables essais au déroulé du poème de Paul de Roux dans lesquels elle met en lumière les caractéristiques de cette poésie…

La livraison se termine par trois séquences : Échos qui donne à lire un essai de Christian Doumet qui est par ailleurs membre du comité de rédaction de Place de La Sorbonne, essai consacré aux rapports entre poésie et politique ; De l’autre côté du miroir qui regroupe des hommages rendus à des poètes lors de leur disparition et enfin Comptes-rendus & Livres reçus où l’on retrouve de multiples signatures dont celle de Laurent Fourcaut qui est décidément infatigable.

Je n’aurai fait que survoler ce numéro d’une richesse insoupçonnable, manque seulement l’index des n° 1 à 6 de PLS pourtant annoncé en quatrième de couverture. Il fallait bien un mastic et le voilà !

 

*

 




Beverley Bie Brahic

Auteure canadienne, vivant entre Paris et Palo Alto, en Californie, Beverley Bie Brahic est aussi traductrice de  Francis Ponge, Yves Bonnefoy, Hélène Cixous et Jacques Derrida. Elle a reçu le prix Scott Moncrief en 2013 pour sa traduction : Guillaume Apollinaire, The Little Auto. Son recueil de poèmes White Sheets a été sélectionné en   2012 par le Forward Prize et Hunting the Boar (2016) fait partie des Poetry Book Society Recommendations. Recours au Poème vous propose 4 textes qui donnent une idée de son univers à l'ironie tendre, marqué par la poésie du quotidien et le sentiment du vide.

 

Beverley Bie Brahic, Il neige et trois autres poèmes

 

Snowing

It’s no-ing, my girl calls. Half-cupfuls
whisk across the pane.
It’s snowing when I look up
from my load of socks and shirts, white
wash and dark. I track flakes’ paths
across the sky, trunks
of trees, milky lichens
spilled down oaks. Lichens, mother said
grow where air is clean, moss on the north
side of the trees. Remember that,
she said, reading some Grimm tale,
if ever you get lost.

Strange our cells don’t learn
war has no happy ends. Snow—
palpable the hush. When I turn
the key too soon
my frightened child protests: Stop the murder
I haven’t got my seat belt on.

 

 

 

 

First Snow

Tonight at dusk as the hills
shy off and the flakes

start to whirl
we watch our boundaries fade

with a sharper sense
of the unknown. Something

blurry crosses our field
of vision and enters the stand of trees,

aspen and wild
animal lope and the cold

that draws its cave of memory
like a skin around us

 

*

 

And what to say
about this mountain ash along the drive,
whose red berries
are glazed in frost

and hang
stunned into silence
in a ruff of
brown paper leaf?

 

*

 

Our boots tromp a path
through silence
the magpies watch, one

from the top of each spruce
in its quilt of snow.
Magpies—

mechanical birds,
three tin cut-outs
like vanes on the peaks of a trio

of spruce. Violin, alto, wind.
Dapper
in their starched shirts

and metallic blue tails
they rail at us,
us or the dogs

or the untidy world at large.

 

*

 

A patch of ice
shines at the edge of house and wood.

I go out.
Polar light behind the glacial hills.
The top rail of the new fence glitters.

Snow has erased each accident.
No need

to apologize now
small creature who ventured forth
before dawn

and left us
the small print of your tracks.

 

 

 

 

Madame Martin and I

Madame Martin will throw back her shutters at eight
one arm will scoop up sun
she will brush her hair on the stoop using a small pane
           as a mirror
cap of hair like a well-scoured pot
bobbing a little
like the branch the goldfinch swooped off

Monsieur Martin died last summer no
last last summer
a quiet man
who liked to do chores round the yard
spray the roses
who liked to paint his garden gate green
every summer
leafy leafy forest green

She’ll rake the gravel—he would do that—and pull some weeds
peg white sheets across the yard
like a seascape with sails
          to pull the eye deeper in
she’ll tie an apron about her waist
fingers doing that brief couple dance
over and under and bow to your partner

He was sick all of a sudden
he was dead
and now he's gone
she says she thinks she hardly knew him. 

 

 

 

 

The Hotel Eden

after Joseph Cornell

Against survival. Against feathers. Against corks-in-bottles. Against the pathos of stuffed birds. Against against.

Profoundly silent, the taxidermist’s shop.

“If only,” thinks the bird. If only what?

For her apricot-colored push-up bra. The fish smell of her sex. The fabulous erections.

Contingent but press on.

There’s a key to it somewhere. Break the glass?

From laughter to slaughter the house of objects
is repossessed—table, chair, spoon, cork—the flint flakes remember the knife.

Why we sleep with the light on.

 

traduction de Marilyne Bertoncini

Il neige

Des flacons de neige, s'écrie ma fille. Des demi -tasses
fouettent la vitre.
Il neige à gros flocons quand je lève les yeux
de mon tas de chaussettes et chemises, blanc
et couleur. Je suis la trajectoire des flocons
dans le ciel, les troncs
d'arbres, de laiteux lichens
répandus sur les chênes. Les lichens, disait ma mère
poussent là où l'air est pur, et la mousse, sur le flanc
nord des arbres. Rappelle-toi cela,
disait-elle, en lisant un conte de Grimm,
si jamais tu es perdue.

C'est étrange comme nos cellules n'apprennent pas
que la guerre ne finit jamais bien. La neige
silence qu’on touche. Quand je tourne
la clé trop vite
apeurée elle proteste : Arrête le menteur
Je n'ai pas mis ma ceinture.

 

 

 

 

Première Neige ((poème inspiré par “La Grande neige” d’Yves Bonnefoy))

Ce soir au crépuscule quand les collines
se dérobent et les flocons

commencent à tournoyer
nous regardons s'effacer nos frontières

avec une perception plus vive
de l'inconnu. Quelque chose

de trouble traverse notre champ
de vision et pénètre l'angle des arbres,

Trembles et bêtes
sauvages s’enfuient et le froid

qui tire sa caverne de la mémoire
comme une peau autour de nous

 

*

 

Et que dire
du sorbier le long de l'allée
dont les baies rouges
sont lustrées de givre

et pendent
dans un silence sidéré
au coeur d'une collerette
de feuilles de papier brun?

 

*

 

Nos bottes se fraient un chemin
à travers le silence
les pies observent, une

au sommet de chaque épicéa
dans sa couette de neige.
Les pies—

des oiseaux mécaniques,
trois silhouettes de fer-blanc
comme des girouettes à la pointe d'un trio

d'épicéas. Violons, alto, vent.
Élégantes
dans leur chemise amidonnée

et leur queue bleu métallique
elles nous invectivent,
nous ou les chiens

où ce monde négligé en général.

 

*

 

Une plaque de glace
brille à l'angle de la maison et du bois.

Je sors.
Lumière polaire derrière les collines glaciales.
Le haut de la nouvelle clôture scintille.

La neige a effacé chaque détail.
Plus besoin

de t'excuser
petit créature partie à l'aventure
avant l'aube

nous laissant
l'empreinte légère de tes traces.

 

 

 

 

Madame Martin et moi

Madame Martin ouvrira ses volets à huit heures
un bras prendra le soleil
elle brossera ses cheveux sur le perron et un petit carreau 
           servira de miroir
casque de cheveux en marmite bien décapée
se balançant un peu
comme la branche à peine quittée par le chardonneret

Monsieur Martin est mort l'été dernier non
l'été avant l'été dernier
un homme tranquille
qui aimait bricoler dans le jardin
arroser les roses
qui aimait peindre en vert la porte de son jardin
chaque été
un vert forêt bien dense

Elle râtellera le gravier —lui le faisait — et arrachera quelques mauvaises herbes
étendra des draps blancs dans le jardin
comme un paysage marin avec voiles
           pour capter le regard plus loin vers la profondeur
elle nouera un tablier autour de sa taille
ses doigts dansant brièvement en couple
par-dessus par-dessous et saluez votre partenaire

Il était tombé malade brutalement
il était mort
et maintenant il est parti
elle dit qu'elle pense l'avoir à peine connu.

 

 

 

 

L'Hôtel Eden

d'après Joseph Cornell

Contre la survie. Contre les plumes. Contre les bouchons de liège.
Contre le pathos des oiseaux empaillés. Contre contre.

Profondément silencieuse, la boutique du taxidermiste.

“Si seulement”, pense l'oiseau. Si seulement quoi?

Pour son soutien-gorge à balconnet couleur abricot. L'odeur de poisson de son sexe.
Les fabuleuses érections.

Accidentelles mais il faut persévérer.
Il y a une clé quelque part. Briser la vitre?

De rire en crime la maison des objets
Est saisie —table, chaise, cuiller, bouchon—l'éclat de silex se souvient du couteau.

C'est pourquoi nous dormons la lumière allumée.

 

Présentation de l’auteur

Beverley Bie Brahic

Beverley Bie Brahic’s collection, White Sheets, was shortlisted for the 2012 Forward Prize; Hunting the Boar (2016) is a Poetry Book Society Recommendation, and her translation, Guillaume Apollinaire, The Little Auto, won the 2013 Scott Moncrieff Prize.

She has also translated Francis Ponge, Yves Bonnefoy, Hélène Cixous and Jacques Derrida. A Canadian, she lives in Paris and Palo Alto, California.

© Photo Michel Brahic

Autres lectures




Contre le simulacre en littérature : réponses d’Yves Roullière

Recours au Poème affirme l’idée d’une poésie conçue comme action politique et méta-poétique révolutionnaire : et vous ?
Cruel Labyrinthe  © Guidu Antonietti di Cinarca

Cruel Labyrinthe © Guidu Antonietti di Cinarca

Rien n’est plus politique et révolutionnaire que la poésie si le poète accepte d’être prophète. Prophète non pas au sens où il prédirait l’avenir (même s’il n’y a pas à l’exclure), mais au sens où il dit ce qui est en train de se passer et que personne ne veut ou ne peut voir (Unamuno). Vocation, pure et simple vocation du premier venu, qui doit acquérir au plus vite des règles pour tenter d’imprimer une métrique adaptée à la parole qu’il a à délivrer. Dès que le poète oublie qu’il a été choisi et reçu comme tel, il risque de prendre le pli, qui nous guette tous, du parvenu. On ne fait pas plus le poète qu’on ne fait le prophète. Car on ne l’est - poète ou prophète - qu’à des moments donnés, comme en témoignent les prophètes dans la Bible, mais aussi de nombreux grands poètes dont on ne connaît que des poèmes dispersés (Jean de la Croix, Hopkins, Dadelsen…), ou ceux qui n’ont écrit qu’un seul recueil (Villon, Manrique, Dante, Baudelaire, Corbière, etc.) ou plusieurs mais comme si chacun était le premier (Unamuno, Rimbaud, Claudel, Rilke, Eliot, etc.). Je crois que la poésie dite inspirée, celle capable de marquer durablement nos gestes et nos regards au quotidien, en contexte politique ou religieux, celle qui change la vie, en somme, est celle qui s’est montrée docile aux forces de l’Esprit.
« Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve ». Cette affirmation de Hölderlin parait-elle d’actualité ?
D’une actualité constante, continue. Nous chutons et nous relevons chaque jour, et le monde avec nous. En attestent les « œuvres de l’esprit ». Mais il me semble que la poésie, par rapport aux autres genres littéraires, a cette capacité unique de nous faire participer aux chutes et relèvements mêmes des êtres qui courent sur la page, au point d’en faire son unique objet. Le chant, loin d’abord de transfigurer le monde, comme on le dit souvent, épouse chacune de ses pulsations, les hauts et les bas de ses tensions, la profondeur de chacun de ses abîmes, l’air de chaque sommet. En ce sens, tout vrai poème, comme ce qui sauve, apparaît – ou devrait apparaître – écrit en état d’urgence.
« Vous pouvez vivre trois jours sans pain ; – sans poésie, jamais ; et ceux d’entre vous qui disent le contraire se trompent : ils ne se connaissent pas ». Placez-vous la poésie à la hauteur de cette pensée de Baudelaire ?
Oui, car Baudelaire situe la poésie au niveau de cette affirmation évangélique, à laquelle il fait probablement allusion : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de la parole de Dieu. » Si les hommes font leur pain quotidien de leurs propres mains, Dieu a créé par sa seule parole la manne, où je vois une métaphore de la parole créatrice de ponts avec la réalité, défricheur de signes. C’est de cette manne, offerte à nous soir et matin, que nous avons besoin. Et il est merveilleux que l’on puisse s’en détourner, préférant la saveur du pain qui ne rassasie que momentanément au plein réel, si amer soit-il au premier abord du réel.
Dans Préface, texte communément connu sous le titre La leçon de poésie, Léo Ferré chante : « La poésie contemporaine ne chante plus, elle rampe (...) A l'école de la poésie, on n'apprend pas. ON SE BAT ! ». Rampez-vous, ou vous battez-vous ?
Permettrez d’abord que je discute l’opposition, sans faire du paradoxe, entre ramper et se battre. Au combat, l’une des premières exigences est d’apprendre à ramper pour mieux voir l’ennemi, pour mieux attaquer et se couvrir. Lieu de connaissance élémentaire, humble, au plus près de l’humus, de la terre, de la peau. Il n’est pas rare, en effet, que, dès sa venue au monde, le nouveau-né rampe sur le ventre de sa mère, à l’aveugle, à la recherche du sein. Et j’avoue souvent me référer, quant à moi, à ces moments d’enfance où, jouant à la guerre, je découvrais en rampant les multiples odeurs de la terre, du sable, de la mousse, des fougères et des orties, la vie des insectes, les terriers, et de là, soudain, à la renverse, le ciel à l’infini.
Je ne suis pas non plus sans savoir que ramper est aussi la position de l’homme humilié, avili, obligé de lécher les bottes de ses bourreaux. C’est aussi la position de celui qui s’humilie, s’asservit, pour obtenir une place ou, le plus couramment, pour conserver celle déjà obtenue. Ainsi, nombreux sont les poètes qui rampent devant les éditeurs, les directeurs de revue et les agents culturels pour mendier un peu de reconnaissance ou conserver à tout prix le statut, qu’ils ont chèrement obtenu, de « ces petits messieurs qui se disent poètes »

Présentation de l’auteur

Yves Roullière

Né en 1963, Yves Roullière est essayiste et éditeur à Paris. Hispaniste, il a traduit et commenté des poèmes de Lope de Vega, Miguel de Unamuno, José Bergamín, Ricardo Paseyro, Horacio Castillo, Leandro Calle… À partir de 1991, certains de ses propres poèmes ont été publiés dans la NRF, Légendes, Nunc, Arpa, et traduits en Espagne dans La Primera Piedra et Acontecimiento par L. Calle.  Il est membre du comité de rédaction d’El Alambique (Guadalaraja, Espagne).           

 

Yves Roullière

Autres lectures

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Michelle Hourani, Au bord du ciel, un chemin

Venue de loin

 

Les fenêtres de la ville se coiffent pour la nuit
Le silence se lève sur la pointe des pieds
Seule, je veille et m'enferme
Dans ton sommeil
Ici, tu oublies tes habits de sang
Les morsures de ton visage
et ce long tunnel
d'où tu es sortie fragile.
Désormais l'obscurité est décapitée
incrédule mais reconnaissante,
Je bois la lumière d'une source de vie
Qui chante fraîche,
debout à travers toi.

 

 

La nuit

 

Un lit entre deux dormeurs

L’aube sur le lit

Le lit près de la fenêtre

La fenêtre sous l’arbre

Un nuage au-dessus de l’arbre

Un songe dans les nuages.

 

 

Désespoir

 

On a brisé la boule du bonheur
Où l’on vivait comme dans un rêve
Une fille aux grands yeux de fée
Etait ensanglantée
Tournée vers les murs sombres de son cœur
Jeunesse défigurée dans un été pâle
Sourires oubliés dans les bras du tressaillement
Que faut-il pour devenir fragile ?
Un brin imperceptible du destin
Qui change de voie
Et s’oriente vers les ténèbres d’à côté
Des sources inquiètes montent en moi
Et j’y trébuche en plein jour
Dans ce sentier exécrable
Où même l’écho est décoloré
On ne nous reconnait plus
Car même nos ombres
Ressemblent à des loups de rancune
Hurlant chacun seul dans la nuit.

 

 

Petit bateau

 

Un bateau en papier
Dort sur le lit d’une rivière
Il pêche
Les songes
En regardant
Les poissons
En forme de nuages.

 

 

 

Violence

 

Le vent gifla la mer
Qui se souleva, se cambra
Puis s’abattit d’un coup

La vague se pressa et mordit
De ses milliers de dents
Le rocher

          Il s'effrita sur la grève
          En d'infinis galets

          Les sanglots d'un espace lointain
          Retentirent sur les rives de l'horizon

          Et le temps qui regardait ces instants
          Sombres de violence
          Pressa la marche morbide du temps

          Le soleil coula dans son disque sanguin
          La lune épousa sa lumière de froidure

          Que les lâches n'ignorent pas la loi des ténèbres
          Gravée dans la sentence de nos Destins.

 

 

Communion

 

Le soleil se lève tranquille
Chapeauté d’un nouveau jour
Je le salue
D’un signe de main,
Il me répond à sa façon
Une dernière étoile à disparaitre
Avant le matin,
Clignote timidement
Dans le bleuissement
De mes yeux.

 

 

L'accident

 

Du haut de la vallée
Elle ne vit que sa peur
Elle eut beau hurler
Tout passa telle une lueur

          La chute se fit rapide
          Mais elle put apercevoir
          Derrière la vitre limpide
          La mort habillée de noir

          Effrayée elle ferma les yeux
          Puis lança désespérée
          Un cri qui troua les cieux
          Déconcertant la mort qui souriait

          Quand on la retira d'en bas
          On ne vit pas que gisaient là
          Deux ailes blanches ensanglantées
          Repliées, paisibles de l'avoir sauvée.

 

 

Jeunesse d'aujourd'hui

 

Le visage ganté de confiance
Elle a des répliques de silex
Les mains aux abois
Des orages dans ses rires
De la poussière dans ses rêves
La chair crevée de désillusions
Une ombre gavée de stupéfiants

          Et l'ennui meurtri qui
          La poursuit de ses griffes.

 

 

Présentation de l’auteur

Michelle Hourani

Michelle ACCAOUI HOURANI est une écrivaine libanaise qui cultive une passion pour la langue française et en particulier pour la poésie. Elle a déjà trois recueils publiés en France  et un en Belgique, et fait partie de la SACEM à Paris puisque deux de ses poèmes ont été mis en chanson  par des  compositeurs français.

En 2016, participant  au  concours Europoésie  à Paris, elle décroche le 2ème prix de la francophonie, pour l'ensemble de ses poèmes et le 3e prix de la francophonie pour ses poèmes courts et haïkus.

 

 

Michelle Hourani