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Claude Luezior, Au démêloir des heures

Claude Luezior maîtrise l’art de donner à ses livres des titres qui étonnent. En quelle boutique improbable a-t-il bien pu dénicher son peigne temporel ? Dans un bref liminaire en prose il en donne toutefois le mode d’emploi : « convoquer l’insolence, survivre dans le sillon fertile de l’imaginaire » (page 7). De quoi se faire des cheveux.

Le premier texte s’appelle « Rêve ». Est-ce d’ailleurs le premier texte ou l’introduction de la première partie du livre ? Son en-tête est imprimé en roman alors que celui de chaque poème qui suit l’est en italique. On trouve à la page 61 un autre fragment dont l’intitulé est composé en roman : « Suffit ! », auquel succèdent des pièces aux désignations en italique. Je penche pour un ouvrage en deux parties. En deux cycles, devrais-je préciser. Un premier, le plus long, consacré au sommeil et à ses aléas : rêves et cauchemars ; un second dont la désignation apparaît comme une injonction à en finir avec les délires nocturnes.

Pour chacune des deux parties du livre, l’auteur fait alterner des poèmes avec titre, apparaissant en roman, et de courts inserts en vers non titrés et imprimés en italique. Cette composition confère à l’ensemble un rythme particulier : le lecteur croit assister à une série de crises plus ou moins aiguës, entrecoupées de pauses nécessaires pour tenter de faire le point ou de simplement reprendre souffle. Un sommeil agité, en quelque sorte, comme désaccordé par des épisodes d’insomnie voire de somnambulisme.

 Claude Luezior, Au démêloir des heures, avril 2023 Librairie-Galerie Racine, Paris, 96 pages.

La supposée première partie se nomme donc « Rêve ». Le mot employé au singulier désigne la fonction ; il ne s’agit pas d’écrire / de décrire des songes à la manière des surréalistes. Entre endormissement et sommeil lent léger, nos sens nous trahissent et notre raison ne s’avère guère fiable. Le presque dormeur est alors assailli par des sollicitations qui émanent plus de son inconscient que du monde réel. Ce moment vécu hors-sol engendre des interrogations désordonnées : « assoupi / je questionne / des rêves / qui enjambent / la raison » (page 9).

Dans cette zone crépusculaire où il prend une ombre portée pour une chimère, le poète semble pouvoir ou devoir se laisser submerger par des pensées troubles qui ne fraient ni avec la morale : « piller / mon inconscient / de ses rites / barbares » (page 14), ni avec la raison : «au-delà de l’entendement / la folie ténébreuse » (page 30), ni même avec sa façon coutumière d’exister : « à la curée, les songes / saillissent et mutilent / mes rouages casaniers » (page 19).

L’ensommeillé fait jaillir un tourbillon d’émotions troubles où alternent les cauchemars : « en meutes carnassières / des cauchemars inassouvis / sans cesse à la maraude / traquent mes chairs » (page 20), les rêves : « les écailles de l’abondance / étaient nées dans l’eau vive / où scintillait la source / par éclats irisés » (page 37) et l’aveu de désirs inavouables : « courtisane, cariatide / à portée de mes lèvres / la forme pulse » (page 45). Les vers sont courts, jamais d’alexandrins, le rythme échevelé, soutenu par des strophes brèves, l’imagerie baroque entre apparitions de gobelins et interventions de licornes. Claude Luezior délire ou glose  dans une « liberté / paradoxale / structurante / vertige magnétique / aux marches / des énigmes » (pages 13-14) sur la fuite du temps, les avantages et les inconvénients de l’ivresse, les vers de mirliton, la sculpture, l’essence des fleurs, etc.

La seconde partie du livre s’ouvre sur un texte intitulé à l’impératif : « Suffit ! ». Tout un programme : « que basculent / paniques et phobies / que l’on attache / les malédictions / qu’on ligote / nos affres d’arrière-nuit » (page 61) et : « que l’on accueille / l’indispensable / que l’on aiguise / la lumière » (page 62).

L’aube dissout les monstres et fait disparaître les visions de l’au-delà, que se serait évertué à peindre un Jérôme Bosch. Plus de créatures blasphématoires au réveil mais l’animal familier en quête de tendresse : « ma petite chienne / s’est enroulée sur moi-même / apaisée sous ma main / tout près, en un soupir tiède » (page 21).

Le poète sait qu’un bon sommeil est nécessaire pour réparer le cerveau comme le corps, mais devine qu’il peut parfois se présenter comme une petite mort : « Hypnos et Thanatos sont frères jumeaux » (page 71). Aussi doit-il se rasséréner et lutter pour retrouver sa place dans le monde réel : « ne plus être la proie / de cet inconscient / qui me transperce / de toutes mes forces / m’extraire / de cette gangue / à tout prix / réinventer / le soleil » (page 70).

Le poète exorcise ses démons nocturnes en célébrant la lumière, source de vie : « partout, la lumière / pétrit son levain » (page 82). Il faut être poète ou jardinier pour convoquer le lever du jour : « pour dire le miracle / il faut être un simple / au portail d’un jardin » (Aube, page 78). Et triompher en retrouvant le fil des jours d’une vie toujours trop brève, en croyant à l’avenir en des temps de désespérance, tout en se réjouissant de la naissance de « [ce] jour de sucre / de pulpe rare et de blés / manne pour fiançailles / où jubilent / des persiennes ouvertes » (page 88).

Au démêloir des heures pourrait se concevoir, au-delà de la symbolique du jour et de la nuit, du bien et du mal, du rêve et du cauchemar, de la raison et du délire, comme un manifeste qui établirait la mission première du poète : « Porteurs d’inachevé, en rupture avec leurs semblables, les poètes sont-ils ces êtres désignés qui tentent désespérément de traduire une langue rescapée du bannissement et que nous aurions héritée d’un inconscient originel ? » (page 52).

La couverture du  livre bénéficie d’une belle et déroutante photographie d’une installation de Diana Rachmuth : un kimono habité par la lumière.

Présentation de l’auteur

Claude Luezior

Claude Luezior, auteur suisse d’expression française, naît à Berne en 1953. Il y passe son enfance puis étudie à Fribourg, Philadelphie, Genève, Lausanne, Rochester (Minnesota) et Boston. Médecin, spécialiste en neurologie (son nom civil est Claude-André Dessibourg), il devient chef de clinique au CHUV puis professeur titulaire à l’Université de Fribourg. Parallèlement à ses activités scientifiques, il ne cesse d’écrire depuis son jeune âge et commence à publier depuis 1995. 

Sortent dès lors une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart à Paris : romans, nouvelles, recueils de poésie, haïkus, ouvrages d’art. Tout comme en médecine, il encourage la collaboration multidisciplinaire, donne des conférences, participe à des expositions et à des anthologies, écrit des articles dans des revues littéraires ainsi que des préfaces.

Les éditions Librairie-Galerie Racine à Paris ont publié en 2018 et 2020 trois livres de Claude Luezior : Jusqu'à la cendre (recueil de poèmes), Golgotha (poème lyrique et dessins) ainsi qu' Un Ancien Testament déluge de violence (critique humoristique et pacifiste).

Certains de ses livres sont traduits en langues étrangères et en braille.  Luezior reçoit de nombreuses distinctions dont le Prix européen ADELF-Ville de Paris au Sénat en 1995 ainsi qu’un Prix de poésie de l’Académie française en 2001. Il est nommé Chevalier de l’Ordre national des Arts et des Lettres par le Ministère français de la Culture en 2002. En 2013, le 50e prix Marie Noël, dont un ancien lauréat est Léopold Sédar Senghor, lui est remis par l’acteur Michel Galabru de la Comédie française.

www.claudeluezior.weebly.com

 

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Claude Luezior, Au démêloir des heures

Infatigable poète, amoureux du Verbe porteur de sens et de vie, Claude Luezior ne cesse de questionner le réel, ses ténèbres, angoisses, captivités, tyrannies, mais aussi les rêves, leurs étranges visions, pour transgresser le réel, aller au-delà de la raison, s’enfouir dans l’imaginaire,  plonger dans des territoires étranges.

Il est en quête de mots et d’images à même de transcrire l’indicible, le magma intérieur, le tourbillon  de sensations qui ouvrent vers un nouveau monde que le poète saisit suivant la voie des surréalistes : « on vogue  au-delà des rêves transitoires » pour « faire grâce à cet autre moi de tous les impossibles », pour découvrir que « ce monde est aussi prodigue en dons » (Alain Breton).

À travers les ténèbres, errances et les folies de la vie, Claude Luezior va vers la lumière et la jubilation de la vie retrouvées après avoir traversé sa nuit, ses cauchemars, aux prises avec la souffrance, en marge de la folie, dans un merveilleux élan de survivre :

Fureur au démêloir du jour : convoquer l’insolence, survivre dans le sillon fertile de l’imaginaire. Ivresse au matin de la lumière.  (Liminaire)

Claude Luezior, Au démêloir des heures, Librairie-Galerie Racine, Paris, 2023, 93 pages, 15 euros.

Il se lance avec ferveur à la quête de l’indicible, dans le réel, l’onirique et l’imaginaire dans un élan  libérateur de toutes contraintes et créateur de visions poétiques, s’interrogeant aussi sur la poésie et la condition du poète :

 

La poésie est-elle oracle ou plain-chant de grands-prêtres, druides ou chamans

Leur parole cryptée, si vulnérable, serait-elle délivrance d’un état second que nous portons tous en nous ? 

 Porteurs d’inachevé, en rupture avec leurs semblables, les poètes sont-ils ces êtres  désignés  qui tentent désespérément  de traduire une langue rescapée du banissement et que nous aurions hérité  d’un inconscient originel ? 

La mouvance du poète est-elle de mettre des mots sur l’indicible, de tailler avec le burin de son verbe le magma en jachère

 

L’esprit raisonneur du poète se mêle à sa sensibilité poétique qui rayonne dans une expression poétique condensée, mais riche de sens et d’images. L’esprit d’harmonie règne dans la structuration du recueil : Liminaire, une réflexion qui éclaire la démarche du poète, ouvre le livre ; les poèmes sont groupés en séquences et précédés d’une réflexion. Ainsi, les images poétiques coulent telle l’eau de la rivière pour rendre compte  de ce que l’on ne peut pas démêler dans l’alliage de la vie et de la mort, de la raison et de la déraison, du visible et de l’invisible des choses.

Le poète semble avoir découvert un autre sens de la vie : aller vers sa lumière, sa beauté, « se gorger d’effervescences. Vivre »,  dans un élan jubilatoire qui transgresse ses noirceurs, ses saccages et ses morsures, se nourrir  de tous les instants de grâce de la vie qui font vibrer le cœur et les imprimer dans le tissu de ses poèmes.

C’est le triomphe de la lumière, sa danse, que le poète célèbre dans ce nouveau recueil, la retrouvaille du goût de la vie dans tout ce qu’elle peut offrir au-delà des déceptions, désillusions, drames et horreurs provoqués par la déraison et la folie des gens. Il faut réapprendre à goûter l’aube et non pas le crépuscule, s’ouvrir  au miracle de la nature et de l’amour, se libérer des « résilles de ladéraison » et faire place « aux rires de l’aube », reconquérir son souffle, sa lumière, sa beauté, son innocence,  laisser vibrer l’âme, remplir les mots du souffle de l’espoir, goûter sa saveur telle une pulpe rare :

 

doutes et conquêtes

ont capitulé

par usure des sabres

et s’écroulent

en ruines

 

espoirs et désirs

et leurs sœurs jumelles

se busculent dans ma rétine

 

c’est un jour de sucre

de pulpe rare et de blés

manne pour fiançailles

où jubilent

des persiennes ouvertes  (Pulpe)

 

Il suffit de « scander le malheur », nous dit le poète, il faut accueillir la lumière de la vie et s’en réjouir :

 

pour voir

au-delà

des somnolences

et de la gangue

…………………..

l’arc-en-ciel

qui se chamaille

avec l’ondée

…………………

la couleur

qui pulvérise

ses espoirs

 

les petits riens

qui butinent

leur amour

 

pour voir

ce qu’ils disent

au-delà

des indifférences

 

que l’on accueille

l’indispensable

 

que l’on aiguise

la lumière .

 

Il faut aimer la vie, malgré tout, redécouvrir l’émerveillement, ranimer en soi :

 

la part tarie

de l’accueil

se concentre

l’ivresse

des retrouvailles.    

 

Claude Luezior nous offre un beau livre, avec une belle image de couverture : un corps féminin, dans son rayonnement mystérieux, symbole de la poésie.

Présentation de l’auteur

Claude Luezior

Claude Luezior, auteur suisse d’expression française, naît à Berne en 1953. Il y passe son enfance puis étudie à Fribourg, Philadelphie, Genève, Lausanne, Rochester (Minnesota) et Boston. Médecin, spécialiste en neurologie (son nom civil est Claude-André Dessibourg), il devient chef de clinique au CHUV puis professeur titulaire à l’Université de Fribourg. Parallèlement à ses activités scientifiques, il ne cesse d’écrire depuis son jeune âge et commence à publier depuis 1995. 

Sortent dès lors une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart à Paris : romans, nouvelles, recueils de poésie, haïkus, ouvrages d’art. Tout comme en médecine, il encourage la collaboration multidisciplinaire, donne des conférences, participe à des expositions et à des anthologies, écrit des articles dans des revues littéraires ainsi que des préfaces.

Les éditions Librairie-Galerie Racine à Paris ont publié en 2018 et 2020 trois livres de Claude Luezior : Jusqu'à la cendre (recueil de poèmes), Golgotha (poème lyrique et dessins) ainsi qu' Un Ancien Testament déluge de violence (critique humoristique et pacifiste).

Certains de ses livres sont traduits en langues étrangères et en braille.  Luezior reçoit de nombreuses distinctions dont le Prix européen ADELF-Ville de Paris au Sénat en 1995 ainsi qu’un Prix de poésie de l’Académie française en 2001. Il est nommé Chevalier de l’Ordre national des Arts et des Lettres par le Ministère français de la Culture en 2002. En 2013, le 50e prix Marie Noël, dont un ancien lauréat est Léopold Sédar Senghor, lui est remis par l’acteur Michel Galabru de la Comédie française.

www.claudeluezior.weebly.com

 

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Claude Luezior, Sur les franges de l’essentiel suivi de Écritures

Infatigable poète et penseur, Claude Luezior réfléchit sans cesse à l’Histoire décevante de l’humanité, à ses défaillances et injustices qui persistent au fil des siècles, mais aussi à la poésie et aux poètes qui s’érigent contre le mal de toute sorte dans leur appel au bonheur de la vie.

Son nouveau recueil Sur les franges de l’essentiel suivi de Écritures est conçu d’une manière particulière, le poète y met ses réflexions en poèmes, effluves de pensées et de sentiments, et en prose poétique. Ainsi la voix du poète renforce-t-elle celle du penseur, la poésie et la métapoésie se donnent la main pour nous faire réfléchir à l’évolution de l’Histoire  toujours tragique et au langage de la poésie au fil du temps.

Son livre s’ouvre avec le « Liminaire », un discours sur le besoin de l’homme de graver son empreinte sur la Terre, de la préhistoire à nos jours, avec les moyens de chaque époque : peintures sur les parois des cavernes, parole inscrite sur les tablettes d’argile ou de cire, sur le papyrus ou imprimée sur papier depuis la découverte de Gutenberg, absorbée par le nouveau langage des médias, globalisé, « sans foi et loi ».

Le poète dessine le visage d’une Histoire qui s’avère « une chanson de sourds » où les poètes, « une érigie de fous », se heurtent aux politiciens véreux, « aveugles », indifférents au langage secret de l’art, une histoire à laquelle il refuse de se plier, dénonçant ses défaillances, ses combats de la mort. 

Claude Luezior, Sur les franges de l’essentiel suivi de Écritures, éditions Traversées, 2022, 128 pages, 25 Euros.

La poésie devient alors une sorte d’aube qui sème de la lumière dans les ténèbres du temps historique malheureux. Et le poète s’ouvre tel un coquillage où « luisent tous les désirs ».

Claude Luezior aimerait nous rendre conscients de l’essentiel de la vie, ce don merveilleux que les gens ne cessent de dégrader par leurs envies destructives, par leur orgueil maléfique du pouvoir qui conduit vers l’absurdité des guerres fratricides et abominables.

Sa plume dénonce et interroge une Histoire tragique, de « batailles, traîtrises et massacres », « les affres et les tragédies », « la schizophrénie ambiante » de coloniser, l’avenir en danger, asservi à l’intelligence artificielle qui prend le dessus sur « l’intelligence du cœur ».

Engagé, le poète se fait le porte-parole de la souffrance humaine : il veut avertir sur le danger d’un avenir asservi aux technologies, sur une « agonie que secrètent des siècles d’indolence ». Il ne cesse de questionner l’homme et sa « folie inventive » qui va contre l’homme. Il parle au nom de l’art, de la parole poétique, lave d’un volcan et empreinte de l’existence sur la Terre.

Face à la mort qui guette de partout, car la finitude biologique de l’homme est une vérité

incontestable, face aux horreurs et à la folie humaine, le poète se demande pourquoi il n’aurait pas le droit de régner dans l’Empire de la poésie, de faire de la vie un acte de courage, de dignité, de joie, de se livrer à l’espoir de « délivrer la vie de son tombeau le plus obscur » :

goûter ce brin de vie

et sa goutte éphémère

 juste à l’instant sacré

me nourrir d’enluminures

prendre la pause d’un émerveillement

quand la fraîcheur

d’un bocage

féconde nos mains

de frémissements

Le poète s’engage à dire la vérité si douloureuse qu’elle puisse être, mais aussi l’espoir à la vie, sa foi en l’art authentique qu’il oppose au virtuel qui mêle tout, déforme le réel y compris le langage, règne en maître absolu sur un présent asservi. Il le fait à sa manière, avec ardeur, révolte, ironie et sarcasme, incessant combattant sur les barricades du Verbe.

Si dans la première partie du recueil, Franges de l’essentiel, Claude Luezior réunit délibérément poèmes et prose, dans la deuxième partie, Écritures, il nous parle en petites proses poétiques, s’ouvrant parfois à la confession de l’écriture, au tourbillon des mots qui assaillent le cerveau du poète jusqu’à leur mise sur la page sous l’éclairage des phrases qui construisent un sens, car l’artiste « tourmente ses phalanges ». Il réfléchit à l’écriture, « une meute de mots, une émeute à l’intérieur de soi », « un acte dangereux », « une mise à nu avant l’immolation »,  un « acte irréversible où l’écrivant avoue sa condition humaine au bord de sa mise en cendres ».

Dans l’écriture « se tordent les âmes dans l’espoir d’un salut », car le poète joue avec « ses rêves d’éternité », sa plume fiévreuse fait danser les ombres de tout ce qu’il a vécu, ainsi se fait–il acteur et témoin de l’Histoire. C’est pareil dans la peinture à laquelle Claude Luezior fait souvent référence dans son recueil, mais aussi dans ses essais et dans ses livres d’artiste. Le choix du poète nous semble très inspiré pour la couverture de son livre :  la peinture de Jean-Pierre Moulin illustre à merveille la tourmente intérieure d’où jaillit la création.

Présentation de l’auteur

Claude Luezior

Claude Luezior, auteur suisse d’expression française, naît à Berne en 1953. Il y passe son enfance puis étudie à Fribourg, Philadelphie, Genève, Lausanne, Rochester (Minnesota) et Boston. Médecin, spécialiste en neurologie (son nom civil est Claude-André Dessibourg), il devient chef de clinique au CHUV puis professeur titulaire à l’Université de Fribourg. Parallèlement à ses activités scientifiques, il ne cesse d’écrire depuis son jeune âge et commence à publier depuis 1995. 

Sortent dès lors une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart à Paris : romans, nouvelles, recueils de poésie, haïkus, ouvrages d’art. Tout comme en médecine, il encourage la collaboration multidisciplinaire, donne des conférences, participe à des expositions et à des anthologies, écrit des articles dans des revues littéraires ainsi que des préfaces.

Les éditions Librairie-Galerie Racine à Paris ont publié en 2018 et 2020 trois livres de Claude Luezior : Jusqu'à la cendre (recueil de poèmes), Golgotha (poème lyrique et dessins) ainsi qu' Un Ancien Testament déluge de violence (critique humoristique et pacifiste).

Certains de ses livres sont traduits en langues étrangères et en braille.  Luezior reçoit de nombreuses distinctions dont le Prix européen ADELF-Ville de Paris au Sénat en 1995 ainsi qu’un Prix de poésie de l’Académie française en 2001. Il est nommé Chevalier de l’Ordre national des Arts et des Lettres par le Ministère français de la Culture en 2002. En 2013, le 50e prix Marie Noël, dont un ancien lauréat est Léopold Sédar Senghor, lui est remis par l’acteur Michel Galabru de la Comédie française.

www.claudeluezior.weebly.com

 

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Claude Luezior, Émeutes, vol au-dessus d’un nid de pavés

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Claude Luezior, Émeutes, vol au-dessus d’un nid de pavés

Esprit humaniste par excellence, Claude Luezior (poète, romancier, essayiste, critique littéraire, amateur d’art) ne cesse d’explorer le quotidien pour dévoiler ses multiples visages avec la même ironie et l’humour si particuliers que l'on trouve dans son  œuvre.

Son nouveau livre, Émeutes, tire son inspiration d’une image familière de la rue, l’agora contemporaine en France et ailleurs: les manifestations, forme de contestation,  des mécontentements, révolte de la populace contre le pouvoir, avec ses dérapages et un mécanisme social trop contraignant.

Le sous-titre, vol au-dessus d’un nid de pavés, renvoie le lecteur au roman de Ken Kesey Vol au-dessus d’un nid de coucou. Ainsi, le poète annonce-t-il son intention de parodier les « émeutes » qui perturbent  la routine par des bagarres, violences et agressions, la riposte du pouvoir étant parfois tout aussi violente et sans solution.  

Dès le début du recueil l’auteur nous éclaire sur son intention :

Quand, désespoir au poing, le peuple monte au barricades. Quand sont rongées les entrailles de Prométhée. 

Cet opuscule commence comme un manuel du parfait émeutier. Non pas petit livre rouge du dissident mais évocation débridée, noire de flics, contestant parfois les contestataires, quitte à voir un peu jaune (Liminaire).

Claude Luezior, Émeutes, vol au-dessus d’un nid de pavés, Cactus Inébranlable éditions, 2022, 78 p., 10 euros.

Dans son "manifeste" davantage sociologique que politique, Luezior tient à exprimer sa pensée pacifiste, sa méfiance face aux émeutes, dans lesquelles il voit une possible forme de libération collective de ses tensions: « Je déteste l’émeute. Peut-être est-elle libératrice ? ».

Avec son esprit railleur, l’auteur fait paraître les décors et les protagonistes tel un spectacle bruyant avec ses manifestants et ses flics, sorte de happening qui se déroule sur le pavé des métropoles.

Claude Luezior s’interroge sans cesse sur le sens de l’émeute : cri de désespoir, tumulte populaire, consommation de la fureur collective contre les bourgeois, grisaille de la foule, esprit de fronde, révolutionnaire ou guerrier, « pandémie récurrente de quelque projet atavique ». C’est comme une pièce de théâtre où l’on reconnaît l’anarchie et ses personnages, le « carnaval de l’insurrection qui est comme « une peinture baroque sur fond de macadam ».

L’auteur se fait le peintre du spectacle bigarré de la manifestation, les  images visuelles et sonores sont prégnantes, le  langage persifleur, le verbe saillant pour rendre le dynamisme en quelque sorte cinématographique de l’image, que ce soit le personnage collectif au premier plan ou quelques petites scènes du quotidien.

Voilà un pêle-mêle humain , « une meute hurlante »,  déchaînée, sans gloire,  avec un esprit de vengeance destructeur, oubliant parfois sa propre cause : « Chacun est contre, mais ne sait vraiment « contre » quoi » L’auteur y voit la caricature des révoltes populaires pour la liberté que l’Histoire  a connues. Ici, il leur manque parfois un idéal construit, de vrais héros, car elles sont détournées de leur but par des fanfarons et des rebelles de toute sorte.  

L’émeute est là, sur les pavés, y perdure ; elle est dans les entrailles de chaque génération et ne disparaîtra pas à l’avenir, sans cesse réinventée par les nouvelles technologies, l’intelligence artificielle et de nouveaux acteurs sociaux.

La peinture de ce réel inquiétant et chaotique, pimentée de renvois précis aux  événements récents (assaut du Parlement américain, protestations des gilets jaunes, des anti-vaccins etc.) n’est pas dépourvue de poésie, le rêve de beauté du poète surpassant la noirceur du social.

La peinture de Philippe Trefois sur la première de couverture est en résonnance  avec le texte. Ce couple semble plutôt sans identité précise, tels les contestataires du livre de Claude Luezior. L’éditeur a bien choisi cette œuvre picturale qui correspond à la plume piquante de l’auteur.

Présentation de l’auteur

Claude Luezior

Claude Luezior, auteur suisse d’expression française, naît à Berne en 1953. Il y passe son enfance puis étudie à Fribourg, Philadelphie, Genève, Lausanne, Rochester (Minnesota) et Boston. Médecin, spécialiste en neurologie (son nom civil est Claude-André Dessibourg), il devient chef de clinique au CHUV puis professeur titulaire à l’Université de Fribourg. Parallèlement à ses activités scientifiques, il ne cesse d’écrire depuis son jeune âge et commence à publier depuis 1995. 

Sortent dès lors une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart à Paris : romans, nouvelles, recueils de poésie, haïkus, ouvrages d’art. Tout comme en médecine, il encourage la collaboration multidisciplinaire, donne des conférences, participe à des expositions et à des anthologies, écrit des articles dans des revues littéraires ainsi que des préfaces.

Les éditions Librairie-Galerie Racine à Paris ont publié en 2018 et 2020 trois livres de Claude Luezior : Jusqu'à la cendre (recueil de poèmes), Golgotha (poème lyrique et dessins) ainsi qu' Un Ancien Testament déluge de violence (critique humoristique et pacifiste).

Certains de ses livres sont traduits en langues étrangères et en braille.  Luezior reçoit de nombreuses distinctions dont le Prix européen ADELF-Ville de Paris au Sénat en 1995 ainsi qu’un Prix de poésie de l’Académie française en 2001. Il est nommé Chevalier de l’Ordre national des Arts et des Lettres par le Ministère français de la Culture en 2002. En 2013, le 50e prix Marie Noël, dont un ancien lauréat est Léopold Sédar Senghor, lui est remis par l’acteur Michel Galabru de la Comédie française.

www.claudeluezior.weebly.com

 

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Claude Luezior maîtrise l’art de donner à ses livres des titres qui étonnent. En quelle boutique improbable a-t-il bien pu dénicher son peigne temporel ? Dans un bref liminaire en prose il en donne [...]




Claude Luezior, Epître au silence

A l’origine le mot épître, issu du grec, repris en latin, désigne une simple lettre. Au fil du temps, le terme va qualifier un mode d’expression utilisé pour rédiger des traités courts, des œuvres littéraires, voire des pamphlets politiques. On découvre ainsi des épîtres dans Le Nouveau Testament, on se rappelle celles d’Horace et de Clément Marot. On se souvient, sans doute plus encore, du roman épistolaire : Les liaisons dangereuses.

Claude Luezior semble ici, avec ce bref recueil, vouloir faire état d’une correspondance avec le silence. On serait en droit de considérer le postulat incongru. Un destinataire qui jamais ne répond et laisse parfois un écho répéter la demande.

Il ne faut jamais se fier aux apparences, dit le proverbe. Au-delà des faux-semblants, l’auteur n’a de cesse d’établir des correspondances entre son être spirituel et un monde matériel qu’il subit. A travers ses courriers de poste restante, en effet, il interpelle et interroge tour à tour un concept, un sentiment, un objet, une personne, jusqu’à la plus ténue des composantes de cet univers où nul n’a choisi de naître.

Tout de suite, l’appellation : correspondance revêt le sens profond que lui accordait Baudelaire. Pour le poète, il convenait de les traverser ces apparences et, par raisonnement analogique, passer de la simple perception concrète à une vision transcendée, voire (pourquoi pas ?) à une forme de mysticisme.

Claude Luezior, Epître au silence, Éditions Encres Vives, 16 pages.

Être des vôtres : tout poète n’est-il, lui aussi, un moine assoiffé du miracle qu’est l’intériorité ? (Lettre au Moine).

Dès lors, l’écriture constitue le nécessaire catalyseur de l’entreprise, le vecteur du passage. Un labeur que d’aucuns, trop matérialistes, considèrent étrange parce que voué à l’inutile. Un travail qui nécessite cependant courage et abnégation :

Ne suis-je en réalité qu’un galérien marqué aux fers de la passion, un forçat de la phrase, un supplicié sur le carcan de cette langue qui me taraude ? (Lettre à ma lettre).

Claude Luezior cultive à l’évidence un rapport d’admiration et de connivence avec d’autres modes d’expression qui visent le même but. Comme la peinture. Aussi s’adresse-t-il avec respect à l’artiste ami, devenu confident :

Aux tables gigognes de la création, je cale mes mots à l’aplomb de tes touches, ma syntaxe à ton chevalet, ma plume à ton geste. (Lettre au peintre).

Bien sûr, prendre conscience que les années passent décourage le créateur qui ne veut croire manquer de force pour achever son œuvre. Il peut alors douter du bien-fondé de ses actes, toucher du doigt la vanité de sa démarche. Et si interroger un miroir c’est constater l’outrage irréversible du temps :

J’ai bien reçu ton reflet, mon beau Miroir. Et ne t’en remercie pas : image fêlée, taches et craquelures ;

ne convient-il pas de se ressaisir au plus vite :

Dans mon jardin premier, les alouettes ont décrété que le compte n’y était pas. (Lettre à Miroir) ?

L’auteur refuse de se complaire dans le narcissisme comme dans les dérives morbides. Il observe et tente de comprendre le monde où il vit. Il est sensible aux transformations. Amateur d’art, sans doute admirateur de Claude Monet, Claude Luezior constate et déplore l’enlaidissement de la nature par l’homme au nom du profit :

On a tenté de vous occire par pesticides interposés, baisers de pétales éparpillés sur les blés. C’est que vous n’êtes pas convenables, avec votre goût de pavot sur les lèvres. On a su dissoudre vos mutineries, dans ces plaines désormais tissées d’industries. (Lettre à Coquelicots).

Humain, trop humain demeure-t-il cependant. Il développe l’intuition que l’acte d’écrire doit s’ériger en sacerdoce. Une retraite studieuse, mais menacée par mille tentations :

D’un coup tu étais là, agaçant ma quiétude, ébréchant mes arpèges. (Lettre à Désir).

Bien sûr, il existe des attractions plus vénielles que Claude Luezior parvient à maîtriser et qui ne le découragent donc pas, bien au contraire. Il avoue au passage quelques faiblesses. Le tabac, par exemple (Lettre à ma pipe). Un plaisir coupable, certes, mais que celui qui n’a jamais fumé lui jette la première pierre… à briquet ! Ou le chocolat, si régressif :

Religion du péché mignon, vite confessé, vite absout. (Lettre à Chocolat).

Avec cette brassée de belles lettres, qu’il sait avoir expédiées sans espoir de retour, Claude Luezior parvient, grâce à son écriture limpide et évocatrice, musicale et riche de sens, à tracer les contours d’une réalité, la sienne qui, quelque part, est aussi la nôtre. Une démarche à la fois lucide et exigeante :

Nous ne sommes que mendiants de lumière. (Lettre à Quête).

L’auteur évoque un monde fragile et parfois désespérant dans lequel nous sommes tous condamnés à subsister. Alors, oui : il faut rendre hommage à la beauté des fleurs, à la suavité des parfums, au désir, au chocolat, et à tout ce qui peut nous rendre heureux ! La vie se doit d’être gaie et bruyante quand le silence, lui, est sourd :

Silence, je te hais. L’espace d’un cri. (Lettre à Silence).

Présentation de l’auteur

Claude Luezior

Claude Luezior, auteur suisse d’expression française, naît à Berne en 1953. Il y passe son enfance puis étudie à Fribourg, Philadelphie, Genève, Lausanne, Rochester (Minnesota) et Boston. Médecin, spécialiste en neurologie (son nom civil est Claude-André Dessibourg), il devient chef de clinique au CHUV puis professeur titulaire à l’Université de Fribourg. Parallèlement à ses activités scientifiques, il ne cesse d’écrire depuis son jeune âge et commence à publier depuis 1995. 

Sortent dès lors une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart à Paris : romans, nouvelles, recueils de poésie, haïkus, ouvrages d’art. Tout comme en médecine, il encourage la collaboration multidisciplinaire, donne des conférences, participe à des expositions et à des anthologies, écrit des articles dans des revues littéraires ainsi que des préfaces.

Les éditions Librairie-Galerie Racine à Paris ont publié en 2018 et 2020 trois livres de Claude Luezior : Jusqu'à la cendre (recueil de poèmes), Golgotha (poème lyrique et dessins) ainsi qu' Un Ancien Testament déluge de violence (critique humoristique et pacifiste).

Certains de ses livres sont traduits en langues étrangères et en braille.  Luezior reçoit de nombreuses distinctions dont le Prix européen ADELF-Ville de Paris au Sénat en 1995 ainsi qu’un Prix de poésie de l’Académie française en 2001. Il est nommé Chevalier de l’Ordre national des Arts et des Lettres par le Ministère français de la Culture en 2002. En 2013, le 50e prix Marie Noël, dont un ancien lauréat est Léopold Sédar Senghor, lui est remis par l’acteur Michel Galabru de la Comédie française.

www.claudeluezior.weebly.com

 

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Claude Luezior, Un Ancien Testament déluge de violence

Peu de temps après Golgotha, voici que paraît Un Ancien Testament déluge de violence. Diable ! Claude Luezior aurait-il une âme de cistercien ? On ne peut en effet qu’admirer le travail préalable à la rédaction de l’ouvrage : une belle cueillette de citations bibliques. Un travail qui exige une vocation de copiste, au sens médiéval et donc noble du terme.

Certes, il est aisé de se procurer le texte originel dans ce monde de prosélytes. La modernité nous permet même de le télécharger gracieusement au format pdf, ce qui s’avère moins encombrant que les stèles ou les tablettes d’argile. Mais de là à en faire un livre !

Faut-il se rassurer ou s’en inquiéter, Claude Luezior n’utilise pas ce matériau pour nous assener une énième herméneutique, exercice ô combien sérieux. Il commente ces extraits à la façon d’un catéchumène irrévérencieux. Moquer un livre sacré ? Il n’oserait pas !

Et pourtant, si : il ose ! Et ce, dès le début : « Adam fit donc l’amour avec Eve, issue de sa propre côte. // Vous avez dit consanguinité ? » Certains déclencheraient un jihad pour moins que cela. Et ça continue ! Caïn et Abel sont qualifiés de « Dramatique engeance ! ». L’odyssée de l’arche de Noé est vue comme la parade d’une ménagerie déjantée, non comme un sauvetage à dimension universelle. L’abolition par Yahvé en personne de la xénoglossie qui régnait à Babel se révélera une décision néfaste puisqu’elle sera la cause du « Désespoir des potaches du monde entier ».

Claude Luezior, Un Ancien Testament déluge de violence, octobre 2020 Librairie-Galerie Racine, Paris, 168 pages.

Et tant d’autres épisodes passés à la moulinette de l’ironie toute socratique de Claude Luezior. A l’instar du philosophe grec, en effet, il feint l’ignorance pour mieux démontrer l’inanité des arguments des auteurs de l’Ancien Testament. Auteurs que l’on ne connaît pas, d’ailleurs, mis à part Moïse, si on admet son existence. Notre pseudo-exégète farceur profite de cette aubaine pour produire des « Lignes apocryphes ». Par exemple, concernant les animaux de l’arche : « Bien entendu, les girafes, toujours un peu guindées, se plaignirent d’un torticolis ».

Cependant, au fil des pages, perce une forme d’indignation face à certains diktats de Yahvé. Ainsi à propos de la destruction de Sodome et Gomorrhe : « Le Très-Haut et ses émissaires prétendirent qu’il n’y avait en ces villes pas un seul juste. // Et les enfants ? // Et les bébés ? ». Cette indignation s’amplifie jusqu’à devenir sidération lorsqu’il envisage les holocaustes préconisés par Dieu. Moïse, David, le roi Salomon sont tour à tour évoqués, non comme des héros antiques mais comme des monstres assoiffés de sang. Ainsi, Moïse se voit qualifié d’« exterminateur », et pour cause : «Moïse les envoya en campagne […] Ils combattirent contre Madiân, selon ce qu’avait commandé Yahvé et ils tuèrent tous les mâles […] Ils brûlèrent par le feu toutes les villes ». Face à David, il ne fait pas bon être Araméen, Philistin, Edomite, ou Moabite, toutes peuplades vouées au massacre ou à l’esclavage. Quant au roi Salomon, il avait en plus le sens des affaires. Pour bâtir son temple, il inventa la main d’œuvre bon marché : « ceux que les fils d’Israël n’avaient pas exterminés, Salomon les leva pour la corvée ».

Et lorsqu’ils ne s’entre-tuaient pas, ces braves gens, à quoi passaient-ils donc leur temps ? Hélas ! Les mœurs à la cour ne sont pas en reste. Histoires d’incestes, orgies, empoisonnements, etc. « Une société phallocrate » qui plus est, comme le rappelle l’auteur en citant Ecclésiaste : « Et je trouve la femme plus amère que la mort, parce qu’elle est un piège, son cœur est un filet, et ses bras sont des liens ». Mesdames, vous apprécierez !

Doit-on insister sur les horribles pandémies que s’acharne à déverser le ciel sur la terre : « On était dans les jours de la moisson des blés, quand Yahvé envoya la peste en Israël […] et il mourut soixante-dix mille hommes ». Pas mal, vue la densité de la population à l’époque !

En achevant cette lecture parfois drolatique, souvent effarée, on peut se demander pourquoi toute une civilisation se réclame de cet Ancien Testament, un texte aux accents barbares, effectivement déluge de violence. Comme si le mal s’avérait être une dimension sinon nécessaire de l’humanité, du moins inévitable. Cette question du mal obsède les philosophes depuis toujours — à juste titre. Comprendre pourquoi un pays aussi riche de culture que l’Allemagne ait pu se faire nazie. Etablir un parallèle entre le sort des villes de Sodome et de Gomorrhe et celui d’Hiroshima et de Nagasaki. Dans sa conclusion, l’auteur se pose lui aussi cette question du mal, composant de la nature humaine : « L’Ancien Testament […] décrit un Yahvé violent et jaloux qui façonne nos délires. Nous a-t-il fait à son image ou l’avons-nous plutôt fait à la nôtre ? ».

Claude Luezior, d’une plume inspirée et insolente, indignée et rebelle, par sa pensée que l’on devine profondément humaniste, nous invite à réfléchir à cette grande question. Et si le salut du monde passait par l’amour, la compassion, l’universelle empathie ? semble-t-il suggérer. Mais ceci est une autre histoire, qui se nomme : Le Nouveau Testament.

Présentation de l’auteur

Claude Luezior

Claude Luezior, auteur suisse d’expression française, naît à Berne en 1953. Il y passe son enfance puis étudie à Fribourg, Philadelphie, Genève, Lausanne, Rochester (Minnesota) et Boston. Médecin, spécialiste en neurologie (son nom civil est Claude-André Dessibourg), il devient chef de clinique au CHUV puis professeur titulaire à l’Université de Fribourg. Parallèlement à ses activités scientifiques, il ne cesse d’écrire depuis son jeune âge et commence à publier depuis 1995. 

Sortent dès lors une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart à Paris : romans, nouvelles, recueils de poésie, haïkus, ouvrages d’art. Tout comme en médecine, il encourage la collaboration multidisciplinaire, donne des conférences, participe à des expositions et à des anthologies, écrit des articles dans des revues littéraires ainsi que des préfaces.

Les éditions Librairie-Galerie Racine à Paris ont publié en 2018 et 2020 trois livres de Claude Luezior : Jusqu'à la cendre (recueil de poèmes), Golgotha (poème lyrique et dessins) ainsi qu' Un Ancien Testament déluge de violence (critique humoristique et pacifiste).

Certains de ses livres sont traduits en langues étrangères et en braille.  Luezior reçoit de nombreuses distinctions dont le Prix européen ADELF-Ville de Paris au Sénat en 1995 ainsi qu’un Prix de poésie de l’Académie française en 2001. Il est nommé Chevalier de l’Ordre national des Arts et des Lettres par le Ministère français de la Culture en 2002. En 2013, le 50e prix Marie Noël, dont un ancien lauréat est Léopold Sédar Senghor, lui est remis par l’acteur Michel Galabru de la Comédie française.

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Claude Luezior, Golgotha, extraits

Et la croix fut dressée, vive, contre le Mont du Crâne, dans la clameur d’une vengeance.

Par effraction

Le sang

Du hors-la-loi

Ravitaillerait

Nos âmes

Quelques millénaires

Durant
 

Nous ne le savions pas.

À son destin on accrocha

Les ombres violettes

Des autres suppliciés
 

La nuit s’installait et s’enlisait dans la haine et les sanglots.

 

La nuit de l’attente

Veillée du pain

Aux moissons des prophéties

Les vignes de la nuit sécrétèrent leurs prières.

 

Nuit

Où macérait

L’absence

 

Nuit d’aveugles. Nous le sommes toujours, devant ceux que nous crucifions.

 

C’était la nuit

Où nous avions refusé

De porter nos cilices
 
 
 
 

 

 

Extraits de Golgotha, textes et dessins de Claude Luezior, éd. LGR, Paris, 2020.

 

Présentation de l’auteur

Claude Luezior

Claude Luezior, auteur suisse d’expression française, naît à Berne en 1953. Il y passe son enfance puis étudie à Fribourg, Philadelphie, Genève, Lausanne, Rochester (Minnesota) et Boston. Médecin, spécialiste en neurologie (son nom civil est Claude-André Dessibourg), il devient chef de clinique au CHUV puis professeur titulaire à l’Université de Fribourg. Parallèlement à ses activités scientifiques, il ne cesse d’écrire depuis son jeune âge et commence à publier depuis 1995. 

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Certains de ses livres sont traduits en langues étrangères et en braille.  Luezior reçoit de nombreuses distinctions dont le Prix européen ADELF-Ville de Paris au Sénat en 1995 ainsi qu’un Prix de poésie de l’Académie française en 2001. Il est nommé Chevalier de l’Ordre national des Arts et des Lettres par le Ministère français de la Culture en 2002. En 2013, le 50e prix Marie Noël, dont un ancien lauréat est Léopold Sédar Senghor, lui est remis par l’acteur Michel Galabru de la Comédie française.

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Infatigable poète, amoureux du Verbe porteur de sens et de vie, Claude Luezior ne cesse de questionner le réel, ses ténèbres, angoisses, captivités, tyrannies, mais aussi les rêves, leurs étranges visions, pour transgresser [...]

Claude Luezior, Au démêloir des heures

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Claude Luezior, Une Dernière brassée de lettres

Aujourd’hui, hélas, on n’écrit plus guère, on envoie des courriels souvent porteurs de banalités ou des sms à l'écriture glauque. Que chacun se demande : à quand remonte la dernière lettre reçue, hormis papiers d’affaire et publicité ?

L’art de la correspondance aurait-il complétement disparu ?

Heureuse surprise, dans ce recueil, Une Dernière brassée de lettres, Claude Luezior, que nous connaissions comme essayiste, romancier, poète, nous fait redécouvrir, en Voltaire moderne, les plaisirs d’un courrier sensible, drôle, tendre, voire piquant. Il déploie les mots de l’envers quand les ourlets sont décousus. S’étalent alors devant le lecteur bon nombre des travers de notre société.

 

Claude Luezior, Une Dernière brassée de lettres, Éditions tituli, Paris

Claude Luezior, Une Dernière brassée de lettres, Éditions tituli, Paris

Chacune de ses missives a un ton particulier. Nous pensons à Rilke qui écrivait : si tu veux réussir à faire vivre un arbre, projette autour de lui l'espace intérieur qui réside en toi. Il nous semble que ces lignes s'appliquent parfaitement à Luezior qui, depuis des années et sous plusieurs formes littéraires, fait vivre sa pensée grâce à une forêt de mots et d'images aux essences diverses.

Lettres-réverbères tissées dans les murs du silence, lettres-miroirs où s’abaissent  les masques. Lettres-foudre où passe l’orage, lettres-visages où luit le visage de L’Homme, nu dans ses déchirures. Lettres qui tirent l’eau du puits pour mieux nous abreuver.

Dans ses trente-deux textes aux tonalités différentes, l’auteur s’adresse à des correspondants multiples et inattendus.

Avec humour, le voici qui cite sa correspondante : avez-vous pensé à la santé pulmonaire des contractuelles ? C’est certain leurs alvéoles ne sont pas moins précieuses que les vôtres. Avec réalisme, l'écrivain-soignant interpelle un assureur sans âme : tu me parles client, je te dis patients qui souffrent... Avec sa plume acerbe, il écorche le Politicien : tu étais sur ces estrades où bivouaquent le pouvoir, ensorcelant la plèbe de tes verbiages et de tes promesses. Dans ta nasse frémissante, la soif des uns, la concupiscence des autres.

Le médecin Luezior apparaît souvent de façon poignante. On sent l’homme à l’écoute d'un être qui attend tout de lui. Pour exemple, sa Lettre à la Mère d’un enfant handicapé : quand on est dans le faire et que l’on ne peut pas. Dans sa Lettre à Maison de Retraite, on ne peut également que partager le regard sans concession mais tellement sensible du neurologue sur les résidents qui résident sans résister, alignés comme noix sur un bâton... Claude Luezior sait aussi, sabre au bout de sa plume, souligner les travers d’un système qui coule (ou s'écroule ?) de plus en plus en vite. Ainsi, dans sa Lettre à Tambour battant : on t’a donné des buts que seul un compte en banque reconnaîtra. On t’a légué l’arythmie d’un temps social que tu as perdu, une progéniture que tu n’as vue grandir, une femme qui ne te reconnaît plus. Une complicité s’établit instantanément entre le créateur et le lecteur. Lequel, devant la pâte de Luezior, se fait levain.

L’auteur dénonce avec humour les idoles de cette même société : qu’un adolescent ait vu, tous médias confondus, dix ou quarante mille meurtres jusqu’à sa maturité ne suffit pas... Encore Monsieur le Programmateur, encore ! Vous trouverez bien un psychologue pour clamer que cela n’est d’aucune importance, (Lettre à ma Chaîne de Télévision). Par ailleurs, la tendresse est souvent présente: dans une Lettre à ma Cousine, le poète se souvient de ses premiers émois d’adolescent devant cette superbe jeune fille : tes doigts d’ange déposent sur le gramophone un disque de Barbara : l’Aigle noir tournoie. Ton buste se fait souple, tes lèvres brillent. Je ne sais si je suis envoûté par les transes du vinyle ou par ta présence. Pudeur et parfums se tressent avec délicatesse.

Ces lettres sont des tourbillons, des valses lentes. Ce sont des pensées qui se donnent, se prennent et que l’on retient. Fusion, effusion, îles secrètes où s’ouvrent les tabernacles et se cassent les éperons. Le lecteur vit pleinement cette correspondance où l'on observe un quotidien qui nous échappe, où irradie un Essentiel que l’on occulte si souvent.

Comme l’écrit Claude Luezior : avec dix grammes d’écriture, mettons le feu au désert que l’on nous propose. La poésie n’est pas langue morte. Elle ne cesse de vivre au pays de Canaan. Mais pour cela, Poète, quitte ta tour d’ivoire : ensemble, il faut marcher !

En refermant ce recueil, nous n'émettons qu'un regret : mais pourquoi donc Une dernière brassée de lettres ? Non, encore une gerbe ! Encore ! Et que flambe la joie de lire ces lettres-portes pour vivre au-delà des lignes qui ensemencent la lumière !

Présentation de l’auteur

Claude Luezior

Claude Luezior, auteur suisse d’expression française, naît à Berne en 1953. Il y passe son enfance puis étudie à Fribourg, Philadelphie, Genève, Lausanne, Rochester (Minnesota) et Boston. Médecin, spécialiste en neurologie (son nom civil est Claude-André Dessibourg), il devient chef de clinique au CHUV puis professeur titulaire à l’Université de Fribourg. Parallèlement à ses activités scientifiques, il ne cesse d’écrire depuis son jeune âge et commence à publier depuis 1995. 

Sortent dès lors une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart à Paris : romans, nouvelles, recueils de poésie, haïkus, ouvrages d’art. Tout comme en médecine, il encourage la collaboration multidisciplinaire, donne des conférences, participe à des expositions et à des anthologies, écrit des articles dans des revues littéraires ainsi que des préfaces.

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A l’origine le mot épître, issu du grec, repris en latin, désigne une simple lettre. Au fil du temps, le terme va qualifier un mode d’expression utilisé pour rédiger des traités courts, des [...]

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Esprit humaniste par excellence, Claude Luezior (poète, romancier, essayiste, critique littéraire, amateur d’art) ne cesse d’explorer le quotidien pour dévoiler ses multiples visages avec la même ironie et l’humour si particuliers que l'on [...]

Claude Luezior, Au démêloir des heures

Infatigable poète, amoureux du Verbe porteur de sens et de vie, Claude Luezior ne cesse de questionner le réel, ses ténèbres, angoisses, captivités, tyrannies, mais aussi les rêves, leurs étranges visions, pour transgresser [...]

Claude Luezior, Au démêloir des heures

Claude Luezior maîtrise l’art de donner à ses livres des titres qui étonnent. En quelle boutique improbable a-t-il bien pu dénicher son peigne temporel ? Dans un bref liminaire en prose il en donne [...]




Claude Luezior, Ces Douleurs mises à Feu

Lorsque CLAUDE LUEZIOR, l’un des premiers stylistes contemporains, comme le souligne le poète Jean-Louis Bernard, laboure les broussailles  de l’aube aux reflets de lignite, les mots/ tels des loups se lancent à sa poursuite. Somptueux hallali où résonnent en gonds vibratoires des images qui s’encastrent dans les armatures de l’ossature du destin.

Passant de l’ivresse à l’ascétisme, l’angoisse en bandoulière, complice des dieux,  il dérègle l’heure du malin ; et lorsqu’il met ses douleurs à feu, l’aube devient alors plus lumineuse. Claude Luezior n’est pas pour autant pyromane : en Vulcain moderne, il actionne sa forge matinale pour faire jaillir la lumière sur le rivage de cormorans, là où volètent des arpèges parfumés. Même si , parfois, le feu a des avant-goûts de cendre, ce sont des cendres de rosée. La germination pousse sous la braise. Se constitue alors un livre d’heures, une caverne où stalagmites et stalactites se tutoient, se tressent. À chacun d’y pénétrer pour entrer en résonnance avec le poète.

 Claude Luezior est torturé de doutes, de promesses/qui délivrent, de croyances qui empoisonnent, il  prie entre l’angoisse du devenir et la trace du souvenir. Il est un navire qui voit souvent l’horizon se noyer dans des ombres au sourire  de bruine. Alors se rapproche le seuil dans les caprices d’un crépuscule qui rôde. Même si aller au-delà du seuil est toujours angoissant, dans la texture/ de mes insomnies/ errent sans cesse/ des loques impies : celles de la camarde, la peur ne taraude pas le poète à condition de mourir / pour quelque chose d’utile / pour quelqu’un. Dans ses textes qui bourgeonnent, se concentrent/ les saveurs du désir / où se réfugient / les velours/ d’une tendresse. Chez  Luezior, le désir brûle toujours jusqu’aux bornages de la souffrance.

Claude Luezior, Ces Douleurs mises à Feu, Éd. Les Presses littéraires, 2015, Prix de poésie 2015 Yolaine et Stéphane Blanchard, Couverture : tableau de Gil Pottier

Claude Luezior, Ces Douleurs mises à Feu, Éd. Les Presses littéraires, 2015,
Prix de poésie 2015 Yolaine et Stéphane Blanchard,
Couverture : tableau de Gil Pottier

Ce recueil de poèmes est un labyrinthe où la glace donne des coups de poings, où les flammes dansent avec les douleurs du grand Feu. C’est un miroir pour mettre à plat les cicatrices de la vie, c’est une porte  pour fuir des enclos de haine, pour assécher les vertiges assassins.

À la lisière de l’imperceptible, Claude Luezior est un allumeur de réverbères, toujours en marche pour recommencer cet exercice obscur et indispensable qui vaut surtout comme une aventure ou  ainsi que le disait Yves Bonnefoy une incitation à se risquer dans l’inconnu.

Cet opuscule est un grand livre à conserver à portée d’âme car ses hymnes tactiles conduisent à l’intangible pour goûter ensemble /aux miels subtils délivrés en un nectar d’éternité.

Avec le poète Claude Luezior il y a toujours une voie : celle de la Lumière dont le monde a tant besoin.

Présentation de l’auteur

Claude Luezior

Claude Luezior, auteur suisse d’expression française, naît à Berne en 1953. Il y passe son enfance puis étudie à Fribourg, Philadelphie, Genève, Lausanne, Rochester (Minnesota) et Boston. Médecin, spécialiste en neurologie (son nom civil est Claude-André Dessibourg), il devient chef de clinique au CHUV puis professeur titulaire à l’Université de Fribourg. Parallèlement à ses activités scientifiques, il ne cesse d’écrire depuis son jeune âge et commence à publier depuis 1995. 

Sortent dès lors une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart à Paris : romans, nouvelles, recueils de poésie, haïkus, ouvrages d’art. Tout comme en médecine, il encourage la collaboration multidisciplinaire, donne des conférences, participe à des expositions et à des anthologies, écrit des articles dans des revues littéraires ainsi que des préfaces.

Les éditions Librairie-Galerie Racine à Paris ont publié en 2018 et 2020 trois livres de Claude Luezior : Jusqu'à la cendre (recueil de poèmes), Golgotha (poème lyrique et dessins) ainsi qu' Un Ancien Testament déluge de violence (critique humoristique et pacifiste).

Certains de ses livres sont traduits en langues étrangères et en braille.  Luezior reçoit de nombreuses distinctions dont le Prix européen ADELF-Ville de Paris au Sénat en 1995 ainsi qu’un Prix de poésie de l’Académie française en 2001. Il est nommé Chevalier de l’Ordre national des Arts et des Lettres par le Ministère français de la Culture en 2002. En 2013, le 50e prix Marie Noël, dont un ancien lauréat est Léopold Sédar Senghor, lui est remis par l’acteur Michel Galabru de la Comédie française.

www.claudeluezior.weebly.com

 

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Claude Luezior, Buveur de rosée (extraits)

 Fureur

crinière à contre vent
tête rauque
pour rut sans fioriture
rimes bramant leurs apogées
verbe haut
et bois de velours
aux moments sauvages
de l’éphémère

un poète

***

À marée haute

se torsadent
en elle
ces préludes
qu’un instinct
de succube
n’ose
assouvir

se prélasse
la lagune
subtile
qui scande
marées
et coquillages
humides

s’émeuvent
des doigts
tissant déjà
leurs errances
aux lices
d’un torse
en émoi

s’entremêlent
aux rayons
d’un désir
les algues
d’une sirène
qu’une langueur
éveille

se dévoile
une géométrie
de courbes
polies
à seule fin
d’une rectiligne
ferveur

s’entrouvrent
des lèvres
quand luisent
embruns
et rosées
qu’une soif
empourpre

se déploie
infiniment
la peau dorée
de hanches
vaincues
aux sables
des caresses

s’affûtent
ses ongles
prédateurs
aux nervures
d’un roseau
qu’une pénombre
érige

s’égarent
les reflets
de sa toison
qu’un rayon
découvre
en intime
innocence

s’érigent
aux écumes
du destin
les ressacs
pour assauts
que nul
n’imagine

s’épuisent
râles
et spasmes
de très hautes
marées
quand chavirent
les âmes

***

Chronos

l’antiquaire
polit
ses vieilleries
en jachère

une pendule
toussote
des heures apprivoisées

son balancier studieux
méthodiquement
hoche la tête

heures
avant celles
des électrons

***

Dépendances

jusqu’à la lie
je m’abreuve
de l’extrême
poison
rongeant
ce calame
que je n’ai choisi
ni par Dieu
ni par Diable

encre
indélébile
noire de mots
qui désormais
habite mes fibres
et qui ronge
et dévore
ma cervelle
à petite cendre

cigüe
pour philosophe
castré
et scribe
à la dérive
quand les mots
battent la chamade

éther
du verbe
que j’inhale
telle une drogue
acidulée
que distillent
druides et chamans
jusqu’au souffle
d’une pensée
dernière

ivresse
au matin
des silhouettes
où se condense
la sentence
et se résument
les affres
d’angoisses
à la débandade

syntaxe
trop visqueuse
qui s’agglutine
dans le pertuis
d’une plume
rêvant encore
à son nid
d’oiselle

jusqu’à plus soif
j’exorcise
l’encrier
où l’on signe
l’arrêt de mort
du poème

°°°

un extrait de Fragments :

CAMAÏEU

me dépasser
en combats
jubilatoires
écorcher
mon destin
clouer mes mains
en un sanglant
sacrifice

pas de bataille
ni de lance
pas de flèche vive
de cuirasse
ni de créneaux
mais l’impavide
masque
d’un silence

marcher
sans Golgotha
crier sans échos
dire en pure perte
ces paroles
sans adresse
à des vents
analphabètes

entrent
en résonnance
l’inutile squelette
et les strates
monochromes
de rochers
et de failles
anémiées

malgré tout
une voie lactée
où tètent là-bas
quelques lunes
oasis de lueurs
où s’abreuvent
des rêves
archaïques

 

Présentation de l’auteur

Claude Luezior

Claude Luezior, auteur suisse d’expression française, naît à Berne en 1953. Il y passe son enfance puis étudie à Fribourg, Philadelphie, Genève, Lausanne, Rochester (Minnesota) et Boston. Médecin, spécialiste en neurologie (son nom civil est Claude-André Dessibourg), il devient chef de clinique au CHUV puis professeur titulaire à l’Université de Fribourg. Parallèlement à ses activités scientifiques, il ne cesse d’écrire depuis son jeune âge et commence à publier depuis 1995. 

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Claude Luezior maîtrise l’art de donner à ses livres des titres qui étonnent. En quelle boutique improbable a-t-il bien pu dénicher son peigne temporel ? Dans un bref liminaire en prose il en donne [...]