Davide Napoli dessine des mots avec une encre d’absinthe céleste. Sa poésie est le prolongement d’un geste ultime, celui qui mène à la disparition de toute trace, à l’évidement de toute parole. Comme ses encres noires dont le jet affirme la puissance de notre cécité, la gesticulation et la danse, ce que notre condition d’Humains a de beauté et de tragique, Davide Napoli écrit :
“Le lapsus de l’ombre est une ellipse irréversible d’un corps invisible “
Le Lapsus de l’ombre est un texte éminemment taoiste, poétique dans ce sens où la poésie est une recherche de l’immanence qui ne se situe finalement que dans la cessation du langage, dans son intégration totale. Davide Napoli trace les étapes de l’éveil à cette conscience de la cohabitation des contraires en toute chose. De cette imbrication entre une vie matérielle et une posture d’éveil, c’est-à-dire de cette rencontre entre l’horizontalité et la verticalité, de l’abscisse avec l’ordonnée, de la diachronie avec la synchronie, pour arriver à ce point qui fait que la poésie est poésie, qui est ce point précis qui ouvre à l’éternité ou au néant, ce qui est sensiblement la même chose. Dès lors ces polarités sont unies dans et par le langage, mais jamais énoncée, juste là, révélées dans toutes leurs dimensions ainsi qu’elles sont dans chaque parcelle du réel, près de nous qui ne les voyons pas.

Davide Napoli, Le Lapsus de l’ombre, éditions Unicité, 2020, 92 pages, 13 €.
La poésie de Davide Napoli est alors proche de ce que nous enseigne le Tao : tout est dualité, qui doit être dépassé, ou plus exactement uni, aplani, gommé, grâce à ce que certains appellent le point zéro, le milieu, l’endroit où les polarités du plus et du moins, du blanc et du noir, sont concomitants, existent simultanément, dans ce point focal de neutralité absolue, qui absorbe les contraires, et les réunit.
voix dans le corps, le corps voit
voce nel corpo, il corpo vedeje t’envoie dans l’ombre de ton geste, dans le pas de
ton souffle, dans le mur de ton silence…
Le poète joue des typographie, des espaces et des ombres. Ses jets de mots éparpillés sur l’espace scriptural comme un souffle court évoquent tantôt la course du condamné qui cherche la libération, tantôt la révolte de l’Homme, qui alors s’extrait de sa condition, et affirme sa puissance.
l’absence garde son oubli
s’écrit sur la ligne
mur du souffle
il muro del soffio
Une langue serrée, concentrée et efficace, à la manière dont Michaux se tenait là dans la vitesse d’une parole libératoire. Il s’agit de tenter l’escalade de ceci, le langage, qui nomme et annihile en même temps. Il est ce phénomène qui permet de faire coexister la chose et son anéantissement. Il est également par nature duel, car le signe se décompose entre signifiant (la forme) et signifié (le concept). C’est donc un vecteur d’enfermement, la chose nommée étant d’une part immédiatement incluse dans l’ensemble conceptuel des choses de même catégorie, puis individualisée par l’occurrence à un instant T employée par le locuteur. Cet emploi qui est l’activation du mot dans un emploi particulier est empreint de subjectivité, et assujetti par le contexte.
C’est dire si nommer est réduire à des instances limitées toute chose. Mais, grâce à la poésie, le langage peut mener à cette dimension vibratoire qui permet une intégration des énergies de la matière, par-delà le mot. Le son même émis par le locuteur ouvre à des espaces où l’intégration de l’énergie de ce qui est se fait au-delà de toute langue. C’est cette musique de l’Univers, le silence, que tente de tracer Davide Napoli. Il cherche incessamment comment changer les mots en instances révélatrices de cette dimension illocutoire du langage, là où peut-être se trouverait une libération, un endroit d’avant la naissance, que convoque la présence de sa langue maternelle, l’Italien, qui vient clôturer et souligner, comme pour soutenir les poèmes. Davide Napoli traque les Lapsus de l’ombre, pour capturer la lumière, dans ces combinatoires, ou dans cette poésie qui ne cherche rien d’autre que l’aboutissement de toute trace, endroit et envers dans la même seconde dès lors gommée, tout comme dans ses encres, là où la traversée des couches sémantiques doit mener à l’anéantissement de l’anéantissement même.
le temps s’éteint à l’ombre de son accélération
le corps se détache de ses odeursle souffle plonge dans les interstices de la poussière
la caresse chuchote au sommeil
sans lumière
Présentation de l’auteur

- Dominique Sampiero & Joël Leick, L’Autre moitié de ton corps - 6 avril 2021
- Les Hommes sans Epaules n°51, dédié à Elodia Zaragoza Turki - 6 avril 2021
- La gazette de Lurs n°46 - 6 avril 2021
- Pascal Boulanger, L’Intime dense - 21 mars 2021
- Entre les lignes entre les mots - 21 mars 2021
- Un don des mots dans les mots, est traduire : entretien avec Marilyne Bertoncini - 6 mars 2021
- Les brodèmes d’Ekaterina Igorovna - 6 mars 2021
- Le Japon des Chroniques du çà et là n°18 - 6 mars 2021
- Revue Phœnix n°34 - 21 janvier 2021
- Jean-Louis Bergère, un chanteur dans le silence - 5 janvier 2021
- Jeanne davy, miroir des femmes du jazz - 5 janvier 2021
- Le féminin pluriel de l’Atelier de l’Agneau - 5 janvier 2021
- L’eau bleue du poème de Béatrice Marchal - 21 décembre 2020
- Sabine Venaruzzo, Et maintenant, j’attends - 6 décembre 2020
- Muriel Augry, Ne me dérêve pas - 26 novembre 2020
- Eva-Maria Berg, Pour la lumière dans l’espace, illustrations de Matthieu Louvier - 6 novembre 2020
- La petite Ficelle ombilicale du Poème - 6 novembre 2020
- « États généraux permanents » de l’urgence : entretien avec Yves Boudier et Vincent Gimeno-Pons - 6 novembre 2020
- Des liens de liens : Poésie à la une - 6 novembre 2020
- Davide Napoli, Le Lapsus de l’ombre - 6 octobre 2020
- Christine Guinard, Sténopé - 21 septembre 2020
- Pile ou face ou la contingence révélatrice - 6 septembre 2020
- Diérèse n°78 : Poésie et Littérature ! - 6 septembre 2020
- Georges de Rivas, La beauté Eurydice, Sept Chants pour le Retour d’Eurydice - 6 juin 2020
- Anthologie Le Courage des vivants - 21 mai 2020
- Daniel Ziv, Ce n’est rien que des mots sur les Poèmes du vide. - 6 mai 2020
- Les Ailes Ardentes de Rodrigo Ramis - 6 mai 2020
- Des revues numériques à la page - 6 mai 2020
- Les Cahiers littéraires des Hommes sans épaules - 6 mai 2020
- Mouvements pour un décollage dans les étincelles - 2 mai 2020
- Marc Tison, L’Affolement des courbes - 21 avril 2020
- Bruno Doucey, Terre de femmes, 150 ans de poésie féminine en Haïti - 6 avril 2020
- Barry Wallenstein, Tony’s blues, textes choisis et traduits par Marilyne Bertoncini, gravures Hélène Bautista - 21 mars 2020
- Ilse au bout du monde - 6 mars 2020
- Marilyne Bertoncini, La Noyée d’Onagawa - 6 mars 2020
- Entre les lignes entre les mots - 6 mars 2020
- Les Chroniques du Çà et là n°16 : Poèmes au féminin - 6 mars 2020
- Philippe Thireau, Melancholia - 26 février 2020
- Le chant du Cygne n’est pas pour demain - 5 février 2020
- Encres vives n°492, Claire Légat : Poésie des limites et limites de la poésie - 5 janvier 2020
- Traversées poétiques - 5 janvier 2020
- Marc Alyn & Nohad Salameh, Ma menthe à l’aube mon amante, correspondance amoureuse - 6 décembre 2019
- Oxmo Puccino, Mines de cristal - 6 novembre 2019
- Wanda Mihuleac et Alain Snyers, Roumpfs - 6 novembre 2019
- Gérard Baste : Plus rien à dire ? - 6 novembre 2019
- Revue Texture, encore un peu de lui : Michel Baglin - 6 septembre 2019
- La lettre sous le bruit n°45 : hommage à Rémy Durand - 6 septembre 2019
- Eric Dubois, L’Homme qui entendait des voix - 6 septembre 2019
- Murielle Compère-Demarcy, Alchimiste du soleil pulvérisé - 1 septembre 2019
- Rencontre avec Saleh Diab - 6 juillet 2019
- Nohad Salameh, Le Livre de Lilith - 6 juillet 2019
- Un papillon dans ma boîte aux lettres : Libelle - 4 juin 2019
- Revue Nu(e) N°69 - 4 juin 2019
- Entretien avec Philippe Barrot - 4 juin 2019
- Philippe Thireau, Je te massacrerai mon coeur - 4 juin 2019
- Lichen, premier signe de vie à revenir… - 4 mai 2019
- Marc Alyn, T’ang Hayden, T’ang l’obscur, Mémorial de l’encre - 4 mai 2019
- “Face aux verrous”, les étudiants du Master de Lettres Modernes de L’Université de Caen - 4 mai 2019
- Rencontre avec Marc Tison - 4 avril 2019
- Editions Wallâda, la princesse rebelle - 4 avril 2019
- Jean-Marc Barrier, l’autre versant de la montagne - 4 avril 2019
- La quatrième dimension du signe - 4 avril 2019
- Pourquoi viens-tu si tard, enfin ! - 29 mars 2019
- L’intranquille de printemps… - 28 mars 2019
- Le Manoir disparu : entretien avec Maggy de Coster - 3 mars 2019
- Marc Tison, Des nuits au mixer - 3 mars 2019
- Revue Teste XXX : Véhicule anonyme - 3 février 2019
- Entretien avec Alain Brissiaud : le présent de la Poésie - 3 février 2019
- Rencontre avec Angèle Paoli - 3 février 2019
- Florilège 2018 des Editions Tarmac : l’Art comme Copeaux contre la barbarie. - 3 février 2019
- Revue L’Hôte - 4 janvier 2019
- Les anthologies à entête des Hommes sans Épaules - 4 janvier 2019
- Poésie syrienne, Mon corps est mon pays - 4 décembre 2018
- Les Langues de Christine Durif-Bruckert - 3 décembre 2018
- L’Intranquille - 3 décembre 2018
- Lettre à Guillaume Apollinaire - 5 novembre 2018
- Gwen Garnier-Duguy, Alphabétique d’aujourd’hui - 5 novembre 2018
- Richard Soudée : deux Lys sur le balcon - 5 novembre 2018
- Les Oeuvres poétiques de Dominique Sampiero - 5 octobre 2018
- Rencontre avec un poète : Dominique Sampiero - 5 octobre 2018
- Revue Florilège - 5 octobre 2018
- Morceaux choisis de La Boucherie littéraire - 4 septembre 2018
- Questions à Claude Ber - 4 septembre 2018
- La Caraïbe aux visages d’Evelyne Chicout - 5 juillet 2018
- Le Jeu d’Inéma - 5 juillet 2018
- Jean-Luc Despax, Mozart s’est échappé - 3 juin 2018
- Eric Dubois, un chemin de vie plus qu’un parcours - 3 juin 2018
- Le Trans-Art…et après ? - 3 juin 2018
- Editions Tinbad : l’horizon d’un futur poétique - 5 mai 2018
- Jacques Ancet, Quelque chose comme un cri - 5 mai 2018
- Les Hommes sans Epaules : poésie chilienne. - 5 mai 2018
- Vincent Motard-Avargues, Tant de silences… - 6 avril 2018
- Un Festival Permanent des Mots : entretien avec Jean-Claude Goiri - 6 avril 2018
- Revue Estuaire, N° 165 - 1 mars 2018
- Christophe Bregaint, A l’avant garde des ruines - 1 mars 2018
- Christine Guinard : du corps transitoire de la poésie - 1 mars 2018
- Entretien avec Jean-Jacques Tachdjian - 26 janvier 2018
- Chroniques du çà et là, N°12 - 26 janvier 2018
- Les Hommes sans épaules - 27 novembre 2017
- France Burghelle Rey, Petite anthologie, Confiance, Patiences, Les Tesselles du jour - 2 octobre 2017