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Radu Bata, Le Blues Roumain, Anthologie implausible de poésies

Radu Bata, poète et passeur de poésie, inventeur et traducteur, nous livre cette année un nouveau volume, le tome 3, de la belle Anthologie de poésie roumaine, Le Blues roumain, parue aux éditions Unicité. 

Le poète, et traducteur, présentait le second opus de cette trilogie ainsi :

Anthologie désirée de poésies

« Le blues roumain » ne finit jamais : sa source ne peut tarir qu’avec la fin du monde. Car la poésie est chez elle en Roumanie : la personnalité la plus admirée du pays est un poète, Mihai Eminescu, il y a des rhapsodes à chaque coin de rue, du Cimetière Joyeux de Săpânţa dont les drôles d’épitaphes ne manquent pas de poésie jusqu’à la statue d’Ovide, le chantre des amours exilé au bord de la Mer Noire. La densité des rêveurs au mètre carré n’a pas d’équivalent sur le globe : au fin fond des Carpates, on fait des plans avec des comètes.

Radu BATA, Le blues roumain Vol.3 Anthologie implausible de poésies, préface de Cali, illustrations de Iulia Şchiopu, 210 p., 15 €.

La première anthologie était « imprévue », un enfant arrivé par hasard. Ce deuxième volume est « désiré » : auteur.e.s et traducteur se sont plu et l’ont conçu en s’accordant les mots et les méridiens, en s’aimant entre les lignes.

Une anthologie désirée ne peut être représentative ni rigoureuse : en amour, on transgresse les règles, on est régi par la passion et le plaisir.
Puissiez-vous les ressentir comme je les ai perçus en les transposant, parfois librement, en français !

 

Soyons bien attentifs à ceci : il est question d'amour, il est question d'entente au-delà même des mots, des langues et des frontières. Cette anthologie illustre de par son existence même, avant toute considération sémantique, la thématique de ce Printemps des poètes, car elle absorbe toute frontière, gomme toute velléité d'appartenance spécifique à un territoire autre que celui, fraternel, de la poésie. Ne pas croire qu'il n'existe pas d'identités culturelles, Radu Bata est homme avisé et d'une belle intelligence. Mais il montre, démontre, que ces particularités ne s'excluent pas, ne valent pas plus les unes que les autres. Au contraire  de par leur complémentarités elles composent cette sphère scintillante qu'est le monde, tant il est vrai que chaque étincelle de chaleur offerte par chaque poète à ses semblables constitue le feu auquel l'humain se chauffe, et la lumière qui lui montre le chemin d'une possible existence dans la paix que son cœur n'oublie pas.

Ces trois volumes sont tout ceci, le partage, les rencontres avec des voix poétiques connues ou à découvrir, et l'assertion si puissante que la fraternité existe, et que Nous sommes quel que soit notre langage tous d'une même poussière densifiée, et envolée au vent des langages croisés, ouverts à ces offrandes  de mots, de parlures, découverts grâce à ces traductions de Radu Bata. 

Et quelle autre poésie que la poésie roumaine peut signifier ceci ? Ainsi que l'écrit Muriel Augry, qui a participé à l'écriture du paratexte qui accompagne ce volume avec Cali, auteur de la préface, et Charles Gonzalès, la Roumanie est "Un pays diablement étrange aux héritages multiples… un creuset d'influences. Un pays qui échappe à la systématisation, qui inquiète, déroute, séduit. Un pays où les fantômes se promènent toujours... et les poètes se relaient au comptoir de la dérision pour balayer la mauvaise idée, créer l'audace et rire même de ce dont on n'ose pas rire sous d'autres latitudes."

Les soixante-treize poètes réunis (pour une somme de cent-vingt-deux textes) dans ce troisième volume ne démentent pas cette assertion. Réunis et agencés par Radu Bata, chef d'orchestre de cette composition musicale, ils se suivent au gré des mélodies, des notes formées par la texture particulière de chaque langue poétique.   Ils forment ce Blues, chant puissant et fédérateur de voix des opprimés, éminemment codifié, afin de permettre la circulation de ces plaintes d'un peuple tenu prisonnier. Et qu'est d'autre la poésie, si ce n'est ce lieu de création perpétuelle d'une langue commune, libérée des asservissements médiatiques, et des mots fabriqués dans l'unique but de manipuler et de programmer nos inconscient, pour éviter l'avènement d'une humanité réconciliée avec elle-même, donc capable de créer des sociétés gérées par cette seule volonté qu'est le bien de chacun.  

Bien conscient que le poème est ce lieu de création d'une fraternité que chaque poète a la responsabilité d'incarner, dans la tolérance et le respect, et dans la création de cette ré-union de chacun avec tous, Radu Bata poursuit donc sans relâche l'édification de ce lieu qu'est la poésie, centre de toute sphère, point de convergence des pluralités de paroles, de couleurs, de pays. Un peu de ce miracle prend consistance ici, s'additionne sans jamais rien retrancher aux autres tentatives, pour montrer que c'est possible, ensemble, de communier dans ce silence habité du poème. 

Présentation de l’auteur

Radu Bata

Radu Bata est l’inventeur des poésettes (poèmes sans prise de tête), espèce du genre lyrique bricolée pour réconcilier la jeunesse avec la poésie (car ses étudiants ne voulaient pas de «séquence poésie» telle qu’elle est pratiquée dans les manuels et observée dans les rayons des librairies). Cette nouvelle espèce a été saluée et reconnue par de grands spécialistes de la littérature comme Mircea Cartarescu (le plus traduit des écrivains roumains) et Jean-Pierre Longre (universitaire, auteur, fin observateur de la littérature roumaine. Il a beaucoup œuvré pour la francophonie : professeur de français en Roumanie jusqu’en 1990, il a été officiellement félicité par le lecteur français de Bucarest en 1986 «pour l’enthousiasme et l’ingéniosité déployés au service de la langue et la culture française», ce qui, à l’époque de Ceausescu, ne lui rendait pas service. À partir de 1990, Radu Bata a enseigné en France le français et le journalisme, et a été animateur d’Ateliers d’écriture, activités reconnues par plusieurs prix nationaux.

Radu Bata a publié des poèmes dans les revues Levure Littéraire (Allemagne-France), Paysages (France), Microbe (Belgique), Respiro (États-Unis), Seine et Danube (France-Roumanie), etc. Quelques-uns ont été traduits en espagnol, anglais, italien et japonais. Il a aussi fait beaucoup de traductions du roumain en français ; les plus récentes ont paru dans Le Persil, journal littéraire suisse et la dernière a été récompensée en mai 2017 par le Prix du Public au Salon du Livre des Balkans, à Paris.

Six livres figurent dans son compte littéraire (les 2 premiers édités sous pseudonyme) : aux éditions ProMots, un « hétéroman », et un conte uchronique, Le Rêve d’étain (nominé, par les lecteurs de la FNAC Grenoble, parmi les 100 plus beaux contes de tous les temps à côté du Petit Prince, d’Alice au pays des merveilles, etc.) ; aux éditions Galimatias, un puzzle travesti en journal, Mine de petits riens sur un lit à baldaquin, et un recueil de poésettes - Le Philtre des nuages et autres ivresses (éd. Galimatias) ; deux autres recueils ont suivi en roumain (Tracus Arte, Bucarest, 2015), et Descheiat la (paru fin 2016) aux éditions Brumar (Tracus Arte et Brumar sont des maisons d’édition de poésie renommées en Roumanie).

Les poésettes de Radu Bata ont déjà rencontré un certain succès : le recueil Le Philtre des nuages et autres ivresses est lauréat du prix du Salon du Livre des Balkans (Paris, 2015), tirage de 500 exemplaires épuisé, invitations dans les milieux étudiants, au mythique Club des Poètes et à «On vous sert un vers» à Paris.

Au printemps 2018, paraîtront deux volumes griffés Radu Bata : le recueil Survivre malgré le bonheur et L’imperceptible déclic du miroir, 78 poèmes qu’il a traduits du roumain, de Paul Vinicius. D’ici là, il apportera sa pierre à l’édifice d’une «Anthologie de poètes roumains» et à un livre d’art, «Impressions satiriques» de Doru Florian Crihana.

Fausse couche d’ozone (ProMots)

Le Rêve d’étain (ProMots)

Mine de petits riens sur un lit à baldaquin (Galimatias)

Le Philtre des nuages et autres ivresses (Galimatias)

Cod galben cu pestisori rosii (Tracus Arte)

Descheiat la vise (Brumar)

Survivre malgré le bonheur (Jacques André Éditeur)

French kiss (Creator)

Le Blues roumain 1 (Unicité)

Le Blues roumain 2 (Unicité)

Le Blues roumain 3 (Unicité)

Les Enfants des nuages (Libris)

Le Fou rire de la pluie (Unicité)

Et 2 autres sont en chemin…

Poèmes choisis

Par |2023-03-20T08:56:30+01:00 20 mars 2023|Catégories : Critiques, Radu Bata|Commentaires fermés sur Radu Bata, Le Blues Roumain, Anthologie implausible de poésies