Paul Vidal, Mélodie des Villes et des temps, petit recueil

Par |2024-03-07T13:34:25+01:00 6 mars 2024|Catégories : Paul Vidal, Poèmes|

 

1) Ile méridionale

La grève défie le temps pen­dant que les poches de fruits sont retournées par le vent de
l’Orient.

Au port les bateaux s’enivrent d’un départ pour des côtes loin­taines ou chavirent les sens.

Quelle est brève la vie pour con­tem­pler l’étang, affron­ter l’orage tapis sous un porche la nuit
me grisant ain­si du fumet des cit­rons et des palmiers et rêvant de gréements.

Au bord des canaux, je me délivre du regard lourd de mes fautes anci­ennes, je respire de
nou­velles essences.

 

Courant au milieu des avi­rons, les jou­teurs s’arrachent au son des trompettes.

On attend une Antigone qui enflam­mera le théâtre qui sur­plombe les flots.

Garçons preux en pom­pons, ces acteurs aux airs bravach­es rêvent chan­sons et conquêtes.

J’en­tends cette Baby­lone qui rit avec fra­cas de ces régates ou on dénom­bre tant de
matelots.

 

Sur la place du marché des négo­ciants pren­nent le pouls de la ville en devisant autour d’un
café.

Les mou­ettes dansent une sara­bande qui entraîne un bal­let d’ombres sur les allées de
tombes blanch­es soigneuse­ment rangées l’âme du poète s’est envolée.

L’Azur embrasse les orchidées, les accents se traî­nent d’un ton si doux et tran­quille comme
un instru­ment qui mar­que le jour étoilé.

Des vaguelettes passent avec l’élégance d’une ata­lante, les sirènes divin­isées sor­tent de la
pénom­bre pour une nature que Valery a célébré de manière si féconde de toutes ses
branch­es, onguents raf­finés qui enflam­ment la vue des êtres abandonnés.

 

Les notes de gui­tare son­nent encore, ci git l’homme à la pipe qui à tra­vers les âges versifia
un idéal.

À quelques enca­blures du trou­ba­dour est allongé sous la terre un héros qui a con­nu l’enfer.

Il escamote le brouil­lard des hommes qui empris­onne les corps, le Py dernier forum ou
s’a­grip­pent les trou­vères avec le rivage empli de mag­no­lias comme seul égal.

Immor­tel mal­gré ses blessures, sa bravoure força le respect de ses pairs, autour de Thau il
par­cou­ru encore d’in­nom­brables hivers.

 

2) Aliénor des Merveilles

L’e­space éphémère d’un soupir, je rebrousse le temps
le siè­cle oublié du fin amour me saisi comme une chan­son par le bras
Une fleur occ­i­tane chan­tée par chaque trou­ba­dour, grave son nom dans l’His­toire avec fracas
Jeune héri­tière d’un empire, héroïne à la source de tant de romans

Loin si loin des rires et de la chaleur des couleurs poitevines
Aliénor la mag­nifique flan­quée d’un bien triste sire embar­que pour l’Ori­ent lointain
Météore agnos­tique et enjouée promise à un moine copiste, elle chevauche son destin
Rêvant d’amour à bord d’un navire, la duchesse se meurt sur la route de Palestine

Soudain la rose d’Oc­ci­dent s’ar­rache aux ran­cunes d’une union délétère
Gag­nant les cours enjouées d’Aquitaine, on crée avec frénésie sous la férule de la fougueuse mécène
Cepen­dant les vau­tours l’assiègent par dizaines, de diplo­maties en con­cil­i­ab­ules, elle est peinte en Hélène
Un Angevin ambitieux et fringuant, vint lui pro­pos­er de partager sa bonne for­tune, par-delà la mer

Noble dame ten­ant fière­ment les rênes de ses fiefs, nonob­stant la tyran­nie royale et patriarcale
Affrontant sans fail­lir, les querelles de ses reje­tons princiers, cœur de lion et sans terres
Tristes enfants à chérir, guer­roy­ant sans pitié, unique­ment freinés par l’ardeur et la pas­sion d’une mère
Loin des vig­no­bles de l’âme, Robin et Petit-Jean égrainent leurs griefs, passent les ans sans poésie, dans un dédale

Enfin l’éc­ume des tem­pêtes de ce monde vint à s’a­pais­er, l’infatigable com­bat­tante sent que le soir de sa vie arrive
Gag­nant la quié­tude de sa chère abbaye ou dor­mait déjà les siens, elle pen­sait à Lancelot, penchée sur son écritoire
Trompant la soli­tude en nar­rant sa vie de mer­veilles, alors que réson­nait dans le loin­tain les san­glots de la Loire
Jetant son enclume, la comète de Gironde tint à s’en­v­ol­er, incon­trôlable et trép­i­dante ses vic­toires furent décisives

 3) Mag­nifique chevauchée

Du haut des rem­parts d’Alésia Verc­ingé­torix con­tem­plait les cor­beaux tournoy­ant dans le ciel

Il y’a longtemps déjà le fils de Celtil­lus cour­rait et riait dans les champs lumineux du pays arverne

Pas un print­emps ne pas­sa sans que ne s’af­fer­misse son respect d’U­ranus, il arpen­tait les forêts,
s’in­stru­i­sait en devisant avec les dieux con­va­in­cus que sa patrie n’au­rait pas un rôle subalterne

Loin des assauts de César, la guéril­la des gaulois atteignait son parox­ysme, ils mar­chaient tel un
trou­peau, beuglant leur fiel

 

Gob­an­ni­to l’in­triguant avait con­duit à la perte de son frère.

Son neveu brave guer­ri­er fier de son sang et de sa lignée avait tracé son chemin

La chan­son des tem­pétueux et graves sor­ciers avait mar­qué les temps, les trou­bles dans la cité
con­dui­saient les cav­a­liers au son du déclin
Le dra­peau des inso­lents trou­vait son ago­nie dans la décou­verte d’une nou­velle bannière

 

Rome était en lien avec de nom­breux peu­ples de la Gaule depuis toujours

Verc­ingé­torix s’im­posa aux siens et fit le choix des armes pour que son intrépi­de pays trou­ve la
liberté

Tel un phénix il culbu­ta les romains à Ger­govie sus­ci­tant émoi et alarmes, le recours aux oraisons
des druides avait guéri des brouilles et des malhonnêtetés
Les hommes s’ar­maient avec entrain, les valeureux peu­ples mar­chaient der­rière leur icône dans une
nuit emplie de vautours

  

Le cal­vaire d’un siège infi­ni s’ache­va par une réd­di­tion pleine de gloire

Pour sauve­g­arder ses tribus des mis­ères et de la faim il se sac­ri­fia aux tribuns
Harassé par la vue de tant de dis­parus et de cimetières, il se livra à ses assas­sins en sim­ple patricien
Un sévère sor­tilège l’avait vieil­li, il tré­pas­sa un soir, ultime humil­i­a­tion de celui qui avait les rênes

 du pou­voir

 

4)  Un jour vien­dra l’été

Les com­bats font rage sur les plateaux enneigés comme dans les plaines arides.

L’ennemi invis­i­ble est tapi dans chaque recoin, dis­tribuant l’infortune.

Les rats pour seul com­pagnon­nage, murs et bar­reaux souil­lés de l’opium des haines sordides.

Pari pénible que de jouer sa vie un opaque matin, pri­ant pour revoir la lune.

L’aube fra­cas­sante vint réchauf­fer ces soutiers du crépuscule.
Arme au poing ils défer­lent dans les villes et les vil­lages désertés par l’oppresseur.
Le charme rem­place le cha­grin, les héros défi­lent avec des yeux qui pétil­lent, les visages
boulever­sés, car enfin c’est l’heure.
Les Robes écla­tantes de lin bleuté, ont sub­mergé un pays encore incrédule.

Âmes tour­men­tées con­tin­uelle­ment par un engage­ment sans failles.
Hommes de l’ombre venus des entrailles de l’Hexagone.
Femmes héroïsées se sac­ri­fi­ant le cœur bat­tant sous la mitraille.
Caphar­naüm soutenu par Lon­dres, fil tenu d’une maille qui s’étend dans le Rhône.

Com­bat­tants armés de leur seule foi en des lende­mains meilleurs.
Arti­sans, employés et mil­i­taires se muent en mis­sion­naires de la liberté.
Hale­tants, traqués seul l’honneur est leur loi, ils ont faim de grandeur.
Mil­i­tants dévoués et sincères, ils remuent ciel et terre dans une intense fraternité.

   

5) Res­pi­ra­tion Pastorale

Des nuages de sable, ser­tis de rouge s’é­grè­nent sous nos pas.
Le soleil réchauffe les doigts dans un écrin de ver­dure sans âge.
Les ram­ages insai­siss­ables comme sor­tis de gouges accom­pa­g­nant le pouls de nos voix.
Pareil à une gaufre qui laisse coi, suiv­ant un chemin à petite allure, croisant de pais­i­bles pâturages.

Sur des ter­rains hyp­piques les juments soigneuse­ment pan­sées se frot­tent au mou­ve­ment des
Alysées.
Quelques arpents de neige défient encore ces val­lées silencieuses.
Azur vac­cin que cette prom­e­nande bucol­ique, le temps silen­cieuse­ment arrêté, comme une note
par­courant l’été.
Comme un auvent qui pro­tège la vie, de la boite de Pan­dore, les bosquets d’ azalées
miséricordieuses.

Au loin les sonates réson­nent tour à tour graves puis légères.
Les vil­lages déploient arti­fices et lumières.
Soudain un toc­sin bour­donne sans détours tel un vau­tour, il est temps de trou­ver un havre ou
fer­mer les paupières.
Des mages tournoient emplis d’une mal­ice qui libère.

Enfants et adultes faran­do­lent dans les rues.
Les esprits et les corps s’en­jo­lent sans fin.
Les chants émer­gent des tumultes et des cabri­oles, jusque dans les charrues.
La nuit plante son décor ou s’é­gayent les luci­oles, en haut des s

Présentation de l’auteur

Paul Vidal

Je m’ap­pelle Pablo Mompelat-Perronin

Je suis né à Paris en 1986, je vis actuelle­ment à Clermont-Ferrand

J’écris de la Poésie depuis 2016, j’en pub­lie nor­male­ment à l’au­tomne dans la revue Des Pays Hab­it­a­bles et dans la revue du Nou­veau Décameron.

Je suis bib­lio­thé­caire depuis une dizaine d’années

J’adore l’His­toire, elle influ­ence beau­coup mon écri­t­ure, je suis égale­ment trés tourné vers le théa­tre, la nature et le voy­age, ce sont mes prin­ci­pales sources d’inspiration.

Je tra­vaille actuelle­ment sur un roman sur la France de l’après-Guerre.

Autres lec­tures

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Carole Mesrobian

Car­ole Car­cil­lo Mes­ro­bian est poète, cri­tique lit­téraire, revuiste, per­formeuse, éditrice et réal­isatrice. Elle pub­lie en 2012 Foulées désul­toires aux Edi­tions du Cygne, puis, en 2013, A Con­tre murailles aux Edi­tions du Lit­téraire, où a paru, au mois de juin 2017, Le Sur­sis en con­séquence. En 2016, La Chou­croute alsa­ci­enne paraît aux Edi­tions L’âne qui butine, et Qomme ques­tions, de et à Jean-Jacques Tachd­jian par Van­i­na Pin­ter, Car­ole Car­ci­lo Mes­ro­bian, Céline Delavaux, Jean-Pierre Duplan, Flo­rence Laly, Chris­tine Tara­nov,  aux Edi­tions La chi­enne Edith. Elle est égale­ment l’au­teure d’Aper­ture du silence (2018) et Onto­genèse des bris (2019), chez PhB Edi­tions. Cette même année 2019 paraît A part l’élan, avec Jean-Jacques Tachd­jian, aux Edi­tions La Chi­enne, et Fem mal avec Wan­da Mihuleac, aux édi­tions Tran­signum ; en 2020 dans la col­lec­tion La Diag­o­nale de l’écrivain, Agence­ment du désert, paru chez Z4 édi­tions, et Octo­bre, un recueil écrit avec Alain Bris­si­aud paru chez PhB édi­tions. nihIL, est pub­lié chez Unic­ité en 2021, et De nihi­lo nihil en jan­vi­er 2022 chez tar­mac. A paraître aux édi­tions Unic­ité, L’Ourlet des murs, en mars 2022. Elle par­ticipe aux antholo­gies Dehors (2016,Editions Janus), Appa­raître (2018, Terre à ciel) De l’hu­main pour les migrants (2018, Edi­tions Jacques Fla­mand) Esprit d’ar­bre, (2018, Edi­tions pourquoi viens-tu si tard), Le Chant du cygne, (2020, Edi­tions du cygne), Le Courage des vivants (2020, Jacques André édi­teur), Antholo­gie Dire oui (2020, Terre à ciel), Voix de femmes, antholo­gie de poésie fémi­nine con­tem­po­raine, (2020, Pli­may). Par­al­lèle­ment parais­sent des textes inédits ain­si que des cri­tiques ou entre­tiens sur les sites Recours au Poème, Le Cap­i­tal des mots, Poe­siemuz­icetc., Le Lit­téraire, le Salon Lit­téraire, Décharge, Tex­ture, Sitaud­is, De l’art helvé­tique con­tem­po­rain, Libelle, L’Atelier de l’ag­neau, Décharge, Pas­sage d’en­cres, Test n°17, Créa­tures , For­mules, Cahi­er de la rue Ven­tu­ra, Libr-cri­tique, Sitaud­is, Créa­tures, Gare Mar­itime, Chroniques du ça et là, La vie man­i­feste, Fran­copo­lis, Poésie pre­mière, L’Intranquille., le Ven­tre et l’or­eille, Point con­tem­po­rain. Elle est l’auteure de la qua­trième de cou­ver­ture des Jusqu’au cœur d’Alain Bris­si­aud, et des pré­faces de Mémoire vive des replis de Mar­i­lyne Bertonci­ni et de Femme con­serve de Bluma Finkel­stein. Auprès de Mar­i­lyne bertonci­ni elle co-dirige la revue de poésie en ligne Recours au poème depuis 2016. Elle est secré­taire générale des édi­tions Tran­signum, dirige les édi­tions Oxy­bia crées par régis Daubin, et est con­cep­trice, réal­isatrice et ani­ma­trice de l’émis­sion et pod­cast L’ire Du Dire dif­fusée sur radio Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM.
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