Oxmo Puccino écrit, depuis longtemps. Oxmo Puccino chante, depuis longtemps. Il a commencé par les deux à la fois, c’est certain, à lire ses brèves et poèmes/paroles publiés « Au Diable Vauvert », maison d’édition qui compte de belles signatures désormais. Ce Cactus de Sibérie a brisé tous les miroirs, et opéré une fusion irréfutable entre texte et musique, unifiés, dans une langue ourlée de métaphores et d’allégories…
On retrouve dans ces aphorismes, pensées, brèves, poèmes, ce qui porte aussi sa voix et sa musique, de si épais, de si vif. Les vers écrits par l’artiste ont une texture littéraire. Poésie, s’il en est, de par les moyens mis en œuvre. Tout d’abord le choix du lexique. Les niveaux de langage varient, les mots sont choisis pour leur sonorité… Mais pas uniquement… La place qui leur est réservée est un temps, un rythme, un moment plutôt qu’une césure, tant ils se dévoilent et se déploient comme se révèle le dessin d’une serviette japonaise plongée dans l’eau le secret d’un art caché. Ils sonnent sans la musique, et la musique les somme de se taire tout à fait paradoxalement, car là ils doivent « faire avec », s’intégrer dans un ensemble où chaque moment a son importance. Ainsi Oxmo Puccino révèle-t-il le silence, aussi. Il chante dans et autour de ce vide signifiant qu’est le tarissement de toute tentative du “dire”, contenu dans l’écrit. Il sait mettre les mots à leur place, une juste place, où aucun ne prend le pas sur l’autre.

Oxmo Puccino, Mines de cristal,
Au diable Vauvert, collection Vox,
2009, 7€.
C’est au passage de l’écrit à l’oralité que cette dimension quasi alvéolaire du texte se dévoile. Il y a des temps forts à la lecture, d’autres à l’écoute, et on peut affirmer qu’existe une dialectique porteuse d’un sens qui alors émerge de cette rencontre entre les deux.
C’est aussi un travail syntaxique, une découpe sur la page, une sculpture, celle d’une pulsation. Parler de la poésie c’est évoquer cette pulsation, celle du cœur des êtres, celle du sang qui danse fort et haut dans le corps des hommes. Celle de la musique, la syncope des paroles d’Oxmo Puccino, souffle court, syntaxe poignante. C’est alors la révolte de l’humain qui dit, ose, hurle, crie, énonce. Cardiaque, sans être binaire, sans céder à rien de simple ni d’attendu, comme toujours. L’artiste a su prendre tous les risques, aller là où on ne l’attendait pas, se garder de toute facilité, pour tenter autre chose, pour ne jamais renoncer à être vrai, lui-même, et cela suffit. Et cela fait exemple. et cela ouvre la voie. Il suffit d’être soi-même, d’oser aller « Plus loin que l’horizon », son horizon, dans l’authenticité et la fidélité à qui nous sommes. C’est là que mène toute parole inventée par le cœur de chacun.
Dans son journal, d’ailleurs, il y a cette évidence de la parole d’un. Questionnements dont le point de départ personnel dépasse vite le cadre lyrique pour aller comme une flèche en milieu de cible se ficher dans les aberrations et les gravats innombrables dont nos semblables encombrent l’histoire. Il parle, il dénonce et s’engage. Lui né d’où il a vu, vers nous tous, nés ici et là, mais pour qui ce qui arrive derrière les portes closes a un poids dont peu, trop peu encore, se rendent compte. Il y en a qui disent, il y en a qui écoutent, et puis il y en a qui entendent. Oxmo Puccino continue, pour tous. Jamais il ne juge. Jamais il ne cesse.
On a souvent mené loin la comparaison formelle et sémantique entre les slameurs et les troubadours du Moyen-âge… Il y a certes bien des points communs, à commencer par l’emploi du langage vernaculaire, témoignage d’une volonté d’ouverture et de démocratisation du contenu, qui est de part et d’autre des siècles fortement engagé. Ancré dans la situation du moment, que ce soit grâce à la littéralité ou au travail sur la portée symbolique, ces deux pôles de l’histoire de l’art que représentent la poésie des troubadours et celle des slameurs ont cette dimension pleinement militante qui est plus qu’une posture politique. Elle est humaine, libératoire et se veut unifiante. Elle est parole de l’homme pour l’homme, simplement, et sans barrage aucun, ni de religion, ni de classe sociale.
Porter une parole libératoire, transmettre, faire passer des messages. à notre époque, est également assumé, ou potentiellement, par de multiples vecteurs. Il y a l’internet, les smartphones, etc, etc… Il faut alors une force et une puissance unifiantes, il faut aller chercher L’Enfant seul, connaître les chemins de traverse, la nuit dans les cités, la vie qui n’est pas sur les écrans, pas montrée, révélée. La langue d’Oxmo Puccino est là, et partout à la fois, parce que poésie, poétique, un fleuve de terre apte à mener chaque embarcation vers le rivage, comme après un déluge.

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