Radu Bata, Le Blues Roumain, Anthologie implausible de poésies

Par |2023-03-20T08:56:30+01:00 20 mars 2023|Catégories : Critiques, Radu Bata|

Radu Bata, poète et passeur de poésie, inven­teur et tra­duc­teur, nous livre cette année un nou­veau vol­ume, le tome 3, de la belle Antholo­gie de poésie roumaine, Le Blues roumain, parue aux édi­tions Unicité. 

Le poète, et tra­duc­teur, présen­tait le sec­ond opus de cette trilo­gie ainsi :

Antholo­gie désirée de poésies

« Le blues roumain » ne finit jamais : sa source ne peut tarir qu’avec la fin du monde. Car la poésie est chez elle en Roumanie : la per­son­nal­ité la plus admirée du pays est un poète, Mihai Emi­nes­cu, il y a des rhap­sodes à chaque coin de rue, du Cimetière Joyeux de Săpânţa dont les drôles d’épitaphes ne man­quent pas de poésie jusqu’à la stat­ue d’Ovide, le chantre des amours exilé au bord de la Mer Noire. La den­sité des rêveurs au mètre car­ré n’a pas d’équivalent sur le globe : au fin fond des Carpates, on fait des plans avec des comètes.

Radu BATA, Le blues roumain Vol.3 Antholo­gie implau­si­ble de poésies, pré­face de Cali, illus­tra­tions de Iulia Şchiopu, 210 p., 15 €.

La pre­mière antholo­gie était « imprévue », un enfant arrivé par hasard. Ce deux­ième vol­ume est « désiré » : auteur.e.s et tra­duc­teur se sont plu et l’ont conçu en s’accordant les mots et les méri­di­ens, en s’aimant entre les lignes.

Une antholo­gie désirée ne peut être représen­ta­tive ni rigoureuse : en amour, on trans­gresse les règles, on est régi par la pas­sion et le plaisir.
Puissiez-vous les ressen­tir comme je les ai perçus en les trans­posant, par­fois libre­ment, en français !

 

Soyons bien atten­tifs à ceci : il est ques­tion d’amour, il est ques­tion d’en­tente au-delà même des mots, des langues et des fron­tières. Cette antholo­gie illus­tre de par son exis­tence même, avant toute con­sid­éra­tion séman­tique, la thé­ma­tique de ce Print­emps des poètes, car elle absorbe toute fron­tière, gomme toute vel­léité d’ap­par­te­nance spé­ci­fique à un ter­ri­toire autre que celui, frater­nel, de la poésie. Ne pas croire qu’il n’ex­iste pas d’i­den­tités cul­turelles, Radu Bata est homme avisé et d’une belle intel­li­gence. Mais il mon­tre, démon­tre, que ces par­tic­u­lar­ités ne s’ex­clu­ent pas, ne valent pas plus les unes que les autres. Au con­traire  de par leur com­plé­men­tar­ités elles com­posent cette sphère scin­til­lante qu’est le monde, tant il est vrai que chaque étin­celle de chaleur offerte par chaque poète à ses sem­blables con­stitue le feu auquel l’hu­main se chauffe, et la lumière qui lui mon­tre le chemin d’une pos­si­ble exis­tence dans la paix que son cœur n’ou­blie pas.

Ces trois vol­umes sont tout ceci, le partage, les ren­con­tres avec des voix poé­tiques con­nues ou à décou­vrir, et l’asser­tion si puis­sante que la fra­ter­nité existe, et que Nous sommes quel que soit notre lan­gage tous d’une même pous­sière den­si­fiée, et envolée au vent des lan­gages croisés, ouverts à ces offran­des  de mots, de par­lures, décou­verts grâce à ces tra­duc­tions de Radu Bata. 

Et quelle autre poésie que la poésie roumaine peut sig­ni­fi­er ceci ? Ain­si que l’écrit Muriel Augry, qui a par­ticipé à l’écri­t­ure du para­texte qui accom­pa­gne ce vol­ume avec Cali, auteur de la pré­face, et Charles Gon­za­lès, la Roumanie est “Un pays dia­ble­ment étrange aux héritages mul­ti­ples… un creuset d’in­flu­ences. Un pays qui échappe à la sys­té­ma­ti­sa­tion, qui inquiète, déroute, séduit. Un pays où les fan­tômes se promè­nent tou­jours… et les poètes se relaient au comp­toir de la déri­sion pour bal­ay­er la mau­vaise idée, créer l’au­dace et rire même de ce dont on n’ose pas rire sous d’autres latitudes.”

Les soix­ante-treize poètes réu­nis (pour une somme de cent-vingt-deux textes) dans ce troisième vol­ume ne démentent pas cette asser­tion. Réu­nis et agencés par Radu Bata, chef d’orchestre de cette com­po­si­tion musi­cale, ils se suiv­ent au gré des mélodies, des notes for­mées par la tex­ture par­ti­c­ulière de chaque langue poé­tique.   Ils for­ment ce Blues, chant puis­sant et fédéra­teur de voix des opprimés, éminem­ment cod­i­fié, afin de per­me­t­tre la cir­cu­la­tion de ces plaintes d’un peu­ple tenu pris­on­nier. Et qu’est d’autre la poésie, si ce n’est ce lieu de créa­tion per­pétuelle d’une langue com­mune, libérée des asservisse­ments médi­a­tiques, et des mots fab­riqués dans l’u­nique but de manip­uler et de pro­gram­mer nos incon­scient, pour éviter l’avène­ment d’une human­ité réc­on­cil­iée avec elle-même, donc capa­ble de créer des sociétés gérées par cette seule volon­té qu’est le bien de chacun. 

Bien con­scient que le poème est ce lieu de créa­tion d’une fra­ter­nité que chaque poète a la respon­s­abil­ité d’in­car­n­er, dans la tolérance et le respect, et dans la créa­tion de cette ré-union de cha­cun avec tous, Radu Bata pour­suit donc sans relâche l’éd­i­fi­ca­tion de ce lieu qu’est la poésie, cen­tre de toute sphère, point de con­ver­gence des plu­ral­ités de paroles, de couleurs, de pays. Un peu de ce mir­a­cle prend con­sis­tance ici, s’ad­di­tionne sans jamais rien retranch­er aux autres ten­ta­tives, pour mon­tr­er que c’est pos­si­ble, ensem­ble, de com­mu­nier dans ce silence habité du poème. 

Présentation de l’auteur

Radu Bata

Radu Bata est l’inventeur des poésettes (poèmes sans prise de tête), espèce du genre lyrique bricolée pour réc­on­cili­er la jeunesse avec la poésie (car ses étu­di­ants ne voulaient pas de «séquence poésie» telle qu’elle est pra­tiquée dans les manuels et observée dans les rayons des librairies). Cette nou­velle espèce a été saluée et recon­nue par de grands spé­cial­istes de la lit­téra­ture comme Mircea Cartares­cu (le plus traduit des écrivains roumains) et Jean-Pierre Lon­gre (uni­ver­si­taire, auteur, fin obser­va­teur de la lit­téra­ture roumaine. Il a beau­coup œuvré pour la fran­coph­o­nie : pro­fesseur de français en Roumanie jusqu’en 1990, il a été offi­cielle­ment félic­ité par le lecteur français de Bucarest en 1986 «pour l’enthousiasme et l’ingéniosité déployés au ser­vice de la langue et la cul­ture française», ce qui, à l’époque de Ceaus­es­cu, ne lui rendait pas ser­vice. À par­tir de 1990, Radu Bata a enseigné en France le français et le jour­nal­isme, et a été ani­ma­teur d’Ateliers d’écriture, activ­ités recon­nues par plusieurs prix nationaux.

Radu Bata a pub­lié des poèmes dans les revues Lev­ure Lit­téraire (Alle­­magne-France), Paysages (France), Microbe (Bel­gique), Respiro (États-Unis), Seine et Danube (France-Roumanie), etc. Quelques-uns ont été traduits en espag­nol, anglais, ital­ien et japon­ais. Il a aus­si fait beau­coup de tra­duc­tions du roumain en français ; les plus récentes ont paru dans Le Per­sil, jour­nal lit­téraire suisse et la dernière a été récom­pen­sée en mai 2017 par le Prix du Pub­lic au Salon du Livre des Balka­ns, à Paris.

Six livres fig­urent dans son compte lit­téraire (les 2 pre­miers édités sous pseu­do­nyme) : aux édi­tions Pro­Mots, un « hétéro­man », et un con­te uchronique, Le Rêve d’étain (nom­iné, par les lecteurs de la FNAC Greno­ble, par­mi les 100 plus beaux con­tes de tous les temps à côté du Petit Prince, d’Alice au pays des mer­veilles, etc.) ; aux édi­tions Gal­i­ma­tias, un puz­zle trav­es­ti en jour­nal, Mine de petits riens sur un lit à bal­daquin, et un recueil de poésettes — Le Philtre des nuages et autres ivress­es (éd. Gal­i­ma­tias) ; deux autres recueils ont suivi en roumain (Tra­cus Arte, Bucarest, 2015), et Descheiat la (paru fin 2016) aux édi­tions Bru­mar (Tra­cus Arte et Bru­mar sont des maisons d’édition de poésie renom­mées en Roumanie).

Les poésettes de Radu Bata ont déjà ren­con­tré un cer­tain suc­cès : le recueil Le Philtre des nuages et autres ivress­es est lau­réat du prix du Salon du Livre des Balka­ns (Paris, 2015), tirage de 500 exem­plaires épuisé, invi­ta­tions dans les milieux étu­di­ants, au mythique Club des Poètes et à «On vous sert un vers» à Paris.

Au print­emps 2018, paraîtront deux vol­umes grif­fés Radu Bata : le recueil Sur­vivre mal­gré le bon­heur et L’imperceptible déclic du miroir, 78 poèmes qu’il a traduits du roumain, de Paul Vini­cius. D’ici là, il apportera sa pierre à l’édifice d’une «Antholo­gie de poètes roumains» et à un livre d’art, «Impres­sions satiriques» de Doru Flo­ri­an Crihana.

Fausse couche d’ozone (Pro­Mots)

Le Rêve d’étain (Pro­Mots)

Mine de petits riens sur un lit à bal­daquin (Gal­i­ma­tias)

Le Philtre des nuages et autres ivress­es (Gal­i­ma­tias)

Cod gal­ben cu pesti­sori rosii (Tra­cus Arte)

Descheiat la vise (Bru­mar)

Sur­vivre mal­gré le bon­heur (Jacques André Éditeur)

French kiss (Cre­ator)

Le Blues roumain 1 (Unic­ité)

Le Blues roumain 2 (Unic­ité)

Le Blues roumain 3 (Unic­ité)

Les Enfants des nuages (Lib­ris)

Le Fou rire de la pluie (Unic­ité)

Et 2 autres sont en chemin…

Poèmes choisis

Radu Bata, Le Blues Roumain, Anthologie implausible de poésies

Radu Bata, poète et passeur de poésie, inven­teur et […]

Par |2023–03–20T08:56:30+01:00 20 mars 2023|Caté­gories : Cri­tiques, Radu Bata|Com­men­taires fer­més sur Radu Bata, Le Blues Roumain, Antholo­gie implau­si­ble de poésies
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Carole Mesrobian

Car­ole Car­cil­lo Mes­ro­bian est poète, cri­tique lit­téraire, revuiste, per­formeuse, éditrice et réal­isatrice. Elle pub­lie en 2012 Foulées désul­toires aux Edi­tions du Cygne, puis, en 2013, A Con­tre murailles aux Edi­tions du Lit­téraire, où a paru, au mois de juin 2017, Le Sur­sis en con­séquence. En 2016, La Chou­croute alsa­ci­enne paraît aux Edi­tions L’âne qui butine, et Qomme ques­tions, de et à Jean-Jacques Tachd­jian par Van­i­na Pin­ter, Car­ole Car­ci­lo Mes­ro­bian, Céline Delavaux, Jean-Pierre Duplan, Flo­rence Laly, Chris­tine Tara­nov,  aux Edi­tions La chi­enne Edith. Elle est égale­ment l’au­teure d’Aper­ture du silence (2018) et Onto­genèse des bris (2019), chez PhB Edi­tions. Cette même année 2019 paraît A part l’élan, avec Jean-Jacques Tachd­jian, aux Edi­tions La Chi­enne, et Fem mal avec Wan­da Mihuleac, aux édi­tions Tran­signum ; en 2020 dans la col­lec­tion La Diag­o­nale de l’écrivain, Agence­ment du désert, paru chez Z4 édi­tions, et Octo­bre, un recueil écrit avec Alain Bris­si­aud paru chez PhB édi­tions. nihIL, est pub­lié chez Unic­ité en 2021, et De nihi­lo nihil en jan­vi­er 2022 chez tar­mac. A paraître aux édi­tions Unic­ité, L’Ourlet des murs, en mars 2022. Elle par­ticipe aux antholo­gies Dehors (2016,Editions Janus), Appa­raître (2018, Terre à ciel) De l’hu­main pour les migrants (2018, Edi­tions Jacques Fla­mand) Esprit d’ar­bre, (2018, Edi­tions pourquoi viens-tu si tard), Le Chant du cygne, (2020, Edi­tions du cygne), Le Courage des vivants (2020, Jacques André édi­teur), Antholo­gie Dire oui (2020, Terre à ciel), Voix de femmes, antholo­gie de poésie fémi­nine con­tem­po­raine, (2020, Pli­may). Par­al­lèle­ment parais­sent des textes inédits ain­si que des cri­tiques ou entre­tiens sur les sites Recours au Poème, Le Cap­i­tal des mots, Poe­siemuz­icetc., Le Lit­téraire, le Salon Lit­téraire, Décharge, Tex­ture, Sitaud­is, De l’art helvé­tique con­tem­po­rain, Libelle, L’Atelier de l’ag­neau, Décharge, Pas­sage d’en­cres, Test n°17, Créa­tures , For­mules, Cahi­er de la rue Ven­tu­ra, Libr-cri­tique, Sitaud­is, Créa­tures, Gare Mar­itime, Chroniques du ça et là, La vie man­i­feste, Fran­copo­lis, Poésie pre­mière, L’Intranquille., le Ven­tre et l’or­eille, Point con­tem­po­rain. Elle est l’auteure de la qua­trième de cou­ver­ture des Jusqu’au cœur d’Alain Bris­si­aud, et des pré­faces de Mémoire vive des replis de Mar­i­lyne Bertonci­ni et de Femme con­serve de Bluma Finkel­stein. Auprès de Mar­i­lyne bertonci­ni elle co-dirige la revue de poésie en ligne Recours au poème depuis 2016. Elle est secré­taire générale des édi­tions Tran­signum, dirige les édi­tions Oxy­bia crées par régis Daubin, et est con­cep­trice, réal­isatrice et ani­ma­trice de l’émis­sion et pod­cast L’ire Du Dire dif­fusée sur radio Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM.
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