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Revue Traversées n°101

Un numéro consacré en grande partie à Anne-Lise Blanchard. Un panorama de son écriture à travers différents regards, de ses engagements poétiques et bénévoles en Irak en particulier. L’écriture poétique est en soi un engagement humain et politique, Anne-Lise Blanchard en est un exemple.

Nos cœurs

peuvent-ils trembler du poids

de l’hiver

en même temps que

ceux qui dorment

sous le vent

Traversées n°101, février
2022, 15 €.

Le jour pousse la fenêtre
m’accordant la grâce
de sa splendeur et demain
me visitera
singulier aussi
un autre jour qui suppliera
plus grande présence
entre la mésange du matin
et la résonance de la nuit

Parmi les regards portés sur le travail d’Anne-Lise Blanchard, on trouve Florence Noël, Angèle Paoli, et Jacqueline Persini qui lui consacre un long et bel entretien, au plus près du quotidien.

D'autres poètes enrichissent ce numéro 101 de Traversées : j’ai eu plaisir à retrouver Nadine Travacca, Chantal Couliou que nous avons publiées dans Cairns. J’ai découvert à quelques poèmes Fidèle Mabanza :

 

mot du voyage

une brume émerge de la terre
comme une île au milieu des eaux
la nuit enflée dissémine ses ténèbres

la tristesse demeure en moi
comme la pluie du ciel demeure dans la terre
traversant les couches de mes accablements

mes souvenirs chargés de supplices et d’angoisses
ressemblent à la nuit de dunes géantes
où le vent vient effacer les sillages du voyage

entre le rêve d’enfant et la nuit du voyage
comme un passé recouvert dans un linceul
s’interpose le vélum des nuages ombreux

*

la guerre est un jeu

il était là,
parmi les feuilles
accrochées au corps des branches
parmi ceux combattaient.
Il torturait la brume et les ténèbres
entre les formes et le silence des mers
entre la chair et l’os
sous l’effroyable
l’incroyable tempête des cris à mi-vois.

C’était un enfant de mon quartier
il était devenu le soldat
dont l’arme avait un visage,
un langage et un pouvoir.

Lui, l’enfant soldat du peuplé
n’avait pas de drapeau à défendre
ses jours étaient sans regard
son ennemi n’avait pas de visage.

Ses nuits inutiles
se passaient sur des corps mutilés.
Du fond de la vacuité
la guerre était un jeu,
le jet de grenade
était un jeu d’enfant.

 

 




Gustave junior n°2

Un second numéro que l’on peut lire sur écran ou que l’on peut imprimer. Huit pages, 5 poèmes, 5 poètes et une règle de jeu d’écriture proposée par Bernard Friot.

Les cinq poètes : Chiara Carminati, Mélanie Leblanc,  Sandra Lillo, Charles Pennequin et Thierry Renard.

Des poèmes à partager en classe, avec les amis, en bcd ou cdi, ou en médiathèque. Lire ou écouter un poème par jour au minimum est bon pour la santé mentale, le moral et la vie, une petite revue supplémentaire permet ainsi d’augmenter même discrètement la présence  du poème au quotidien. À chacun de la donner à d’autres comme une chaîne d’amitié.

l'abonnement est gratuit sur le site www.gustavejunior.com

 

Gustave junior n°2, Journal de poésie pour enfants, mai 2022, Le Centre de créations pour l'enfance de Trinqueux, www.danslalune.org.




Traversées n°100

Une revue qui fête un centième numéro, ça se salue ! La fidélité au travail, le soutien des poètes et des abonnés, tout ceci crée des liens et se moque des distances. Cette revue porte bien son nom puisqu’elle offre à ses lecteurs de traverser plusieurs pays, plusieurs écritures, plusieurs regards.

Une revue imposante aussi : presque 200 pages de poèmes et une nouvelle. Des poèmes qui vont du haïku au sonnet, en passant par le petit pavé de prose ou le poème dit libre.

Un peu plus d’une vingtaine d’auteurs à découvrir, à retrouver, à suivre…

Une revue toute simple aussi, quelques photos en guise de pause : des anciennes couvertures, en couleur. Le texte, l’auteur. Sobriété ; beauté.

Parmi les auteurs, j’en citerai trois qui m’ont interpelé plus particulièrement : William Cliff, Philippe Leuckx et Michel Ménaché.

 

Revue Traversées n°100, 2022 I, abonnement : 30€ les trois numéros, https://revue-traversees.com




GUSTAVE JUNIOR

Il y a eu D’écol, à l’épi de seigle autour des années 2000. Il y a Cairns, notre minuscule revue et voici à présent GUSTAVE JUNIOR.

Le point commun entre les trois : le désir d’apporter, d’offrir des poèmes aux enfants ou aux enseignants et autres médiateurs culturels de l’enfance. GUSTAVE JUNIOR s’inscrit dans les dynamiques du CENTRE DE CRÉATIONS POUR L'ENFANCE DE TINQUEUX particulièrement attentif à la transmission de la poésie d'aujourd'hui. www.danslalune.org

 

C’est un mensuel. L’abonnement est gratuit sur le site www.gustavejunior.com.

GUSTAVE JUNIOR est librement utilisable en classe, en médiathèque et pour toute activité pédagogique.

Dans ce premier numéro on trouvera Liliane Giraudon, Frédéric Forte, Bernard Bretonnière, Pierre Soletti, Souad Labbize avec des poèmes sérieux ou rigolos, un souci de proposer des poèmes contemporains, libres de tout dogme et bien vivants.

GUSTAVE JUNIOR, à donner à lire à tous et en particulier aux enseignants.

Rendez-vous lundi 2 mai pour le N°2 !




Comme en poésie n° 88

Infatigable revue Comme en poésie vient de me rejoindre. Une revue éclectique. On y croise beaucoup d’auteurs, connus, à connaître, ou méconnus.

Une revue accueillante. Ouverte. Nous sommes nombreux à y être passé un jour ou l’autre.

Une revue artisanale conçue par un passionné. Un passionné de poésie mais surtout un passionné de l’humain. Jean-Pierre Lesieur est un de ces animateurs totalement tournés vers autrui, et dont la plus grande joie est de donner.

J’aime beaucoup cette revue et son dynamisme sans fioriture. On ne se prend pas au sérieux dans Comme en poésie mais on y vit avec le sérieux de l’enfance.

Comme en poésie, 730 avenue Brémontier 40150 Hossegor

 

 

Comme en poésie n°88, revue trimestrielle de poésie, 4 €.




Albane Gellé, Eau

Dans la collection Poèmes pour grandir, Albane Gellé offre ici une série de courts poèmes en prose sur le thème de l’eau. L’eau, élément indispensable à la vie.

L’eau, de la source au torrent. L’eau douce ou l’eau salée. Avec toutes les vies qu’elle abrite dans ses profondeurs. Avec toutes ses couleurs. La pluie

Eau verticale, trombes de pluie, eau accélère puis ralentit, cadeau du ciel pour la terre, eau trait d’union, eau recommence à l’infini, sait que tout passe, et passera.

L’eau cachée du puits. L’eau souterraine et sa patience… L’eau de notre corps, les larmes, l’eau de la naissance… Les eaux fossiles de Mars… L’eau source de vie, cause de mort. Son cycle que l’on étudie en classe.

 

 

Albane Gellé, Eau,  Cheyne éditeur, illustrations de Marion Le Pennec, 2020.

L’eau, et sa lumière, sa transparence ou au contraire son opacité, ses mystères. La rosée du matin. Les musiques de l’eau. L’eau des jeux d’enfants, barrages, marées, flaques

L’eau dans tous ses états : vapeur, liquide, cristal de neige, glace. Tout un panorama de mots pour tenter de dire l’eau, d’exprimer notre relation à l’eau. Comme un hommage, comme une louange et comme un respect.

À l’heure où se profilent des combats pour l’eau, où les humains s’inquiètent de réchauffement, de sécheresses ou d’inondations, ce livre vient simplement rappeler que l’humanité demeure fragile et dépendante de la planète de sa naissance.

Un livre qu’accompagnent les encres de Marion Le Pennec. Encres de chine qui jouent des contrastes entre noir et blanc et dont la fluidité résonne avec les mots.

Un livre à donner à lire dès sept ans et bien au delà, à entendre bien avant. Il accompagnera ainsi les réflexions des enfants, des adolescents et même des adultes. Un livre qui permet, comme souvent en poésie, de penser autant que de se sentir plus accordé au monde.

Eau potable en réponse à nos soifs, eau minérale, eau naturelle, dans des bouteilles de toutes les tailles ou jaillissant du robinet, eau cadeau de tous les jours qu’on oublie de remercier, eau à boire, eau bue, eau en glaçons, eau en carafe ou dans de grands verres transparents, eau dans la bouche, dans la gorge, eau vitale.

Présentation de l’auteur

Albane Gellé

Textes

Albane Gellé est une poète française.

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Albane Gellé, Eau

Dans la collection Poèmes pour grandir, Albane Gellé offre ici une série de courts poèmes en prose sur le thème de l’eau. L’eau, élément indispensable à la vie. L’eau, [...]




Collection anniversaire des 40 ans de Cheyne, 2020

Tania Tchénio, Pop-corn

Le livre commence ainsi :

On m’a proposé d’écrire un texte sur grandir… Quand on me passe commande d’un texte…

Et cette commande anniversaire a précédé de peu une bonne nouvelle :

Quelques heures avant de remettre ce texte, j’ai appris ton existence. Ta minuscule existence. Tu étais là depuis quelques jours, petit paquet d’atomes. Tu commençais à grandir silencieusement. évidemment, ça a tout changé.

L’écho, La perspective.

Ce texte, tu viens l’habiter.

Tania Tchénio, Pop corn, Cheyne éditeur, 64 pages, 12 €.

Et voilà le lecteur embarqué dans cette aventure chuchotée. La fabrication d’un être humain. L’émergence d’un Tu inconnu et si présent déjà.

 

Je te parle.
Tu es dans le cosmos.

Je suis ta chambre noire.
Tu fais ce qui échappe
et je te laisse faire.

 Cosmonaute nu
tu joues avec le temps
comme on joue à l’élastique.

 

Un texte ici nous est donné : une perle rare sur ce thème. À mettre aux yeux et au coeur de tous les jeunes parents en gestation.

Puis on arrive à Pop-corn, le texte initial et on se retrouve à la naissance d’une étoile, en plein cosmos. Magique !

 

Grandir…
projeter son corps
dans toutes les directions

 

S’enraciner, grandir à l’intérieur de la terre, en soi. Grandir vers le ciel. Toucher à l’horizon. Grandir, devenir adulte. Tenter de garder l’enfance en soi. Évoluer, comme les strates du temps. Toute une méditation autour de ce mot. Une méditation qui devient expérimentation personnelle et en double.

Un livre rare. Une pépite.

 

Jean-Marie Barnaud, Allant pour aller

 

 

Une autre pépite. Le chaud murmure de Jean-Marie Barnaud. Ça commence avec un poème sur l’origine du poème :

les premiers mots
viennent d’un coeur absent
peut-être d’une grande infortune
ou d’une clarté insoupçonnée
et l’on se tient fébrile
au bord de soi

Forêts Mers Ciels de nuit
Foules :
On saisit au vol
ces espaces rêvés
croyant saluer l’étrangeté
qu’on sent guetter
aux marges

Mais très vite on est pauvre
devant
ce qui vient
qui appelle
et se dérobe

Ce matin
j’entends à deux cents mètres de ma feuille
la basse rumeur d’un engin de chantier….

Ici à la table
le travail ne fait aucun bruit
Seul le soleil
qui tend la main par la fenêtre
collabore

quelques mots
qui ne mentiraient pas
quels mots sans trafic
ouverts à tous
offriraient au poème
un abri
où déposer un temps
son cœur fugace
ses mains déliés

 

 

Toujours cette écoute chez Barnaud, cette recherche : où se cache le poème ? Comment le dire ? Avec quels mots, pauvres outils ? Toujours cet affût à la table de travail… Ça continue avec le tout proche et cette interrogation lancinante autour de la vieillesse.

 

Dire maintenant lassitude
pour fatigue

 

La vieillesse, non celle du monde, mais celle du poète, de l’homme et sa perception  qui s’effrange comme si le monde s’éloignait de ses yeux…

C’est le temps d’une vie qui se cherche encore

 

Une vie, un espace et un temps.

 

Une brise monte maintenant d’en bas
Elle apporte une voix de femme qui appelle
et dit mon nom
Cette voix traverse l’espace clair
elle est elle-même un paysage
où se rassemblent tant d’années
dont elle
qui demeure
dénoue les fils

 

Barnaud et son sens de la formule :

 

De l’instant qui vient
Capter la jeunesse
s’en faire une lumière
et la porter plus loin

 

Deuxième partie du livre : jours de vertige, on embarque à bord de son voilier. Jean-Marie Barnaud, capitaine au gré des vents.

 

allant pour aller
sans autre fin que la mer elle-même
toute mouvante
et traversée d’écume
Jouant à suivre ses formes
à consentir à sa puissance
si fort entrés en elle-même
et soulevés
que nous étions sa passion
et sa joie

 

 

 

Puis le vent du désert vient couvrir de sable ocre la table du jardin, les neiges du haut pays. L’homme n’est que passage et poussière. Ce sont les jours de vertige, ceux de la perte, ceux dont s’absente les partis sans retour. La vie et sa fugacité. Encore un thème qui traverse tous les livres de Jean-Marie Barnaud. Ce murmure tenace.

Troisième partie : Passages...

Joyeux et docile, et courant à sa perte, le sable coule par toutes les jointures entre les doigts d’un poing fermé. Puis la main s’ouvre. La paume lisse le sol, en efface les rides et palpe la chaleur.

Jean-Marie Barnaud, Allant pour
aller, Cheyne éditeur, 12 €.

 

On l’a compris, j’ai aimé ce livre et si je ne suis pas totalement objectif (j’aime tous les livres de Barnaud) je vous invite à le découvrir.

 

Loïc Demey, La leçon de sourire ‘Ûdissa

 

 

Une embuscade. Une fuite. On hésite entre fiction ou imaginaire ; dans les deux cas on est en prise avec l’actualité, avec la vie de centaines d’êtres humains, avec ce combat, ce désir d’enjamber les frontières. De vivre, tout simplement.

 

Ziad Ferzat, fis de Sadik Ferzat et de Nadjah Shahrour… Ils savent que je dois partir si je veux grandir, partout où je passe on ne fait que vieillir au roulement des bombes...Je suis venu ici pour m’en aller…

 

On suit ainsi le récit du voyage de Ziad. De page en page, de lieu en lieu, de rencontre en rencontre. Jusqu’à l’incroyable… En dire plus serait gâcher la lecture.

Loïc Demey, La leçon de sourire ‘Ûdissa, Cheyne éditeur, 2020, 12 .

 

 

Clara Molloy, Grandirs

 

 

L’image la plus surprenante qui me vient à l’esprit lorsque je repense à mon frète Georges, c’est celle de cet après-midi dans l’appartement de mes parents à Paris.

 

Première phrase de ce livre. On a en main un récit qui va devenir poignant sur ce frère Georges. La narratrice a neuf ans, Georges en a 32 ; il est hospitalisé à l’hopital St Anne. Il est malade. Le récit accompagne le temps ; la narratrice grandit, le frère vieillit. On les suit jusqu’à la fin.

Un récit grave sur un thème difficile.

Clara Molloy, Grandirs, Cheyne éditeur, 12 €.

 

Albane Gellé, L’au-delà de nos âges

 

Venus de loin
nous choisissons de faire halte,
navigation interrompue,
bon gré, mal gré,
pour une vie où le soleil
se lève à l’Est.

Nous séjournons,
droit d’asile,
dans la nuit d’une femme,
l’eau gargouille, un cœur trotte
sans relâche nous percevons
le début d’un vacarme
il s’en passe dans le monde.

 

 

Une succession de courts poèmes qui évoquent l’un après l’autre les moments d’une vie. De la conception à la mort. De l’embryon à la petite enfance. De l’enfance à l’adolescence. Puis les moments d’une vie adulte… jusqu’à la vieillesse.

Des étapes dit-on parfois ; une succession de jours et les temps du corps, les temps de l’âme. Les sentiments, les émotions…

une vie humaine, simplement. En quelques pages.

Une réussite.

Albane Gellé, L'Au-delà de nos âges,
Cheyne éditeur, 59 pages, 12 €.

Matière quittée
nous reprenons le cours de la navigation
délestés de nos âges
et du poids de nos corps
nous sommes ici, et au-delà,
nous nous souvenons :
de tout.

 

 




Jane Hervé, Neige d’amour

Un éblouissement coloré ouvre ce livre, ça vibre, ça pulse et ça rit de couleurs ! On entre avec trois jeunes filles de seize ans et un joueur d’harmonica qui réussit à faire danser tous les gens de la station de métro. Tous sauf une qui résiste à l’envahissement de la joie, tournée vers son adolescence lointaine. Cette femme brisée par le temps… n’ira pas au cirque d’hiver.

Car c’est bien de cirque dont il s’agit ! Et quel cirque !

Jane Hervé, Michel Julliard, Neige d'amour,
éditions du Guetteur.

Trapézistes amoureux, lanceur de poignard jaloux, clown, dompteur, écuyère, ange sauteur, musiciens… Le cirque sort du chapiteau ou bien est-ce la piste ronde qui se transforme au jeu des couleurs et des lignes du peintre. La piste devient arène et le toréador, le fils-amant des spectatrices. L’amour, la mort en étreinte rythmée par l’orchestre. La grande roue de la fortune rapproche ou éloigne les amoureux dans une boucle sans fin. Un désir, ce désir qui vient du fin fond de l’histoire et nous pousse en avant, nous ouvre des futurs, l’amour et seul l’amour. L’amour comme seule folie humaine, seul avenir.

Un livre rêveur. Un livre joueur. Un livre haut en couleurs grâce aux peintures de Michel Julliard. Un livre joyeux. ça fait du bien !

Présentation de l’auteur

Jane Hervé

Journaliste aux Nouvelles Littéraires, auteure de La femme de lune (éditions Gallimard), Née du chaos, et Le soleil ivre  (éditions du Guetteur).
Co-auteure de  La femme tatouée et de Neige d’amour avec le peintre Michel Julliard et co-auteure de pièces de théâtre : La légende de Guritha, femme viking et de Guritha, le retour avec Danièle Saint-Bois.

© Crédits photos Sylvia Raluy.

Poèmes choisis

Autres lectures

Jean Fanchette, L’île équinoxe

Les poèmes de Jean Fanchette, réunis sur cette « île » nommée Equinoxe ou située à l’équinoxe,  nous entraînent au fil de leur dérive. Le poète capte-t-il  la brûlure zénithale du soleil au-dessus de [...]

Jane Hervé, Neige d’amour

Un éblouissement coloré ouvre ce livre, ça vibre, ça pulse et ça rit de couleurs ! On entre avec trois jeunes filles de seize ans et un joueur d’harmonica qui réussit à faire danser [...]




Autour de Jean-Pierre Grandebeuf, Tsvetanka Elenkova, Christine Van Acker

Jean-Pierre Gandebeuf, <em>Le visage regardé sauve son âme</em>

Quatre parties dans ce recueil de courts poèmes. La première s’intitule Pour mettre le feu à mon galetas. Les premiers mots sont un plutôt moqueurs : Il y a des textes dont on se dit qu’ils méritent un accompagnement palliatif et qu’on ira les lire dans les fjords des îles Féroé en bénissant les sternes.

Je ne suis pas dans un fjord, mais chez moi. Dehors le temps est féroïque : pluie, bourrasques froides et grises… Les mouettes et les goélands sont planqués. Le ciel est vide. Je retrouve les oiseaux, beaucoup d’oiseaux, dans cette partie, ils sont nombreux. Ce ne sont pas les seuls animaux que Jean-Pierre Gandebeuf convoque dans ses textes, quelques chevaux, un renard… De la plume et du poil. Pas de crevettes mais des grizzlis aussi traversent les circuits cérébraux de l’auteur. Chaque texte, comme une palpitation, une lueur, un pas d’ours.

Deuxième partie : On ne sale pas les violettes. On vit au jour le jour. Au petit jour. à hauteur de soi, quand on arrive à s’y tenir. Les textes jonglent avec ce questionnement : qu’est-ce que vivre ? et comment ? 

Jean-Pierre Grandebeuf, Le Visage regardé sauve son
âme, La Boucherie littéraire, collection La Feuille et
le fusil, 2018. 

Sur la balance 
de ma vie mode d’emploi

Un peu d’espoir
pas vraiment d’espérance

Avec le ciel
on n’est pas copain

 

Troisième partie : Dans la maison de Perrault.

Ce questionnement est quotidien et s’attache aux petits riens de la vie ; autrement dit au tout de nos vies. Et finalement 

 

Une vie

pas deux

il ne faut pas surcharger la nature

 et promouvoir

des milliers de gamelles sentimentales

alors

on en reste là ?

-siouplait !

 

Quatrième partie : En accord avec l’averse.

On pourrait croire à un livre difficile, gris et plombant. Pas du tout. Tout est manié avec un humour un peu British, sorte d’air de rien ludique aussi bien avec les mots, qu’avec l’imaginaire. On croise  ainsi par exemple 

Si je fais entrer 

un héron dans le texte

 

il s’offusque

 

néglige la profondeur du papier

   

demande à voir les poissons

ou bien ce prudent là

Par prudence

 

il dormait en chien de fusil

à côté de son révolver

 

Je terminerai par la fin de la 4e de couverture :

Chaque jour, j’obéis à un processus amer où le burlesque est le moins pire de ce qu’il peut advenir, sachant qu’à l’horizon du rien, dans les cartons du rêve, il y a toujours une maison dans les bois.

 

Tsvetanka Elenkova, Distorsion

Globe
Là où
sur la surface lisse et convexe>  
le reflet rencontre le reflet
se trouve la prunelle
plate comme celle de serpents
l’équateur y est aussi
et l’orgasme
et la chenille enroulée et les anémones
l’obturateur
les pluies jour et nuit
Ne me dis conc ps
qu’en bas et en haut
c’est le ciel

 

 

Tsvetanka Elenkova, Distorsion, Editions
Corps Puce, collection Liberté sur parole
(volume 54), 2018.

Ici dans les poèmes de ce livre tout se tient. Se tient et se dérobe à la fois. Le monde est un tout et les mots tournent autour, se saisissent d’un objet et rebondissent sur un autre. Le monde est un et la poète s’y promène en tentant de rassembler cette diversité, de l’unifier, de lui rendre ordre et vie. Une vie commune à partager. Se sentir unie au monde.

Cette communion est une des pistes que poursuit inlassablement et dans toutes les langues la poésie. Merci à Krassimir Kavaldjiev et aux éditions Corps Puce de nous partager les chemins de Tsvetanka Elenkova.

Christine Van Acker, <em>La Potion</em>

Huit petites feuilles volantes que l’on garde précieusement sous enveloppe et qui nous offre la recette de la potion ! La potion de Panoramix ? Celle de l’enfant du jardin ? Ou encore… 

Une bonne rasade d’enfance à vivre au présent. C’est tiré à 120 exemplaires, donc rare. Est-ce qu’il en reste encore ? Une collection à découvrir chez cet éditeur : Pousse-café.

https://www.dessertdelune.be/store/c418/Pousse-Caf%C3%A9.html

Christine Van Acker, La Dernière pierre,
Les Carnets du Désert de Lune.




Au menu de La Boucherie littéraire : Marlène Tissot, Thomas Vinau et Laure Anders

Marlène Tissot, Un jour, j’ai pas dormi de la nuit

 Le temps de l’insomnie. Cet entre-deux. On y est comme échoué. L’esprit en errance. On se sent désactivé, plutôt incapable. Dur de suivre le rythme du quotidien,

le matin, on habille nos humeurs par pudeur
puis on descend les poubelles, comme tout le monde

On sait bien qu’on ne rêve plus, que les rêves se tiennent hors de portée
les rêves c’est comme le bon pinard
on y prend goût trop facilement
et j’ai pas les moyens
et j’ai pas l’envergure

Marlène Tissot, Un jour, j’ai pas dormi de la nuit,  La Boucherie littéraire, 2 018

Difficile d’être soi, d’être dans la ligne dite normale, quand on se perd entre crépuscule et aube, entre soi et l’autre, entre les autres et soi-même. Entre la vie attendue, celle que souhaite offrir la société (métro/boulot/dodo-villa/piscine/apérobarbecue- etc.) et sa vie avec son quotidien, ses hésitations, ses peurs, ses réussites aussi ; sa difficulté à rester dans la norme…

 

Parfois j’aimerais me voir de dos
me regarder partir
me laisser m’éloigner de moi
trouver enfin un peu de paix

 

Le poème demeure à l’affût de la faille, cherche la fissure où s’engouffrer avec son imaginaire créatif, hors norme. Alors forcément il traverse la société réelle comme un décalé insaisissable. Il patauge dedans.

 

les temps sont durs pour les rêveurs
surtout ceux qui restent éveillés

Il prévient aussi

tu peux m’apprivoiser
mais n’essaie pas de me dompter

 

Un livre à lire et à relire, beaucoup de richesses à explorer, à laisser résonner. Un livre à écouter, à plusieurs voix, dans une ambiance de veillée.

 

 

Laure Anders, Cent lignes à un amant

Une aventure amoureuse en cent lignes poétiques, pourquoi pas? 99 vers commencent avec un "Je vous embrasse"...

Une manière d’explorer le réel autant que de jouer avec la punition d’antan. Explorer le corps de l’autre, explorer son être ; explorer le monde :

ce sont bien des pistes qui arpentent les terres de ce qu’on appelle faute de mieux poésie.

Laure Anders, Cent lignes à un amant, La Boucherie Littéraire, 2018

Une aventure d’écriture qui en ouvre d’autres : à chacun d’imaginer le thème de ses cent lignes à rédiger pour demain et à faire signer…

D’ailleurs cette nouvelle collection de la Boucherie Littéraire nommée Carné poétique présente le poème en sandwich entre des pages blanches : une invite à écrire. Antoine Gallardo revisite le livre de poèmes interactif (on retrouve par exemple cette idée chez Pluie d’étoiles éditions avec une invitation à écrire et à illustrer). Qui se risquera à écrire dans un livre ?

Et que deviendront ces écrits ? Des listes de courses si on a le livre dans sa poche ? Des prises de notes ? Des dessins ?

Une aventure à suivre…

Thomas Vinau, Notes de bois

Dans la collection Carné poétique, ce petit livre rouge au cœur, et blanc autour. Cuisiné façon hamburger en quelque sorte mais naturel. Sans ajout de sauce. L’hôte invite son lecteur à pénétrer dans son bureau et à suivre ces heures de travail, face à la fenêtre, avec pour accompagner ses pauses café

Rond de café = Hublot

 

Thomas Vinau, Notes de bois, La Boucherie Littéraire, : 2 018

de courts textes verticaux qu’on imagine écrit sur un de ces vieux buvards qui protégeaient à l’époque des encres, le bois du bureau. Pas grave si c’est juste un cahier de brouillon.

Mon cahier est ce radeau
de goudron et d’encre
Mon stylo cabine de capitaine
et la poussière 
mon équipage

 

Des pages à déguster lentement, bouchée par poème. Lentement. Histoire de prendre le temps de gouter l’univers de Thomas Vinau. Ce qu’il voit, entend, touche, sent … lorsqu’il se met au bureau avec la tentation de l’écriture. De petits instants minuscules comme il les affectionne et qu’il aime partager.

À notre tour, sur les pages blanches, d’y noter les nôtres. Nos petits minuscules. Directement, sans filet ; ou au contraire après un temps de macération…

De mon bureau je vois
une cabane en bois
une branche de pin
une merde de chien

Trois oiseaux sur la branche
des mésanges à tête noire
je penche
je gagne ma journée
à travers la fenêtre

 

Un petit livre qu’on pourrait imaginer dans les mains des enfants d’une classe. Après sa lecture et une lecture sur la durée, on inciterait les enfants à partir en quête des minuscules … à écrire à leur tour, librement. Inciter à voir le monde, à l’écrire : ce devrait être une évidence pour l’école.

 

Je n’ai pas quatre dromadaires
ni de galion ni de vaisseau
ni d’ailes au milieu du dos
Le monde est grand par la fenêtre
une galaxie dans un verre d’eau
On a les sirènes qu’on mérite

Ici derrière ce mur de bois
il arrive qu’un indien en bottes de sept lieues
chasse l’ours avec Peter Pan
croyez-le ou non
mais ça arrive