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Serge Pey, Notes sur la ponctuation et sa respiration

Présentation de l’auteur

Serge Pey

Serge Pey est un poète français.

Poèmes choisis

Autres lectures




Fil autour de Catherine Gil Alcala, Serge Pey, Olivier Domerg

Catherine Gil Alcala, La Foule divinatoire des rêves,

Il est une poétesse qui grandit avec ses rêves. Ceux-ci sont les lieux où se réfugient ses pensées, où tout peut arriver, où rien n’est impossible. Là, Catherine Gil Alcala s’évade à sa façon, déployant et dévidant ses cœur et corps enchevêtrés.  Il arrive qu’ « un morceau d’arc-en-ciel tombe à ses pieds », qu’ « un nain chevauche un chien en pelure d’orange » , que « des mains d’arc-en ciel déroulent des rubans bariolés »… 

Catherine Gil Alcala, La foule divinatoire des
rêves, Editions La maison brûlée, 2018, 15€.

Il arrive que « la dame d’un mirage joue au bilboquet aztèque » ou qu’une autre dame « dévore le cœur épicé de l’amant ». L’auteure y rencontre même l’homme d’un rêve qui « joue son propre rôle » :  Lawrence et « sa parole dépersonnalisée dans les bruits de quincaillerie de l’immensité » ou  Lear – sans doute le roi -  « allongé sur un lit pliable ». Sa poésie flotte au-dessus du monde de poème en poème, à l’image de la vision qu’elle déploie d’elle-même : « Je marche sans toucher le sol » (rêve 26), puis « Je marche vers le rivage/Je veux me noyer dans la mer pour renaître » (rêve 30). Un tel « vertige au bord du vide/dans le miroir éternel d’âme folle » (rêve 35), raconte ainsi l’histoire d’une femme dont la plongée dans le gouffre sous-marin aurait pu être noyade, mais qui revient vers le rivage où apparaît un crabe jaune, « une étoile de mer » . La créatrice accomplit une sorte de ronde à travers elle-même, où toute fin n’est qu’apparente mais recèle en secret un autre commencement. Se deviner soi-même à travers ses rêves-miroirs offre parfois d’heureuses surprises.

Cette performeuse met ensuite sa poésie en dessins fugaces et sombres, en mouvement et en gestes. Elle la prolonge en une sorte d’offrande délicieusement illogique devant les spectateurs de son théâtre de l’intériorité (La foule divinatoire des rêves, Déréliction de l’Art, Miroir 10).

 

 

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Serge Pey, Mathématique générale de l’infini

D’où vient l’envie soudaine de consulter cette Mathématique générale de l’infini, de me jeter dans ces mots poétiques  – certes mon habitude – déchaînés sur quatre centaines  de pages ? Comment entrer dans un tel univers  disposant de multiples portes d’accès, évidentes ou secrètes, réelles  ou inventées, hall ou vestibule, cul-de-sac…  au risque d’être emportée par un courant d’air ou un ouragan.

L’auteur en soi excentrique avait accepté au Marché de la Poésie de me dédicacer son livre sans que je ne le mette à sa disposition (l’opuscule était resté chez moi). Sur mon cahier de brouillons, j’ai eu néanmoins droit à la même estime que la solliciteuse précédente qui serrait en main  le vrai produit Gallimard. A savoir une dédicace au stylo noir sur laquelle se pose, en un second temps, un personnage succinct  esquissé au stylo rouge. Serge Pey s’exécuta avec une étincelle fugace dans le regard, écrivant au noir : « A Jeanne, mon amie/Sur ce livre absent/En remontant l’échelle de tous les poèmes/En vous embrassant». Puis au rouge, il traça d’emblée un personnage  au corps  quasi-rectangulaire dans la lignée d'une dalle funéraire : la tête en bas avec deux yeux ronds, les deux pieds en haut et sans  mains (hormis deux gribouillis rouges).  

Serge Pey, Mathématique générale de l’infini,
préface d’André Velter, Gallimard, février 2018,
432 pages, 8, 50 €.

Position inconfortable à la Docteur Knock ! L’énergie graphique de Pey pour la banale passagère du Marché que j’étais, m’imposa un pensum d’été : essayer de croire que je pouvais cerner une démarche poétique qui semblait faire  tout pour se rendre insaisissable. 

La première interrogation  sur le titre de l’ouvrage,  intégralement répété dans plusieurs poèmes  (Le haut sacrifice de midi, Monnaie nouvelle  au 21ème « bâton »)  confortait  déjà  mon goût secret de l’énigme.  Semblable intitulé révèle habituellement un idéal philosophique :   la « mathématique » (l’ordre et la quantité de quelque.s  chose.s)  de l’« infini » (n’ayant de limite ni en forme ni en taille) est néanmoins susceptible d’être « générale » (en regroupant  la majorité ou tous les cas). Ni plus, ni moins ! Ouf. L’art mathématique devrait donc se révéler plus ou moins subrepticement  au fil des pages - tantôt ici, tantôt là - de diverses manières. 

Tout d’abord par les signes traditionnels propres aux opérations mathématiques. Ainsi en est-il de la multiplication : « Pour multiplier le chemin/l’homme a besoin de deux bâtons/qu’il croise comme un signe ». Puis de la soustraction : « Nous soustrayons le  Nombre/à son chiffre imparfait ». Puis de l’addition : « Nous traçons la croix/d’une addition/quand un oiseau s’échappe du vent/pour s’ajouter à un arbre».  Puis de la négation : «Nous jetons  des  oui/puis des clefs/pour entrer dans les négations ». Dans quel but ? Le poète ne semble pas hésiter puisque « Nous organisons l’ordre/dans le désordre des boussoles » .

 Cet enchevêtrement inextricable n’était  pas pour me déplaire, car la raison s’y perdait. Alors pourquoi ne pas persister à lui arracher un sens, ne serait-ce que pour justifier cette note de lecture. L’aspect réducteur du projet  parut évident : l’insensé se contentant de lui-même !  Je choisis d’emprunter un chemin de Petite Poucette, d’abord rythmé par le repère/repaire des nombres, mes pierres d’égarement très calculé ! 

Ah, soutient carrément le poète : « Nous sommes/le Nombre/C’est nous/Nous comptons/sans compter/Nous soustrayons le Nombre à son chiffre imparfait » .  « Compter sans compter » ou « chiffre imparfait »… Des aberrations logiques inscrites en une phrase poétique saccadée, haletante, hachée en petits morceaux.  Des miettes d’insensé encensé. D’un tel  constat  découle aisément l’affirmation : «  le soleil est un zéro/au fond du puits » .  Le cercle solaire peut se tapir, telle la vérité, au fond d’une excavation. Pourquoi pas ? Pourtant chacun sait que le zéro étant zéro, il est un rien sans lieu ou place ! Ou du moins n’a-t-il de place qu’en poésie dans l’imaginaire fulgurant du créateur. La meilleure, sans doute.

Rien ne nous étonne plus désormais.  Une telle incohérence*  peut muer  l’univers de Pey en un bûcher stupéfiant, introducteur d’un infini imprévu qui n’est pas tout à fait lui-même : « Les photos/voient brûler leur halte/et saluent les chiffres/venus d’un infini/caché dans une marge ». Derrière cet infini marginal – difficile à concevoir -  s’inscrit en outre un second infini (le même masqué ? le même devenu autre?). Or ce néo-infini  peyien/peyesque ne supporte pas l’enfermement ou le confinement dans sa « marge » . « Je ferme la porte à clef/car elle prend/ l’habitude de l’infini/ de  son ouverture entrebâillée».  Ici, on n’est pas dans la chambre close où Barbe Bleue case ses épouses curieuses !

Tout se complique en découvrant que cet infini version Pey  possède de surcroît  les caractéristiques du fini qu’il n’est pas. Cet infini là - paradoxal  car fini -  se mesure pour donner un réel tournis au lecteur. Ainsi il est possible de « compter les pieds/de l’infini »  et de les compter deux fois et  même d’« allonger l’infini/d’un pas plus grand que lui » .  Pour aller encore plus loin, l’infini se développe non seulement dans l’espace – trop facile - mais aussi dans le temps du poète qui se cale sur celui de l’homme préhistorique de Tautavel : « J’ai/quatre cent cinquante mille ans/plus ou moins l’infini/sans lui et contre lui/Je ne sais pas s’il est fini/ » . Tels sont les prémices vertigineux de  notre « humanité du XXIe siècle » !  Cette temporalité immense est reprise en leitmotiv : « J’ai/quatre cent cinquante mille ans/Je ne sais pas/un peu moins/un peu plus/que l’infini » . Pris dans le temps ce qui cesse d’être le temps chronologique en devenant l’éternité - le toujours temps, le encore-temps-, le poète (ou  le lecteur/rice) revient au point de départ (le titre de l’ouvrage).  En effet, cette éternité soustrait le paysage « dans la mathématique générale de l’infini ». Un temps-espace qu’il n’est pas vain d’appréhender ou de détruire.  Une  « épitaphe » porte cette alternance  fini-infini,  telle une marque de la vie-mort : « Car mourir c’est voir/de tous les angles de la maison infinie/jusqu’à ne plus penser qu’on voit ». Vivre consistait, à l’opposé, à voir une maison finie en pensant toujours qu’on voit.  Vivre ou mourir, ont un point commun : « voir » . Reste qu’à un moment du déraisonnement poétique  le poète lui-même n’en peut plus : sa quête mathématique d’infini devient : « un coup de fusil /tire vers l’Autre chose/qui balaie le champ/où l’idée d’un dieu mort… »

Que noter encore dans ce dédale poétique possédant  différentes strates de lecture ? La prééminence d’un « nous » , porteur d’engagement. Il honore ce Pey qui dansa la sardane devant les fusils dans l’horrible camp de concentration d’Argelés (comme Rimbaud  chantait dans les supplices).  Cet incarcéré est-il  l’un de  ses  ancêtres (ou s’il ne l’est il pourrait l’être) auquel il s’identifie ? Le « Je » n’est qu’exception que le poète  Pey  s’autorise pour être celui  de cette femme « envoûtée » qui abandonna sa fillette sur une plage de Berck. Il exprime parfois des moments insolites  :  « je te caresse avec un lézard de morphine/et je jouis à mort dans ta chèvre puante et tes crapauds » . Ou il s’inscrit dans une  conjugaison  personnelle, donnant un coup de pied à l’orthographe : « Je tu nous vous îles ailes » .

De fait, sa pensée  s’exprime sans ponctuation  tantôt par coup de butoir au réel (« Avorteuse d’escargots/et de sardine » ,  « Nous portons des étoiles/dans un sac de pommes de terre/et d’oignons » , etc.,  tantôt par une propension  à la définition originale (la mort est un miroir, les mots sont les petits jouets cassés de la mort, la mer est mère des poupées, la lune est une roue de trop à la brouette, le vent est un oiseau, etc.). Une clef  de lecture possible est donné au hasard des pages : « Quand nous commençons/une définition/par un article indéfini/nous écoutons/ deux fois l’infini/dans  tout ce qui a disparu** » 

Que voulez-vous, « Nous sommes là pour rire » ! Le poète  le suggère. A moins qu’il ne se mette, comme le Guignol lyonnais,  à donner des coups de « bâton » pour les bêtises commises en ce commentaire. Ces bâtons sur lesquels il a déjà inscrit ses propres poèmes, peuvent accueillir de nouvelles colères,  critiques ou des désaccords avec le monde.

 

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* Le mot n’est pas péjoratif mais logique

** Le lecteur souligne la racine des mots, non le poète qui l’emploie.

 

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Olivier Domerg, La somme de ce que nous sommes

« La somme de ce que nous sommes », ce dont nous sommes la somme. Voila un titre qui tourne en boucle dans la tête et se retourne sur lui-même, tantôt comme un serpent Ouroboros se mordant la queue, tantôt en s’enrubannant en un Möbius du langage.

Nous sommes presque sommés de croire que nous sommes la somme de quelque chose, nous additionnant en quelque sorte à nous-mêmes. Pourquoi ne pas explorer ce mot « somme » avant de se lancer dans la rédaction d’un commentaire ? Son et sens emmêlés. Le poète-enfant Olivier Domerg se glisse ainsi… dans un « demi-sommeil si léger, si sensuel » qu’il en perd la notion du temps !  En une sorte de vertige, il découvre que « nous sommes faits de vieilles géologies intérieures, de sombres épaisseurs du temps ». Il est alors emporté vers « l’absence de sommeil » plus extrême, cette « insomnie comme un scalp ; comme un rapt ». Il continue néanmoins imperturbable ses additions sur le vif : « En somme », il tisse et « tresse » trois états du texte qu’il détecte et déploie à travers ces lieux magiques d’enfance que sont le jardin, le ruisseau, l’île. Cette triade d’espaces singuliers propices – ici ou là – engendrent des souvenirs et sentiments également singuliers. Autant de bases « de départ » en quelque sorte, toujours en connivence avec ce qui la suit tout en la … précédant.

Olivier Domerg, La somme de ce que nous sommes,
Editions Lanskine, 2018, 112 pages, 14 €.

Nous n’échapperons pas à cette lecture-commentaire grâce à un « somme » apaisant ! Car nous réalisons brusquement la présence – pourtant évidente - de ce « nous » dans l’intitulé. « Nous », c’est qui ? Domerg et ses lecteurs ou ses copains d’enfance indistinctement, Domerg et les humains en général dont moi en particulier, Domerg qui se pense en être universel. Rien n’est impossible.  Chacun de nous étant universel à sa façon ! Tout prend peu à peu sens, d’autant que les qualités graphique et humaine de l’édition (*) incitent à poursuivre.

Offrons-nous d’abord un caprice de lectrice, en entrant dans le « bleu » , un certain bleu franc dont la présence est ressentie sous les mots de chaque poème ? Certes ce bleu Domerg occupe une place d’emblée reconnue, celle du ciel. « Toujours bleu ? Bleu dans la chair de nos souvenirs. Bleu dans la conscience aigüe que nous en avions ». Pourquoi ? Parce que l’enfance « est le lieu de la clarté la plus vive » , celle du commencement ou du point d’origine. « Si le ciel est toujours bleu, c’est que l’enfance est lumineuse ».  Les équivalences espace et bleu, temps et enfance constituent son évidence poétique.

Ce bleu – son bleu - se décline différemment selon les lieux dans la nature :  il peut être le bleu « extatique » du parc du Mugel aux « configurations précises » dans le Sud (parc de la Ciotat).  Un bleu en extension qui va depuis « Saint-Jean jusqu’aux Crêtes, immense, troublant » . En Bretagne, il devient pourtant celui de « l’ombre » des « blockhaus éternellement enlisés » . Plus culturel, il peut se muer en cette couleur peinte sur le « tableau de Jean » , dont l’eau est d’un « bleu soutenu ».  

Il advient que ce bleu croise le blanc : ici, la « fixité du bleu, blanc des roches » au bord du ruisseau ; là, le surgissement de la « nature » (de l’objet île, ce me semble) « nette et blanche sur fond bleu » .  Cette contiguïté du blanc et du bleu est, d’une certaine façon, très méditerranéenne (à la grecque).

Choisissons l’île pour séjour de l’esprit, aboutissement ou début de soi ? Ce lieu de fantasmagorie est tantôt un « jouet » de l’imagination, tantôt au « commencement de l’écriture » , tantôt cette même île est « elle », tantôt elle est « il/lusion de sa présence ». Cette enfilade de significations insulaires se développe du réel (jouet) au conçu (écriture), au genre (il-elle) puis au produit ludique d’un jeu de sonorités (il/lusion). Ainsi la pensée du poète revient autrement… au jeu du jouet !

Il apparaît peu à peu que ce poète à la légèreté profonde – oxymore ! – cherche et vit selon une « géométrie du plaisir » . Ce goût du jouissif émerge dès que ce premier mot prononcé devient « JEUométrique » en remuant nos trompes d’Eustache ! Il conduit du ruisseau « jusqu’à la mer », en suivant une leçon traditionnelle de géographie. Après tant et tant de marches de pierres dévalées dans le jardin, les enfants entendent « la conque des songes » , la « crécelle enrouée » d’un moulin sonore, découvrant d’autres cordes « contre les sœurs de la harpe » :  une musique secrète et subtile perce ainsi derrière la prose.

Cependant le lieu mental de l’enfance n’est pas dans ce passé où chacun croie qu’il est.… Notre enfance qui « grandit » reste « devant nous » . Au fil de sa croissance, elle  grandit en permettant aux ancêtres d’émerger : ainsi grand-mère qui, « comme un roc chantourné (…) fixe la trame incessante des vagues » ; ainsi grand-père qui joue du violon en gilet et  costume sombre, « debout devant la bibliothèque en acajou » . Est-elle aussi cette « forme dans la forme » (pas seulement celle de l’île) ? Nous retrouvons ça et là « les identités fluettes et lumineuses de ceux que nous sommes et que nous fûmes » . Nous sommes… Nous voici revenus au début de ce commentaire, et même avant lui puisqu’il est question de ce « que nous fûmes » ! Il ne manque plus désormais que la somme de ce que nous serons ! Elle sera peut-être dans le prochain ouvrage ?

 

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(*) L’édition dont le nom révèle l’histoire d’une grande amitié de M. Lanskine avec l’éditrice Catherine Tourné, base de sa  présente démarche éditoriale.




Fil de lecture autour de Michel DEGUY, Patricia COTTRON-DAUBIGNE, Serge PEY, Mathias LAIR, et David DUMORTIER

 

 

Michel DEGUY, Prose du suaire.

 

Prose du suaire de Michel Deguy est un livre qui va vite à lire même s'il incite l'amateur de poésie à prendre son temps… Qu'on en juge : quatre pages (dont la quatrième de couverture) en français, seulement, dont un poème de Deguy ensuite traduit en 19 langues ! Un poème écrit à l'occasion de la disparition d'Abdelwahab Meddeb. Si l'on ne présente plus Michel Deguy, quelques mots sont nécessaires quant à Meddeb (1946-2014).

A Meddeb est un poète franco-tunisien, spécialiste du soufisme, qui enseigna la littérature comparée à l'Université de Paris-X. Sa position libérale (au bon sens du terme) et tolérante peut s'expliquer par le fait que ses aïeux paternels aient été des crypto-musulmans expulsés d'Espagne en 1609. Sa poésie est révélatrice de son intérêt pour les voix pré-socratiques et soufistes, auxquelles il convient d'ajouter "celles des poètes arabes et persans à celles des poètes médiévaux appartenant aux diverses traditions romanes [ainsi que celles parvenues] des maîtres de la Chine et du Japon classiques" (selon une célèbre encyclopédie en ligne).

M Deguy et A Meddeb étaient liés par une profonde amitié qui est à l'origine de ce poème. La Prose du suaire est un poème en vers. C'est que le mot prose ne désigne pas seulement la forme ordinaire du discours parlé ou écrit, mais également un chant liturgique strophique et versifié, souvent rimé. Le suaire, quant à lui, est un terme littéraire qui renvoie au linge dans lequel on ensevelissait les défunts. Le titre du poème (et du livre) s'explique alors.

Dialogue au-delà des croyances : les traducteurs (dont les options religieuses ne sont pas connues) appartiennent à des pays ou des cultures dont les croyances sont diverses. Deguy écrit, dans la quatrième de couverture, que "Voile et suaire sont les reliques dont hérite notre Histoire non sainte". Quant à A Meddeb, ses centres d'intérêt prouvent son ouverture d'esprit. La mort d'un proche ou d'un ami est inacceptable et la souffrance est au rendez-vous. Michel Deguy trouve les mots justes pour décrire les ravages de la mort sur le corps de celui qui est parti, pour dire son regard et sa douleur : "Ton visage se retire de la prosopopée" ou "Par les yeux enfoncés tu recules en toi". L'émotion se dit sobrement : "Je t'ai baisé la main pour te dire adieu", mais aussi le parti-pris intellectuel : "Sachant qu'il n'y aurait ni au revoir ni à dieu". La fin du poème évoque l'immortalité du poète qui restera dans le souvenir de ses amis et dont la parole résonnera dans l'avenir car le moment est celui "des viveurs et des tueurs". Il est à noter que cette fin est calligraphiée par Rachid Koraïchi sur la couverture sous un trait épais symbolisant le dôme d'une mosquée…

Si le lecteur n'est pas tenu de connaître toutes les langues dans lesquelles le poème est traduit, il pourra cependant apprécier, sur le plan esthétique, la calligraphie arabe ou les caractères chinois, grecs, japonais et autres : Michel Deguy a raison de parler d'une tour de Babel en vingt poèmes ! Une belle façon de faire mentir le mythe, une façon qui réunit les hommes plutôt que de les diviser…

 

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Patricia COTTRON-DAUBIGNÉ : Paysage avec Roms, fleur sauvage et chemins d'horizon.

 

Que peut la poésie ? Ou plutôt, quel(s) effet(s) provoque la lecture d'un recueil de poèmes ? Un  effet de sens quant à la vie et un effet littéraire, sans doute… Cet effet de sens et cet effet littéraire sont les conditions nécessaires pour ne pas se laisser prendre aux pièges de l'idéologie dominante. L'effet de sens pour ne pas aboyer avec les chiens de garde de la société sur le plan politique, l'effet littéraire pour savoir échapper à la mode...

Le récent recueil de Patricia Cottron-Daubigné, Paysage avec Roms…, me ramène en arrière, au temps de ma jeunesse où les grande surfaces n'existaient pas, où le commerce de proximité proposait l'essentiel et le quotidien. Les bohémiens envahissaient parfois dans le village et cherchaient à vendre le superflu, "des mouchoirs brodés" comme le rappelle Patricia Cottron-Daubigné dans son poème Paysage aux broderies. Aujourd'hui, tout cela a disparu, remplacé par le supermarché du coin ou du bourg qui offre en permanence le superflu, quitte à oublier l'essentiel : allez trouver un recueil de poèmes au rayon librairie du supermarché ! Les marchands ont condamné la poésie et la révolte : tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes voué à la consommation ! Mais Patricia Cottron-Daubigné n'est pas naïve : elle parle aussi des mensonges des bohémiennes dans le même poème. Maintenant, ce sont les capitalistes anonymes qui mentent, les Roms ne demandent qu'à vivre, prisonniers des mirages de l'Occident et victimes de l'hostilité ambiante.

Patricia Cottron-Daubigné est sensible à la poésie d'Apollinaire, d'Aragon, de Baudelaire, d'Éluard et de Rimbaud comme elle est sensible aux chansons de Jean Ferrat. D'ailleurs elle rend à César ce qui est à César : elle avoue ses emprunts page 12 ! Aragon est présent dans les poèmes de Cottron-Daubigné avec les références au Fou d'Elsa ou les citations de poèmes mis en chanson par divers compositeurs comme Brassens ("Il n'y a pas d'amour heureux", un poème de La Diane française) ou Ferré (les "écluses" de Après l'amour, du Roman inachevé). Jean Ferrat trouve un écho de son "C'est un joli nom camarade" avec "C'est un joli mot tzigane" ou "C'est un joli mot roulotte" . Etc… Et page 39, elle cite ses sources : on ne pourra pas l'accuser de plagiat !

Mais elle renouvelle la poésie dite engagée de la plus belle des manières, à l'opposé de tout didactisme moralisateur. S'il est vrai qu'un être humain est un être humain quelle que soit sa race ou sa nationalité, la troisième partie du recueil, intitulée Une musique à ses hanches, témoigne de l'universalité de l'amour à travers une bohémienne. Sans complaisance, sans slogan, sans parti-pris, tout est dit. Belle leçon de tolérance ! Ne rêvons-nous pas, tous autant que nous sommes, d'accorder  les cieux aux  battements de notre chair ?

 

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Serge PEY : Table des négociations.

 

La poésie sonore, tout comme la poésie spatialiste illustrée par Ilse et Pierre Garnier, est une tendance (lourde) de la poésie en général. Serge Pey propose un livre de poésie intitulée Table des négociations et sous-titré Poème-slogan pour une artiste-guerrière ilnu de Mashteuiatsh. Le terme ilnu désigne un peuple amérindien sans écriture du Canada qui a disparu en tant que nation mais dont la culture est toujours vivante… Mashteuiatsh est une réserve indienne du Québec. L'artiste-guerrière du sous-titre renvoie à Diane Robertson à qui, d'ailleurs, cette plaquette est dédiée. Ces précisions lexicales étant apportées, il est loisible désormais d'aborder l'aspect poétique de ce livre qui n'est rien d'autre qu'une partition (au sens musical) de poésie sonore. C'est dire que le "poème" ici imprimé a besoin d'être écouté c'est-à-dire dit, proféré au préalable…

Le mot "partition" n'est pas exagéré car Table des négociations  se présente de façon particulière : chaque page reçoit, imprimé en noir, un texte destiné à être dit et, imprimée en rouge, la transcription phonétique de chants d'oiseaux destinés à accompagner la parole humaine. On peut d'ailleurs se demander si cette transcription reproduit fidèlement le chant des oiseaux… Ce qui compte bien évidemment,  c'est l'interprétation où se mêlent le texte dit par Serge Pey et le chant des oiseaux dans un tout sonore. Le livre n'est donc qu'un pâle reflet de la performance qui se cache derrière les pages.

Serge Pey est connu pour avoir écrit, par le passé, ses poèmes sur des bâtons avec lesquels il réalisait ses performances. Il travaille entre l'oralité et l'écriture, il travaille sur les poésies traditionnelles des peuples sans écriture, il a utilisé le bâton de pluie et le rythme de ses pieds frappant le sol… Dans le texte qui est ici donné à lire, il s'élève contre  "… le pouvoir colonial / [qui] a interdit / aux PEKUAKAMIULNUATSH / de venir aux commémorations / ainsi qu'autres nations / ALGONQUIENNES". On peut aussi relever ces mots : "Parce qu'entre / 1915 et 1920 / le pouvoir québécois / a fait disparaître plus de 15000 noms / de lieux amérindiens". Les USA ne sont pas oubliés : cent mille Indiens déportés, huit mille Cherokees morts de froid et de faim… Voilà pourquoi le texte de Serge Pey est truffé de mots amérindiens, peut-on rêver plus belle illustration de la poésie sonore ? La litanie des avanies du pouvoir sauve la poésie action des discours convenus !

"Table des négociations est un cri de révolte, un message politique et une lettre d'amour contre l'oubli pour ceux que Serge Pey nomme les peuples du poème" affirme la quatrième de couverture… Et l'ensemble des éléments mis sur la table de négociations par les poètes d'ici face aux pouvoirs héritiers du colonialisme.

 

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Mathias LAIR : Ainsi soit je.

 

Tous les poèmes de ce livre sont rédigés (et imprimés) de la même façon : un blanc vient briser le vers et un trait continu (d'une longueur identique à celle du dernier vers) souligne la fin du poème. Si la béance est ce qui structure l'inconscient et la présence même du désir, alors cet espace béant qui échancre le poème dit quelque chose.  Un texte en prose précède les quatre parties de l'ouvrage de Mathias Lair, on y lit cette citation extraite de La Portée de l'ombre de Michèle Montrelay : "C'est là, dans les tout-débuts et même avant nous, que gîte, se terre ce qui obstrue la source, ce qui fait que notre vie, sa poussée - entendons la poussée de la pulsion -, au lieu de nous être donnée par nos géniteurs, fut raptée par leur angoisse, leurs douleurs, leurs conditions de mort-vivants". Ainsi soit je serais donc le livre du combat pour retrouver "la poussée de la pulsion" (il faut alors se souvenir que Mathias Lair a pratiqué la psychanalyse)… Autrement dit, l'illustration que la vie n'a pas d'autre raison que d'être.

N'étant pas psychanalyste, je ne traquerai point les indices qui, dans Ainsi soit je, semblent aller en ce sens. Mais seulement interrogerai les poèmes.  Si la mère castratrice empêchait Mathias Lair de s'exprimer, il s'est bien rattrapé avec ces poèmes : "d'un côté muet de l'autre / hurlant          enlever…". Il cherche à comprendre d'où il vient et ce qu'il faut faire pour construire son identité (si l'on veut dire les choses simplement, mais peut-on, vraiment, les dire ?) : "castrer       le sens de / son natif utérus". Le lecteur reste désemparé devant cette expérience intime qui se double d'une tentative poétique. Il y a des poèmes qui le laissent sans voix, comment réagir en effet face à ces vers "mais / la sensation       de l'énergie je l'ai / elle se suffit      la sensation". Il est difficile de tenir un discours cohérent (sauf à mimer ce qu'écrit le poète) devant ces phrases désarticulées et ces mots parfois coupés, tronqués et ce n'est pas la moindre difficulté que rencontre le lecteur d'Ainsi soit je.  Face à la brutalité qui sourd de ces poèmes, les rapports entre le petit enfant et la mère ne laissent pas d'interroger : "que faisait-elle         au lit / (robe retroussée        sous le drap)" ou "était-elle morte je      restais / parfois dans la           cuisine parfois / dans la cour      par temps / beau rarement          chez les enfants / du voisinage" ; mais cela ne va pas sans ambiguïté car l'enchaînement des mots amène le lecteur à penser que les enfants du voisinage "ne voulaient / pas disait-elle         de moi". Etc.

Mathias Lair rappelle par l'existence même de ce recueil que la poésie est avant tout expression personnelle, une expérience singulière, qu'elle exige du lecteur un effort certain pour explorer cet univers intime… Sans doute cette lecture suppose-t-elle une certaine maîtrise des idées, des courants de pensée, des concepts en usage dans certaines disciplines. Mais il n'y a là rien de rédhibitoire car cette maîtrise fait partie (ou devrait faire partie) du bagage intellectuel que transmet le système éducatif. Ou si l'on ne compte pas sur l'école (à juste titre) que peut acquérir lui-même le citoyen… Et tant pis si je parais être un optimiste indécrottable !

 

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David DUMORTIER : Vous êtes peut-être dans ce livre.

 

De quoi s'agit-il avec ce livre ? D'une succession de petits textes en prose (sauf un ou deux "poèmes" en vers, c'est-à-dire que l'auteur va à la ligne avant le bout de la page). D'aucuns diront poèmes en prose, d'autres non… Voilà qui rappelle que la poésie est multiple. Ces textes sont caractérisés par un apparent non-sens. On peut tenter une typologie. On trouverait des textes relevant du jeu de mots ("Une femme était une rose : une fleur qui ose toujours deux fois" ou "Un homme était très olé olé sans avoir une goutte de sang espagnol"), des textes relevant de jeux sur l'image ou sur l'expression imagée ("Un homme qui était né sans défense dans la vie se fit voler tous ses ivoires" ou "Un homme était très à cheval sur les principes. Mais il n'était pas assez grand prince pour entretenir un cheval"), des textes construits sur la non concordance chronologique ("Une photographe déplorait que les pêcheurs n'utilisassent plus les boutres pour jeter leurs filets sur les côtes africaines. Ils prennent aujourd'hui des embarcations en plastique. Elle disait cela tout en jouant avec son appareil photo numérique car il y avait bien longtemps qu'elle avait abandonné l'argentique"), des proses simplement absurdes ("Une femme quitta son mari pour partir avec un homme beaucoup plus vieux que lui. Si elle avait été patiente il aurait fini par devenir vieux lui aussi") et bien d'autres encore… David Dumortier dit l'absurdité du monde de façon plaisante. Mais on retrouve dans ses mots les thèmes habituels de ses livres : l'arbre, le travestissement ("Une mère s'inquiétait…"), l'indifférenciation sexuelle (même texte), etc.… Il faut s'arrêter sur cette prose de la mère inquiète pour comprendre la cohérence de la démarche de Dumortier : l'inquiétude de la mère naît de ce qu'elle voit son fils coudre et elle s'interroge "Ne pouvait-il pas avoir des jeux de garçon ?" et quand elle le voit apparaître déguisé en cow-boy, elle exprime sa joie de le voir ainsi … plutôt que déguisé en indien. Tout est dit ; par le mensonge… Le lecteur se souviendra alors que le poète a publié en 2006 un conte intitulé "Mehdi met du rouge à lèvres"… David Dumortier travestirait donc la poésie…

 

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Le poème pour dire les poètes contemporains (6)

 

Note : Le principe de cette chronique est le suivant : Matthieu Gosztola écrit à chaque fois un poème « sur » l’œuvre d’un poète contemporain. Ce poème a pour fonction, de par et le sens qu’il véhicule et le recours à la forme qui le constitue en tant que poème, de dire quelque chose de cette œuvre et de son mouvement.

 

À la suite de son propre poème, Matthieu Gosztola propose plusieurs poèmes du poète en question.

 

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La poésie n’est rien

Si elle n’est pas liée
À la voix
À la profération
Au secouement brutal
Des évidences

À la mise en place
De la survenue
Des aubes futures

Au geste
À la vie

Au débridé du geste
Et à la vie
De la liberté

Cette liberté libre
Par quoi
Le jour et la nuit sont
Instant après instant
Ce qui a effleuré

– Non pour se souvenir
Mais pour
Respirer                                                               plus fort –

Une cinquième
Saison

[Temps bref]

Mais une cinquième saison
Qui aurait bu
Et la salive de l’hiver
Et celle du printemps

Serge Pey est
Un chaman qui vient

Il est ivri (en hébreu)
: « celui qui passe,
Venant d’au-delà
Du fleuve »

Qui vient
Un bâton
Prolongeant parfois
                          Son bras

Emprunter à la terre
Les paroles
Qu’elle contient

C’est un chaman
Qui creuse la terre
Suffisamment
Pour pouvoir s’enterrer

Et se faire éponge

Les sens à l’affut

Les oreilles dressées

Devenu renard                                                                                        prophétique

Recueillant la salive
– Toujours elle –
Qui goutte
De l’esprit
Des morts

Ces morts qui viennent
Articuler
Dans un souffle graphique
Un nouvel été
Qui nous traverse

Qui nous renverse

 

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Sélection de poèmes de Serge Pey par Matthieu Gosztola
 
5
 
Personne ne sait
où se trouve la mère
qu’il mit au monde
un jour d’accouchement
dans la fête générale des morts
 
La mort est un orchestre inconnu
qui nous demande de jouer
une musique
qu’il ne sait pas jouer
 
La partition de l’infini
change nos mains sur le piano 
 
Avec nos doigts coupés
parfois nous jouons juste
parfois nous jouons faux
dans notre propre sang
 
Des millions d’anges
font l’amour sur la vitrine
éclairée de la nuit
 
Nous les confondons
avec des mouches
ou des étoiles perdues
ou des gouttes de pluie
 
Des millions d’anges
jouissent dans le feu
de leurs ailes calcinées
comme des points
que nous jetons
au fond des phrases
 
La mort est une musique
qui ne s’arrête pas
et dont on ne se souvient plus
du commerce
Nous ressuscitons uniquement
pour nous souvenir
de ce commencement
 
Le chef d’orchestre
qui déchiffre sa partition
titube dans la musique
au fur et à mesure
qu’il la déchire
 
Nous ne serons jamais morts
 
La montagne aux yeux bandés
nous demande de la conduire 
à son pic le plus haut
Notre secret
n’est qu’à cette condition
 
Nous dessinons
le Grand Dialogue
des accouchements
quand nous jetons la montagne
depuis son plus haut sommet 
 
6
 
Nous organisons le retard
des étoiles
 
À chaque moustique
nous devenons précis
 
Nous pendons des cochons
comme des foulards
dans les boucheries
de la lumière
 
Nous traversons le feu
Le silence nous parle
des lampes
que nous allumons
 
Les autres croient
que nous nous taisons
mais ils se trompent d’amour
 
Les parenthèses
que nous ouvrons
sont les conditions
de notre éternité exténuée
 
Nous disposons de la nuit
Nous défaisons ses draps
pour regarder 
les lumières sales
qu’elle cache
Nous écrivons son nombre
à l’envers
 
La gueule ouverte de la neige
 
 
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Ce matin l’éternité
a duré très peu de temps
dans l’aboiement du chien
qui s’est retourné dans la lumière
 
Elle s’est pendue à un arbre
au bout de la corde cassée
d’un oiseau
qui voulait tirer tout l’infini
 
Le ciel est brûlant
Le soleil est bleu
 
La poésie déplace des adjectifs
ou des participes présents
dans les définitions du monde
 
Ce n’est pas notre guerre
mais nous faisons partie 
de ce monde
 
Ce n’est pas notre monde
mais nous faisons partie
de cette guerre
 
Le temps a des éternités
que l’éternité ne connaît pas
 
Nos adjectifs ne font 
que déplacer la poésie  
pour revenir au monde :
Le ciel est bleu
Le soleil est brûlant
 
Le lieu commun peut prendre
sa place dans un poème
en s’arrêtant d’être commun
et en désignant soudain un lieu
que nous n’avons jamais cessé
de voir
 
Le bleu est devenu brûlant
et notre guerre fait
partie de ce monde
 
Le déplacement d’un adjectif
fait basculer la chose
qui fait basculer le monde
 
 
Le déplacement d’une chose
fait basculer l’adjectif
qui fait basculer le monde
 
L’éternité a duré très peu de temps
 
 
 
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Serge Pey est né en 1950 dans une famille ouvrière du quartier de la cité de l’Hers à Toulouse. Enfant de l’immigration et de la guerre civile espagnole, son adolescence libertaire fut traversée  par la lutte antifranquiste et les mouvements révolutionnaires qui secouèrent la planète. Militant contre la guerre du Vietnam, il participa activement aux événements de mai et juin 1968. Parallèlement à son engagement politique, il découvrit très tôt  la poésie et les voix de fondation qui transformèrent sa vie. De Lorca à Whitman, de Machado à Rimbaud, de Villon à Baudelaire, de Yannis Rítsos à Elytis,  d’Alfred Jarry à Tristan Tzara, des troubadours à Antonin Artaud, des poésies chamaniques à celle des poésies visuelles et dadaïstes… Il commence alors la traversée d’une histoire de la poésie contre la dominance française des écritures de son époque. C’est au début des années soixante-dix que Serge Pey inaugure son travail de poésie d’action et expérimente, dans toutes ses formes, l’espace oral de la poésie. En 1975 il fonde  ÉMEUTE puis en 1981 les éditions TRIBU. Coopérative d’édition à la distribution nomade, TRIBU a publié sous sa direction des auteurs comme Bernard Manciet, Jean-Luc Parant, Gaston Puel, Rafaël Alberti, Dominique Pham Cong Thien,  le Sixième Dalaï Lama, Allen Ginsberg, Ernesto Cardenal, Armand Gatti, Henri Miller… Il fut l’éditeur de Jaroslav Seifert prix Nobel de littérature  en 1984.  Dans Les funambules de Prague,  réalisé avec son ami Karel Bartocek, il donna à lire en France des auteurs comme le philosophe Karel Kosik ou Vaclav Havel.