Marc Tison, L’Affolement des courbes

Par |2020-04-21T15:15:14+02:00 21 avril 2020|Catégories : Marc Tison|

Si écrire est encore pos­si­ble, c’est une voix comme celle de ces pages-ci qui est souhaitable.  Une voix présente mais qui évince un lyrisme pesant et glu­ant comme les mau­vais­es chan­sons, une voix qui à tra­vers cette lec­ture per­son­nelle du réel en restitue la matière, sans juge­ment mais sans concession.

Marc Tison est depuis tou­jours un auteur engagé. Sans grandil­o­quence ni axiomes alam­biqués, c’est dans le dis­cours de la terre, d’une human­ité qu’il aime et qu’il regarde avec acuité et bien­veil­lance qu’il prend la matière de ses poèmes. Une langue pure et sim­ple, un lex­ique usuel, et un ensem­ble qui restitue la présence du poète dans le quo­ti­di­en et en dévoile par­fois les affres, par­fois les évi­dences, sans les accepter, mais sans les con­damn­er. Il énonce, et il aime. Du nord il a gardé ceci, cette dig­nité des briques feu des maisons aujourd’hui aban­don­nées à un passé sanglant, et à un présent non moins ter­ri­ble. Cette région si splen­dide est ignorée, aban­don­née, lâchée par les pou­voirs poli­tiques. Sans le dire jamais, dans la mod­estie d’une pos­ture tou­jours dis­crète mais effi­cace, auprès des autres, Marc Tison par­le droit et fort comme les paysages de là-bas qui ont bercé son enfance et façon­né son âme.

Marc Tison, L’Af­fole­ment des courbes, Lacheinne
Edith, col­lec­tion Nonosse, 2020, 122 pages.

Ce sec­ond recueil est mis en page  une nou­velle fois par Jean-Jacques Tachd­jian, graphiste et édi­teur qui explore et invente,  renou­vèle sans jamais ressem­bler à quiconque, ni à lui-même, ce qui me sem­ble encore le plus impor­tant, avec ce car­net de route per­ma­nent de demeur­er irré­ductible aux exi­gences du nom­bre. Tra­vail d’orfèvrerie graphique dis­ais-je, pour des  mis­es en page qui délient le car­can du quadri­latère blanc pour offrir mille reliefs et un hori­zon infi­ni aux textes, vari­ant les typogra­phies, éten­dant le poème sur la dou­ble page du livre, les enchâs­sant dans des lignes fines et dont la géométrie déploie métaphorique­ment toutes les poten­tial­ités des poèmes. Des dis­posi­tifs ni exubérants ni austères, ni intem­pes­tifs ni insipi­des, tout est juste, tout ouvre vers une lib­erté absolue. Atten­tion, l’é­va­sion des textes ain­si pro­duite pour­rait nuire aux cer­ti­tudes de cer­tains, et sus­citer un ques­tion­nement qui bien que sal­va­teur pour­rait déranger celles et ceux qui ne souhait­eraient pas réfléchir…

Les thé­ma­tiques abor­dées par Marc Tison sont celles de nos vies, celles de tous nos jours. Il y a cet éton­nement, celui de l’enfant, celui de l’homme resté dans le regard de cet enfant et dans la vie, l’amour, mais pas n’importe com­ment, mag­nifiés ou inter­rogés tou­jours pour en révéler les inco­hérences, les absur­dités, mais la beauté pro­fonde de ceci, qui est sûre­ment le fait de ce regard con­scient posé sur des élé­ments anec­do­tiques que le poète mène à la source de toute humanité.

Mais peut-on encore écrire, peut-on encore évo­quer la lit­téra­ture comme avant ? Peut-on faire comme si, alors, rien n’é­tait arrivé de ce bas­cule­ment vers on ne sait quoi ? Ecrire, c’est là, dans L’Af­fole­ment des courbes, s’en­racin­er dans le ter­ri­toire mou­ve­ment du monde, y planter un arbre de paroles, pour qu’il pousse et essaie de s’élever. Ecrire c’est dire, c’est agir comme le poète sur scène offre sa voix aux textes pour qu’ils vivent, qu’ils soient ce dont ils sont fab­riqués, cette énergie vive et humaine, qui se recrée à chaque fois dif­férem­ment. Ecrire c’est com­mu­nier, c’est cette unique instance d’une voix  qui devient celle du nom­bre. C’est un don, un cadeau, une puis­sance partagée, et c’est dans cette dynamique qu’il sera pos­si­ble d’aller vers un monde nou­veau. Désor­mais, rien ne sert plus à celles et ceux qui offrent leur fig­ure à des lau­ri­ers que seule la lit­téra­ture choisir­ait d’of­frir s’ils exis­taient vrai­ment, car aucune gloire autre que celle du partage n’ex­iste, qui fait pouss­er des fleurs cos­miques dans le jardin des efface­ments : la poésie, assurément.

 

En prélude symphonique
Dans un élan obstiné
Une chorale de miséreux
Féconde une rébellion 

Ça crie dans les trouées
Ça crie des langues de baisers 
Sur des lèvres nues
Grandes offertes aux souf­fles de connivences
Orgasmes déposés col­orant les talvères

Il germe de l’e­spoir dans les musiques qui traversent
Nous sourds aux flon­flons du temps
Violents
Nous rudes
Puis les murs
Trouant des fenêtres de suie

Présentation de l’auteur

Marc Tison

  1. Né entre les usines et les ter­rils, à Denain dans le nord de la France. A la lisière poreuse de la Bel­gique. Con­science poli­tique et d’effacement des frontières.

Lit un pre­mier poème de Gins­berg. Elec­trisé à l’écoute des Stooges et de John Coltrane.

Pre­miers écrits.

1975 s’installe à Lille. L’engagement esthé­tique est poli­tique. Déclare, avec d’autres, la fin du punk en 1978. Pre­mières pub­li­ca­tions dans des revues. 

Il écrira et chantera plus d’une cen­taine de chan­sons dans plusieurs groupes.

Décide de ne plus envoy­er de textes aux revues pen­dant presque 20 ans, le temps d’écrire et d’écrire des cahiers de phras­es sans fin puis il jette tout et s’interroge sur l’effondrement du « moi ».

Démé­nage en 2000 dans le sud ouest. Reprend l’écriture et la pub­li­ca­tion de poésie.

Engagé tôt dans le monde du tra­vail. A pra­tiqué dans un pre­mier temps de mul­ti­ples jobs : de chauf­feur poids-lourd à rédac­teur de pages cul­turelles, en pas­sant par la régie d’exposition (notam­ment H. Carti­er Bres­son) et la posi­tion du chanteur de rock. Puis il s’est dédié à la pro­duc­tion musi­cale pour, depuis 25 ans, se spé­cialis­er dans la ges­tion et l’accompagnement de struc­tures et pro­jets culturels.

 

 

 

 

 

 

Poésie

1977 — 1981 : Pub­lié dans plusieurs revues (dont « Poètes de la lutte et du quotidien »)

2000- 2019 : Pub­lié dans plusieurs revues (« Trac­tion Bra­bant, Nou­veaux Dél­its, Ver­so, Diérèse,…). 

2008 : Recueil col­lec­tif « Numéro 8 », édi­tions « Carambolage ». 

2010 : Recueil « Manu­ten­tions d’humanités », édi­tions « Arcane 17 ».

2012 : Recueil « Topolo­gie d’une dia­clase », édi­tions « Con­tre poésie ».

Texte « Désin­dus­tri­al­i­sa­tion », édi­tions « Con­tre poésie ».

2013 : Recueil « L’équilibre est pré­caire », édi­tions « Con­tre poésie ». 

                  Trois affich­es poèmes, édi­tions « Con­tre poésie ». 

2015 : Recueil « les para­dox­es du lam­padaire » + « à NY ». « Edi­tions Con­tre poésie ». 

2017 : Recueil « Des Abribus pour l’exode » (accom­pa­g­né de 7 images / pein­tures de Ray­mond Majchrzak)  Edi­tions « Le Cit­ron Gare ». 

2018 : Recueil « Des nuits au mix­er ». (Mise en page J.J. Tachd­jian). Edi­tions « La chi­enne » col­lec­tion « Nonosse » 

 

 

 

Autres 

Depuis 2010 : Lec­tures / Per­for­mances / instal­la­tions poésie (solo, duo avec Eric Carti­er et collectif).

2014 : Pub­li­ca­tions de quinze textes et une nou­velle dans le livre d’artiste « Regards » du pho­tographe Fran­cis Martinal.

A pub­lié plusieurs nou­velles sur des sites en ligne. 

 

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

Marc Tison, Des nuits au mixer

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Carole Mesrobian

Car­ole Car­cil­lo Mes­ro­bian est poète, cri­tique lit­téraire, revuiste, per­formeuse, éditrice et réal­isatrice. Elle pub­lie en 2012 Foulées désul­toires aux Edi­tions du Cygne, puis, en 2013, A Con­tre murailles aux Edi­tions du Lit­téraire, où a paru, au mois de juin 2017, Le Sur­sis en con­séquence. En 2016, La Chou­croute alsa­ci­enne paraît aux Edi­tions L’âne qui butine, et Qomme ques­tions, de et à Jean-Jacques Tachd­jian par Van­i­na Pin­ter, Car­ole Car­ci­lo Mes­ro­bian, Céline Delavaux, Jean-Pierre Duplan, Flo­rence Laly, Chris­tine Tara­nov,  aux Edi­tions La chi­enne Edith. Elle est égale­ment l’au­teure d’Aper­ture du silence (2018) et Onto­genèse des bris (2019), chez PhB Edi­tions. Cette même année 2019 paraît A part l’élan, avec Jean-Jacques Tachd­jian, aux Edi­tions La Chi­enne, et Fem mal avec Wan­da Mihuleac, aux édi­tions Tran­signum ; en 2020 dans la col­lec­tion La Diag­o­nale de l’écrivain, Agence­ment du désert, paru chez Z4 édi­tions, et Octo­bre, un recueil écrit avec Alain Bris­si­aud paru chez PhB édi­tions. nihIL, est pub­lié chez Unic­ité en 2021, et De nihi­lo nihil en jan­vi­er 2022 chez tar­mac. A paraître aux édi­tions Unic­ité, L’Ourlet des murs, en mars 2022. Elle par­ticipe aux antholo­gies Dehors (2016,Editions Janus), Appa­raître (2018, Terre à ciel) De l’hu­main pour les migrants (2018, Edi­tions Jacques Fla­mand) Esprit d’ar­bre, (2018, Edi­tions pourquoi viens-tu si tard), Le Chant du cygne, (2020, Edi­tions du cygne), Le Courage des vivants (2020, Jacques André édi­teur), Antholo­gie Dire oui (2020, Terre à ciel), Voix de femmes, antholo­gie de poésie fémi­nine con­tem­po­raine, (2020, Pli­may). Par­al­lèle­ment parais­sent des textes inédits ain­si que des cri­tiques ou entre­tiens sur les sites Recours au Poème, Le Cap­i­tal des mots, Poe­siemuz­icetc., Le Lit­téraire, le Salon Lit­téraire, Décharge, Tex­ture, Sitaud­is, De l’art helvé­tique con­tem­po­rain, Libelle, L’Atelier de l’ag­neau, Décharge, Pas­sage d’en­cres, Test n°17, Créa­tures , For­mules, Cahi­er de la rue Ven­tu­ra, Libr-cri­tique, Sitaud­is, Créa­tures, Gare Mar­itime, Chroniques du ça et là, La vie man­i­feste, Fran­copo­lis, Poésie pre­mière, L’Intranquille., le Ven­tre et l’or­eille, Point con­tem­po­rain. Elle est l’auteure de la qua­trième de cou­ver­ture des Jusqu’au cœur d’Alain Bris­si­aud, et des pré­faces de Mémoire vive des replis de Mar­i­lyne Bertonci­ni et de Femme con­serve de Bluma Finkel­stein. Auprès de Mar­i­lyne bertonci­ni elle co-dirige la revue de poésie en ligne Recours au poème depuis 2016. Elle est secré­taire générale des édi­tions Tran­signum, dirige les édi­tions Oxy­bia crées par régis Daubin, et est con­cep­trice, réal­isatrice et ani­ma­trice de l’émis­sion et pod­cast L’ire Du Dire dif­fusée sur radio Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM.
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