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Nicolas Waquet, Paroles de la nuit et du jour

 

la nuit parle

des mondes qui tombent
et s’entrechoquent

pourtant les verbes dorment
planètes autour desquelles gravitent les phrases

comment puis-je dire alors
que je n’ai rien à dire

de plus beau
que le silence d’un visage 

 

                                                                                                                       *

 

l’amour a le goût clandestin de la nuit
nébuleux et secret

tant de soleils craintifs
voltigent au loin comme des lucioles

les anneaux de Saturne tintent froids
aux poignets des amants

ils dorment
les mains dans des rivières d’étoiles

leurs doigts ne démêleront jamais les
eaux rebelles de leurs songes

 

*

 

la lune soudain
écarquillée
nous cloue dans sa lumière

ton corps se fige
sur le lit
brutalement étranger

honte
regret
ton cœur se glace

le mien je sais
ne bat plus dans ta poitrine

 

                                                                                                                    *

 

réveil au vitriol
ô ce brusque sursaut de nos sens
où l’amour se suicide

mire-toi
fixe encore mon regard cristallin
avant d’y lire l’absence

avant que la beauté
– brûlure acide –
ne me déchire les yeux

 

                                                                                                                   *

 

 

les mots vont
viennent
navettes de l’esprit

tissent
entre les choses
le voile de la connaissance

ce voile si fin que le poème déchire
lacère
d’images acérées

il n’en laisse plus que des lambeaux de sens
des idées décousues

offrant la nudité du monde
brutale

splendide au regard qui s’éveille
sans verbe
au pur langage de l’étreinte  

Présentation de l’auteur

Nicolas Waquet

Nicolas Waquet est né en 1978. Sa poésie, traduite en italien, est publiée dans diverses revues. Tout en traduisant, préfaçant et annotant des œuvres en allemand, en anglais, en latin et en grec ancien, il a signé aux Éditions de Corlevour deux recueils de poèmes intitulés À peine et Puisqu'il fait jour, ce dernier faisant également l'objet d'un cycle de mélodies.

Nicolas Waquet - © photo Véronica Marie L




Nicolas Waquet, Cinq variations

 

 

O mon ami qui ne m’a jamais vu,
Bientôt le soleil percera
Derrière tes yeux voilés.

J’ai peur, tu sais, au bord de sa lumière.
Tu as déjà quitté ses rives
Et tu me laisseras

L’azur, la mer, l’horizon tout autour,
Perdu, là où l’eau est si lisse,
Le silence rutilant.

 

 

***

 

 

C’est l’automne, le ciel est creux
Et c’est l’après-midi.

De grands arbres tumultueux,
Au bois dur, parfumé,
Diffusent une lueur de peine.

Et l’amant, par ces allées
Où la lumière se traîne,

Rôde, discret dans cette douleur
Vacante, cherchant, meurtri,
À se vêtir d’obscurité.

 

 

***

 

Loin de la terre sillonnée,
Des clairières de l’être,

Ta mort sommeille, frissonne, tapie
Au fond de mes yeux clos.

Chaque soir je regagne son règne,
Mon silence esseulé,

Comme une bête blessée
Dans le sang du soleil.

 

 

***

 

 

L’absente
Respire auprès de moi

Elle dort
Doucement ne fait que vivre

Ailleurs
Lorsque son corps la quitte

Secret
Dès que la nuit l’habille

 

 

***

 

 

Une porte s’ouvre devant moi.

La terre grince sur son axe.

Soleil froid ; chambre vide.

J’ai rêvé tu vivais encore.

Présentation de l’auteur

Nicolas Waquet

Nicolas Waquet est né en 1978. Sa poésie, traduite en italien, est publiée dans diverses revues. Tout en traduisant, préfaçant et annotant des œuvres en allemand, en anglais, en latin et en grec ancien, il a signé aux Éditions de Corlevour deux recueils de poèmes intitulés À peine et Puisqu'il fait jour, ce dernier faisant également l'objet d'un cycle de mélodies.

Nicolas Waquet - © photo Véronica Marie L




Nicolas Waquet

Nicolas Waquet est né en 1978. Sa poésie, traduite en italien, est publiée dans diverses revues. Tout en traduisant, préfaçant et annotant des œuvres en allemand, en anglais, en latin et en grec ancien, il a signé aux Éditions de Corlevour deux recueils de poèmes intitulés À peine et Puisqu'il fait jour, ce dernier faisant également l'objet d'un cycle de mélodies.

Nicolas Waquet - © photo Véronica Marie L




Guillaume Métayer

Né à Paris en 1972, Guillaume Métayer est chercheur au CNRS, traducteur et poète. À côté de poèmes (notamment Libre jeu, Caractères, 2017, préface de Michel Deguy), et d’essais critiques (tels que Nietzsche et Voltaire, Flammarion, 2011 ; ou, sur la traduction, A comme Babel, préface de Marc de Launay, La Rumeur libre, 2020), il traduit du hongrois, tant les poètes et écrivains contemporains (István Kemény, Krisztina Tóth…) que modernes et romantiques (Gyula Krúdy, Attila József, Sándor Petőfi…), ainsi que de l’allemand (Poèmes complets de Nietzsche, Les Belles lettres, 2019 ; Kafka ; poésie contemporaine autrichienne) et du slovène (Aleš Šteger). Il est membre du comité de rédaction des revues Po&Sie et Place de la Sorbonne et anime un atelier d'écriture poétique à Sorbonne université.

Photo © Gyula Czimbal.

Bibliographie

poésie

  • Fugues, Aumage, 2002.
  • Libre jeu, préface de Michel Deguy, Caractères, 2017.

essais

  • Nietzsche et Voltaire. De la liberté de l’esprit et de la civilisation, préface de Marc Fumaroli, Flammarion, 2011, Prix Émile Perreau-Saussine.
  • Anatole France et le nationalisme littéraire. Scepticisme et tradition, Le Félin, 2011, Prix Henri de Régnier de l'Académie française, Prix de l'essai de la Revue des Deux Mondes.
  • A comme Babel. Traduction, poétique, préface de Marc de Launay, La rumeur libre Éditions, 2020.

choix de traductions

du hongrois

  • István Kemény, Deux fois deux, Caractères, 2008, Prix Bagarry-Karátson de traduction du hongrois.
  • Attila József, Ni père ni mère, Sillage, 2010.
  • Sándor Petőfi, Nuages, Sillage, 2013.
  • Gyula Krúdy, Le Coq de Madame Cléophas, avec Paul-Victor Desarbres, Circé, 2013.
  • Krisztina Tóth, Code-barres, Gallimard, "Du monde entier", 2014.
  • Budapest 1956. La révolution vue par les écrivains hongrois (dir.), Le Félin, 2016.
  • János Garay, Háry János, le vétéran, préface de Karol Beffa, Le Félin, 2018.

de l’allemand

  • Franz Kafka, Le Verdict, Sillage, 2011.
  • Friedrich Nietzsche, Poèmes complets, Les Belles lettres, 2019.
  • Andreas Unterweger, Poèmes, avec Laurent Cassagnau, Printemps des poètes & La Traductière, 2019.
  • Ágnes Heller, La Valeur du hasard. Ma vie, éd. G. Hauptfeld, Rivages, 2020.

du slovène

  • Aleš Šteger, Le Livre des choses, avec Mathias Rambaud, Circé, 2017.

bande dessinée

  • Ravel, un imaginaire musical, avec Karol Beffa et Aleksi Cavaillez, Seuil-Delcourt, 2019.

éditions de textes & préfaces

  • Anatole France, Le Livre de mon ami, Rivages, 2013.
  • Bernardin de Saint-Pierre, Éloge historique et philosophique de mon ami, Rivages, 2014.
  • Balzac, Stahl [Hetzel], Nodier, Scènes de la vie privée et publique des animaux, Rivages, 2017.
  • Friedrich Nietzsche, Hymne à l’amitié, traduit par N. Waquet, Rivages, 2019.

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