Appel’action pour une trans-mission du poëme : entretien avec Julien Blaine

Par |2023-05-09T06:33:56+02:00 2 mai 2023|Catégories : Focus, Julien Blaine|

Pour Julien Blaine, la poésie s’ex­péri­mente physique­ment : elle est, d’év­i­dence, per­for­ma­tive. Poésie sémi­o­tique, mul­ti­ple, où le corps par­ticipe de la mise en œuvre du tra­vail de la langue, son œuvre en con­stante muta­tion a ouvert des champs encore inex­plorés. S’il se situe à la fois dans une lignée post-con­crète (Il mul­ti­plie les champs séman­tiques, en faisant se côtoy­er des signes de divers­es nature et d’hori­zons dif­férents – textuels, visuels, objec­tals) et post-fluxus (dans une expéri­men­ta­tion de la poésie comme par­tie inté­grante du vécu), ses réal­i­sa­tions con­tin­u­ent de mar­quer l’e­space poé­tique et de d’ou­vrir des voies qui per­me­t­tent à la poésie de s’in­ven­ter encore, et de touch­er un pub­lic diver­si­fié. Il a accep­té de répon­dre à nos questions.

Vous organ­isez et par­ticipez de nom­breuses scènes poé­tiques. Com­ment appel­leriez-vous le fait de met­tre en scène la poésie ? Est-ce de la per­for­mance ? Ou bien une modal­ité dif­férente de trans­met­tre la poésie ?
Oh lala !
J’ai si sou­vent chang­er d’appel’action :
Un jour pour désign­er « ça » le mot Per­for­mance s’est imposé. Soit !
Je suis resté sous des titres plus dis­crets ou clandestins :
Poésie sémi­o­tique ou Poésie sémi­ologique dans les années 60.
Poésie élé­men­taire (dou­ble sens) au début des années 70.
Puis Poésie en chair et en os ou Poëme à cor(ps) et à cri  vers la fin du siè­cle dernier.
Ensuite après mon bye bye la perf. en 2005, ayant aban­don­né la per­for­mance, j’ai retenu : Déclar’action
Enfin après mon Grand dépo­toir en 2020, je ne désir­ais plus, presque octogé­naire, me pro­duire en pub­lic, mais sous la pres­sion de mon édi­teur Lau­rent Cauwet, sur l’insistance et à l’invitation de quelques autres amies&amis et au sou­venir de mon com­pagnon, cama­rade et com­plice Bernard Hei­d­sieck qui s’était auto­con­damné au silence, je présente des M’exposés.
Mais le terme Poésie me con­vient parfaitement !

AGORA — Per­for­mance Julien Blaine — Galerie Pre­mière Ligne.

Est-ce que vous touchez un pub­lic dif­férent, plus large ? Ou bien est-ce que votre pub­lic va ensuite vers le recueil, ou alors a fréquen­té avant les pages de vos livres ?
Toutes les répons­es sont bonnes !
Le pub­lic est plus large quoique à l’évidence très peu dif­férent, plus impor­tant surtout à la fin du siè­cle dernier, ce XXe où la poésie était présente et présen­tée partout : musées, galeries, théâtres, fes­ti­vals, écoles, uni­ver­sités, col­lèges, lycées, cafés, brasseries, fon­dazione, salons, marchés, places publiques, jardins, clubs de jazz et autres night-clubs, France-Cul­ture et même au Cer­cle de minu­it de Lau­re Adler !
Cer­tains m’ont ren­con­tré au cours de ces man­i­fes­ta­tions et ont lu après, cer­taines m’ont lu d’abord puis sont venues vérifier…
D’autres se sont con­tentées de me voir et de m’entendre puis se sont quelque­fois bal­adées le long de mes référence­ments avec les moteurs de recherche comme Google ou Yahoo pour me con­naître un peu plus !

Le Grand Dépo­toir de Julien Blaine : Friche La Belle de Mai à Mar­seille le ven­dre­di 13 mars 2020 — Un NON Vernissage et une NON Expo­si­tion suite aux fer­me­tures admin­is­tra­tives de tous les lieux publics, le début de la GUERRE con­tre le CORONAVIRUS 19 a com­mencé… Moti­er d’Action Totale — Ventabren en Févri­er 2022. Poésie is not dead.

Vous avez dirigé durant de très nom­breuses années le Cen­tre Inter­na­tion­al de Poésie de Mar­seille. Quelles étaient vos actions pour trans­met­tre la poésie ? Quelle était votre ambition ?
Non, j’ai créé le Cen­tre Inter­na­tion­al de Poésie de Mar­seille mais je ne l’ai jamais dirigé…
J’ai tou­jours pen­sé que la poésie devait être présen­tée en per­son­ne face au pub­lic, « en chair et en os » ain­si que je l’ai souligné.
Le livre n’étant qu’un résidu du poème accom­pli, c’est à dire le texte tel une par­ti­tion, proclamé, dit, ani­mé, gesticulé…
Le poëme pour être com­plet doit être présen­té, acté par le poète lui-même.
Ain­si j’ai créé ou co-organ­isé un nom­bre con­sid­érable de ren­con­tres inter­na­tionales de Fiu­mal­bo au milieu des années 60, en Ital­ie aux « Dits du Mar­di » à Mar­seille, il y a peu, en pas­sant par Poly­phonix, la Tournée Per­for­mances des Poètes sonores  (Le Havre, Rennes, Cen­tre Georges Pom­pi­dou), les Ren­con­tres de Poésie Sonore (Fes­ti­val d’Avignon, France), le Fes­ti­val de Poésie de Cogolin, les Échanges inter­na­tionaux de poésie (Allauch), les Ren­con­tres Inter­na­tionales de Poésie de Taras­con, le V.A.C (Ventabren Art Con­tem­po­rain), les Voix de la Méditer­ranée à Lodève…
Notre ambi­tion reste inat­teignable : « chang­er la vie ! » mais nous restons dans cette démesure.

A “La Bou­tique”, Mot de Julien BLAINE. Réal­i­sa­tion vidéo, Alain PERRIER et Bernard CERF.

La place réservée à la poésie dans les librairies est sou­vent restreinte. Pourquoi ? Le livre devient-il un moyen de trans­mis­sion secondaire ?
Mais en cette époque gou­vernée par des séni­lo-infan­tiles cru­els et incultes tout l’art est sec­ondaire, acces­soire ; toute la cul­ture est mineure, délais­sée voire aban­don­née. Les grands médias sont pro­priétés des richissimes ou de l’état et les deux s’accordent à met­tre en place tous les moyens pour abru­tir le lecteur de mag­a­zines et de jour­naux, l’auditeur de radio et le spec­ta­teur de télévi­sion à grands coups de spec­ta­cles sportifs, de jeux crétins et de talk-shows politico-bobo.
Et ça suit partout, cette igno­rance volon­taire, cette bar­barie, y com­pris chez les libraires, à part quelques rares indépendants.
Quant à l’art sous toutes ses formes, il est entre les mains de fon­da­tion qui appar­ti­en­nent à ces mêmes richissimes dont le souci se lim­ite exclu­sive­ment à la spéculation.
Le livre reste néan­moins – pour eux – un moyen de trans­mis­sion pri­mor­dial en tant qu’outil de pro­pa­gande ou d’abrutissement.
Il n’y a qu’à con­sid­ér­er les ouvrages les plus ven­dus de Guil­laume Mus­so ou Marc Levy ou autres cochon­ner­ies en pro­mo­tion chez Amazone !
Nos livres cir­cu­lent mal mais ils cir­cu­lent et ils sont passés de pri­mor­diaux à essen­tiels voire indispensables.

Julien Blaine : Peau pour­rie, vidéo inédite.

Que peut trans­met­tre la poésie ? Et peut-on trans­met­tre la poésie ?
Des sites comme le vôtre et des enseignants : de l’humble insti­tu­teur au pro­fesseur de fac­ulté mais il faut d’abord qu’il s’intéresse à la poésie et aux poètes, y com­pris les vivants !
Ce qui est heureuse­ment de plus en plus les cas…
Ce que la poésie désire trans­met­tre comme tou­jours c’est per­me­t­tre l’autonomie de chacun&chacune, l’avènement de la lib­erté, la beauté du dire et la vérité de l’écrire, la force du faire, l’originalité de chacun&chacune, un chemin vers le bonheur…
Un bon­heur intelligent !
Donc une résis­tance aux pou­voirs imbé­ciles ou autori­taires, (ce qui est de plus en plus com­pat­i­ble), une révolte per­ma­nente con­tre l’injustice.
Si nous savons que c’est encore de l’utopie et un par­cours vers l’irréalisable, nous per­sévérons. C’est l’une de nos contraintes.
Ne jamais accepter de sou­vivre mais sur­vivre intact sans aucun renoncement.
Non seule­ment on peut trans­met­tre la poésie mais on doit trans­met­tre la poésie par tous les moyens qui restent à notre dis­po­si­tion comme ces sites, ces marchés, ces foires, ces fes­ti­vals, ces revues et par nos grands « petits » édi­teurs indépen­dants et libres.
Je crois fer­me­ment à son retour en force.
Existe-t-il aujourd’hui un vecteur de trans­mis­sion orale dans nos pays occi­den­taux ? Pensez-vous que la chan­son soit un vecteur de trans­mis­sion de la poésie ?
Oui : de petites radios locales, des sites sur inter­net, des fes­ti­vals réguliers, quelques galeries…
Pour la chan­son, c’est non !
Mais je souhaite me tromper !

Julien Blaine, Essai sur le S, Cen­tre Inter­na­tion­al de Poésie, Marseille. 

Quelle est la place de l’internet dans la trans­mis­sion de la poésie ? Est-ce que demain il exis­tera d’autres voies pour porter la voix du poème ?
La Poésie est morte mais il y a tou­jours une ou un jeune poète pour la ressus­citer. Cela fait au moins 30 000 ans que ça dure de l’aurignacien au fond des grottes jusqu’à nos Youtube contemporains.
Inter­net, quand on con­sid­ère les carences, les évite­ments, les efface­ments des médias de référence ou jadis spé­cial­isés, est devenu indispensable.
Notam­ment les sites qui nous infor­ment régulière­ment sur la vie de la poésie et des poètes.
En ce qui con­cerne les réseaux soci­aux je suis plus réservé, je butine sur face­book et je suis sou­vent atter­ré par la con­ner­ie de cer­taines inter­ven­tions et quelque­fois sur­pris par leur per­ti­nence (ce qui est beau­coup plus rare) mais cela reste néan­moins une source d’information et des pos­si­bil­ités de dia­logue, alors j’y butine encore entre 2 cour­riels. 

L’émis­sion “Poésie sur Parole”, par André Vel­ter, dif­fusée le 15 mai 1993. Présence : le poète en per­son­ne lisant des poèmes extraits de ‘Sor­tie de quar­an­taine’, ‘Poèmes méta­physiques et Cal­mar’. Mise en ligne par Arthur Yas­mine, poète vivant, dans l’unique objet de per­pétuer la Poésie française. Site offi­ciel : https://www.arthuryasmine.com/ Insta­gram : https://www.instagram.com/eclairbrut/ Face­book : https://www.facebook.com/eclairbrut Sur les poètes vivants : https://bit.ly/2JdBEi4 Dernières pub­li­ca­tions d’ÉCLAIR BRUT : http://bit.ly/2IgC72p

Présentation de l’auteur

Julien Blaine

Julien BLAiNE est né en 1942, à Rognac, au bord de l’Étang de Berre, flaque de mer jadis bleu-azur, aujourd’hui mar­ron glacé. Il vit à , Ventabren et à Mar­seille et nomadise le plus possible.
(Dénom­mé aus­si Chris­t­ian POiTEViN (patronyme) et d’une rib­am­belle d’autres noms
ÉDITEUR de Doc(k)s et d’une rib­am­belle d’autres périodiques
AUTEUR de 13427 poëmes méta­physiques et d’une rib­am­belle d’autres livres et catalogues
EXPOSANT de du sor­ci­er de V. au magi­cien de M. et d’une rib­am­belle d’autres expositions,
a présen­té en mai 2009 une impor­tante expo­si­tion au [mac] Musée d’Art Con­tem­po­rain de Mar­seille : un Tri.
ORGANISATEUR des Ren­con­tres Inter­na­tionales de Poésie de Taras­con et d’une rib­am­belle d’autres manifestations
FONDATEUR du Cen­tre Inter­na­tion­al de Poésie de Mar­seille (C.I.P.M.) et d’une rib­am­belle d’autres espaces culturels.
CHANTIERS EN COURS : la poésie n’intéresse per­son­ne, la 5ème feuille ou l’écriture orig­inelle, le Verssicône, Chom’art, Con­fi­dences d’Églantin, Text’art, Ihali, &c.

La vie & la phrase continuent…
Pour en savoir plus :

www.documentsdartistes.org/blaine <http://www.documentsdartistes.org/blaine>

 

© Rue des livres

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

Julien Blaine, Carnets de voyages

La pre­mière cri­tique de Lucien Was­selin pub­liée en mars 2013, dans le numéro 42 de Recours au poème. ∗∗∗ Il y a comme un para­doxe évi­dent dans la démarche de Julien Blaine : […]

Julien Blaine aux éclats du dire !

Aux sources de l’écrire et du dire, La cinquième feuille de Julien Blaine déploie une poésie imprégnée des con­cepts forgés par Félix Guat­tari inner­vant ses écrits des orig­ines, selon l’in­tro­duc­tion de Gilles Suzanne à […]

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Carole Mesrobian

Car­ole Car­cil­lo Mes­ro­bian est poète, cri­tique lit­téraire, revuiste, per­formeuse, éditrice et réal­isatrice. Elle pub­lie en 2012 Foulées désul­toires aux Edi­tions du Cygne, puis, en 2013, A Con­tre murailles aux Edi­tions du Lit­téraire, où a paru, au mois de juin 2017, Le Sur­sis en con­séquence. En 2016, La Chou­croute alsa­ci­enne paraît aux Edi­tions L’âne qui butine, et Qomme ques­tions, de et à Jean-Jacques Tachd­jian par Van­i­na Pin­ter, Car­ole Car­ci­lo Mes­ro­bian, Céline Delavaux, Jean-Pierre Duplan, Flo­rence Laly, Chris­tine Tara­nov,  aux Edi­tions La chi­enne Edith. Elle est égale­ment l’au­teure d’Aper­ture du silence (2018) et Onto­genèse des bris (2019), chez PhB Edi­tions. Cette même année 2019 paraît A part l’élan, avec Jean-Jacques Tachd­jian, aux Edi­tions La Chi­enne, et Fem mal avec Wan­da Mihuleac, aux édi­tions Tran­signum ; en 2020 dans la col­lec­tion La Diag­o­nale de l’écrivain, Agence­ment du désert, paru chez Z4 édi­tions, et Octo­bre, un recueil écrit avec Alain Bris­si­aud paru chez PhB édi­tions. nihIL, est pub­lié chez Unic­ité en 2021, et De nihi­lo nihil en jan­vi­er 2022 chez tar­mac. A paraître aux édi­tions Unic­ité, L’Ourlet des murs, en mars 2022. Elle par­ticipe aux antholo­gies Dehors (2016,Editions Janus), Appa­raître (2018, Terre à ciel) De l’hu­main pour les migrants (2018, Edi­tions Jacques Fla­mand) Esprit d’ar­bre, (2018, Edi­tions pourquoi viens-tu si tard), Le Chant du cygne, (2020, Edi­tions du cygne), Le Courage des vivants (2020, Jacques André édi­teur), Antholo­gie Dire oui (2020, Terre à ciel), Voix de femmes, antholo­gie de poésie fémi­nine con­tem­po­raine, (2020, Pli­may). Par­al­lèle­ment parais­sent des textes inédits ain­si que des cri­tiques ou entre­tiens sur les sites Recours au Poème, Le Cap­i­tal des mots, Poe­siemuz­icetc., Le Lit­téraire, le Salon Lit­téraire, Décharge, Tex­ture, Sitaud­is, De l’art helvé­tique con­tem­po­rain, Libelle, L’Atelier de l’ag­neau, Décharge, Pas­sage d’en­cres, Test n°17, Créa­tures , For­mules, Cahi­er de la rue Ven­tu­ra, Libr-cri­tique, Sitaud­is, Créa­tures, Gare Mar­itime, Chroniques du ça et là, La vie man­i­feste, Fran­copo­lis, Poésie pre­mière, L’Intranquille., le Ven­tre et l’or­eille, Point con­tem­po­rain. Elle est l’auteure de la qua­trième de cou­ver­ture des Jusqu’au cœur d’Alain Bris­si­aud, et des pré­faces de Mémoire vive des replis de Mar­i­lyne Bertonci­ni et de Femme con­serve de Bluma Finkel­stein. Auprès de Mar­i­lyne bertonci­ni elle co-dirige la revue de poésie en ligne Recours au poème depuis 2016. Elle est secré­taire générale des édi­tions Tran­signum, dirige les édi­tions Oxy­bia crées par régis Daubin, et est con­cep­trice, réal­isatrice et ani­ma­trice de l’émis­sion et pod­cast L’ire Du Dire dif­fusée sur radio Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM.
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