Roumpfs, en campagne permanente, est-il précisé en avant lecture, cela ressemble à une plaisanterie, à une satire, et c’en est une, burlesque à souhait, assurément… Mais pas que… Ce serait mal connaître Wanda Mihuleac qui dirige Transignum avec maestria depuis tant d’années, et Alain Snyers, artistes accomplis et « polyvalents »… !
Si ce livre est tout ceci à la fois, il est également un lieu de dénonciation des systèmes politiques sans distinction de positionnement, de classe, de pays, d’idéologie. Il faut dire que la juxtaposition du travail de ces deux artistes permet une révélation : on peut rire du pire, on peut pleurer devant un objet/livre somptueux et drôle, on peut se divertir en restant extrêmement sérieux.
Il faut avant tout remettre le livre dans son contexte historique. Il a été conçu et publié pour les élections européennes. Les auteurs ont eu de quoi être inspirés, et ils ont amplement trouvé de quoi faire dans les discours de nos candidats, dans leur image travaillé à grand renfort de spécialistes du marketing et de la communication. Les Roumpfs, à l’internationale s’il vous plait, candidats émérite aux élections européennes, présentés à travers leur discours de campagne. Un puits de merveilles, sans fond, comme le réel nous l’a enseigné, bien entendu.

Wanda Mihuleac et Alain Snyers,
Roumpfs, Les éditions Transignum,
2019, 20 €.
A chacun sa spécificité, qui promet des montagnes de bienfaits et victuailles, qui ancre son salut sur… Le texte de l’auteur est un prodige satirique. tour à tour dévolu à l’antiphrase et aux jeux de mots de ceux que plus personne n’ose employer depuis des lustres mais qui dans le contexte revêtent une profondeur due à leur mise en situation. De retournement en énonciation parodique, toutes les tonalités du discours oblique, ironique sont mises en œuvre, toutes les octaves du comique sont explorées.
Alain snyers joue avec une maestria époustouflante de ces registres ancestraux qui heureusement ont permis une dissidence salvatrice de s’exprimer. De nos jours la coercition n’est plus punitive, ni explicite. Il s’agit de contourner les discours médiatiques bien souvent exempts de totale objectivité, il s’agit de contourner le contournement, de renverser les reversements. Les Roumpfs savent parfaitement voyager en terrain miné, en pays barbelé. Il n’y a qu’à regarder la campagne d’affichage des candidats, la série de portraits élaborés par Wanda Mihuleac, pour s’en apercevoir…

Pour cette artiste plasticienne t éditrice rire est très sérieux. Il s’agit de laisser affleurer toute la trame cachée du réel tout ce que tait la parole et l’image, tout ce que comporte le hors cadre, le hors champ, le hors discours étayé sur de la littéralité qui par définition est une surface, comme celle d’un miroir, qui a un côté caché. Dévoiler, révéler, voici ce que fait Wanda Mihuleac, qui dans ses portraits des Roumpfs en campagne laisse apparaître tout le ridicule des croyances, des idéaux de tout poil. Ce travail sur l’image dépasse le politique et va remuer les arcanes des comportements et des postures humaines, toute société confondue.
S’instaure alors un dialogisme absolument hallucinant entre les « discours » élaborés par Alain Snyers et les portraits de wanda Mihuleac. Qui révèle qui, quoi complète quoi ? Rien, parce que ces deux polarités artistique sont plus que jamais complémentaires. Un ridicule redondant, mais jamais lourd, bien au contraire, car le texte ancre l’image dans une réalité, celle d’une campagne politique, et les portraits des candidats Roumpfs accentuent les effets obliques du texte, mettant l’accent sur telle portée ironique, sur tel jeu de mots, sut tel élément qui énonce le ridicule et son retournement, la dérision et son corolaire, la prise de conscience que le réel est porteur de ces traits certes exagérés mais dont il est l’inspirateur…

Et la démarche est menée jusqu’au bout, jusqu’à une inscription dans le réel qui porte la visée burlesque sur le territoire d’un pamphlet des plus caustiques : Communiqué de presse, campagne d’affichage rue Léon Fort à Paris, exposition accompagnée d’une intervention de Wanda Mihuleac et d’Alain Snyers. Il faut dire que l’artiste et éditrice Wanda Mihuleac s’empare d’un texte et le fabrique, le façonne, le construit, le mêle à d’autres vecteurs artistiques, lui permet d’exister peu à peu car il prend forme à travers ces rencontres avec le réel, avec le public, avec son regard de plasticienne. Tous les livres d’artistes, de bibliophilie, que compte Transignum, répondent à cette exigence ontologique, à cette démarche qui unit le texte, l’image, le son, l’objet redimensionné par son travail de transformation de la matière. Se révèle d’autres dimensions, celles du texte caché et dévoilé, celle d’un effacement du sens par recouvrement, par disparition, par toute sorte de dispositifs qui en démultiplient les potentialités sémantiques.
Le rire est le lieu d’instauration d’une connivence, d’un territoire reconnu par une communauté, par des individus qui se constituent en globalité comprenant l’implicite d’un message. Ce livre vient alors créer purement et simplement une communauté européenne ! Car bien entendu que les camarades Belges, les Roumains, les Finlandais, les Allemands, bref les peuples de la communauté européenne, (après traduction du texte bien entendu) sont parfaitement à même de saisir le sens littéral et oblique de ce qui est montré et dit. N’est-il pas merveilleux de constater ainsi qu’il peut tut à fait exister une communauté des peuples d’Europe ? Enfin !
Campagnes d’affichage, objets promotionnels, voici qui ancre amplement la démarche dans un réel déjà bien malmené par le caractère performatif des discours politiques… Ramener les choses à leur plus simple littéralité est parfois salvateur.
Les Roumpfs en campagne est un livre très sérieux ! Il veut dire, à bon entendeur, et à bon lecteur, que NOUS ne sommes plus dupes ! Et si ce live est une acquisition incontournable pour tout bibliophile, il devrait être l’être également pour tout individu qui se prépare à porter mandat étayé sur la confiance de ses semblables.


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