Un titre qui interpelle. Se dessine une temporalité, “maintenant”, mais avant ou après quoi, et un état de fait, “j’attends”. Alors on imagine, et on regarde la couverture de ce recueil de Sabine Venaruzzo, où une femme rouge tout entière se tient debout dans une lande épaisse, gants de boxe aux mains.
La réponse est à la fin du livre : le lecteur est invité à entrer, à franchir ce qui auparavant était l’intangible silence qui séparait l’auteur du destinataire fictif du texte. Grâce à un dispositif de QR code il est possible non seulement de prolonger l’immersion dans l’univers de la poète, mais, chose extraordinaire, de participer à l’élaboration d’une suite, d’un écho. Remarquable opportunité ouverture vers cet idéal de fraternité pour lequel existe la poésie en offrant un au-delà du langage, une libération des représentations, une plongée dans les universaux que nous portons tous. Ici le recueil prépare à ce qui clos et ouvre, à cette invitation à la réunion.
Le recueil se termine sur une adresse au lecteur “Notes de l’auteur à votre attention” :
Terminer ce recueil en le laissant ouvert à tous les possibles
Et maintenant, j’attends…
…vos mots !
Ecrits, dessinés, photograhiés, filmés, dits, chantés !

Sabine Venaruzzo, Et maintenant, j’attends, Editions de L’Aigrette, 2020, 102 pages, 15 €.
“Terminer ce recueil”, qui ne se finit pas, parce que l’appel à la réunion est ce qui ouvre, à la fin des poèmes, après les quelques pages rouges dans lesquelles Sabine Venaruzzo exhorte au rassemblement :
Poétons ensemble
Ecrivons le poème universel qui rassemble nos parts
d’humanité
Naissantes et naïves, éclatées sous les bombes, rassemblées
dans la rue, calibrées espace vital, aimantes et sauvages,
arrêtées dans des camps, couchées réverbère, irradiées cellulaires.…
Et maintenant. Avec toi. Notre attente contre toute atteinte est
en mouvement.
Ces pages rouges qui précèdent l’invitation à venir participer à l’élaboration d’une fraternité poétique entrent dans le regard, épousent la chair, empruntent la matière de nos âmes. Une couleur qui ponctue les pages du recueil, où quelques photos de la poète habillée et masquée de rouge, gants de boxe compris, prend des poses différentes, puis où le gant de boxe seul apparaît. Rouge, symbole de danger, et de combativité. Un combat qui est celui que Sabine Venaruzzo mène pour la paix.
Dans la première partie du recueil, les poèmes disent ce qui sépare, évoquent la violence qui règne sur cette planète, signe d’un échec patent de nos sociétés à élaborer un quotidien porteur d’épanouissement. Tant d’aberrations, tant de haine, tant de schémas cousus de peurs et de désagrégation, de violence et de geôles, sont énoncés. Comme on visite un édifice en péril la poète ouvre des portes qui dévoilent les espaces de tous ces échecs de l’humanité.
J’ai le cœur Bagdad
A Aya Mansour
Texte paru dans l’anthologie Rouges
aux éditions de l’AigretteSur le chemin rouge des frères abattus
Des corps renaissent dans une herbe folle
Des silhouettes s’enlacent
Et s’entassent
Et s’aiment
Dans l’infinie racine du temps
Puis les pages rouges, présentes déjà dans les aplats de couleur qui ponctuent les photos. Il faut agir. Nous sommes invités à participer, à rejoindre nos frères humains. Là impossible de refermer le recueil, comme à chaque fois, comme cette sempiternelle cérémonie, fermer le livre, le poser, ému ou pas, ou de moins en moins, et reprendre le flux de la vie, inepte à force de pertes inouïes de toutes ces valeurs perdues dont la plus époustouflante est la fraternité, l’universalité de ce que peut et doit être l’humain.
Et enfin ce “lieu dans le livre” que sont les quelques page qui ferment Et maintenant j’attends. “Terminer ce recueil en vous faisant découvrir d’autres passages aux actes poétiques”, pour fermer l’ouverture, ou ouvrir la fermeture sur un horizon qui appelle un avenir commun édifié à partir de ceci, une communauté humaine enfin fraternelle. Des codes QR invitent à écouter les poèmes dits par l’artiste, et l’adresse de son site internet est là pour recueillir des propositions, des textes, des mots, des présences, des énergies prêtes à participer à l’élaboration de la suite, poétique, donc inscrite dans le quotidien, l’engagement, le désir de vivre autrement. Ce qu’est la poésie, en somme, et l’essence même de sa raison d’être.
Sabine Venaruzzo montre le seuil d’une possible unité entre les mots et le silence d’un imaginaire, celui de l’auteur lorsqu’il écrit pour cet indéfini lecteur, celui du lecteur lorsqu’il suit le poète et espère partager le souffle dans les mots. Elle attend, maintenant, parce qu’elle le sait, c’est l’heure d’aller plus loin que pleurer ou s’indigner dans son coin, maintenant est le moment de la réunion de ceux qui son prêts à avancer vers demain. Ceci n’est pas un livre, c’est une porte, de même que “Ceci n’est pas une préface”, très beau texte écrit par Marc Alexandre Oho Bambe dit Capitaine Alexandre qui ouvre le recueil, . “Pas une préface, mais une missive, ouverte” comme l’est ce recueil, jamais terminé, parce qu’il est ce seuil d’un territoire humain nouveau, il est le signe du début de ce voyage vers notre unique pays qu’est la Terre.
“Poétons ensemble
Nous sommes tous faits de la même roche, de la même terre,
de mêmes cellules, de sang rouge.
Nous sommes tous inexorablement liés et reliés.
Ainsi sommes-nous.
Ainsi suis-je.
Ainsi es-tu.
Ainsi soit-il.
Amen.
Rouge est le visage masqué mais dessous est celui de la poésie, qui reprend contact avec ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être, une porte ouverte vers la réunion des humains, vers la communion et le partage. Ce visage, nous sommes invités à le dessiner dans ce recueil, dont il faut saluer l’immense qualité, et pour lequel il faut remercier les éditions l’Aigrette, éditeur engagé qui continue malgré cette terrible période à porter la Poésie, et à rêver qu’elle sera le chant de la victoire d’une Babel écroulée.
Présentation de l’auteur

- Jean-Louis Bergère, un chanteur dans le silence - 5 janvier 2021
- Jeanne davy, miroir des femmes du jazz - 5 janvier 2021
- Le féminin pluriel de l’Atelier de l’Agneau - 5 janvier 2021
- L’eau bleue du poème de Béatrice Marchal - 21 décembre 2020
- Sabine Venaruzzo, Et maintenant, j’attends - 6 décembre 2020
- Muriel Augry, Ne me dérêve pas - 26 novembre 2020
- Eva-Maria Berg, Pour la lumière dans l’espace, illustrations de Matthieu Louvier - 6 novembre 2020
- La petite Ficelle ombilicale du Poème - 6 novembre 2020
- « États généraux permanents » de l’urgence : entretien avec Yves Boudier et Vincent Gimeno-Pons - 6 novembre 2020
- Des liens de liens : Poésie à la une - 6 novembre 2020
- Davide Napoli, Le Lapsus de l’ombre - 6 octobre 2020
- Christine Guinard, Sténopé - 21 septembre 2020
- Pile ou face ou la contingence révélatrice - 6 septembre 2020
- Diérèse n°78 : Poésie et Littérature ! - 6 septembre 2020
- Georges de Rivas, La beauté Eurydice, Sept Chants pour le Retour d’Eurydice - 6 juin 2020
- Anthologie Le Courage des vivants - 21 mai 2020
- Daniel Ziv, Ce n’est rien que des mots sur les Poèmes du vide. - 6 mai 2020
- Les Ailes Ardentes de Rodrigo Ramis - 6 mai 2020
- Des revues numériques à la page - 6 mai 2020
- Les Cahiers littéraires des Hommes sans épaules - 6 mai 2020
- Mouvements pour un décollage dans les étincelles - 2 mai 2020
- Marc Tison, L’Affolement des courbes - 21 avril 2020
- Bruno Doucey, Terre de femmes, 150 ans de poésie féminine en Haïti - 6 avril 2020
- Barry Wallenstein, Tony’s blues, textes choisis et traduits par Marilyne Bertoncini, gravures Hélène Bautista - 21 mars 2020
- Ilse au bout du monde - 6 mars 2020
- Marilyne Bertoncini, La Noyée d’Onagawa - 6 mars 2020
- Entre les lignes entre les mots - 6 mars 2020
- Les Chroniques du Çà et là n°16 : Poèmes au féminin - 6 mars 2020
- Philippe Thireau, Melancholia - 26 février 2020
- Le chant du Cygne n’est pas pour demain - 5 février 2020
- Encres vives n°492, Claire Légat : Poésie des limites et limites de la poésie - 5 janvier 2020
- Traversées poétiques - 5 janvier 2020
- Marc Alyn & Nohad Salameh, Ma menthe à l’aube mon amante, correspondance amoureuse - 6 décembre 2019
- Oxmo Puccino, Mines de cristal - 6 novembre 2019
- Wanda Mihuleac et Alain Snyers, Roumpfs - 6 novembre 2019
- Gérard Baste : Plus rien à dire ? - 6 novembre 2019
- Revue Texture, encore un peu de lui : Michel Baglin - 6 septembre 2019
- La lettre sous le bruit n°45 : hommage à Rémy Durand - 6 septembre 2019
- Eric Dubois, L’Homme qui entendait des voix - 6 septembre 2019
- Murielle Compère-Demarcy, Alchimiste du soleil pulvérisé - 1 septembre 2019
- Rencontre avec Saleh Diab - 6 juillet 2019
- Nohad Salameh, Le Livre de Lilith - 6 juillet 2019
- Un papillon dans ma boîte aux lettres : Libelle - 4 juin 2019
- Revue Nu(e) N°69 - 4 juin 2019
- Entretien avec Philippe Barrot - 4 juin 2019
- Philippe Thireau, Je te massacrerai mon coeur - 4 juin 2019
- Lichen, premier signe de vie à revenir… - 4 mai 2019
- Marc Alyn, T’ang Hayden, T’ang l’obscur, Mémorial de l’encre - 4 mai 2019
- “Face aux verrous”, les étudiants du Master de Lettres Modernes de L’Université de Caen - 4 mai 2019
- Rencontre avec Marc Tison - 4 avril 2019
- Editions Wallâda, la princesse rebelle - 4 avril 2019
- Jean-Marc Barrier, l’autre versant de la montagne - 4 avril 2019
- La quatrième dimension du signe - 4 avril 2019
- Pourquoi viens-tu si tard, enfin ! - 29 mars 2019
- L’intranquille de printemps… - 28 mars 2019
- Le Manoir disparu : entretien avec Maggy de Coster - 3 mars 2019
- Marc Tison, Des nuits au mixer - 3 mars 2019
- Revue Teste XXX : Véhicule anonyme - 3 février 2019
- Entretien avec Alain Brissiaud : le présent de la Poésie - 3 février 2019
- Rencontre avec Angèle Paoli - 3 février 2019
- Florilège 2018 des Editions Tarmac : l’Art comme Copeaux contre la barbarie. - 3 février 2019
- Revue L’Hôte - 4 janvier 2019
- Les anthologies à entête des Hommes sans Épaules - 4 janvier 2019
- Poésie syrienne, Mon corps est mon pays - 4 décembre 2018
- Les Langues de Christine Durif-Bruckert - 3 décembre 2018
- L’Intranquille - 3 décembre 2018
- Lettre à Guillaume Apollinaire - 5 novembre 2018
- Gwen Garnier-Duguy, Alphabétique d’aujourd’hui - 5 novembre 2018
- Richard Soudée : deux Lys sur le balcon - 5 novembre 2018
- Les Oeuvres poétiques de Dominique Sampiero - 5 octobre 2018
- Rencontre avec un poète : Dominique Sampiero - 5 octobre 2018
- Revue Florilège - 5 octobre 2018
- Morceaux choisis de La Boucherie littéraire - 4 septembre 2018
- Questions à Claude Ber - 4 septembre 2018
- La Caraïbe aux visages d’Evelyne Chicout - 5 juillet 2018
- Le Jeu d’Inéma - 5 juillet 2018
- Jean-Luc Despax, Mozart s’est échappé - 3 juin 2018
- Eric Dubois, un chemin de vie plus qu’un parcours - 3 juin 2018
- Le Trans-Art…et après ? - 3 juin 2018
- Editions Tinbad : l’horizon d’un futur poétique - 5 mai 2018
- Jacques Ancet, Quelque chose comme un cri - 5 mai 2018
- Les Hommes sans Epaules : poésie chilienne. - 5 mai 2018
- Vincent Motard-Avargues, Tant de silences… - 6 avril 2018
- Un Festival Permanent des Mots : entretien avec Jean-Claude Goiri - 6 avril 2018
- Revue Estuaire, N° 165 - 1 mars 2018
- Christophe Bregaint, A l’avant garde des ruines - 1 mars 2018
- Christine Guinard : du corps transitoire de la poésie - 1 mars 2018
- Entretien avec Jean-Jacques Tachdjian - 26 janvier 2018
- Chroniques du çà et là, N°12 - 26 janvier 2018
- Les Hommes sans épaules - 27 novembre 2017
- France Burghelle Rey, Petite anthologie, Confiance, Patiences, Les Tesselles du jour - 2 octobre 2017
- Alain Brissiaud, Jusqu’au cœur - 30 septembre 2017
- Alain Marc, Poésies non hallucinées - 30 septembre 2017
- Claude PÉLIEU, New poems & sketches, par Alain Brissiaud - 1 juillet 2017
- Quand les morts apparaissent dans les rêves - 30 juin 2017
- LE CAPITAL DES MOTS a dix ans : entretien avec Eric Dubois - 1 mars 2017
- Rodolfo Alonso, à paraître chez PO&PSY - 23 novembre 2016
- Fil de lecture de Carole Mesrobian : Henri MICHAUX, François XAVIER, Christophe DAUPHIN et Anna TUSKES, Ivar CH’VARVAR. - 20 octobre 2016
- Fil de Lecture de Carole MESROBIAN - 7 mars 2016
- Fil de lecture de Carole Mesrobian : Autour de Tristan Felix, Laura Vazquez, France Burghelle Rey, Collectif de l’Atelier du Bocage. - 18 novembre 2015