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Marie-Christine MASSET, L’oiseau rouge

Couleur du coeur, du fer, de la terre, du sable, le rouge inonde ce recueil sous la bannière de « l'oiseau » rouge aussi.

Le rouge étreint, brûle, symbole de cri, de sang versé, de guerre, de blessure, d' « aube » « dans la chair ennemie ». Le feu couve souvent, éclaire, rougeoie ; les hommes sont à sa merci. Sous le feu, la force ; les étincelles, telles des poèmes qui regorgent d'énergie et de souffle. Dans une lente traversée des éléments et des paysages, l'oiseau aussi est ressource vive :

Ce jour où j'ai rencontré
cet oiseau rouge sur unepierre,
j'ai senti que le bleu du ciel
m'offrait comme un voile
pour m'envelopper ou me faire partir.

Marie-Christine MASSET, L'Oiseau rouge, Oxybia Editions, 2020, 196p., 15 euros. Recueil bilingue français-anglais, avec des traductions d'Andrea Moorhead.

 Parfois, « un immense bûcher/ célèbre le retour/ de l'autre monde ».  Peintures, traces, reliefs, signes : la vie surmonte le désert et la violence. Le poème prime et signale les ouvertures.

Marie-Christine Masset, en des poèmes très contrôlés, sait « lever le souffle d'un chant » ou donner mémoire à « la rencontre ».

Jouant de toutes les couleurs, bleu, noir, ocre, le livre est une épopée de ce qui naît, vit, meurt, entre terre et ciel, là où « viennent boire/ des oiseaux/ que nul ne voit », sauf la poète, apte à égrener les sables du rêve ou du « silence après la pluie ».

Aux paysages parfois exotiques la poète mêle les méditations naturelles sur « l'eau, les reflets des feuilles » ou « la lumière/ de l'autre côté du monde ».

Présentation de l’auteur

Marie-Christine Masset

Marie-Christine Masset est née à Ruffec en Charente en 1961. Après avoir vécu au Maroc et en Suède, elle a longtemps habité près des Cévennes à Saint-Jean-de Buèges. Elle vit à présent à Marseille où elle enseigne les Lettres.

Bibliographie

  • Diaclase de nuit, Hors Jeu Editions, 1994
  • Parole Brûlée, L’arbre à parole, Belgique, 1995
  • L’Embrasée, Editions Jacques Brémond, 1998, prix Ilarie Voronca
  • Le seul oiseau ou le secret des Cévennes, Edition Lacour Ollé, Nîmes, 2005
  • Ile de ma nuit, Encre Vive, 2006
  • Et pourtant elle tourne, L’Harmattan, 2007
  • Visage de poésie, anthologie, Jacques Basse, Editions Raphaël de Surtis, 2009
  • Yarraan, La Porte, 2012
  • Terre de Femmes, anthologie poétique , Angèle Paoli, Terres de femmes, 2012
  • Une fleur jaune dans la montagne, L’Harmattan, 2012
  • Livres d’artiste avec Joëlle Jourdan, photographe et plasticienne
    • Entre feu et cris, 2007
    • Trêve lumineuse, 2008
    • Partage des eaux, Editions Trouvailles, 2008
    • Eau Constellée, 2009
Marie-Christine Masset

Autres lectures

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Marie-Christine Masset, Figura

Figura

 

Elle est apparue
une nuit d’été.
Certains la voulaient claire,
d’autres invisible.
Elle déplaçait sans effort
les monts et les roches.
Elle ressemblait
aux jambes écartées
des femmes en couches.
Désirer l’attraper
comme on serre dans ses mains
un poisson frétillant
était signe de vie.
Ni feu
ni air
ni terre
ni eau
mais à son approche,
la plus petite des herbes
vibrait.
Les nuits d’été,
on pouvait entendre de loin,
nos rêves crépiter en elle.
Personne ne répétait rien à personne.
(Seul ce qui parle dans le secret
invite le poème en partage).

 

Viens, dit-il

Eclairé par la lune,
un arbre dans la nuit,
ouvre un passage.

«Viens, dit-il, je suis ton œil et ta main,
tu verras, tu toucheras. 

 Hier, des hommes et des femmes ont lancé
dans la mer une poussière rouge,
soleil et sang séché,
un peu de ta mémoire, c’est vrai.

 Reprendre les paroles
de la chanson engloutie
t’aurait noyée.

 Il n’est que le vent
pour bercer mes feuilles,
et mes rêves, je te le promets,
seront les tiens.»

 

 

 

 

 

 

Aller à l’autre

Une île au milieu du fleuve
affronte la mangrove-araignée.
Ce qui semblait impossible étreinte
calme les oiseaux cachés.
Quand la lune éclaire les paysages,
sur les feuilles des palétuviers,
d’étranges lignes de feu tissent
des chants mêlés d’air et de terre.
Nous, peut-être, et ce que nous serons
dans l’abandon consenti de nos rives.

 

Partition nocturne

Juste après son départ,
le fond des herbes a rougi.
Ce n’était pas le signe
d’un oubli ou d’un adieu.
(Certains paysages se replient
en cas de silence).

Quand, fossilisés, les mots
n’ont plus de résonnances,
ce qui se terre dans les visages
est un gouffre
où le masque du temps
a figé une histoire
impossible à effleurer.

Si une nuit d’orage,
elle s’anime et engloutit
jusqu’à son reflet,
une pluie mêlée de clarté
écartera les herbes.

Il fera bon revenir
marcher entre les brins
comme entre les notes
d’une musique nouvelle.

 

 

à Olivier Sigrist

 

Autre vision du feu

.

Tu lis sur le sable
un vent qui s’annonce,
et pourtant tu te réjouis
de n’avoir plus à compter
les étoiles dans le ciel
pour chasser les prédateurs.

Il est des tempêtes aimées
comme l’eau claire.

Elles aiguisent ta voix,
effacent tes traces et
celles des bêtes sauvages,
te donnent assez de nuit
pour rêver, et de jour,
pour après elles,
démêler les herbes
comme on tresse
sa destinée.

 

 

à Jean Joubert, I M

 

 

Cette histoire

 

Et si la vie n’avait elle-même
qu’une vie et le savait,
que ferait-elle de tout ce bleu
qui inonde le monde
ou de cette glace
qui attend que nous apprenions
tous à parler ?

Se perdrait-elle à ralentir
le cours des fleuves,
comme on le fait parfois,
avant de désigner
dans la langue des rêves
ces ombres qui affolent nos déserts ?

Peut-être nous ferait-elle deviner
cette histoire plus douce
que toutes les autres
qui crisse dans les sables
mais ne s’écrit pas ?
Cette histoire où les forêts
existent avant les arbres
et l’avenir avant la vie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Présentation de l’auteur

Marie-Christine Masset

Marie-Christine Masset est née à Ruffec en Charente en 1961. Après avoir vécu au Maroc et en Suède, elle a longtemps habité près des Cévennes à Saint-Jean-de Buèges. Elle vit à présent à Marseille où elle enseigne les Lettres.

Bibliographie

  • Diaclase de nuit, Hors Jeu Editions, 1994
  • Parole Brûlée, L’arbre à parole, Belgique, 1995
  • L’Embrasée, Editions Jacques Brémond, 1998, prix Ilarie Voronca
  • Le seul oiseau ou le secret des Cévennes, Edition Lacour Ollé, Nîmes, 2005
  • Ile de ma nuit, Encre Vive, 2006
  • Et pourtant elle tourne, L’Harmattan, 2007
  • Visage de poésie, anthologie, Jacques Basse, Editions Raphaël de Surtis, 2009
  • Yarraan, La Porte, 2012
  • Terre de Femmes, anthologie poétique , Angèle Paoli, Terres de femmes, 2012
  • Une fleur jaune dans la montagne, L’Harmattan, 2012
  • Livres d’artiste avec Joëlle Jourdan, photographe et plasticienne
    • Entre feu et cris, 2007
    • Trêve lumineuse, 2008
    • Partage des eaux, Editions Trouvailles, 2008
    • Eau Constellée, 2009
Marie-Christine Masset

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MARIE-CHRISTINE MASSET

Dix poèmes de la poète membre du comité de rédaction de la revue Phoenix et coordonnatrice cette année du Prix Léon Gabriel Gros.




« Le Pays de la vieille femme »

 

Sais-tu si un enfant va venir
ici où le sable ne chante ni ne pleure ?
Ici où entre deux sapins
respire « Le Pays de la vieille femme » ?

Ancienne langue des vagues et des pierres.

Guerre, grondement des roches arrachées,
pour teinter de nuit les peaux.
Paix, clapotis de l’eau sous la lune,
pour pêcher à mains nues les rêves.

La vieille femme ne partira pas.
Rivée au son d’un coquillage,
elle écoute, elle contemple, elle parle,
seule sans l’enfant aux pieds nus.

S’il venait à elle, elle perdrait son chant,
et la lumière des feux entre les arbres.
Ainsi en est-il du secret des pierres et des vagues.




EUCALYPTUS

 

Ce que découvrent,
dans l’eucalyptus,
les reflets de la lune,
chante dans les vieux cœurs,
et la chaleur du sable.

Plus jamais,
pluie et vent seront
aux hommes-oiseaux,
les pages tournées
des anciens mondes.

La main qui incendia la forêt,
n’est plus visible de la nuit.
Dans l’arbre tourbillonnent
les passages lumineux.
Une seule fois s’en éloigner

serait perdre la vie.
 




CE QUI SE DIT

 

Ce qui se dit,
certaines  nuits,
pour le voyage,
translucide étreinte,
à jamais nous lie,
à l’autre versant de la mort.

Les hommes ne partent pas,
si ne s’invite ce secret,
invisible paysage,
où pulse l’amour,
et vibre,
vers la douceur du jour,

ce qui se dit.




SORT

 

Sur un rocher,
face à la mer,
un homme jette un sort
au rouge du passé.

Sang sur la pierre,
rigole séchée,
où briser les flèches
qui aveuglèrent les oiseaux.

Il ne chante ni ne parle,
sous la terre, vibre son histoire,
et des femmes, sans un cri,
enfantent du sable pourpre.

Désert,
où disparaissent d’autrefois,
jusqu’aux reflets,
et mirages.
 




VENT SUR LE SABLE

 

Vent sur le sable.
Ce que dessinent les nuages
se reflète sur les gorges,
chemins de chair,
où, secrets, des oiseaux
de sang et d’air,
nous entraînent vers le premier jour.

Vent sur le sable.
Emportés par le souffle,
et la danse invisible
d’un homme pour les siens,
délestés, nos rêves flottent,
aspirant dans le ciel,
la force de l’incendie blanc,

qui les écrira.




ECUME DANS LE SABLE

 

Ecume dans le sable.
Nos rêves frissonnent,
se lient le jour à venir,
à nos ombres conquérantes.

Ecume dans la nuit.
Elle fut les dernières paroles
d’un homme.

Et nous parle la mer.
Et nous parle la mort.

Ecume dans le sable.
De l’autre côté du monde,
blancheur brûlante,
s’éveillent les points cardinaux.

Et nous parle l’amour.




SOLEIL SUR LE SABLE

 

à Pierre

 

Soleil sur le sable.
Un autre jour,
une femme est venue reconnaître
sur les rochers un visage.
Il portait les reflets de l’eau,
et le chant des oiseaux en été.
Elle s’est approchée de lui
comme d’une histoire sans fin.
Ce qu’elle lui a dit
resplendit au cœur des mers,
rougeoie dans les fleuves,
où la blancheur des pierres
éclaire les rêves

de celui qui n’a plus rien à posséder.