DOC(K)S, la Revue : Entretien avec François M.

Par |2024-03-07T11:00:42+01:00 6 mars 2024|Catégories : François M., Revue des revues|

C’est en 1976 que DOC(K)S paraît pour la pre­mière fois, orchestrée par Julien Blaine qui en assume la direc­tion et l’édition jusqu’en 1989.  Julien Blaine choisit de trans­met­tre la pub­li­ca­tion de DOC(K)S et pro­pose la direc­tion et respon­s­abil­ité édi­to­ri­ale en 1990 à Ake­na­ton (P. Castellin, J. Tor­re­grossa) groupe de poètes basés à Ajac­cio et engagé depuis le milieu des années 1980 dans une démarche inter­me­dia. Depuis le décès de P. Castellin  en octo­bre 2021, François M. du col­lec­tif Poésie is not dead en reprend la des­tinée avec son acolyte Xavier Dan­doy de Casabi­an­ca des édi­tions Eoli­ennes basées à Bas­tia. Il a accep­té de répon­dre à nos questions. 

François, peux-tu évo­quer la revue Doc(k)s ? Sa date, et la rai­son de sa créa­tion ? Sa vocation ?
Doc(k)s est une revue unique et sin­gulière dans l’univers de la Poésie Con­tem­po­raine. C’est un lab­o­ra­toire expéri­men­tal des lan­gages poé­tiques. Elle est aujourd’hui la plus anci­enne et la dernière revue inter­na­tionale de poésie vivante qui mixe les dif­férentes formes de Poésies Expéri­men­tales : Poésies Con­crète, Visuelle, Sonore, Action/Performance et Numérique. Doc(k)s se situe auprès des Avant-Gardes du XXième siè­cle (Futur­isme, Dadaïsme, Sur­réal­isme, Sit­u­a­tion­nisme, Let­trisme, Fluxus, etc).

Créée à Mar­seille par le poète Julien Blaine en 1976, elle s’ancre dans le ter­ri­toire Corse depuis plus de 30 ans avec la reprise à Ajac­cio par le groupe inter­mé­dia Ake­na­ton (Philippe Castellin et Jean Tor­re­grosa) en 1990 et, désor­mais depuis 2022, à Bas­tia par les Edi­tions Eoli­ennes en col­lab­o­ra­tion avec le col­lec­tif Poésie is not dead basé à Paris.

François Mas­sut, “apoth­icaire et her­boriste de Poêsies Expéri­men­tales”, nous présente le col­lec­tif pro­téi­forme Poésie is not dead, l’his­toire de la revue de lan­gages poé­tiques Doc(k)s, et la soirée po(l)étique qui les réu­nit au Généra­teur le same­di 25 novem­bre 2023 : DOC(K)S NEVER DIES. Un ren­dez-vous aux mul­ti­ples for­mats où alterneront poésies vivantes, per­for­mances, lec­tures-actions. Une occa­sion pour Poésie is not dead de présen­ter le pre­mier numéro de la 5ème série de la revue Doc(k)s, revue dédiée aux lan­gages poé­tiques. Avec les Poètes-Artistes : Julien Blaine (créa­teur de la revue), Joël Hubaut, Aziyadé Bau­doin-Talec, SNG Nat­acha Guiller, Yoann Sar­rat, Mar­tin Bakero. Poésie is def­i­nite­ly not dead ! Musique : DJ Reine — Dis­to Wow 

Tu as repris cette revue. Com­ment et pourquoi ?
Je con­nais­sais bien Philippe et Jean que j’avais ren­con­trés il y a plusieurs années à Ajac­cio et que j’avais invités à plusieurs événe­ments à Paris et à Charleville-Méz­ières notam­ment pour une rétro­spec­tive de Doc(k)s en 2018 au Musée Arthur Rim­baud. J’avais aus­si par­ticipé à plusieurs numéros de la revue alors que je ne pub­lie qua­si­ment rien de mon tra­vail per­son­nel mais l’univers de Doc(k)s dans l’écosystème poé­tique m’a tout de suite plu.
Après le décès de Philippe Castellin en octo­bre 2021, la ques­tion de la con­ti­nu­ité de Doc(k)s s’est posée.  Il y a des propo­si­tions qu’on ne peut pas refuser. Jean et Julien m’ont pro­posé de les rejoin­dre en févri­er 2022 à Ventabren chez Julien et c’est à l’occasion de ce week-end qu’ils m’ont fait cette propo­si­tion. J’ai accep­té tout de suite en leur men­tion­nant que je souhaitais tra­vailler en duo et j’ai tout de suite penser à Xavier Dan­doy de Casabi­an­ca, poète visuel mais aus­si édi­teur en Corse qui a créé la mai­son d’éditions Eoli­ennes basée à Bas­tia. Il était fon­da­men­tal que la revue reste ancrée en Corse et de pou­voir tra­vailler en duo. On est plus intel­li­gent col­lec­tive­ment que seul.

Comptes-tu con­tin­uer sur la même ligne édi­to­ri­ale ? Qu’y aurait-il de nouveau ? 
Oui dans la con­ti­nu­ité tout y appor­tant des inno­va­tions. L’aspect inter­na­tion­al est fon­da­men­tal et qu’il faut con­tin­uer à dévelop­per, tout en décou­vrant les nou­velles voies/voix de la poésie tant en France qu’à l’étranger.  Ce mix entre les poètes/poétesses d’ici et d’ailleurs est une vraie richesse.
Nous voulons con­tin­uer aus­si avec Xavier l’aspect inter­mé­dia / mul­ti­mé­dia en inté­grant désor­mais une carte USB (les anciens numéros avaient un DVD et CD depuis le milieu des années 90, Doc(k)s a été la pre­mière revue inter­na­tionale et est la seule revue aujourd’hui au monde qui intè­gre ce sup­port physique mul­ti­mé­dia) pour les œuvres de poésie sonore, poèmes numériques, poèmes actions / per­for­mat­ifs et vidéos-poèmes.
Il y aura tou­jours une par­tie « Open » où nous recevons les recherch­es / expéri­men­ta­tions en cours ain­si qu’un dossier dédié à un « mou­ve­ment » ou « groupe » ou à « un pays » de poètes / poét­esses con­tem­po­rains ou unique­ment à une poétesse / poète. Pour l’édition 2024, nous avons une par­tie « Open », un dossier dédié au mou­ve­ment inter­na­tion­al « Lan­guage is a virus » qui s’est dévelop­pé durant la crise de la Covid 19, et un dossier spé­cial Ake­na­ton. En 2025, je sais déjà qu’il y aura un dossier spé­cial autour de l’œuvre de Michèle Métail et un autre dédié à un poète étranger.
Enfin, Xavier a souhaité, et je trou­ve que c’est une excel­lente idée, d’ajouter une sec­tion dédiée à la typogra­phie égale­ment, ce qui est une nou­veauté dans la vie de Doc(k)s qui fêtera ses 50 ans en 2026 !!!!

Que pens­es-tu du paysage des péri­odiques aujourd’hui ?
Le paysage est très act­if, et je suis tou­jours sur­pris aujourd’hui de l’énergie et de la vital­ité des revues de poésie.
Les par­ti­sans des caus­es per­dues sont les vrais invincibles.
Com­ment sont-elles dis­tribuées, et d’ailleurs le sont-elles ? N’est-ce pas trop dif­fi­cile de perdurer ? 
Elles sont dis­tribuées via des abon­nements mais égale­ment lors d’événements spé­cial­isés : salon de la revue (Paris, Mar­seille), Marchés de la poésie (Paris, Brux­elles, Lille) et de soirées ad hoc dans des librairies ou autres espaces offi­ciels ou alternatifs.
C’est très dif­fi­cile de per­dur­er pour des raisons économiques, Doc(k)s par exem­ple n’est plus soutenu par le CNL alors que réalis­er une revue en 2024 de 500 pages en couleurs avec un sup­port physique (carte USB) est un réel défi et une folie mais c’est une nécessité.
L’autre com­plex­ité est de garder son énergie car cela en prend beaucoup.

Présentation de l’auteur

François M.

François M. est né et a gran­di en Rim­baldie. Il a fondé en 2007 le concept/collectif poly­mor­phe et pro­téi­forme Poésie is not dead , qui se veut être un rhi­zome entre la poésie et les autres arts, qu’on pour­rait dénom­mer MétaPoésie. Ce con­cept et col­lec­tif sont influ­encés par les mou­ve­ments et les poètes des “poésies expérimentales”(poésie sonore, poésie action, poésie visuelle, poésie-per­­for­­mance et poésie numérique), ain­si que des mou­ve­ments d’avant-garde :  dadaïsme, let­trisme, sit­u­a­tion­nisme et Fluxus.

L’essence des actions entre­pris­es par Poésie is not dead est de « dé-livr­er » le poème des espaces insti­tu­tion­nels et/ou alter­nat­ifs où il est générale­ment « enfer­mé » (rayons des bib­lio­thèques, musées, squats, librairies, etc.) à l’attention sou­vent d’un pub­lic « aver­ti ». Il tente de vapor­is­er, de per­col­er et de pollinis­er le poème dans l’espace pub­lic via dif­férents médi­ums (instal­la­tions éphémères et pérennes : bancs-poèmes et chais­es-poèmes au jardin du Palais Roy­al par exem­ple, lec­­tures-per­­for­­mances de poètes sonores et de musi­ciens expéri­men­taux dans la rue, road-trips de poésie-action avec la Rim­bau­mo­bile, etc.).  Ce col­lec­tif est inter­venu prin­ci­pale­ment en Europe et en Amérique du Nord.

Poésie is not dead s’in­scrit dans la con­ti­nu­ité du poète Bernard Hei­d­sieck pour qui :

« A quoi bon le poème, tout court, s’il ne con­tribue pas tant soit peu (…) à oxygén­er, brûler, irradier, ce qu’il touche ou doit touch­er et tente d’atteindre ? », « ce n’est pas le pub­lic habituel de la poésie avec ses applaud­isse­ments de politesse », que Poésie is not dead souhaite attein­dre mais faire réa­gir « un audi­toire non aver­ti, non pré­paré. C’est ain­si, dans cette sit­u­a­tion de risque et de fraîcheur, en fait, que la poésie, tou­jours, devrait se com­mu­ni­quer. Funam­bule et présente, mal­gré tout ! »

La posi­tion poé­tique de Poésie is not dead s’in­scrit dans les courants de “l’art pour tous” dévelop­pé par les artistes Gilbert and George et du “théâtre éli­taire pour tous” d’An­toine Vitez

La prob­lé­ma­tique de Poésie is not dead est alors de : com­ment créer, dif­fuser et don­ner accès à la poésie, qui plus est de la poésie con­tem­po­raine, dans l’espace pub­lic pour un audi­toire non ini­tié ? Com­ment ten­ter d’y arriv­er dans un espace urbain sat­uré de tech­nolo­gies visant à capter notre atten­tion et ryth­mé par des flux quo­ti­di­ens chronométrés et répétitifs ?

Cette démarche de « con­tre-flux » s’inscrit dans la dérive sit­u­a­tion­niste telle que Guy Debord la conçoit. Sus­citer un regroupe­ment, un agence­ment, un ral­liement des pas­sants, qui soient une inci­sion, une dis­tor­sion, une rup­ture et in fine une par­en­thèse poé­tique dans leurs cours­es routinières.

© Crédits pho­tos (sup­primer si inutile)

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Carole Mesrobian

Car­ole Car­cil­lo Mes­ro­bian est poète, cri­tique lit­téraire, revuiste, per­formeuse, éditrice et réal­isatrice. Elle pub­lie en 2012 Foulées désul­toires aux Edi­tions du Cygne, puis, en 2013, A Con­tre murailles aux Edi­tions du Lit­téraire, où a paru, au mois de juin 2017, Le Sur­sis en con­séquence. En 2016, La Chou­croute alsa­ci­enne paraît aux Edi­tions L’âne qui butine, et Qomme ques­tions, de et à Jean-Jacques Tachd­jian par Van­i­na Pin­ter, Car­ole Car­ci­lo Mes­ro­bian, Céline Delavaux, Jean-Pierre Duplan, Flo­rence Laly, Chris­tine Tara­nov,  aux Edi­tions La chi­enne Edith. Elle est égale­ment l’au­teure d’Aper­ture du silence (2018) et Onto­genèse des bris (2019), chez PhB Edi­tions. Cette même année 2019 paraît A part l’élan, avec Jean-Jacques Tachd­jian, aux Edi­tions La Chi­enne, et Fem mal avec Wan­da Mihuleac, aux édi­tions Tran­signum ; en 2020 dans la col­lec­tion La Diag­o­nale de l’écrivain, Agence­ment du désert, paru chez Z4 édi­tions, et Octo­bre, un recueil écrit avec Alain Bris­si­aud paru chez PhB édi­tions. nihIL, est pub­lié chez Unic­ité en 2021, et De nihi­lo nihil en jan­vi­er 2022 chez tar­mac. A paraître aux édi­tions Unic­ité, L’Ourlet des murs, en mars 2022. Elle par­ticipe aux antholo­gies Dehors (2016,Editions Janus), Appa­raître (2018, Terre à ciel) De l’hu­main pour les migrants (2018, Edi­tions Jacques Fla­mand) Esprit d’ar­bre, (2018, Edi­tions pourquoi viens-tu si tard), Le Chant du cygne, (2020, Edi­tions du cygne), Le Courage des vivants (2020, Jacques André édi­teur), Antholo­gie Dire oui (2020, Terre à ciel), Voix de femmes, antholo­gie de poésie fémi­nine con­tem­po­raine, (2020, Pli­may). Par­al­lèle­ment parais­sent des textes inédits ain­si que des cri­tiques ou entre­tiens sur les sites Recours au Poème, Le Cap­i­tal des mots, Poe­siemuz­icetc., Le Lit­téraire, le Salon Lit­téraire, Décharge, Tex­ture, Sitaud­is, De l’art helvé­tique con­tem­po­rain, Libelle, L’Atelier de l’ag­neau, Décharge, Pas­sage d’en­cres, Test n°17, Créa­tures , For­mules, Cahi­er de la rue Ven­tu­ra, Libr-cri­tique, Sitaud­is, Créa­tures, Gare Mar­itime, Chroniques du ça et là, La vie man­i­feste, Fran­copo­lis, Poésie pre­mière, L’Intranquille., le Ven­tre et l’or­eille, Point con­tem­po­rain. Elle est l’auteure de la qua­trième de cou­ver­ture des Jusqu’au cœur d’Alain Bris­si­aud, et des pré­faces de Mémoire vive des replis de Mar­i­lyne Bertonci­ni et de Femme con­serve de Bluma Finkel­stein. Auprès de Mar­i­lyne bertonci­ni elle co-dirige la revue de poésie en ligne Recours au poème depuis 2016. Elle est secré­taire générale des édi­tions Tran­signum, dirige les édi­tions Oxy­bia crées par régis Daubin, et est con­cep­trice, réal­isatrice et ani­ma­trice de l’émis­sion et pod­cast L’ire Du Dire dif­fusée sur radio Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM.
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