Une maison pour la Poésie 1 : Annie Estèves — Maison de poésie Jean Joubert de Montpellier -

Par |2023-01-06T15:23:46+01:00 5 janvier 2023|Catégories : Annie Estèves, Essais & Chroniques|

Annie Estèves, fonde à Mont­pel­li­er avec le poète Jean Jou­bert et la libraire Fanette Debernard la « Mai­son de la poésie » en 2005. En 2010, La Mai­son de la poésie, dev­enue « Mai­son de la poésie Jean Jou­bert », dis­pose d’un lieu dédié et est soutenue par l’ensemble des col­lec­tiv­ités. . Direc­trice artis­tique, Annie Estèves organ­ise la pro­gram­ma­tion de cette entité essen­tielle au sein de l’ag­gloméra­tion mont­pel­liéraine à laque­lle elle offre des  ren­con­tres avec les poètes et les édi­teurs, des lec­tures, des per­for­mances, des spec­ta­cles, des ate­liers et des expo­si­tions. A ce tra­vail con­séquent mené depuis des années pour défendre et porter la poésie,  Elle est respon­s­able de la  pro­gram­ma­tion de la man­i­fes­ta­tion « Le Print­emps des poètes » à Mont­pel­li­er. Elle a accep­té de répon­dre à nos ques­tions, pour inau­gur­er cette nou­velle rubrique dans laque­lle Recours au poème don­nera la parole aux Mai­son de la poésie, qui, dans des aggloméra­tions de divers­es impor­tances, sont ce lieu indis­pens­able où la parole poé­tique vivante et incar­née s’of­fre à un pub­lic de plus en plus important.

Qu’est-ce qu’une Mai­son de la Poésie ?
Le mot « mai­son » a bien enten­du de nom­breuses con­no­ta­tions, nous retenons celles qui sont pos­i­tives. Une mai­son pour la poésie est une recon­nais­sance de la place qu’elle peut occu­per dans la cité. Ce n’est pas un lieu d’enfermement, mais un lieu de ray­on­nement. Un point de ral­liement pour tous les amoureux de cet art qui ont envie d’œuvrer à sa diffusion.
Rap­pelons-nous que ce sont Pierre Seghers et Pierre Emmanuel qui sont à l’origine de cette idée, et qui ont implan­té la pre­mière à Paris en 1983 sur la ter­rasse du forum des halles avant qu’elle n’intègre ce lieu mer­veilleux qu’est le théâtre Molière. Elle avait pour voca­tion de « pro­mou­voir l’expression de la créa­tion poé­tique sans exclu­sion de gen­res, de formes esthé­tiques ou de pays ».
Aupar­a­vant, en 1975, au Cen­tre Cul­turel de Ren­con­tre de la Char­treuse à Vil­leneuve-lès-Avi­gnon, Gil Joua­nard et Marie Jouan­nic avaient créé une struc­ture qui pré­fig­u­rait les maisons de poésie, « La Mai­son du livre et des mots ».

Jean Jou­bert et Annie Estèves, asso­ci­a­tion Mai­son de la poésie.

Celle que nous avons créée à Mont­pel­li­er est un lieu dédié au partage et à la dif­fu­sion de la poésie, ouvert à tous, acces­si­ble et gra­tu­it, doté d’une impor­tante bib­lio­thèque qui s’enrichit en per­ma­nence. Un haut lieu de l’écoute de la poésie, multilingue.
S’y retrou­vent les poètes, les lecteurs de poésie, les édi­teurs et revuistes, les ama­teurs de lit­téra­ture, pour partager leur pas­sion et la faire partager.
C’est aus­si une struc­ture cul­turelle, un organ­isme vivant, qui tra­vaille avec de nom­breux parte­naires : médiathèques, musées, théâtres, galeries d’art, librairies, cen­tres culturels.
Le ray­on­nement de la poésie et sa con­ju­gai­son avec les autres arts font par­tie intrin­sèque du projet.
Tu diriges la Mai­son de la Poésie Jean Jou­bert à Mont­pel­li­er. Peux-tu évo­quer sa créa­tion, le lieu, et sa mission ?
C’est au cœur de l’Ecole, et au milieu d’adolescents, que la mai­son de la poésie a été rêvée.
Enseignante, pas­sion­née de poésie, j’avais créé dans l’établissement où j’exerçais, un « ate­lier de pra­tique artis­tique poésie », qui mar­chait très fort, et j’invitais régulière­ment dans mes class­es des poètes, des comé­di­ens, des artistes… J’ai fait venir Jean Jou­bert, poète que je ren­con­trais sou­vent dans une librairie du cen­tre- ville de Mont­pel­li­er, tenue par deux libraires mer­veilleux, Jean et Fanette Debernard, qui organ­i­saient de fameuses ren­con­tres avec les écrivains : Frédéric Jacques Tem­ple, Jean Jou­bert, Max Rou­quette, Jean Rouaud, Régine Detam­bel, Chris­tine Angot, Camille Lau­rens, Marie Rouanet, Yves Rouquette,entre autres, fréquen­taient le lieu.

Mai­son de la Poésie Jean Joubert.

Jean Jou­bert, qui se rendait dans quan­tité d’établissements sco­laires, a été frap­pé par la con­nais­sance et le goût de la poésie con­tem­po­raine chez mes élèves. Devenu par­rain de l’atelier, il a entretenu avec ses mem­bres une cor­re­spon­dance assidue et nous rendait vis­ite fréquem­ment, par ami­tié. Hélas en 2003, Jean Debernard nous a quit­tés, la librairie Molière a fer­mé. Toute une époque dis­parais­sait. C’est ain­si, au cours de nos dis­cus­sions, avec Fanette Debernard, Jean Jou­bert, Frédéric Jacques Tem­ple, que j’ai lancé l’idée de fonder, à Mont­pel­li­er, un lieu dédié à la poésie. C’était un peu comme repren­dre le flam­beau des fameuses ren­con­tres de la librairie Molière, et le pro­longe­ment du tra­vail qui s’accomplissait dans les class­es, où nous avions l’ambition de for­mer des lecteurs.
Jean Jou­bert s’est lais­sé facile­ment con­va­in­cre, car il avait la pas­sion de la trans­mis­sion, et l’énergie d’un militant.
Jean, Fanette et moi, avec l’aide atten­tive de Frédéric Jacques Tem­ple, avons con­stru­it le pro­jet de créer un lieu dans lequel la poésie,  à cette  époque accusée d’élitisme, vivrait en permanence.
Une autre per­son­ne a joué un rôle très impor­tant : Jean-Pierre Siméon. Alors directeur artis­tique du Print­emps des Poètes, il m’a invitée à venir le voir pour lui présen­ter le pro­jet. Sans hésiter, il m’a accordé sa con­fi­ance et a tout fait pour que notre pro­jet réus­sisse, notam­ment en con­sti­tu­ant et en prési­dant un comité de par­rainage pour con­va­in­cre les insti­tu­tions et les collectivités.
Avoir eu l’estime, l’amitié et le sou­tien de ces per­son­nes-là m’a don­né la force pour entre­pren­dre cette aventure.
Jean a mis sa notoriété, le respect, l’admiration et la bien­veil­lance qu’il  inspi­rait partout et à tous, au ser­vice de cette cause. Les col­lec­tiv­ités nous ont fait con­fi­ance, en nous accor­dant des sub­ven­tions pour démar­rer nos activ­ités en 2006 : la ville de Mont­pel­li­er, la Région, le départe­ment de l’Hérault, simul­tané­ment, nous ont aidés. Nous avons d’abord été nomades, mais accueil­lis chaleureuse­ment dans les théâtres, notam­ment le Théâtre Jean Vilar, alors dirigé par Luc Brae­mer,  le con­ser­va­toire d’art dra­ma­tique, les médiathèques, les maisons de la cul­ture, les musées.

Mai­son de la Poésie Jean Jou­bert, Print­emps des Poètes 2021. Nul chemin dans la peau que saig­nante étreinte. Con­cert lit­téraire Jean D’Amérique et Lucas Prêleur Par­tie 3 : pour Alep et d’autres ruines.

La pre­mière soirée que nous avons organ­isée, lors du Print­emps des poètes 2006, a été un coup de maître qui nous a fait con­naître tout de suite : « Lec­tures de Frédéric Jacques Tem­ple par Denis Lavant », au con­ser­va­toire d’art dra­ma­tique dirigé alors par Ariel Gar­cia Valdès. Dans la salle – comble-  se côtoy­aient le jeune pub­lic ent­hou­si­aste des étu­di­ants comé­di­ens et le pub­lic, plus âgé, ama­teur de soirées lit­téraires. Quel beau mélange !
Puis, en 2010, grâce à Jean Jou­bert et à la volon­té de Michaël Delafos­se, alors adjoint à la Cul­ture, aujourd’hui maire de Mont­pel­li­er et Prési­dent de la Métro­pole, la Ville de Mont­pel­li­er a mis un lieu à la dis­po­si­tion de notre struc­ture. Un événe­ment, un geste très fort, car rares sont les com­munes qui dis­posent d’un tel lieu. Jean Jou­bert a été très fier de voir ain­si la poésie pren­dre place durable­ment au cœur de la cité dans un lieu dédié.
Ce lieu, Le moulin de l’Evêque, situé en entrée de ville, appar­tient au pat­ri­moine his­torique de la ville. Il a une capac­ité d’accueil de pub­lic de 50 per­son­nes, un park­ing voitures à prox­im­ité, est desservi par 2 lignes de tramway, est tout proche de la médiathèque cen­trale Emile- Zola. C’est un très bel out­il. Nous y dévelop­pons notre pro­gram­ma­tion annuelle, et organ­isons des activ­ités régulières : ate­lier d’écriture, per­ma­nences poésie, bib­lio­thèque, activ­ités d’encouragement à la création…
En 2012, lorsque le label « Ville en poésie » a été créé par le Print­emps des Poètes, Mont­pel­li­er a été la pre­mière ville à l’obtenir, pour avoir créé ce lieu, pour l’intérêt et le sou­tien que la Ville man­i­feste pour la poésie, et qui prend en compte la longue his­toire d’amour entre Mont­pel­li­er et les poètes : Valéry Lar­baud, Paul Valéry, Fran­cis Ponge, Max Rou­quette, Frédéric Jacques Tem­ple, entre autres, en ont fait « la ville des poètes », et cela con­tin­ue aujourd’hui, car de grands poètes y vivent, et Mont­pel­li­er foi­sonne d’associations et de lieux ouverts à la poésie.
Une ville qui accorde une place à la poésie, qui la recon­naît comme une com­posante à part entière du paysage cul­turel, c’est une chance.
Jean Jou­bert a été le prési­dent charis­ma­tique de notre struc­ture, pen­dant dix ans. Il est décédé en 2015. Nous avons per­du un grand poète, un ami proche, un allié. Il reste notre fig­ure tutélaire. La Ville a décidé, pour lui ren­dre hom­mage, de don­ner au lieu le nom de Jean Jou­bert, et notre asso­ci­a­tion a alors pris le même titre.

Print­emps des Poètes 2021. Habiter poé­tique­ment le monde à la Mai­son de la Poésie Jean Jou­bert. Lec­tures par Maud Curassier — Par­tie 4 : Le monde con­tem­po­rain — Lau­rence Vielle, JMG Le Clézio Philippe Jaccottet.

Les mis­sions que nous nous sommes don­nées sont mul­ti­ples. Elles sont énon­cées dans l’objet de notre asso­ci­a­tion, rap­pelé dans notre bul­letin d’adhésion : « Avec la volon­té de diver­si­fi­er et de mêler les publics, par un tra­vail notam­ment en direc­tion des jeunes, l’association pro­pose, avec une ferme exi­gence de qual­ité, d’accueillir tous les mou­ve­ments, toutes les ten­dances et toutes les formes de poésie, pour « élargir le cer­cle du partage » et attein­dre une vaste audi­ence intergénéra­tionnelle. Poètes con­nus du grand pub­lic ou décou­verts par les édi­teurs et les revues seront bien­venus. Ren­con­tres, lec­tures, mis­es en espace, spec­ta­cles, inter­ven­tions, auront un point com­mun : la qual­ité des inter­venants, pour que chaque moment de poésie soit exceptionnel. »
Nous avons une devise : « Exi­gence et diver­sité ». L’exigence, c’est le respect, pour tous ceux qui aiment la poésie ; la diver­sité, c’est l’ouverture au monde, aux langues, aux pratiques.
Com­ment fais-tu pour que ce lieu vive ? Est-ce que la Région ou la com­mune aident à sa pérennité ?
Les col­lec­tiv­ités sou­ti­en­nent unanime­ment nos actions, depuis le début.
Parte­naires d’Occitanie livre & lec­ture, l’agence régionale pour le livre, et soutenus par le Cen­tre nation­al du livre, nous avons signé la charte des auteurs. Nous faisons venir des auteurs et nous les rémunérons ; pour cela, et pour la bonne marche du lieu, nous sol­lici­tons les collectivités.
La Ville de Mont­pel­li­er est notre sou­tien prin­ci­pal, puisque out­re le lieu mis à notre dis­po­si­tion, nous sommes liés par des con­ven­tions de parte­nar­i­at, pour la pro­gram­ma­tion annuelle, et pour celle du Print­emps des poètes, avec les sub­ven­tions afférentes. La Métro­pole inter­vient pour nos pro­jets avec cer­tains parte­naires, comme le musée Fab­re, ou le réseau des médiathèques. La Région Occ­i­tanie nous aide pour notre fonc­tion­nement annuel et l’ensemble de nos actions. Le Départe­ment de l’Hérault inter­vient ponctuelle­ment. Le  Cen­tre Nation­al du Livre nous apporte une aide impor­tante pour le Print­emps des Poètes.

Mai­son de la Poésie Jean Jou­bert, Print­emps des Poètes 2021, En mémoire de Frédéric Jacques Tem­ple, lec­tures par ses amis poètes. James sacré lit “A celui qui mar­chait dans le soleil, à Taos” de James Sacré et “West­bound” suite extraite de Foghorn, de Frédéric Jacques Tem­ple (Antholo­gie per­son­nelle, Actes Sud)

C’est toute une équipe qui fait vivre le lieu !
Le fonc­tion­nement de la struc­ture est basé sur le bénévolat : nous n’avons pas de per­son­ne salariée, toutes les tâch­es sont accom­plies par l’équipe de seize per­son­nes qui com­posent le C.A. de l’association. Une équipe de pas­sion­nés et pas­sion­nées, en grande majorité des poètes, qui fait en sorte que la machine tourne à un niveau professionnel.
Cha­cun s’engage et s’implique : direc­tion artis­tique,  ges­tion, ate­lier d’écriture, per­ma­nences poésie, cat­a­lo­gage et mise en valeur de la bibliothèque…Tout cela avec dévoue­ment et humil­ité. Nous avons créé en 2017 un dis­posi­tif d’encouragement à la créa­tion, qui marche très fort, inti­t­ulé « Nou­velles Voix d’ici », piloté par un comité de lec­ture qui com­prend 6 poètes. Des auteurs non encore pub­liés soumet­tent leurs écrits à ce comité. A chaque ses­sion, 4 sont sélec­tion­nés et nous leur offrons la pos­si­bil­ité d’une lec­ture publique à la Mai­son de la Poésie, la chance de ren­con­tr­er un pub­lic, et peut –être, un lectorat.
Il existe aujourd’hui un col­lec­tif de Maisons de la poésie. Pourquoi a‑t-il été créé ? Par qui ? A quelle néces­sité répond cette entité ?
La Fédéra­tion européenne des Maisons de poésie, dev­enue Fédéra­tion des Maisons de poésie/ MAIPO/ réseau inter­na­tion­al,  a été créée en 2006
Elle réu­nit des struc­tures français­es et fran­coph­o­nes asso­cia­tives ou professionnelles.

Print­emps des Poètes 2021, En mémoire de Frédéric Jacques Tem­ple, Jean-Bap­tiste Para lit le poème “Sud-Express” ( “Sud, Foghorn”, Antholo­gie per­son­nelle Actes Sud et La chas­se infinie et autres poèmes, Poésie/ Gallimard).

Elle a pour mis­sion « d’assurer l’existence, la préser­va­tion, le développe­ment et le ray­on­nement cul­turel des maisons de poésie, par la mutu­al­i­sa­tion des infor­ma­tions, l’échange, l’aide à la dif­fu­sion, l’organisation de man­i­fes­ta­tions et toutes ini­tia­tives favorisant la pro­mo­tion et la dif­fu­sion de la poésie dans tous les pays, en priv­ilé­giant les écri­t­ures con­tem­po­raines. Elle favorise l’émergence de nou­velles structures. »
Les struc­tures mem­bres, une ving­taine actuelle­ment, se retrou­vent, chaque année, au Marché de la Poésie à Paris. Nous pou­vons faire le point, échang­er, met­tre en place des pro­jets com­muns. C’est une tâche dif­fi­cile car les sit­u­a­tions sont très dis­parates, mais nous sommes ani­més par l’amitié et par le même désir de faire avancer les choses, c’est-à-dire, con­tribuer à chang­er l’image de la poésie aux yeux du grand pub­lic, la faire exis­ter dans les médias, con­va­in­cre les insti­tu­tions de la néces­sité et de l’intérêt de créer des lieux dédiés.
Des réu­nions sont organ­isées au sein des struc­tures mem­bres, et nous avons été struc­ture invi­tante pour des journées de tra­vail  en 2013. C’est très impor­tant d’échanger, c’est le maître-mot de notre fédéra­tion. Un événe­ment comme « Les poètes n’hibernent pas », basé sur une invi­ta­tion réciproque entre une ou plusieurs maisons de poésie, est par exem­ple très fédéra­teur, et très inspirant.
La « ren­trée lit­téraire en poésie » per­met aus­si un éclairage sur les pro­duc­tions édi­to­ri­ales dans chaque région, et une meilleure vis­i­bil­ité de la créa­tion, et  de l‘action des éditeurs.

Mai­son de la Poésie Jean Jou­bert Print­emps des poètes 2021, Aiman­ta­tion de la voie de Jean-Marie de Crozals et Sylvie Fab­re G. (édi­tions les Lieux dits) Lec­ture musi­cale avec Claire Men­guy, vio­lon­celle — Par­tie 2 : Pas­sante dans la mon­tagne, Sylvie Fab­re G. Claire Menguy.

Quel genre de pub­lic accueilles-tu ? Est-ce que les plus jeunes vien­nent écouter de la poésie ?
Comme je l’ai dit, nous tenons beau­coup à la présence des jeunes, puisque le tra­vail de for­ma­tion des lecteurs a été à l’origine de l’idée d’une mai­son de poésie. Le pub­lic s’est diver­si­fié au fil du temps, avec l’explosion de la poésie scénique et la forte présence des femmes poètes. Les généra­tions se ren­con­trent, il y a un pub­lic jeune, con­nais­seur et nova­teur, emmené par les poètes de sa généra­tion. Le tra­vail mené en direc­tion du jeune pub­lic : ren­con­tres dans les étab­lisse­ments sco­laires, accueil de class­es au sein de la Mai­son de la poésie, porte ses fruits. Nous tra­vail­lons égale­ment avec l’Université Paul Valéry et la présence des étu­di­ants est précieuse.
Et, fait très impor­tant, nous avons con­stru­it un parte­nar­i­at avec le Cours Flo­rent à Mont­pel­li­er. De jeunes comé­di­ens en for­ma­tion vien­nent don­ner des lec­tures publiques et par­ticiper à des ren­con­tres. C’est un apport con­sid­érable. Le tra­vail de la lec­ture de poésie est un aspect par­ti­c­ulière­ment rare et dif­fi­cile du tra­vail de comé­di­en et c’est encour­ageant d’en voir cer­tains se pas­sion­ner pour cela.
La Mai­son de la Poésie  a une longue his­toire avec d’exceptionnels inter­prètes de la poésie avec lesquels nous avons tra­vail­lé dès le début et tra­vail­lons régulière­ment : Denis Lavant, Robin Renuc­ci, Jacques Bonnaffé…Ce sont d’immenses lecteurs et de fortes per­son­nal­ités : quel bon­heur d’entendre Denis Lavant dire Frédéric Jacques Tem­ple, ou Jacques Bon­naf­fé partager la lec­ture avec James Sacré ou Valérie Rouzeau, Arthur H. con­stru­ire une lec­ture avec James Noël, Robin Renuc­ci lire Rilke devant des lycéens. Quelle générosité de leur part d’accepter de soutenir notre pro­jet. Car la notoriété de ces artistes, for­cé­ment, amène un pub­lic à décou­vrir la poésie et à se débar­rass­er de ses préjugés.
Est-ce que les Maisons de la poésie con­tribuent à faire con­naître des poètes, à dif­fuser et à faire lire de la poésie ?
C’est un de leurs objec­tifs ! Nous tra­vail­lons avec les libraires et les édi­teurs. Le livre est tou­jours présent, tou­jours pro­posé lors des ren­con­tres que nous organ­isons. Ecouter un poète, et pou­voir, tout de suite, se pro­cur­er son livre, cela fait par­tie du jeu, de la sat­is­fac­tion immé­di­ate d’une curiosité ou d’un intérêt ; la poésie cir­cule, elle est vivante, il faut mon­tr­er la pro­duc­tion. C’est aus­si pour cela que nous avons créé l’événement « Ren­trée lit­téraire en poésie », partagé main­tenant par la MAIPO. Nous invi­tons fréquem­ment des édi­teurs à venir présen­ter leur mai­son d’édition, entourés de plusieurs de « leurs » poètes.

Il faut dire aus­si que nous sommes ouverts à toutes les formes. La lec­ture — ren­con­tre reste la base, mais nous accueil­lons des per­for­mances, des lec­tures- con­cert, des lec­tures dan­sées, des spec­ta­cles, des formes qui pro­posent d’aborder la poésie autrement. Favoris­er l’émergence de nou­veaux auteurs est un acte important.
Nous invi­tons de jeunes auteurs pour lesquels nous avons un « coup de cœur », et que nous con­tribuons à faire con­naître. Le dis­posi­tif « Nou­velles voix d’ici » a le même sens : c’est une oppor­tu­nité offerte à de nou­velles plumes sélec­tion­nées. Cer­taines font leur chemin, sont éditées.
En plus des lec­tures que tu organ­is­es, des poètes que tu invites, tu pro­pos­es des con­tenus audio­vi­suels. Peux-tu évo­quer ces dis­posi­tifs particuliers ?
C’est une des rares con­séquences pos­i­tives de la péri­ode des con­fine­ments et de la fer­me­ture des lieux cul­turels pen­dant la péri­ode des restric­tions de la pandémie. Nous avons con­tin­ué d’accueillir des poètes, « sans pub­lic présent ».
Nous avons fait appel à un cinéaste pro­fes­sion­nel, Gérard Cor­poron, qui a réal­isé de petits films, — on ne peut pas sim­ple­ment par­ler de « cap­ta­tion » — dans de très bonnes con­di­tions tech­niques. Jean D’Amérique avec Lucas Prêleur, James Sacré avec l’artiste Raphaël Segu­ra, Sylvie Fab­re et Jean-Marie de Crozals avec Claire Men­guy, Estelle Fen­zy et Alain Andreuc­ci avec Claire Men­guy égale­ment, le spec­ta­cle « Delta (s) » de Pierre et Fab­rice Solet­ti, fig­urent ain­si sur ces vidéos.

Print­emps des Poètes 2021. Lec­tures de poèmes de l’an­tholo­gie-man­i­feste habiter poé­tique­ment le monde par la comé­di­enne Maud Curassier, à la Mai­son de la Poésie jean Jou­bert — Par­tie 2 : Le monde post-roman­tique, Hen­ry David Thore­au, Ner­val, Emi­lie Dickinson.

Avec le musée Fab­re, nous avons tra­vail­lé de la même manière, en réal­isant les lec­tures con­certs en video au sein du musée sans pub­lic, « Pour saluer Frédéric Bazille » par exem­ple, ou des pod­casts « Sai­son con­tem­po­raine : Bloch, Bor­dari­er, Arnal.
A quelle néces­sité répond cette dif­fu­sion des événe­ments que tu organises ? 
Cela nous per­met de con­stituer de pré­cieuses archives. Nous avons reçu au fil des ans quan­tité de poètes merveilleux.
Hélas nous n’avons pas d’enregistrement, ni visuel ni sonore, des ren­con­tres avec Yves Bon­nefoy, Michel Butor, Franck Venaille, Yves Rou­quette, Bernard Noël, Luis Mizon…Quel dommage.
Alors que la créa­tion de notre chaîne YouTube nous per­met de voir et revoir les poètes que nous avons reçus, « sans pub­lic », lorsque les lieux cul­turels étaient fer­més au pub­lic, pen­dant la péri­ode de confinement.
C’est vrai que le car­ac­tère unique et éphèmère de nos ren­con­tres, s’il les rend pré­cieuses, est égale­ment frus­trant. C’est pourquoi la pub­li­ca­tion de textes sur notre blog, lors de l’hommage à Frédéric Jacques Tem­ple au  Print­emps des poètes 2021, qui a abouti à une pub­li­ca­tion en vol­ume par les édi­tions Domens et Mérid­i­anes,  nous a égale­ment fait réfléchir à ce besoin de laiss­er des traces ou de don­ner un car­ac­tère pérenne à nos actions.

Et demain, la Mai­son de poésie Jean Jou­bert ? Que sera 2023 ?
Con­tin­uer, évoluer, innover !
Il y a des axes que nous allons garder, qui struc­turent la pro­gram­ma­tion annuelle, par exem­ple les grands événe­ments lit­téraires : Les Nuits de la lec­ture, le Print­emps des Poètes, la Comédie du Livre/ 10 jours en mai, ceux que nous avons créés avec la MAIPO : La ren­trée lit­téraire en poésie, Les poètes n’hibernent pas. Egale­ment notre sou­tien et notre par­tic­i­pa­tion aux fes­ti­vals de poésie : Voix vives de la méditer­ranée à Sète, fes­ti­val de poésie sauvage à la Sal­ve­tat sur Agoût, fes­ti­val Sources poé­tiques en Lozère. Il y a une présence per­ma­nente de nos actions dans le paysage culturel.

Print­emps des Poètes 2021. Mai­son de la Poésie Jean Jou­bert. Lec­ture musi­cale de “Aiman­ta­tion de la voie”, de Jean-Marie de Crozals et Sylvie Fab­re G. (édi­tions les Lieux dits) — 1ère par­tie : L’huis nu Jean-Marie de Crozals Claire Men­guy, violoncelle.

Le parte­nar­i­at que nous avons con­stru­it avec les musées, notam­ment le musée Fab­re, et inti­t­ulé « La poésie au cœur des arts », est égale­ment très impor­tant : lec­tures con­certs, déam­bu­la­tions poé­tiques au sein des expo­si­tions tem­po­raires ou des col­lec­tions per­ma­nentes. Ces formes ren­con­trent beau­coup de suc­cès, et c’est un autre aspect de notre tra­vail de sen­si­bil­i­sa­tion à la poésie.
Nous allons repren­dre le parte­nar­i­at avec le musée Paul Valéry à Sète.
Con­stru­ire des passerelles entre les arts, pein­ture, musique, arts visuels, est pas­sion­nant. Nous accueil­lons sou­vent des expo­si­tions sur nos cimaises.
Nous aurons égale­ment une présence forte dans le réseau des médiathèques de la métropole.
Nous sommes engagés dans le sou­tien à la can­di­da­ture« Mont­pel­li­er cap­i­tale de la cul­ture 2028 » et cela donne de la force à notre dynamique.
Un grand pro­jet qui nous tient à cœur se met en place, « les poètes traduisent les poètes ». Il irriguera l’ensemble de notre pro­gram­ma­tion 2023. Nous avons la chance d’avoir pour par­rain de ce pro­jet Jean-Bap­tiste Para, et de grands ren­dez-vous sont prévus. Nous mesurons l’importance de nos « alliés sub­stantiels », et c’est exaltant.
Le mot « pro­jet » fait par­tie de notre vie et de cet élan renou­velé qui nous anime.
La poésie est en per­pétuelle trans­for­ma­tion, les jeunes s’en empar­ent, et c’est for­mi­da­ble d’être au cœur de ces évo­lu­tions tout en garan­tis­sant l’héritage.
« Poésie, la vie future à l’intérieur de l’homme requalifié ».
René Char est tou­jours là pour y veiller.

L’équipe de la Mai­son de la Poésie Jean Joubert

Bureau :
Annie Estèves (prési­dente), Jacques Guigou, François Szabo,  Jean-Louis Kéran­guéven, Pierre Manuel.

Respon­s­ables des activ­ités :
Per­ma­nences poésie : François Szabo.
Ate­lier d’écriture : Patri­cio Sanchez.
Bib­lio­thèque : Chan­tal Enocq, Anne-Marie Jean­jean,  Marie-Agnès Sale­hza­da.
Nou­velles Voix d’Ici : James Sacré, Marie-Agnès Sale­hza­da, Jacques Guigou, Chris­t­ian Malaplate, Jean-Louis Kéran­guéven, Olga Pinilla-Burguière.

Autres mem­bres du C.A.
Caiz­er­gues Pierre, Debernard Fanette, Glück Michaël, Helme Danielle, Musi­ol Claire, Par­ra-Senault Manuelle.

JEAN JOUBERT

Poète, romanci­er, auteur de nou­velles, auteur de lit­téra­ture jeunesse, cofon­da­teur et Prési­dent pen­dant 11 ans de la Mai­son de la Poésie à Mont­pel­li­er, Jean Jou­bert est  né à Chalette-sur-Loing (Loiret), en 1928 et décédé en 2015 à Mont­pel­li­er. Son qua­trième roman, L’Homme de sable (Gras­set), fic­tion inspirée par la con­struc­tion de la Ville de La Grande Motte, a obtenu le prix Renau­dot en 1975.

Jean Jou­bert a reçu le Prix Antonin-Artaud pour Les lignes de la main (Seghers, 1955), le Prix Mal­lar­mé en 1978 pour Les poèmes 1955–1975 (Gras­set), le Prix Kowal­s­ki de la Ville de Lyon  pour L’Alphabet des ombres(Edi­tions Bruno Doucey 2014). Son roman Les enfants de Noé (L’école des loisirs), a obtenu le Prix de la Fon­da­tion de France du  meilleur roman pour la jeunesse en 1978. Un recueil posthume, Longtemps j’ai cour­tisé la nuit, a été pub­lié par les édi­tions Bruno Doucey en 2016. Cet ouvrage réu­nit le pre­mier recueil pub­lié par Jean Jou­bert en 1955 chez Seghers, Les lignes de la main, et un ensem­ble de textes épars envoyés à ses amis au fil des jours.

Jean Jou­bert.

Présentation de l’auteur

Pro­fesseur de let­tres investie dans des pro­jets péd­a­gogiques axés sur les arts et la lit­téra­ture, Annie Estèves a dirigé durant sa car­rière d’enseignante des « class­es pilotes » et des ate­liers de pra­tique artis­tique en col­lab­o­ra­tion avec des poètes, des comé­di­ens et des artistes, mil­i­tant pour une cul­ture vivante à l’école.
En 2005, elle a fondé à Mont­pel­li­er avec le poète Jean Jou­bert et la libraire Fanette Debernard l’association « Mai­son de la Poésie », dont lui a été aus­sitôt con­fiée la direc­tion artis­tique. Respon­s­able de la pro­gram­ma­tion annuelle de la struc­ture et de la pro­gram­ma­tion de la man­i­fes­ta­tion « Le Print­emps des Poètes à Mont­pel­li­er », elle s’est alors con­sacrée aux activ­ités de la Mai­son de la Poésie, qui dis­pose depuis 2010 d’un lieu attribué par la Ville de Montpellier.
En 2016, en hom­mage au poète Jean Jou­bert décédé en 2015, la Ville de Mont­pel­li­er a dénom­mé le lieu « Mai­son de la Poésie Jean Jou­bert », et l’association a pris le même titre.

Depuis 2018, Annie Estèves est Prési­dente de la Mai­son de la Poésie Jean Joubert.

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

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Carole Mesrobian

Car­ole Car­cil­lo Mes­ro­bian est poète, cri­tique lit­téraire, revuiste, per­formeuse, éditrice et réal­isatrice. Elle pub­lie en 2012 Foulées désul­toires aux Edi­tions du Cygne, puis, en 2013, A Con­tre murailles aux Edi­tions du Lit­téraire, où a paru, au mois de juin 2017, Le Sur­sis en con­séquence. En 2016, La Chou­croute alsa­ci­enne paraît aux Edi­tions L’âne qui butine, et Qomme ques­tions, de et à Jean-Jacques Tachd­jian par Van­i­na Pin­ter, Car­ole Car­ci­lo Mes­ro­bian, Céline Delavaux, Jean-Pierre Duplan, Flo­rence Laly, Chris­tine Tara­nov,  aux Edi­tions La chi­enne Edith. Elle est égale­ment l’au­teure d’Aper­ture du silence (2018) et Onto­genèse des bris (2019), chez PhB Edi­tions. Cette même année 2019 paraît A part l’élan, avec Jean-Jacques Tachd­jian, aux Edi­tions La Chi­enne, et Fem mal avec Wan­da Mihuleac, aux édi­tions Tran­signum ; en 2020 dans la col­lec­tion La Diag­o­nale de l’écrivain, Agence­ment du désert, paru chez Z4 édi­tions, et Octo­bre, un recueil écrit avec Alain Bris­si­aud paru chez PhB édi­tions. nihIL, est pub­lié chez Unic­ité en 2021, et De nihi­lo nihil en jan­vi­er 2022 chez tar­mac. A paraître aux édi­tions Unic­ité, L’Ourlet des murs, en mars 2022. Elle par­ticipe aux antholo­gies Dehors (2016,Editions Janus), Appa­raître (2018, Terre à ciel) De l’hu­main pour les migrants (2018, Edi­tions Jacques Fla­mand) Esprit d’ar­bre, (2018, Edi­tions pourquoi viens-tu si tard), Le Chant du cygne, (2020, Edi­tions du cygne), Le Courage des vivants (2020, Jacques André édi­teur), Antholo­gie Dire oui (2020, Terre à ciel), Voix de femmes, antholo­gie de poésie fémi­nine con­tem­po­raine, (2020, Pli­may). Par­al­lèle­ment parais­sent des textes inédits ain­si que des cri­tiques ou entre­tiens sur les sites Recours au Poème, Le Cap­i­tal des mots, Poe­siemuz­icetc., Le Lit­téraire, le Salon Lit­téraire, Décharge, Tex­ture, Sitaud­is, De l’art helvé­tique con­tem­po­rain, Libelle, L’Atelier de l’ag­neau, Décharge, Pas­sage d’en­cres, Test n°17, Créa­tures , For­mules, Cahi­er de la rue Ven­tu­ra, Libr-cri­tique, Sitaud­is, Créa­tures, Gare Mar­itime, Chroniques du ça et là, La vie man­i­feste, Fran­copo­lis, Poésie pre­mière, L’Intranquille., le Ven­tre et l’or­eille, Point con­tem­po­rain. Elle est l’auteure de la qua­trième de cou­ver­ture des Jusqu’au cœur d’Alain Bris­si­aud, et des pré­faces de Mémoire vive des replis de Mar­i­lyne Bertonci­ni et de Femme con­serve de Bluma Finkel­stein. Auprès de Mar­i­lyne bertonci­ni elle co-dirige la revue de poésie en ligne Recours au poème depuis 2016. Elle est secré­taire générale des édi­tions Tran­signum, dirige les édi­tions Oxy­bia crées par régis Daubin, et est con­cep­trice, réal­isatrice et ani­ma­trice de l’émis­sion et pod­cast L’ire Du Dire dif­fusée sur radio Fréquence Paris Plurielle, 106.3 FM.
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