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Marc Tison : Sons et poésies qui s’enlacent

Cela fait des années que Marc Tison porte la poésie ailleurs, là où elle dévoile ce qui de la banalité de notre quotidien a été enseveli sous les habitudes. Il emmène le poème jusqu'au creux des jours, le rend audible, perceptible. Il rend audible cette dimension vibratoire qui fait de toute poésie l'instrument d'un lien entre nous tous, humains, par-delà le langage. Il fait de la poésie une expérience sensible qui emporte le lecteur/auditeur dans des univers à chaque fois renouvelés. Entre chant et diction, ce cadeau reproductible à volonté grâce au 33 tours qu'il vient de produire avec pour l'accompagnement musical Marc Bernard et pour la mise en œuvre graphique Jean-Jacques Tachdjian, est la suite logique de sa démarche, qui est celle d'un poète qui restitue l'épaisseur acoustique et vibratoire du poème et l'emporte dans l'univers de ceux à qui elle est ainsi offerte, pour que le partage soit consubstantiel de l'édification du sens, et au-delà, pour qu'elle atteigne à l'essence de toute poésie, la fraternité.

Pour quelles raisons mets-tu le poème en scène, en demeure d’être accueilli autrement par les gens ?
Le poème (j’enfonce une porte ouverte) est inséparable de la forme dans laquelle il se propose, qu’elle soit l’institution du livre et de l’imprimerie sur la page blanche, ou l’espace sonore et les mots qui y résonnent.
L’émotion, charnellement, est le prodrome du poème. Il se fabrique chez moi ensuite avec les mots et les langues qui viennent.
Là dans la dernière production parue en vinyle, les poèmes sont faits de matière sonore, de mots et de sons, mais aussi de matière physique. Le vinyle -l’objet n’est pas innocent-, et les affiches livrets, elles même fabriquées d’arrangements visuels.
Quel que soit l’outil de fabrication du poème (Textes pour revues et recueils, performances publiques, formes sonores, visuelles), si je regarde bien mon désir, l’intention est que ce poème renverse la frustration de ne pouvoir jamais transmettre l’exacte émotion qui a suscité le poème. Entreprise vaine s’il en est, mais l’intention elle ne l’est pas. Cela permet que l’objet, le poème, rencontre autrement, dans un cercle élargi, des groupes différents. Et j’ai besoin de ça, encore plus aujourd’hui dans ces moments de petites habitudes sociales et de replis sur des entre-soi.   

Marc Tison, 4 phonations flexibles, vinyle,  poésie musique et livret image ; musique de Marc Bernard, graphisme JJ Tachdjian, Mtmgmt, 2021.

Est-ce une manière de permettre au texte d’imprégner le quotidien des gens, de magnifier ce que la vie fait disparaitre dans une banalité qui élimine toute possibilité d’émerveillement ?
Dans ta question il y a l’éventail des réponses.
Oui bien sur, il y a que je vis très simplement -je peux dire naturellement- l’émotion quotidienne à travers, par exemple, l’odeur de la pluie sur l’herbe coupée comme aujourd’hui, une rencontre de hasard, un fait social signifiant, ou l’arrangement heureux d’une chanson, ou encore la vue d’un paysage. Le poème est là.
Alors oui le texte quand il se propose, mixtionné dans les sons vivants, et/ou dans les vidéos, c’est une façon de « faire la vie ».
Ces propositions sont autant de souhaits qu’elles rencontrent la matière sensible des gens, « les autres », dans des savoirs lire ou entendre les poèmes différents.
Même si les poète-esse-s aiment à être lus et entendus par leurs pairs, et les initiés, l’origine du poème n’est pas là, et ne peut jamais être légitimement là.
D’ailleurs, plus je me pose la question moins je sais, et moins cela m’occupe de savoir pourquoi j’écris, je fabrique, des poèmes qu’ils soient à lire, à entendre ou à voir.
C’est la vie « merveilleuse » comme ça, c’est le « ça qui est ça », des objets de l’émotion du quotidien. C’est surement en parti pour cela que je suis ailleurs des cercles habituels de la poésie.
Mes poèmes, et moi aussi, humblement cherchons surement et éternellement ce que Ferlinghetti nommait « The rebirth of wonder » - « La renaissance des merveilles ».  

Contre la mort 

Je me battrai contre la mort
Toutes les morts
A mains nues rouges 
Armées du soleil fou des solitudes célestes

 Je me battrai contre la mort
Jusqu’à effacer les disparitions
Dans la persistance sidérale

 

Extrait du EP "4 phonations flexibles" Textes voix -Marc Tison / Sons musiques Marc Bernard / Réalisation Pascal Gary.

Je t’aimerai comme avant la curée 
Avec la sauvagerie des perdants
La peur en gorge ficelée des cris
Tes sudations déversées dans mon ventre 
Seront mes psychotropes mes euphories 

Ma bouche écorchée embrassera à pleines dents
La nuque des bâtisseurs de ruines
Tes ennemis se videront de leurs sangs
Rendus blêmes
Tu auras le mien embrasé en recours

Je t’offrirai le si peu que j’ai de précieux
Mes organes vitaux
Mon sexe
Mon cœur
Mes poumons

 Et le mystère de la raison  

Je deviendrai quelqu’un de bien mieux

∗∗∗

 L’affolement des courbes

Ce sont les mains
Les mains
Les mains suivent la ligne
Elle paraît
Sur l’univers blanc  
Et au dedans
La métaphore du cœur
Le battement
On ne sait pas où
On ne sait pas où se trouve l’émotion
L’organe qui envahit l’ensemble

Ce sont les mains
Les mains
Qui le disent
En dessin dans l’air
L’affolement des courbes  

Un contre-jour
Des bouches se frôlent
La jambe enlace une taille
Le cou une paume les doigts 
Et les yeux
Le long des horizons s’étreignent
En échange les traits de contraste

 

∗∗∗

Il n’y a pas d’autre que moi

Il n’y a pas d’autre homme que moi
Il n’y a pas d’autre homme que moi

Il n’y a pas d’autre homme que moi pour nourrir les oiseaux du jardin
Il n’y a pas d’autre homme que moi
Il n’y a pas d’autre homme que moi pour causer à mon voisin

Il n’y a pas d’autre homme que moi pour sauver le monde 

Il n’y a pas d’autre homme que moi
Il n’y a pas d’autre homme que moi pour combattre l’obscurantisme trier les déchets

Il n’y a pas d’autre homme que moi
Il n’y a pas d’autre homme que moi pour faire le ménage et advenir la paix

Il n’y a pas d’autre homme que moi
Il n’y a pas d’autre homme que moi dans la volition d’être un homme

 

Extrait du EP "4 phonations flexibles" de Marc Tison distribution numérique Absilone. Sons et poésies qui s'enlacent.

∗∗∗

 

Pierre

Pierres qui calent mesures d'usines
imbriquent des briques de terre de
pierres pierres rouges les murs des
maisons ouvrières des ouvriers
effacés dans le canton de Denain
désintégrés statistique sociale
troisième page des misères du
journal rouge maisons barricades
planches aux fenêtres et les murs
désertés rouges de pierres
s'effritent sans fin recyclées et
d'autres écrasées sans fin tapis des
sols d'autoroutes sacrifices des os
d'anciens locataires sidérurgistes au
RSA offerts à la condition de
poussières

 

Extrait de la lecture performance de Marc Tison textes et Raymond Majchrzak sons à Bereldange Luxembourg le 06 février 2019. Texte extrait du recueil "Des nuits au mixer" édition de "lachienne".

Présentation de l’auteur

Marc Tison

  1. Né entre les usines et les terrils, à Denain dans le nord de la France. A la lisière poreuse de la Belgique. Conscience politique et d’effacement des frontières.

Lit un premier poème de Ginsberg. Electrisé à l’écoute des Stooges et de John Coltrane.

Premiers écrits.

1975 s’installe à Lille. L’engagement esthétique est politique. Déclare, avec d’autres, la fin du punk en 1978. Premières publications dans des revues. 

Il écrira et chantera plus d’une centaine de chansons dans plusieurs groupes.

Décide de ne plus envoyer de textes aux revues pendant presque 20 ans, le temps d’écrire et d’écrire des cahiers de phrases sans fin puis il jette tout et s’interroge sur l’effondrement du « moi ».

Déménage en 2000 dans le sud ouest. Reprend l’écriture et la publication de poésie.

Engagé tôt dans le monde du travail. A pratiqué dans un premier temps de multiples jobs : de chauffeur poids-lourd à rédacteur de pages culturelles, en passant par la régie d’exposition (notamment H. Cartier Bresson) et la position du chanteur de rock. Puis il s’est dédié à la production musicale pour, depuis 25 ans, se spécialiser dans la gestion et l’accompagnement de structures et projets culturels.

 

 

 

 

 

 

Poésie

1977 - 1981 : Publié dans plusieurs revues (dont « Poètes de la lutte et du quotidien »)

2000- 2019 : Publié dans plusieurs revues (« Traction Brabant, Nouveaux Délits, Verso, Diérèse,…).

2008 : Recueil collectif « Numéro 8 », éditions « Carambolage ».

2010 : Recueil « Manutentions d’humanités », éditions « Arcane 17 ».

2012 : Recueil « Topologie d’une diaclase », éditions « Contre poésie ».

Texte « Désindustrialisation », éditions « Contre poésie ».

2013 : Recueil « L’équilibre est précaire », éditions « Contre poésie ».

                  Trois affiches poèmes, éditions « Contre poésie ».

2015 : Recueil « les paradoxes du lampadaire » + « à NY ». « Editions Contre poésie ». 

2017 : Recueil « Des Abribus pour l’exode » (accompagné de 7 images / peintures de Raymond Majchrzak)  Editions « Le Citron Gare ».

2018 : Recueil « Des nuits au mixer ». (Mise en page J.J. Tachdjian). Editions « La chienne » collection « Nonosse »

 

 

 

Autres 

Depuis 2010 : Lectures / Performances / installations poésie (solo, duo avec Eric Cartier et collectif).

2014 : Publications de quinze textes et une nouvelle dans le livre d’artiste « Regards » du photographe Francis Martinal.

A publié plusieurs nouvelles sur des sites en ligne.

 

Poèmes choisis

Autres lectures

Marc Tison, Des nuits au mixer

Un recueil signé Jean-Jacques Tachdjian … Reconnaissable, parce qu’il offre  au signe une chance de révéler des dimensions inexplorées. Ce graphiste éditeur écrivain n’a pas fini de nous étonner. En l’occurrence ici, en [...]

Rencontre avec Marc Tison

Il ne faut pas ne pas le connaître. Marc Tison. Ce poète n’a jamais revendiqué quoi que ce soit, si ce n’est porter la parole des camarades humains. Il le fait merveilleusement, tout [...]

Marc Tison, La boule à facette du doute

Marc Tison rend compte de sa pratique de la poésie, car pour lui la poésie est une expérience partagée. C'est une praxis qui ne s'oppose pas à la poiêsis bien au contraire. C'est une [...]

Marc Tison, L’Affolement des courbes

Si écrire est encore possible, c’est une voix comme celle de ces pages-ci qui est souhaitable.  Une voix présente mais qui évince un lyrisme pesant et gluant comme les mauvaises chansons, une voix [...]

Marc Tison : Sons et poésies qui s’enlacent

Cela fait des années que Marc Tison porte la poésie ailleurs, là où elle dévoile ce qui de la banalité de notre quotidien a été enseveli sous les habitudes. Il emmène le poème [...]




Marc Tison, L’Affolement des courbes

Si écrire est encore possible, c’est une voix comme celle de ces pages-ci qui est souhaitable.  Une voix présente mais qui évince un lyrisme pesant et gluant comme les mauvaises chansons, une voix qui à travers cette lecture personnelle du réel en restitue la matière, sans jugement mais sans concession.

Marc Tison est depuis toujours un auteur engagé. Sans grandiloquence ni axiomes alambiqués, c’est dans le discours de la terre, d’une humanité qu’il aime et qu’il regarde avec acuité et bienveillance qu’il prend la matière de ses poèmes. Une langue pure et simple, un lexique usuel, et un ensemble qui restitue la présence du poète dans le quotidien et en dévoile parfois les affres, parfois les évidences, sans les accepter, mais sans les condamner. Il énonce, et il aime. Du nord il a gardé ceci, cette dignité des briques feu des maisons aujourd’hui abandonnées à un passé sanglant, et à un présent non moins terrible. Cette région si splendide est ignorée, abandonnée, lâchée par les pouvoirs politiques. Sans le dire jamais, dans la modestie d’une posture toujours discrète mais efficace, auprès des autres, Marc Tison parle droit et fort comme les paysages de là-bas qui ont bercé son enfance et façonné son âme.

Marc Tison, L'Affolement des courbes, Lacheinne
Edith, collection Nonosse, 2020, 122 pages.

Ce second recueil est mis en page  une nouvelle fois par Jean-Jacques Tachdjian, graphiste et éditeur qui explore et invente,  renouvèle sans jamais ressembler à quiconque, ni à lui-même, ce qui me semble encore le plus important, avec ce carnet de route permanent de demeurer irréductible aux exigences du nombre. Travail d’orfèvrerie graphique disais-je, pour des  mises en page qui délient le carcan du quadrilatère blanc pour offrir mille reliefs et un horizon infini aux textes, variant les typographies, étendant le poème sur la double page du livre, les enchâssant dans des lignes fines et dont la géométrie déploie métaphoriquement toutes les potentialités des poèmes. Des dispositifs ni exubérants ni austères, ni intempestifs ni insipides, tout est juste, tout ouvre vers une liberté absolue. Attention, l'évasion des textes ainsi produite pourrait nuire aux certitudes de certains, et susciter un questionnement qui bien que salvateur pourrait déranger celles et ceux qui ne souhaiteraient pas réfléchir...

Les thématiques abordées par Marc Tison sont celles de nos vies, celles de tous nos jours. Il y a cet étonnement, celui de l’enfant, celui de l’homme resté dans le regard de cet enfant et dans la vie, l’amour, mais pas n’importe comment, magnifiés ou interrogés toujours pour en révéler les incohérences, les absurdités, mais la beauté profonde de ceci, qui est sûrement le fait de ce regard conscient posé sur des éléments anecdotiques que le poète mène à la source de toute humanité.

Mais peut-on encore écrire, peut-on encore évoquer la littérature comme avant ? Peut-on faire comme si, alors, rien n'était arrivé de ce basculement vers on ne sait quoi ? Ecrire, c'est là, dans L'Affolement des courbes, s'enraciner dans le territoire mouvement du monde, y planter un arbre de paroles, pour qu'il pousse et essaie de s'élever. Ecrire c'est dire, c'est agir comme le poète sur scène offre sa voix aux textes pour qu'ils vivent, qu'ils soient ce dont ils sont fabriqués, cette énergie vive et humaine, qui se recrée à chaque fois différemment. Ecrire c'est communier, c'est cette unique instance d'une voix  qui devient celle du nombre. C'est un don, un cadeau, une puissance partagée, et c'est dans cette dynamique qu'il sera possible d'aller vers un monde nouveau. Désormais, rien ne sert plus à celles et ceux qui offrent leur figure à des lauriers que seule la littérature choisirait d'offrir s'ils existaient vraiment, car aucune gloire autre que celle du partage n'existe, qui fait pousser des fleurs cosmiques dans le jardin des effacements : la poésie, assurément.

 

En prélude symphonique
Dans un élan obstiné
Une chorale de miséreux
Féconde une rébellion 

Ça crie dans les trouées
Ça crie des langues de baisers
Sur des lèvres nues
Grandes offertes aux souffles de connivences
Orgasmes déposés colorant les talvères

Il germe de l'espoir dans les musiques qui traversent
Nous sourds aux flonflons du temps
Violents
Nous rudes
Puis les murs
Trouant des fenêtres de suie

Présentation de l’auteur

Marc Tison

  1. Né entre les usines et les terrils, à Denain dans le nord de la France. A la lisière poreuse de la Belgique. Conscience politique et d’effacement des frontières.

Lit un premier poème de Ginsberg. Electrisé à l’écoute des Stooges et de John Coltrane.

Premiers écrits.

1975 s’installe à Lille. L’engagement esthétique est politique. Déclare, avec d’autres, la fin du punk en 1978. Premières publications dans des revues. 

Il écrira et chantera plus d’une centaine de chansons dans plusieurs groupes.

Décide de ne plus envoyer de textes aux revues pendant presque 20 ans, le temps d’écrire et d’écrire des cahiers de phrases sans fin puis il jette tout et s’interroge sur l’effondrement du « moi ».

Déménage en 2000 dans le sud ouest. Reprend l’écriture et la publication de poésie.

Engagé tôt dans le monde du travail. A pratiqué dans un premier temps de multiples jobs : de chauffeur poids-lourd à rédacteur de pages culturelles, en passant par la régie d’exposition (notamment H. Cartier Bresson) et la position du chanteur de rock. Puis il s’est dédié à la production musicale pour, depuis 25 ans, se spécialiser dans la gestion et l’accompagnement de structures et projets culturels.

 

 

 

 

 

 

Poésie

1977 - 1981 : Publié dans plusieurs revues (dont « Poètes de la lutte et du quotidien »)

2000- 2019 : Publié dans plusieurs revues (« Traction Brabant, Nouveaux Délits, Verso, Diérèse,…).

2008 : Recueil collectif « Numéro 8 », éditions « Carambolage ».

2010 : Recueil « Manutentions d’humanités », éditions « Arcane 17 ».

2012 : Recueil « Topologie d’une diaclase », éditions « Contre poésie ».

Texte « Désindustrialisation », éditions « Contre poésie ».

2013 : Recueil « L’équilibre est précaire », éditions « Contre poésie ».

                  Trois affiches poèmes, éditions « Contre poésie ».

2015 : Recueil « les paradoxes du lampadaire » + « à NY ». « Editions Contre poésie ». 

2017 : Recueil « Des Abribus pour l’exode » (accompagné de 7 images / peintures de Raymond Majchrzak)  Editions « Le Citron Gare ».

2018 : Recueil « Des nuits au mixer ». (Mise en page J.J. Tachdjian). Editions « La chienne » collection « Nonosse »

 

 

 

Autres 

Depuis 2010 : Lectures / Performances / installations poésie (solo, duo avec Eric Cartier et collectif).

2014 : Publications de quinze textes et une nouvelle dans le livre d’artiste « Regards » du photographe Francis Martinal.

A publié plusieurs nouvelles sur des sites en ligne.

 

Poèmes choisis

Autres lectures

Marc Tison, Des nuits au mixer

Un recueil signé Jean-Jacques Tachdjian … Reconnaissable, parce qu’il offre  au signe une chance de révéler des dimensions inexplorées. Ce graphiste éditeur écrivain n’a pas fini de nous étonner. En l’occurrence ici, en [...]

Rencontre avec Marc Tison

Il ne faut pas ne pas le connaître. Marc Tison. Ce poète n’a jamais revendiqué quoi que ce soit, si ce n’est porter la parole des camarades humains. Il le fait merveilleusement, tout [...]

Marc Tison, La boule à facette du doute

Marc Tison rend compte de sa pratique de la poésie, car pour lui la poésie est une expérience partagée. C'est une praxis qui ne s'oppose pas à la poiêsis bien au contraire. C'est une [...]

Marc Tison, L’Affolement des courbes

Si écrire est encore possible, c’est une voix comme celle de ces pages-ci qui est souhaitable.  Une voix présente mais qui évince un lyrisme pesant et gluant comme les mauvaises chansons, une voix [...]

Marc Tison : Sons et poésies qui s’enlacent

Cela fait des années que Marc Tison porte la poésie ailleurs, là où elle dévoile ce qui de la banalité de notre quotidien a été enseveli sous les habitudes. Il emmène le poème [...]




Marc Tison, La boule à facette du doute

Marc Tison rend compte de sa pratique de la poésie, car pour lui la poésie est une expérience partagée. C'est une praxis qui ne s'oppose pas à la poiêsis bien au contraire. C'est une mise en œuvre au sens littéral et figuré, une union du dire et du faire, une osmose incantatoire et révélatrice. En ceci, il ouvre la voie (voix pour oser un jeu de mots relativement éculé) à une littérature qui devra emprunter cette route, celle où l'artiste/artisan offre et reçoit, dans une dynamique qui permettra de rendre compte de la pluralité des sources vives que son les humains, réunis, créateurs, ensemble. Ici la politique de demain, aussi, dans une danse symbolique avec les productions artistiques, qui en restituent la grandeur.

∗∗∗

La boule à facette du doute

Lorsque je m’interroge sur le passage à l’oralité du texte poétique écrit, lors de sa lecture à voix haute dans l’espace public, je ne peux formuler qu’une pluralité de réflexions désorganisées. Ce ne peut être que désorganisé car je ne souhaite pas particulièrement de cadre théorique à ma pratique sur la mise en voix du texte poétique.

Ce n’est pas une pratique de mise en scène mais plutôt une tentative de mise en espace du texte sonore. Cela vient surement d’un double désir de faire exister l’objet poétique et dans un espace partagé. Mais je vois cela comme quelque chose qui vient du texte et non pas de moi. Une façon de faire communion humaine, de faire société.  

Il ne s’agit d’ailleurs pas du passage d’un support (écrit) à un autre (oral). C’est un choix d’objet. La poésie n’est pas assujettie à l’écrit. Aucune poésie ne peut être finie, attachée, celée, à sa présentation formelle. Ceci sans opposer la poésie oralisée et la présence des signes (des mots) sur l’espace de la page ou d’un autre support. Bien que les supports de l’espace public (murs, affiches…) aient aussi une autre intention sociale que le livre.

Il y a pour moi une filiation à la poésie vivante dans l’instant, au partage du fait poétique. Ce qui s’adresse et qui va aux gens depuis des siècles via la déclamation publique, les troubadours, puis en allant vite les poètes chanteurs des rues du 19ième siècles, et ensuite le « talking blues » des afro-américains, les harangues des « Last poets », des performances autant de G. Lucas que des beatniks, où se rejoignent les pratiques historiques du hiphop comme de « la poésie action ».

Tout ça je l’ai compris depuis gamin sans besoin d’analyse du truc, ni intellectualisation.

Le langage libéré libère, et faisons qu’il soit libérateur de la prison dialectique des bavardages, des sur-parlés comme les pratiquent par exemple les chaines d’infos continues. 

C’est alors proposer d’autres relations sociales, en défaisant la convention d’utilisation du langage. Les mots hors toute perversion de leur usage. Comme si le langage m’intéressait que dans sa dimension de véhicule émotionnel.

Il y a une dimension politique dans le fait d’incarner la sensation, l’événement poétique. La proposition d’un autre langage que l’écrit, ou d’une autre intention du langage est un acte politique. C’est pour ça que les poètes et les créateurs sont les premières victimes désignées des totalitarismes. Ces derniers ne veulent pas d’autres interprétations du réel que les leurs. 

Ce d’autant plus que l’oralité, le dire dans l’espace, va vers l’ensemble des gens, leur diversité, mais aussi l’ensemble social qu’ils constituent.  (Et également vers ceux initiés qui sont moins « dangereux » moins subversifs car identifiables sociologiquement). 

C’est donc un double choix, politique et didactique car il s’agit de faire apparaitre l’objet poétique dans une dimension sonore révélatrice des potentialité qu’il porte.

Le passage à l’oralité est aussi un sujet personnel, intime, dans le sens ou le son et la prosodie vibratoire peut être la tentative de faire revivre, physiquement, l’émotion du fait poétique. Un fait surgit dans le corps  - l’émotion -  que l’on tente toujours vainement de traduire par les mots. La poésie est une frustration. 

C’est pour cela que lors de mes « lectures arrangées » l’essentiel est le texte… Le texte qui vient, non interprété, le texte incarné. Et encore en ce qui me concerne, la formulation langagière qui se construit en partant des yeux qui voient les mots, de l’influx des nerfs,  qui formule du ventre, vers la gorge puis la bouche, me semble d’un naturel effarant. J’en suis effaré parfois jusqu’à bafouiller. Et c’est aussi pour ça que je n’apprends pas par cœur, que je lis. Le texte est l’objet sonore, la mémoire de l’émotion, non pas sa mémoire en tant que texte en moi ni son interprétation ou sa réinterprétation. Il est comme il vient, comme il emplit l’espace sonore.

En fin de compte je ne sais pas vraiment pourquoi je fais ça. Cela me semble naturel, une forme d’évidence. Peut être que pour certains textes la simple forme écrite est insuffisante dans le geste qui les produit. Dans le geste qui rend compte de « l’émotion » poétique… Si pas insuffisante en tout cas pas exclusive, au contraire qui l’appelle en plus, en ailleurs.

C’est la boule à facette du doute (donc de toute humanité ?)

Ça n’invente rien et ça réinvente tout.

 

Présentation de l’auteur

Marc Tison

  1. Né entre les usines et les terrils, à Denain dans le nord de la France. A la lisière poreuse de la Belgique. Conscience politique et d’effacement des frontières.

Lit un premier poème de Ginsberg. Electrisé à l’écoute des Stooges et de John Coltrane.

Premiers écrits.

1975 s’installe à Lille. L’engagement esthétique est politique. Déclare, avec d’autres, la fin du punk en 1978. Premières publications dans des revues. 

Il écrira et chantera plus d’une centaine de chansons dans plusieurs groupes.

Décide de ne plus envoyer de textes aux revues pendant presque 20 ans, le temps d’écrire et d’écrire des cahiers de phrases sans fin puis il jette tout et s’interroge sur l’effondrement du « moi ».

Déménage en 2000 dans le sud ouest. Reprend l’écriture et la publication de poésie.

Engagé tôt dans le monde du travail. A pratiqué dans un premier temps de multiples jobs : de chauffeur poids-lourd à rédacteur de pages culturelles, en passant par la régie d’exposition (notamment H. Cartier Bresson) et la position du chanteur de rock. Puis il s’est dédié à la production musicale pour, depuis 25 ans, se spécialiser dans la gestion et l’accompagnement de structures et projets culturels.

 

 

 

 

 

 

Poésie

1977 - 1981 : Publié dans plusieurs revues (dont « Poètes de la lutte et du quotidien »)

2000- 2019 : Publié dans plusieurs revues (« Traction Brabant, Nouveaux Délits, Verso, Diérèse,…).

2008 : Recueil collectif « Numéro 8 », éditions « Carambolage ».

2010 : Recueil « Manutentions d’humanités », éditions « Arcane 17 ».

2012 : Recueil « Topologie d’une diaclase », éditions « Contre poésie ».

Texte « Désindustrialisation », éditions « Contre poésie ».

2013 : Recueil « L’équilibre est précaire », éditions « Contre poésie ».

                  Trois affiches poèmes, éditions « Contre poésie ».

2015 : Recueil « les paradoxes du lampadaire » + « à NY ». « Editions Contre poésie ». 

2017 : Recueil « Des Abribus pour l’exode » (accompagné de 7 images / peintures de Raymond Majchrzak)  Editions « Le Citron Gare ».

2018 : Recueil « Des nuits au mixer ». (Mise en page J.J. Tachdjian). Editions « La chienne » collection « Nonosse »

 

 

 

Autres 

Depuis 2010 : Lectures / Performances / installations poésie (solo, duo avec Eric Cartier et collectif).

2014 : Publications de quinze textes et une nouvelle dans le livre d’artiste « Regards » du photographe Francis Martinal.

A publié plusieurs nouvelles sur des sites en ligne.

 

Poèmes choisis

Autres lectures

Marc Tison, Des nuits au mixer

Un recueil signé Jean-Jacques Tachdjian … Reconnaissable, parce qu’il offre  au signe une chance de révéler des dimensions inexplorées. Ce graphiste éditeur écrivain n’a pas fini de nous étonner. En l’occurrence ici, en [...]

Rencontre avec Marc Tison

Il ne faut pas ne pas le connaître. Marc Tison. Ce poète n’a jamais revendiqué quoi que ce soit, si ce n’est porter la parole des camarades humains. Il le fait merveilleusement, tout [...]

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Si écrire est encore possible, c’est une voix comme celle de ces pages-ci qui est souhaitable.  Une voix présente mais qui évince un lyrisme pesant et gluant comme les mauvaises chansons, une voix [...]

Marc Tison : Sons et poésies qui s’enlacent

Cela fait des années que Marc Tison porte la poésie ailleurs, là où elle dévoile ce qui de la banalité de notre quotidien a été enseveli sous les habitudes. Il emmène le poème [...]




Rencontre avec Marc Tison

Il ne faut pas ne pas le connaître. Marc Tison. Ce poète n’a jamais revendiqué quoi que ce soit, si ce n’est porter la parole des camarades humains. Il le fait merveilleusement, tout comme il a mené sa carrière de chanteur, humblement, doucement, comme un grondement qui se faufile dans les palabres de tant, et qui enfin explose sur un ciel presque désert de scripteurs engagés… Les poèmes  lus à Caen ont vivement ému les étudiants du Master de Lettres modernes… Pourquoi, me direz-vous ? Et bien parce que Marc Tison attrape le siècle vingt et un et lui demande des comptes…

Marc Tison, Calais

Engagée, politique, c’est à dire d’une belle spiritualité et d’une haute idée de la fraternité et de l’équité, le poète dénonce, pointe des mots, et souligne les superbes aberrations du siècle passé, qui ont franchi le seuil du siècle naissant... C’est cette poésie là que nos jeunes adultes écoutent, qui émeut et porte la parole d’une génération qui est dans la posture d’un Musset, d’un romantique perdu dans une société déstructurée et hors de tout avenir perceptible… Neo-romantisme… ? Non bien sûr car les jeunes adultes du dix neuvième siècle avaient encore cet horizon mirifique et ce refuge qu’était la religion. Elle a été aspirée depuis, disparue avec les pertes et fracas de nos cadavres toujours commis alors que la modernité concept frauduleux offre les déchets nauséabonds que le ressac des océans déposent sur les plages. Marc Tison existe, un espoir car encore le poète armé de mots ose un requiem à l’humanité espérée et soutenue, enfin, par son essentiel drapeau, l’Art.

Quelle est la spécificité du langage poétique ? 
J’aime bien dire que la poésie c’est le signifié des objets de soi. Dans cette aventure de l’exploration des mots de soi auxquels on rend leurs places, leurs intégrités, leurs justesses de mots, ce qui émerveille. Et le plus justement aussi le dire l’écrire avec l’affection que l’on porte nécessairement à ceux à qui on s’adresse, et ce à quoi on s’adresse qui n’est pas soi. Un ami poète que j’aime beaucoup, Guy Ferdinande, m’a parlé un jour avec sa distance taquine au convenu, de sa notion de « l’infra réalité », en opposition, ou en réaction, à « l’hyper réalité » que l’on nous fourgue chaque jour comme le ciment de notre existence sociale.  Cette idée me plait.

Marc Tison, "L'inventaire des horizons", extrait De Des Abribus pour l'exode, éditions Le Citron gare, à la librairie Mona lisait, à Paris, le 2 février 2019.

Pour filer le concept, l’infra réalité n’est pas « l’underground », elle n’est pas souterraine, elle est comme un son infrabasse, pour l’entendre il faut être nu, en tout cas débarrassé des frusques superflus, ça résonne dans le corps. On s’y retrouve en commun sur un ensemble de fréquences qui fait partition, en dehors du brouhaha. J’ai écrit un texte (dans un recueil aujourd’hui épuisé, « Manutentions d’humanités ») qui dit « je m’engage, j’engage avant tout ma main dans la tienne ». C’est ça qui est ça (comme disait ma grand mère). Même si dans le même texte je dis aussi « L’engagement, langage ment ». Va savoir…
Comment, et pourquoi, advient la poésie ?
C’est un mystère ou plutôt un bouleversement. Un bouleversement qui serait un mystère. Bouleversement léger, une faille dans le continuum, dans l’ordre du quotidien prévu des choses. Comme un frisson ou comme l’absence d’un frisson. Bouleversement puissant qui laisse ébahi, Un bouleversement, pas une révolution. Un bouleversement c’est dedans soi. Et soi c’est aussi le monde dans le monde. Si on est bouleversé, on bouleverse le monde. On bouleverse et on dit soudain la vérité, la poésie. C’est comme ça que ça advient, je pense, j’en suis à peu près sur, ou pas tant que ça, je peux me tromper, à vous de voir ce qu’est la vérité.
Cette infra réalité que révèle la poésie ne serait-elle pas un au-delà du langage, aussi ?
J’ai un rapport complexe, de conflit, au langage, au langage qui ne dit pas. Une douleur physique de l’absence, de l’effacement de son objet. Le langage porte les tabous.
Depuis l’enfance, par période ma pratique du langage social a bafouillé, bégayé. Une forme de combat douloureux avec les mots et leurs arrangements quand le moi se dissout dans une multitude qui ne fait pas corps commun, qui ne fait pas cette profondeur de l’existence, ces bouleversements. L’hyper langage fabrique l’hyper-réalité, notre disparition. On disparaît dans le langage qui ne dit pas. Alors j’ai écrit tôt de la poésie, et j’ai aussi tôt, à la prime adolescence, déclamé des textes.
On utilise le langage pour s’en échapper, pour lui échapper. Pour toucher l’objet qui le transcende, lui donner consistance. C’est comme ça en tout cas que je suis sorti du combat avec le langage, que je l’ai apprivoisé, que je l’ai remis à sa place. Alors cette infra réalité qui est en quelque sorte la réalité des hommes et des femmes hors le capitalisme de leur représentation (pour faire court), cette prégnante vérité serait, oui, aussi un au delà du langage, où le corps commun fait humanité. 
Et puisque tu es musicien, est-ce que poésie et musique procèdent de la même manière dans ce dévoilement du tu ?
J’ai utilisé ma voix dans des projets musicaux, ma voix comme support des mots, des sons. J’ai de la difficulté à me reconnaître comme « chanteur ». Je ne suis pas musicien, je suis dans la musique, ou je suis la musique. Je n’ai jamais eu à questionner sa présence, l’évidence à m’y fondre, à suivre ou participer à sa construction, paradoxalement en n’en faisant pas « vraiment ». Si je dis que je suis la musique, c’est aussi que je peux depuis toujours me jouer « dans la tête », en moi, toutes sortes de musiques, existantes (un vrai jukebox) ou qui s’inventent si je laisse faire. Mais je n’ai pas les outils pour fabriquer des objets musicaux. Je produis quelques supports sonores, comme des collages où ma voix serait les découpes. Je les conçois comme des poèmes, ou comme ce que pourrait révéler des poèmes. 
Je me reconnais plus aisément dans l’artisanat de poésie. Surement du fait d’avoir bataillé avec le langage, de l’avoir pris « à bras le corps », vraiment et physiquement. (Cf. réponse à la question précédente), et de continuer à incarner, en les disant, les textes que j’écris, ceux qui ont du sens à être dits. Ceci dit, pour répondre plus précisément à ta question, je conçois tout acte de création comme une prise de distance avec le « je » (la aussi pour faire court). Comme la fabrication d’un espace où nait l’intimité, avec « soi » et avec « l’autre ». Cet espace entre le « je » et le « il ».

 

Cet espace est peut-être un lieu de transcendance, un rythme propre à l’univers. Alors on pourrait peut-être affirmer qu’écrire de la poésie est un acte politique, parce qu’elle offre cette libération potentielle « du langage des autres » comme l’a écrit Michaux ?
Cette question je tourne autour. Je peux y répondre par un oui massif comme un tronc d’arbre sur le chemin peinard de la pensée. Il y a de l’essentiel là dedans. En ayant conscience de flirter avec le contresens de ce que signifierait le « des autres » : le fait d’écrire, de dire ou publier de la poésie dans l’espace public, se pose, se met en œuvre, en un acte politique. Sinon quel sens donner au dévoilement de soi dans cet espace public, quel qu’il soit ? Sans cette intention de considérer avec fraternité cette intimité commune du poème, cela reste un « je » vaniteux, une poésie vaine. La poésie est intimement la réalité. Il n’y a pas d’irréel dans la poésie. Dans la réalité il y a l’autre, le peuple dont je suis. C’est aussi pour ça que je lis un peu partout où cela est possible, magasins, bars, cours et jardin privés, lieux de culture institués……

Marc Tison, "Promis", Des nuits au mixer

Tu emmènes avec cette question sur le lieu double de la sédition aux ordres du langage, et de l’intimité du peuple des femmes et des hommes. Une intimité qui fait corps commun. Cette merveille d’être en vie, et pas tout seul. Je sais cette merveille, souvent ébahi, pataud à en faire parfois une mesure du ridicule de l’ordre social, ou plus heureusement le moteur de révoltes salutaires. Des petites choses quotidiennes. Faire pousser des plants de fèves (de tomates, d’aubergines, et de ceci et de cela... ), réconforter des artistes en déroute dialectique, partager des silences chaleureux, avoir comme certitude d’en avoir peu, au moins celle « de n’être pas si peu de poids dans la balance » de la marche hargneuse du monde. Par une association que je ne raisonne pas -peut être est ce simplement que j’ai l’envie d’en causer-, cette question m’a fait penser aussi à Serge Pey, Natyot, Charles Pennequin, et encore différemment à Marlène Tissot. Leurs poésies sont populaires dans le sens où elles existent physiquement dans l’espace public pour en faire un espace de l’intime, un dévoilement. De l’humanité en quelque sorte. Pour les trois premiers les lire, les voir et les entendre incarner l’objet, différemment chacun, donne toujours une force, une joie nouvelle. Pour Marlène Tissot son écriture de l’intime ouvert et lumineux, me touche beaucoup.  

Par une association que je ne raisonne pas -peut être est ce simplement que j’ai l’envie d’en causer-, cette question m’a fait penser aussi à Serge Pey, Natyot, Charles Pennequin, et encore différemment à Marlène Tissot. Leurs poésies sont populaires dans le sens où elles existent physiquement dans l’espace public pour en faire un espace de l’intime, un dévoilement. De l’humanité en quelque sorte. Pour les trois premiers les lire, les voir et les entendre incarner l’objet, différemment chacun, donne toujours une force, une joie nouvelle. Pour Marlène Tissot son écriture de l’intime ouvert et lumineux, me touche beaucoup.   

Mais ne penses-tu pas que ce qui s’énonce face au public change la nature du texte poétique ?…Quelle différence fais-tu entre le langage écrit et la parole ?
 

Ce n’est pas le même objet qu’un poème soit sur une page ou qu’il s’énonce face au public. Mais c’est la même intention : que l’arrangement des mots trouve son espace, le formule. Cet espace qui est cette intimité de l’autre. Dire un texte en public ne change pas la nature du texte poétique, cela en fait un autre objet poétique. La matière première est la même. Je ne fais pas fondamentalement de différence entre le langage écrit et la parole sinon qu’ils ne se diffusent pas pareillement, que l’espace habité n’est pas le même. J’aime cette liberté de faire vivre le poème dans les espaces publics, les espaces de transmission. Le texte écrit existe dans l’espace de son support. Le texte, les mots dits en public, c’est l’espace sonore, là où vibre le corps. Enoncer, dire, en public les textes poèmes, c’est peut être aussi une façon de réinvestir physiquement le poème qui vient de là, du « corps profond » « du corps intime ». Peut être aussi une façon de retrouver l’émotion de la révélation du poème. Il n’y a pas le corps pour dire et l’esprit pour écrire le poème, il y a « des gestes de nerfs » qui se traduisent dans les mains qui l’écrive, qui le peigne, dans les voix qui le dise, qui le chante. L’air commun que l’on partage vibrera avec. Il le gardera en mémoire, même infime.  Du moins c’est comme ça que je l’expérimente, volontairement.

Ça part aussi d’une intention volontaire d’amener le texte autrement à ceux qui ne lisent pas de poésie. La parole, la mise en espace et l’installation du son du poème là où c’est possible, me permet de l’adresser aussi à d’autres qui ne lisent pas de poésie. Il la fréquente alors autrement, sans obligation d’intellection. Juste en sentir physiquement, une teneur, une atmosphère. Cela transcende l’écrit poétique, tout comme la mise en page dans l’espace de la page intervient dans la proposition. Pour certains de mes poèmes -ils sont en premier lieu écrits sur des pages- le passage à l’oralité est naturel, ils se formulent avec l’excitation des mots qui viennent dans la gorge, dans la bouche. Des résonnances, des chants primitifs. Même si tout cela se réorganise. Il arrive pour quelques textes quand ils passent à l’oralité, qu’ils se reformulent, à la marge, naturellement. J’aime l’idée de cette liberté du poème, des arrangements des mots, des décalages, des pas de coté qui éclairent autrement la chose.

De même dans l’écriture, il m’arrive de reprendre des textes écrits quelques années plus tôt et de les « remixer » comme on remixe, on réadapte une musique. Pourtant, j’écris des textes qui ne se disent pas, et je le dis ainsi. C’est curieux de l’écrire comme ça. Peut être se disent ils tous mais différemment. Ils se disent en soi quand on les lit, quand on les voit. Ils résonnent aussi là. Si on va plus avant, on peut par accident ouvrir une nouvelle fois la boite à grand débat du « ce qui se dit dans le langage », « ce qui ne se dit pas », « ce qui s’entend dans ce qui se dit », « ce qui ne s’entend pas »…… Mais il me semble que ce n’est pas la question du texte poétique. Il est qu’il fasse beau ou qu’il pleuve, qu’on le lise ou qu’on le dise. Il est. Je le vois ainsi.

 

On peut dire aussi que le travail graphique de Jean-Jacques Tachdjian apporte une dimension supplémentaire au signe ?
Jean Jacques et moi on se connaît bien et depuis longtemps. On a une confiance réciproque en nos productions. Faire paraître ce recueil en commun a été très naturel.Nous avons eu un dialogue très simple sur quelques options de surlignages et de découpages. Je ne suis pas intervenu sur les choix de mise en page et de travail graphique de Jean Jacques. Il doit y avoir de l’humilité dans l’apparition du texte. Le texte poétique est humble, il s’offre à l’espace de son apparition. Le son pour le texte dit, le signe sur la surface de l’écrit. De l’humilité en opposition à la vanité. Et « La Poésie » est un terrain de jeux (de « je » pour faire mon malin) miné des leurres vaniteux du « moi ». Le travail graphique de Jean Jacques, ou plutôt les réalisations graphiques qu’il facilite comme un faiseur de poésies graphiques, procède de cette même humilité. La profusion de ses créations, leurs cohérences lumineuses, et sa générosité à les « offrir » dans l’espace commun des gens. J’aime profondément cette liberté de transcription, révélation, du poème dans son espace. C’est essentiel la liberté. Cette liberté révélée par l’illustration de « La prose du transsibérien » de Blaise Cendrars, les mises en page de recueils de Saul Williams, « les collages textes » de Claude Pelieu et tant d’autres. 

Le texte est le texte poétique. Sur la page, l’espace poétique de Jean Jacques, il est un poème supplémentaire.  
 

 

Je te remercie pour tout ce temps accordé à Recours au Poème, et aussi pour ta poésie. Aux élèves du Master de Lettres Modernes de l’université de Caen, j’ai lu Mouvements de Michaux, comme l’âme parfois s’évade, ce cri de liberté, que tu portes au social, au politique, et à l’humain. C’est pour cela que je t’ai lu aussi. Ils veulent entendre que l’engagement existe. Ils ne sont plus seuls, alors. L'Art redevient ce feu autour duquel l'humain s'unit, en une circularité totémique, primale, archétypique. Sa lumière reflète la communion de tous avant la parole, tout comme la poésie, seule nom 

 

Présentation de l’auteur

Marc Tison

  1. Né entre les usines et les terrils, à Denain dans le nord de la France. A la lisière poreuse de la Belgique. Conscience politique et d’effacement des frontières.

Lit un premier poème de Ginsberg. Electrisé à l’écoute des Stooges et de John Coltrane.

Premiers écrits.

1975 s’installe à Lille. L’engagement esthétique est politique. Déclare, avec d’autres, la fin du punk en 1978. Premières publications dans des revues. 

Il écrira et chantera plus d’une centaine de chansons dans plusieurs groupes.

Décide de ne plus envoyer de textes aux revues pendant presque 20 ans, le temps d’écrire et d’écrire des cahiers de phrases sans fin puis il jette tout et s’interroge sur l’effondrement du « moi ».

Déménage en 2000 dans le sud ouest. Reprend l’écriture et la publication de poésie.

Engagé tôt dans le monde du travail. A pratiqué dans un premier temps de multiples jobs : de chauffeur poids-lourd à rédacteur de pages culturelles, en passant par la régie d’exposition (notamment H. Cartier Bresson) et la position du chanteur de rock. Puis il s’est dédié à la production musicale pour, depuis 25 ans, se spécialiser dans la gestion et l’accompagnement de structures et projets culturels.

 

 

 

 

 

 

Poésie

1977 - 1981 : Publié dans plusieurs revues (dont « Poètes de la lutte et du quotidien »)

2000- 2019 : Publié dans plusieurs revues (« Traction Brabant, Nouveaux Délits, Verso, Diérèse,…).

2008 : Recueil collectif « Numéro 8 », éditions « Carambolage ».

2010 : Recueil « Manutentions d’humanités », éditions « Arcane 17 ».

2012 : Recueil « Topologie d’une diaclase », éditions « Contre poésie ».

Texte « Désindustrialisation », éditions « Contre poésie ».

2013 : Recueil « L’équilibre est précaire », éditions « Contre poésie ».

                  Trois affiches poèmes, éditions « Contre poésie ».

2015 : Recueil « les paradoxes du lampadaire » + « à NY ». « Editions Contre poésie ». 

2017 : Recueil « Des Abribus pour l’exode » (accompagné de 7 images / peintures de Raymond Majchrzak)  Editions « Le Citron Gare ».

2018 : Recueil « Des nuits au mixer ». (Mise en page J.J. Tachdjian). Editions « La chienne » collection « Nonosse »

 

 

 

Autres 

Depuis 2010 : Lectures / Performances / installations poésie (solo, duo avec Eric Cartier et collectif).

2014 : Publications de quinze textes et une nouvelle dans le livre d’artiste « Regards » du photographe Francis Martinal.

A publié plusieurs nouvelles sur des sites en ligne.

 

Poèmes choisis

Autres lectures

Marc Tison, Des nuits au mixer

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Marc Tison, Des nuits au mixer

Un recueil signé Jean-Jacques Tachdjian … Reconnaissable, parce qu’il offre  au signe une chance de révéler des dimensions inexplorées. Ce graphiste éditeur écrivain n’a pas fini de nous étonner. En l’occurrence ici, en binôme avec Marc Tison, nous avons entre les mains un ouvrage qu’il faut avoir vu et lu ! On ne sait qui accompagne l’autre. Ce qui est certain, c’est que la poésie de Marc Tison est une magnifique découverte. Un rythme ample et tonique, un lexique usuel chargé d’images et d’émotions grâce aux vers tissés par le poète. Le tout dans un écrin graphique remarquable. La Chienne éditions a encore de beaux jours à exister.

 

Marc Tison et Jean-Jacques Tachdjian à Lille, lors de la lecture de poèmes tirés Des nuits au mixer.

Le poème éponyme du recueil dit tout de cette poésie sculptée dans le vif des paysages du Nord dévolue à la vitesse, au choc de l'être versé dans une matière traversée comme un projectile va droit au but. Des assonances, des allitérations, et des images, qui sont métaphore de cette violence ressentie face aux villes de la région du poète, où l'abandon des populations motive le désoeuvrement et l'alcoolisme prégnants, insoutenables. 

 

Des nuits au mixer
À courir éventré l'ennui au cul
Comme la mort

Les murs pris en face sans déciller
Bomber le corps

L'affolement en moteur de désir
Et la route qui se barre en chewing-gum
La vrille
Les pieds sur le vide
Plongeons profond dans la mélasse du spleen

T'avais les yeux en stroboscope
Ça faisait un boucan !!!

Des centaines de chevaux sauvages
Toi la crinière au vent du sang dans les naseaux

Dis quand reviendras-tu
Au petit matin blanc
Griffé rouille aux barbelés des solitaires

On s'enlacera dans nos bras scarifiés
On pleurera des perditions

Baisant à l'aube bleue qui puera un peu moins

Marc Tison, Des nuits au mixer, La Chienne Editions, collection Nonosse, Roubaix, 2019.

Ce poète originaire du Nord, tout comme son éditeur, semble avoir bâti ses vers comme sont construites les maisons de briques rouges feu de sa région. Dignes et hauts, ils portent l’interrogation d’un homme né dans un paysage dense et sans artifices. Nous suivons son parcours au fil des pages ornées par le travail de Jean-Jacques Tachdjian, qui décline titres et jeux graphiques grâce à des contrastes apportés sur certains vers ou strophes. Mis en exergue, certains passages se détachent de l'ensemble du poème. Les voir comme porteurs d'une dimension sémantique révélatrice de l'ensemble, parfois, mais pas toujours. Ces deux artistes sont capables de mieux qu'une systématisation des dispositifs scripturaux. Parfois la thématique du poème apparait dans le soulignement en noir opéré par le graphiste, parfois il souligne la beauté d'un ou deux vers, parfois il interroge le lecteur car aucunes de ces modalités n'apparait, et alors une mise en relation avec le travail sur le titre, jamais redondant, toujours d'une grande finesse pour ce qui est du lien de sens avec l'ensemble, ouvre la voie à une compréhension inédite. 

 

Soutenu par ce dispositif, ce qui fait poésie ici c’est la même magie qui s’opère lorsqu’on arrive en pays Picard : le tracé des paysages aspire l’âme, la présence des mineurs vaincus par une économie sans concession rappelle que beaucoup ont été dignes et courageux, abandonnés sur cette terre ancestrale aux mille merveilles architecturales. Mais ce pays meurt, ce pays disparaît ignoré par tous ceux qui pourraient lui redonner vie. La poésie de Marc Tison dit cela, car elle nous offre, à travers la voix poétique qui guide le lecteur sur les chemins des pensées d’un homme du Nord, l’essence d’une âme façonnée par cette région. Ces poèmes de sont d’une extrême pudeur et d’une grande générosité. Le poète évite tout épanchement lyrique gratuit pour faire d’une expérience personnelle un point de départ pour parler le langage universel de l’humanité. Il crée des ponts qui élargissent l’évocation du particulier au tout de l’homme qui devra se montrer à la hauteur de ceux qui ont affronté le charbon des souterrains du Nord. Parole politique, en une modalité discursive qui entraîne une telle énergie que cette vague la poésie de Marc Tison soulève tous les horizons, et remue tout des Erreurs du genre :

 

La Dilection, Extrait du recueil Des nuits au mixer.

 

                                            Intoxiqué aux chimies civilisées
                                         Je chiale sur l'abandon humanitaire supposé
                                       Je suis fier de dire non et un non ahané

                                    Je mésestime la pensée des pauvres
                                 Je prétends à l'absence d'erreur du système
                               Je déplore la famine en Afrique

                             Je suis con mais con
                           Insuffisant (mais) insuffisant

                      J'efface de ma mémoire les regards fatigués
                    Je détourne la tête quand on m'appelle
                 Je renvoie ceux que je ne désire pas
              Aux erreurs du genre

           Je m'indigne maquillé sur les plateaux de tv
        Comme une starlette du sitcom
      J'invente des parades dialectiques
   Je paye au noir une femme de ménage immigrée

 Je suis con mais con
Insuffisant (mais) insuffisant

 

Et puis, ne pas croire que le pronom de première personne est investi par le même énonciateur... Non, le talent est extrême, de mélanger les voix, comme dans un bon roman on aurait une multitude de narrateurs...Points de vues multiples, tantôt de ceux qui ont commis un monde imbuvable, tantôt au féminin, tantôt voix du poète, une poésie kaléidoscopique, qui ne se décolle pas du regard, de la tête, du coeur, quand on y est pris, à parler le langage de Marc Tison.

 

Litanie des Petra Laszlo

...J'ai plus le temps de regarder
par la fenêtre de ma voiture
les vaches fantômes nourries
d'anabolisants

Je suis pressée d'être pressée de
penser vite. Plus vite c'est plus
court de penser court Je n'attends
plus et je meure tout le temps Et
j'ai peur tout le temps Je ne sais
pas ce que c'est de mourir J'ai
peur tout le temps de ce que je ne
sais pas Je ne sais rien

Dans ce second recueil, il n’y a pas de texte en Picard, mais Marc Tison a souvent usé de ce langage vernaculaire pour avoir grandi dans sa musicalité. La poésie est partie prenante du verbiage de cette langue séculaire qui constitue une des instances qui portent l’identité culturelle du Nord de la France. Il faut signaler au passage qu'elle n'est pas lexicalisée, ni considérée comme langue régionale, donc pas enseignée dans les établissements scolaires ! Ce qui fait la richesse et la force du dialecte picard c’est la puissance évocatoire des morphèmes qui le constituent. C’est cette force époustouflante que nous retrouvons dans cette poésie, aussi, dans l’évocation de tableaux de vie, de pensées lyriques d'un multiple donné à voir, à entendre.

Cette poésie, qui fait de l’espace scriptural un lieu d’expression, au même titre que le mot, exploite toutes les dimensions artistiques. Nous avons évoqué le travail du graphiste qu’est Jean-Jacques Tachdjian : il apporte son savoir-faire inestimable aux espaces de la pages sur laquelle se décline les vers de Marc Tison. Mais ce dernier, également homme de scène, envisage le poème dans sa dimension orale. Il ne manque pas une occasion de dire ses vers. C’est alors un cri, porté par les rythmes incantatoires des poèmes, heurtés et puissants comme la terre picarde. Le poète se tient comme un funambule entre la langue écrite et la parole, et la richesse de ses poèmes lui permettent cet exercice. Rejoignant une tradition orale, il parle ses vers, les vit, devant un public de lecteurs mués en auditeurs. Se produit alors le miracle d'une communion grâce à la dimension incantatoire de ses vers. Passeur de mots, d'émotions dans l'entière acception de ce que peut dévoiler les multiples strates sémantiques de la langue, Marc Tison offre au cours de nombreuses performances qu'il assure auprès de ses lecteurs l'univers de cette antique tradition du verbe remué et révélé par la parole. 

 

Nous aurons besoin de tels duos, Marc Tison et Jean-Jacques Tachdjian, pour relever les défis que nous impose une époque où tout montre qu’il sera nécessaire d'inventer de nouvelles voies/voix pour dire, pour montrer et continuer, sans aucune concession, à offrir à l'art sa pérennité, et à lui restituer sa puissance énonciatrice des forces vives et éruptives de la fraternité. Ils poursuivent la lutte, ils ne se taisent pas, et peu importe, l'horizon reste à conquérir, et hier doit être évoqué, sans Fleurs ni couronnes...

 

J'ai vu les terrils arasés et la silicose du ciel
Couvrir nos souvenirs de conquête

Les foules de gens joyeux se sont évaporés
Sur l'épopée razziée et les bistrots fermés

Des tignasses blondes flottaient toujours au vent des ruines
Les rires secouaient les poussières grasses
Collées dans l'air encore rougi

Les enfants dansaient comme des derviches défoncés
Sur le débris des usines
Les tapis de ferraille rouillés

Dans la terre noire reste une éternité toxique
Un désert acide de sueur et de sang

Rien n'y poussera plus

Ni fleurs
Ni couronnes

 

"Prends", lecture à Lille à l'Illustration le 04/02/2019.

Marc Tison est à ne jamais perdre, rare et précieux, comme les poètes advenus. Et même si désormais il ne vit plus en sa terre, voici comment il se présente, à l'orée Des nuits au mixer

 

Marc Tison est né entre les usines et les terrils, dans le nord de la France. Fondamental. A la lisière poreuse de la Belgique. Conscience politique et effacement des frontières.

 

Rien à ajouter, il faut le lire, Marc Tison !

Extrait de la lecture performance de Marc Tison (textes) et Raymond Majchrzak (sons) à Bereldange Luxembourg le 06 février 2019. Texte extrait du recueil Des nuits au mixer,  édition lachienne.