Si écrire est encore possible, c’est une voix comme celle de ces pages-ci qui est souhaitable. Une voix présente mais qui évince un lyrisme pesant et gluant comme les mauvaises chansons, une voix qui à travers cette lecture personnelle du réel en restitue la matière, sans jugement mais sans concession.
Marc Tison est depuis toujours un auteur engagé. Sans grandiloquence ni axiomes alambiqués, c’est dans le discours de la terre, d’une humanité qu’il aime et qu’il regarde avec acuité et bienveillance qu’il prend la matière de ses poèmes. Une langue pure et simple, un lexique usuel, et un ensemble qui restitue la présence du poète dans le quotidien et en dévoile parfois les affres, parfois les évidences, sans les accepter, mais sans les condamner. Il énonce, et il aime. Du nord il a gardé ceci, cette dignité des briques feu des maisons aujourd’hui abandonnées à un passé sanglant, et à un présent non moins terrible. Cette région si splendide est ignorée, abandonnée, lâchée par les pouvoirs politiques. Sans le dire jamais, dans la modestie d’une posture toujours discrète mais efficace, auprès des autres, Marc Tison parle droit et fort comme les paysages de là-bas qui ont bercé son enfance et façonné son âme.

Marc Tison, L’Affolement des courbes, Lacheinne
Edith, collection Nonosse, 2020, 122 pages.
Ce second recueil est mis en page une nouvelle fois par Jean-Jacques Tachdjian, graphiste et éditeur qui explore et invente, renouvèle sans jamais ressembler à quiconque, ni à lui-même, ce qui me semble encore le plus important, avec ce carnet de route permanent de demeurer irréductible aux exigences du nombre. Travail d’orfèvrerie graphique disais-je, pour des mises en page qui délient le carcan du quadrilatère blanc pour offrir mille reliefs et un horizon infini aux textes, variant les typographies, étendant le poème sur la double page du livre, les enchâssant dans des lignes fines et dont la géométrie déploie métaphoriquement toutes les potentialités des poèmes. Des dispositifs ni exubérants ni austères, ni intempestifs ni insipides, tout est juste, tout ouvre vers une liberté absolue. Attention, l’évasion des textes ainsi produite pourrait nuire aux certitudes de certains, et susciter un questionnement qui bien que salvateur pourrait déranger celles et ceux qui ne souhaiteraient pas réfléchir…
Les thématiques abordées par Marc Tison sont celles de nos vies, celles de tous nos jours. Il y a cet étonnement, celui de l’enfant, celui de l’homme resté dans le regard de cet enfant et dans la vie, l’amour, mais pas n’importe comment, magnifiés ou interrogés toujours pour en révéler les incohérences, les absurdités, mais la beauté profonde de ceci, qui est sûrement le fait de ce regard conscient posé sur des éléments anecdotiques que le poète mène à la source de toute humanité.
Mais peut-on encore écrire, peut-on encore évoquer la littérature comme avant ? Peut-on faire comme si, alors, rien n’était arrivé de ce basculement vers on ne sait quoi ? Ecrire, c’est là, dans L’Affolement des courbes, s’enraciner dans le territoire mouvement du monde, y planter un arbre de paroles, pour qu’il pousse et essaie de s’élever. Ecrire c’est dire, c’est agir comme le poète sur scène offre sa voix aux textes pour qu’ils vivent, qu’ils soient ce dont ils sont fabriqués, cette énergie vive et humaine, qui se recrée à chaque fois différemment. Ecrire c’est communier, c’est cette unique instance d’une voix qui devient celle du nombre. C’est un don, un cadeau, une puissance partagée, et c’est dans cette dynamique qu’il sera possible d’aller vers un monde nouveau. Désormais, rien ne sert plus à celles et ceux qui offrent leur figure à des lauriers que seule la littérature choisirait d’offrir s’ils existaient vraiment, car aucune gloire autre que celle du partage n’existe, qui fait pousser des fleurs cosmiques dans le jardin des effacements : la poésie, assurément.
En prélude symphonique
Dans un élan obstiné
Une chorale de miséreux
Féconde une rébellionÇa crie dans les trouées
Ça crie des langues de baisers
Sur des lèvres nues
Grandes offertes aux souffles de connivences
Orgasmes déposés colorant les talvèresIl germe de l’espoir dans les musiques qui traversent
Nous sourds aux flonflons du temps
Violents
Nous rudes
Puis les murs
Trouant des fenêtres de suie
Présentation de l’auteur

- Revue Phœnix n°34 - 21 janvier 2021
- Jean-Louis Bergère, un chanteur dans le silence - 5 janvier 2021
- Jeanne davy, miroir des femmes du jazz - 5 janvier 2021
- Le féminin pluriel de l’Atelier de l’Agneau - 5 janvier 2021
- L’eau bleue du poème de Béatrice Marchal - 21 décembre 2020
- Sabine Venaruzzo, Et maintenant, j’attends - 6 décembre 2020
- Muriel Augry, Ne me dérêve pas - 26 novembre 2020
- Eva-Maria Berg, Pour la lumière dans l’espace, illustrations de Matthieu Louvier - 6 novembre 2020
- La petite Ficelle ombilicale du Poème - 6 novembre 2020
- « États généraux permanents » de l’urgence : entretien avec Yves Boudier et Vincent Gimeno-Pons - 6 novembre 2020
- Des liens de liens : Poésie à la une - 6 novembre 2020
- Davide Napoli, Le Lapsus de l’ombre - 6 octobre 2020
- Christine Guinard, Sténopé - 21 septembre 2020
- Pile ou face ou la contingence révélatrice - 6 septembre 2020
- Diérèse n°78 : Poésie et Littérature ! - 6 septembre 2020
- Georges de Rivas, La beauté Eurydice, Sept Chants pour le Retour d’Eurydice - 6 juin 2020
- Anthologie Le Courage des vivants - 21 mai 2020
- Daniel Ziv, Ce n’est rien que des mots sur les Poèmes du vide. - 6 mai 2020
- Les Ailes Ardentes de Rodrigo Ramis - 6 mai 2020
- Des revues numériques à la page - 6 mai 2020
- Les Cahiers littéraires des Hommes sans épaules - 6 mai 2020
- Mouvements pour un décollage dans les étincelles - 2 mai 2020
- Marc Tison, L’Affolement des courbes - 21 avril 2020
- Bruno Doucey, Terre de femmes, 150 ans de poésie féminine en Haïti - 6 avril 2020
- Barry Wallenstein, Tony’s blues, textes choisis et traduits par Marilyne Bertoncini, gravures Hélène Bautista - 21 mars 2020
- Ilse au bout du monde - 6 mars 2020
- Marilyne Bertoncini, La Noyée d’Onagawa - 6 mars 2020
- Entre les lignes entre les mots - 6 mars 2020
- Les Chroniques du Çà et là n°16 : Poèmes au féminin - 6 mars 2020
- Philippe Thireau, Melancholia - 26 février 2020
- Le chant du Cygne n’est pas pour demain - 5 février 2020
- Encres vives n°492, Claire Légat : Poésie des limites et limites de la poésie - 5 janvier 2020
- Traversées poétiques - 5 janvier 2020
- Marc Alyn & Nohad Salameh, Ma menthe à l’aube mon amante, correspondance amoureuse - 6 décembre 2019
- Oxmo Puccino, Mines de cristal - 6 novembre 2019
- Wanda Mihuleac et Alain Snyers, Roumpfs - 6 novembre 2019
- Gérard Baste : Plus rien à dire ? - 6 novembre 2019
- Revue Texture, encore un peu de lui : Michel Baglin - 6 septembre 2019
- La lettre sous le bruit n°45 : hommage à Rémy Durand - 6 septembre 2019
- Eric Dubois, L’Homme qui entendait des voix - 6 septembre 2019
- Murielle Compère-Demarcy, Alchimiste du soleil pulvérisé - 1 septembre 2019
- Rencontre avec Saleh Diab - 6 juillet 2019
- Nohad Salameh, Le Livre de Lilith - 6 juillet 2019
- Un papillon dans ma boîte aux lettres : Libelle - 4 juin 2019
- Revue Nu(e) N°69 - 4 juin 2019
- Entretien avec Philippe Barrot - 4 juin 2019
- Philippe Thireau, Je te massacrerai mon coeur - 4 juin 2019
- Lichen, premier signe de vie à revenir… - 4 mai 2019
- Marc Alyn, T’ang Hayden, T’ang l’obscur, Mémorial de l’encre - 4 mai 2019
- “Face aux verrous”, les étudiants du Master de Lettres Modernes de L’Université de Caen - 4 mai 2019
- Rencontre avec Marc Tison - 4 avril 2019
- Editions Wallâda, la princesse rebelle - 4 avril 2019
- Jean-Marc Barrier, l’autre versant de la montagne - 4 avril 2019
- La quatrième dimension du signe - 4 avril 2019
- Pourquoi viens-tu si tard, enfin ! - 29 mars 2019
- L’intranquille de printemps… - 28 mars 2019
- Le Manoir disparu : entretien avec Maggy de Coster - 3 mars 2019
- Marc Tison, Des nuits au mixer - 3 mars 2019
- Revue Teste XXX : Véhicule anonyme - 3 février 2019
- Entretien avec Alain Brissiaud : le présent de la Poésie - 3 février 2019
- Rencontre avec Angèle Paoli - 3 février 2019
- Florilège 2018 des Editions Tarmac : l’Art comme Copeaux contre la barbarie. - 3 février 2019
- Revue L’Hôte - 4 janvier 2019
- Les anthologies à entête des Hommes sans Épaules - 4 janvier 2019
- Poésie syrienne, Mon corps est mon pays - 4 décembre 2018
- Les Langues de Christine Durif-Bruckert - 3 décembre 2018
- L’Intranquille - 3 décembre 2018
- Lettre à Guillaume Apollinaire - 5 novembre 2018
- Gwen Garnier-Duguy, Alphabétique d’aujourd’hui - 5 novembre 2018
- Richard Soudée : deux Lys sur le balcon - 5 novembre 2018
- Les Oeuvres poétiques de Dominique Sampiero - 5 octobre 2018
- Rencontre avec un poète : Dominique Sampiero - 5 octobre 2018
- Revue Florilège - 5 octobre 2018
- Morceaux choisis de La Boucherie littéraire - 4 septembre 2018
- Questions à Claude Ber - 4 septembre 2018
- La Caraïbe aux visages d’Evelyne Chicout - 5 juillet 2018
- Le Jeu d’Inéma - 5 juillet 2018
- Jean-Luc Despax, Mozart s’est échappé - 3 juin 2018
- Eric Dubois, un chemin de vie plus qu’un parcours - 3 juin 2018
- Le Trans-Art…et après ? - 3 juin 2018
- Editions Tinbad : l’horizon d’un futur poétique - 5 mai 2018
- Jacques Ancet, Quelque chose comme un cri - 5 mai 2018
- Les Hommes sans Epaules : poésie chilienne. - 5 mai 2018
- Vincent Motard-Avargues, Tant de silences… - 6 avril 2018
- Un Festival Permanent des Mots : entretien avec Jean-Claude Goiri - 6 avril 2018
- Revue Estuaire, N° 165 - 1 mars 2018
- Christophe Bregaint, A l’avant garde des ruines - 1 mars 2018
- Christine Guinard : du corps transitoire de la poésie - 1 mars 2018
- Entretien avec Jean-Jacques Tachdjian - 26 janvier 2018
- Chroniques du çà et là, N°12 - 26 janvier 2018
- Les Hommes sans épaules - 27 novembre 2017
- France Burghelle Rey, Petite anthologie, Confiance, Patiences, Les Tesselles du jour - 2 octobre 2017
- Alain Brissiaud, Jusqu’au cœur - 30 septembre 2017
- Alain Marc, Poésies non hallucinées - 30 septembre 2017
- Claude PÉLIEU, New poems & sketches, par Alain Brissiaud - 1 juillet 2017
- Quand les morts apparaissent dans les rêves - 30 juin 2017
- LE CAPITAL DES MOTS a dix ans : entretien avec Eric Dubois - 1 mars 2017
- Rodolfo Alonso, à paraître chez PO&PSY - 23 novembre 2016
- Fil de lecture de Carole Mesrobian : Henri MICHAUX, François XAVIER, Christophe DAUPHIN et Anna TUSKES, Ivar CH’VARVAR. - 20 octobre 2016
- Fil de Lecture de Carole MESROBIAN - 7 mars 2016