1

Denis Emorine, Comme le vent dans les arbres

Denis Emorine est le poète des obsessions  comme les grands poètes de tous les temps. Il ne cesse de les dévoiler non seulement dans ses poèmes, mais dans toute son œuvre (poésie, romans, théâtre, essais) : amour, mort, identité, temps.




Poète de l’amour et de la mort surtout,  le poète semble les engager dans un dialogue riche d’images et de sens, au fond un monologue intérieur révélateur de son vécu dramatique sous les apparences d’un dialogue avec le fantasme d’une femme russe. 

Le titre Comme le vent dans les arbres met en balance les deux côtés profonds de sa poésie : la douceur de l’amour face à la violence de la mort enracinée dans son âme à tel point qu’elle empêche la joie de vivre. Le poème qui ouvre son recueil en est la meilleure illustration : « La douleur/ a courbé nos épaules/ et bloqué notre dos/ nos yeux nous trahissent toujours entre deux mots// Aucune prière ne détruira notre douleur/ nous sommes veufs de la mort/ des êtres aimés ».

Le lecteur ne doit pas se laisser tromper par le sous-titre Poèmes pour Natacha Rostova qui renvoie à l’héroïne de Tolstoï de Guerre et Paix.C’est une manière de rendre hommage à la grande culture russe par une femme qui incarne son esprit et en même temps de s’interroger sur l’Histoire.

Denis Emorine, Comme le vent dans les arbres. Poèmes pour Natacha Rostova/ Come il vento fra glialberi poesie dedicate a Natacha Rostova. traduzione di Giuliano Ladolfi, Giuliano Ladolfi Editore, 2023.

Denis Emorine le fait souvent dans sa poésie par des poèmes dédiés aux femmes poètes qu’il admire. Natacha comme Olga du recueil Romance pour Olga ne sont que des fantasmes, un symbole, l’incarnation de l’identité slave, l’expression de son admiration mais aussi un moyen d’établir sa parenté lointaine avec l’Est par ses ancêtres.

Pour le poète français, l’Est est la source de l’amour et de la douleur, car le drame de sa mère est lié  aux événements tragiques de l’Est. La mort de son père revient souvent dans ses poèmes dans le leitmotiv de la forêt de bouleaux :« Je mourrai un jour/ ébloui par les étoiles/ que je  n’ai pas su aimer/ et rattrapé par la/ forêt de bouleaux/où repose mon père ».

Pour Denis Emorine « la mort vient de l’Est », il le rappelle sans cesse dans ses vers, c’est comme un refrain musical. Rien ne le console, ni même l’amour. Son regard est voilé par cette obsession qui le traverse, il y sombre, piégé à jamais :« l’horreur n’a pas de nom/ j’ai perdu le mien/ aux portes de l’Est/ je vois danser les prisonniers sous/ les coups des bourreaux/  dont les hurlements se répandent/  sur le monde/  la nuit répand la mort/  qui/ vient de l’Est ».

La joie de vivre est empoisonnée par l’obsession de la mort de ses parents, le chemin de sa vie est assombri par la perte de sa mère qu’il a beaucoup aimée. Cela explique les leitmotivs du petit garçon inconsolé et de la jeune femme brune  aux yeux bleus de ses poèmes. L’amour de la mère est invoqué comme seul appui à son passage au-delà : « Au pied de l’arbre blanc/  vomissant du sang/  j’attends toujours/  le retour de la jeune femme brune aux yeux bleus/  qui me prendra dans ses bras pour/  m’aider à mourir. »

L’obsession de la mort s’apparente à la quête identitaire à travers le temps qui ne permet pas le retour en arrière autrement que par la mémoire affective, elle-même fragilisée. Pour Denis Emorine les souvenirs de L’Est se partagent entre la beauté de la femme russe, telle Natacha, et l’horreur de la guerre. Mais ni la beauté, ni l’amour, ni la poésie ne peuvent rien faire contre la mort. Son fantasme est toujours là, menaçant, un fardeau écrasant qui lui provoque des insomnies : 

« Tu ne vois pas la croix/  qui / glisse sans cesse de mes épaules/  en éraflant ma peau/ elle est là depuis toujours/ me rappelant que j’existe// Je voudrais me protéger d’elle/  ou me réchauffer à son ombre/  en oubliant les crépitements de la vie/  Tu ne la vois pas/  et pourtant elle me rejoint/  la nuit lorsque/ l’insomnie me défigure/  La mort/  la mort vient de l’Est ».

L’amour et la beauté de sa jeune mère traversent obsessivement ses poèmes. Son image revient à sa mémoire encore plus douloureuse sous les plis du souvenir : « Je suis toujours ce petit garçon/ébloui par la beauté/ de la jeune femme brune aux yeux bleus/  elle ne m’avait jamais avoué/  qu’elle s’enfoncerait un jour/ dans la forêt de la mort/ avec l’homme qu’elle aimait/ en me léguant le poids de l’Histoire/  J’aurais voulu tuer avec mes mots/ les bourreaux de l’Est ».

L’Histoire avec son cortège de guerres et de tragédies bouleverse la vie du poète, brise son identité, fait de lui un exilé. Il ne peut pas oublier ses morts chers, effacer sa douleur, se réconcilier avec elle, faire de ses vers un champ de bataille, seulement crier sa révolte, sa haine, confesser son drame qui l’empêche d’aimer la vie, de retrouver son amour pour un pays admiré pour sa culture.

Natacha est une interlocutrice  muette, une  accompagnatrice du poète à travers la Russie, devenue un « pays glacé », « le pays des mitrailleuses », de la  mort, où repose quelque part la tombe inconnue du premier mari de la jeune  femme brune aux yeux bleus. Elle est un lien entre l’Est et l’Ouest, entre deux identités et deux cultures, mais aussi une sorte de thérapeute qui assiste à l’anamnèse du poète, l’aide à livrer ses obsessions, sans réussir à le guérir. Il erre encore dans sa nuit, hanté par le drame de ses parents qui l’avait ravagé depuis son enfance.

Les poèmes de Denis Emorine sont le chant douloureux d’une vie atteinte par le cauchemar de la mort, avec le sentiment prégnant de l’exil intérieur et des accents de révolte, de haine contre les horreurs de l’Histoire.

Comme le vent dans les arbres est écrit comme un seul souffle, avec de petites pauses de respiration, sans ponctuation, sans titres, laissant les vers se mettre sur la page dans leur musicalité, en l’absence des rimes, leur mélodie émane de la sonorité des phrases, de leur rythme intérieur. On pourrait voir  dans la poésie du poète français un requiem pour l’Est.




Présentation de l’auteur

Denis Emorine

Denis Emorine  est né en 1956 près de Paris.  Il a avec l’anglais une relation affective parce que sa mère enseignait cette langue. Il est d’une lointaine ascendance russe du côté paternel. Ses thèmes de prédilection sont la recherche de l’identité, le thème du double et la fuite du temps. Il est fasciné par l’Europe de l’Est. Poète, essayiste, nouvelliste et dramaturge, Emorine est traduit en une douzaine de langues. Son théâtre a été joué en France, au Canada ( Québec) et en Russie. Plusieurs de ses livres ont été édités aux Etats-Unis. Il collabore régulièrement à la revue de littérature "Les Cahiers du Sens". 
En 2004, Emorine a reçu  le premier prix de poésie (français) au Concours International. L’Académie du Var lui a décerné le « prix de poésie 2009 ».
On peut lui rendre visite sur son site : denis.emorine.free.fr

Bibliographie (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Denis Emorine, Prélude à un dernier exil

Ce recueil de poème entremêle différents thèmes chers à l’auteur. On rencontre en effet tout au long de l’œuvre l’amour,  la mort et  la guerre. Ces trois notions sont reliées entre elles par [...]

Mélissa Brun, La nuit ne finira jamais

Le recueil de poème La nuit ne finira jamais… Poèmes transpercés par le vent d’est de Denis Emorine est une invitation au voyage. Voyage dans l’espace, dans le temps, dans l’écriture, voyage de [...]

Denis Emorine, Romance pour Olga

Le poète, dans ce nouvel opus, tutoie la Russie et son amie Olga. Une longue et entêtante mélancolie tisse autour d'elles une voix poétique qui, en brefs poèmes, distille tout l'amour qu'il peut [...]

Denis Emorine, Foudroyer le soleil

Le recueil bilingue de Denis Emorine, poète français né en 1956, s’insinue dans des thèmes dramatiques : l’exil, la séparation d’avec les êtres chers, les amours perdus, l’Est qui a connu tant de bouleversements. [...]

Denis Emorine, Comme le vent dans les arbres

Denis Emorine est le poète des obsessions  comme les grands poètes de tous les temps. Il ne cesse de les dévoiler non seulement dans ses poèmes, mais dans toute son œuvre (poésie, romans, [...]




Denis Emorine, Comme le vent dans les arbres

Les arbres du titre sont les fameux "bouleaux" de l'est qui ont abrité tant de mitrailleuses et de morts.

L'est, le souvenir du père et de Natacha aimée traversent nombre de poèmes, qui disent la douleur d'exister quand d'autres sont morts ou perdus.

L'intense blessure de la mémoire, qui persiste et abrège les plaisirs, remue dans ces poèmes d'un poète blessé par le passé.

A quoi bon écrire, sur des tombes, des absences ?

Quel est cet Est d'où vient la mort ?

De brefs poèmes ressassent la douleur, redisant, avec les mêmes mots, la souffrance de l'est, la blessure des pertes, la guerre toujours là, aux aguets, la pauvreté de la poésie pour réparer, effacer les traces.

D'un lyrisme contenu, les textes ont la puissance de l'aveu et la fragilité des ferveurs.

Un beau livre.

Denis Emorine, Comme le vent dans les arbres, édition bilingue français/italien, Ladolfi, 2023, 156 p., 15 euros.

Présentation de l’auteur

Denis Emorine

Denis Emorine  est né en 1956 près de Paris.  Il a avec l’anglais une relation affective parce que sa mère enseignait cette langue. Il est d’une lointaine ascendance russe du côté paternel. Ses thèmes de prédilection sont la recherche de l’identité, le thème du double et la fuite du temps. Il est fasciné par l’Europe de l’Est. Poète, essayiste, nouvelliste et dramaturge, Emorine est traduit en une douzaine de langues. Son théâtre a été joué en France, au Canada ( Québec) et en Russie. Plusieurs de ses livres ont été édités aux Etats-Unis. Il collabore régulièrement à la revue de littérature "Les Cahiers du Sens". 
En 2004, Emorine a reçu  le premier prix de poésie (français) au Concours International. L’Académie du Var lui a décerné le « prix de poésie 2009 ».
On peut lui rendre visite sur son site : denis.emorine.free.fr

Bibliographie (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Denis Emorine, Prélude à un dernier exil

Ce recueil de poème entremêle différents thèmes chers à l’auteur. On rencontre en effet tout au long de l’œuvre l’amour,  la mort et  la guerre. Ces trois notions sont reliées entre elles par [...]

Mélissa Brun, La nuit ne finira jamais

Le recueil de poème La nuit ne finira jamais… Poèmes transpercés par le vent d’est de Denis Emorine est une invitation au voyage. Voyage dans l’espace, dans le temps, dans l’écriture, voyage de [...]

Denis Emorine, Romance pour Olga

Le poète, dans ce nouvel opus, tutoie la Russie et son amie Olga. Une longue et entêtante mélancolie tisse autour d'elles une voix poétique qui, en brefs poèmes, distille tout l'amour qu'il peut [...]

Denis Emorine, Foudroyer le soleil

Le recueil bilingue de Denis Emorine, poète français né en 1956, s’insinue dans des thèmes dramatiques : l’exil, la séparation d’avec les êtres chers, les amours perdus, l’Est qui a connu tant de bouleversements. [...]

Denis Emorine, Comme le vent dans les arbres

Denis Emorine est le poète des obsessions  comme les grands poètes de tous les temps. Il ne cesse de les dévoiler non seulement dans ses poèmes, mais dans toute son œuvre (poésie, romans, [...]




Denis Emorine, Foudroyer le soleil

Le recueil bilingue de Denis Emorine, poète français né en 1956, s’insinue dans des thèmes dramatiques : l’exil, la séparation d’avec les êtres chers, les amours perdus, l’Est qui a connu tant de bouleversements.

La douleur est au cœur de ce récit en poèmes, où les femmes ont une place de choix. Le poète n’a pas pu les oublier et il verse des larmes sur ce passé enfui.

Dans de brefs poèmes qui cisèlent les blessures de ces exils, le poète traverse le temps, énumère les prénoms aimés, mais la mort s’impose, le chagrin aussi, la déperdition si brutale.

L’auteur a la sensation vive de se « débattre » dans un monde où tout lui échappe. Et que reste-t-il ? « Quelques poèmes » qui évoquent les beaux jours.

Le souvenir des moments partagés, les forêts de l’Est, « les mots abandonnés », les « assassinats », tout ôte « la lumière de la page », comme un exil aigu.

A force de me tourner vers l’Est
j’ai perdu le sommeil
Les voix de l’exil m’ont rejoint
je les sens tout contre moi
leur souffle chaud

(p.56)

Denis EMORINE, Foudroyer le soleil – Fulminare il sole, Ladolfi editore, 2022, 120p, 12 euros. Traduit de l’italien et préfacé par l’éditeur Giuliano LADOLFI.

Ecrire
a le goût de l’exil
depuis si longtemps

(p.106)

 

Le titre symbolise bien cette lutte intime avec la lumière fulgurante, à la fois déchirure et élan.

Présentation de l’auteur

Denis Emorine

Denis Emorine  est né en 1956 près de Paris.  Il a avec l’anglais une relation affective parce que sa mère enseignait cette langue. Il est d’une lointaine ascendance russe du côté paternel. Ses thèmes de prédilection sont la recherche de l’identité, le thème du double et la fuite du temps. Il est fasciné par l’Europe de l’Est. Poète, essayiste, nouvelliste et dramaturge, Emorine est traduit en une douzaine de langues. Son théâtre a été joué en France, au Canada ( Québec) et en Russie. Plusieurs de ses livres ont été édités aux Etats-Unis. Il collabore régulièrement à la revue de littérature "Les Cahiers du Sens". 
En 2004, Emorine a reçu  le premier prix de poésie (français) au Concours International. L’Académie du Var lui a décerné le « prix de poésie 2009 ».
On peut lui rendre visite sur son site : denis.emorine.free.fr

Bibliographie (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Denis Emorine, Prélude à un dernier exil

Ce recueil de poème entremêle différents thèmes chers à l’auteur. On rencontre en effet tout au long de l’œuvre l’amour,  la mort et  la guerre. Ces trois notions sont reliées entre elles par [...]

Mélissa Brun, La nuit ne finira jamais

Le recueil de poème La nuit ne finira jamais… Poèmes transpercés par le vent d’est de Denis Emorine est une invitation au voyage. Voyage dans l’espace, dans le temps, dans l’écriture, voyage de [...]

Denis Emorine, Romance pour Olga

Le poète, dans ce nouvel opus, tutoie la Russie et son amie Olga. Une longue et entêtante mélancolie tisse autour d'elles une voix poétique qui, en brefs poèmes, distille tout l'amour qu'il peut [...]

Denis Emorine, Foudroyer le soleil

Le recueil bilingue de Denis Emorine, poète français né en 1956, s’insinue dans des thèmes dramatiques : l’exil, la séparation d’avec les êtres chers, les amours perdus, l’Est qui a connu tant de bouleversements. [...]

Denis Emorine, Comme le vent dans les arbres

Denis Emorine est le poète des obsessions  comme les grands poètes de tous les temps. Il ne cesse de les dévoiler non seulement dans ses poèmes, mais dans toute son œuvre (poésie, romans, [...]




Denis EMORINE, Vers l’est ou dans l’ornière du temps / Verso l’est o nel solco del tempo

Que de textes graves, mélancoliques, tristes et tragiques ! De l'Est évoqué par les « barbelés » de l'histoire , les « bouleaux » de Wajda et les références à la poétesse russe Marina Tsvetaiëva, Emorine nous conduit au plus intime de la violence subie. Sans s'appesantir, il nous donne à lire les séparations, les blessures, les violences de la guerre, à l'Est et ailleurs.

Dans des poèmes assez brefs, en deux sections « Détours » et « Insomnies », le poète grave sa poésie dans le terreau des victimes et les souvenirs âpres. On sent une proximité avec ces noms qui courent les pages, autant de deuils, on le pressent : Nora, Jacques, d'autres anonymes. La force de la poésie est sans doute de décaper l'atroce et d'en rendre compte dans la lumière même du poème : 

 

Pieds et poings liés
tu ne peux plus articuler un mot
ton sang coule aussi
sur des lettres d'amour

(p.48)

Dans l'ornière du temps
règne l'obscurité
les jours ont déteint sur toi
tes vêtements et ta peau sont devenus gris
tes mots se sont échappés dans la nuit

(p.76)

 

Denis EMORINE, Vers l'est ou dans l'ornière du temps / Verso l'est o nel solco del tempo, Giuliano Ladolfi editore, 2021, 128p. 12 euros ; Traduction en italien par Giuliano Ladolfi. Préface d'Isabelle Poncet-Rimaud.

Il y est question d'amour, de séparation : le passé est lourd à supporter, et les souvenirs laissent d'intimes traces blessantes. Le talent d'Emorine est de nous livrer une vision de l'histoire proche et tout à la fois inscrite dans la grande histoire et ses fossés tragiques.

Ce livre bilingue, très bien présenté, suggère au lecteur toutes les peines endurées, sans jamais y être démonstratif ou pesant, parfois la tête est trop lourde pour subir et il faut donc la légèreté grave du poème pour alerter l'âme. Ce que le poète fait très bien. Au sang, au rouge répondent les lumières du poème.

Présentation de l’auteur

Denis Emorine

Denis Emorine  est né en 1956 près de Paris.  Il a avec l’anglais une relation affective parce que sa mère enseignait cette langue. Il est d’une lointaine ascendance russe du côté paternel. Ses thèmes de prédilection sont la recherche de l’identité, le thème du double et la fuite du temps. Il est fasciné par l’Europe de l’Est. Poète, essayiste, nouvelliste et dramaturge, Emorine est traduit en une douzaine de langues. Son théâtre a été joué en France, au Canada ( Québec) et en Russie. Plusieurs de ses livres ont été édités aux Etats-Unis. Il collabore régulièrement à la revue de littérature "Les Cahiers du Sens". 
En 2004, Emorine a reçu  le premier prix de poésie (français) au Concours International. L’Académie du Var lui a décerné le « prix de poésie 2009 ».
On peut lui rendre visite sur son site : denis.emorine.free.fr

Bibliographie (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Denis Emorine, Prélude à un dernier exil

Ce recueil de poème entremêle différents thèmes chers à l’auteur. On rencontre en effet tout au long de l’œuvre l’amour,  la mort et  la guerre. Ces trois notions sont reliées entre elles par [...]

Mélissa Brun, La nuit ne finira jamais

Le recueil de poème La nuit ne finira jamais… Poèmes transpercés par le vent d’est de Denis Emorine est une invitation au voyage. Voyage dans l’espace, dans le temps, dans l’écriture, voyage de [...]

Denis Emorine, Romance pour Olga

Le poète, dans ce nouvel opus, tutoie la Russie et son amie Olga. Une longue et entêtante mélancolie tisse autour d'elles une voix poétique qui, en brefs poèmes, distille tout l'amour qu'il peut [...]

Denis Emorine, Foudroyer le soleil

Le recueil bilingue de Denis Emorine, poète français né en 1956, s’insinue dans des thèmes dramatiques : l’exil, la séparation d’avec les êtres chers, les amours perdus, l’Est qui a connu tant de bouleversements. [...]

Denis Emorine, Comme le vent dans les arbres

Denis Emorine est le poète des obsessions  comme les grands poètes de tous les temps. Il ne cesse de les dévoiler non seulement dans ses poèmes, mais dans toute son œuvre (poésie, romans, [...]




Denis Emorine, Romance pour Olga

Le poète, dans ce nouvel opus, tutoie la Russie et son amie Olga. Une longue et entêtante mélancolie tisse autour d'elles une voix poétique qui, en brefs poèmes, distille tout l'amour qu'il peut éprouver pour la Russie de son père et d'admiration pour Olga.

La mémoire, les souvenirs prégnants de la terre russe offrent matière lyrique à ce recueil qui énonce les beautés, attise la nostalgie des tableaux dont le poème détient les clefs.

Profonde
est l'obscurité
quand je retourne là
où les mots n'existent plus
je perds pied
j'ai oublié jusqu'à ton nom

Denis EMORINE, Romance pour Olga, éditions Il est midi, pages non numérotées, 2021, prix non indiqué.Préface due à Olga Kulagina.

Le poète se revoit petit garçon, conserve quelques fragments d'un père disparu.Le livre est de deuil et de souffrance, et tout à la fois gage que l'on peut retrouver certaines images, quelques figures du passé.

Moscou, « la nuit russe », « le ciel rouge de l'Est » peuplent ces remémorations d'une « Russie qui se dérobe ».

La poésie est certes mémorielle ; elle consigne les « mots usés » ; elle est offrande et exaspération devant le passé qui se délite, et qu'il faut, coûte que coûte, ressaisir, dans une ferveur sans défaut ni défaillance.

L'écriture, toute simple, sert bien le propos ; les images en sont nettes et denses : « le sol craquelé/ de la mémoire ».

Poèmes partageables et sensibles d'un auteur né en 1956, qui convoque ici, pour le meilleur, les reliefs de son passé.

Présentation de l’auteur

Denis Emorine

Denis Emorine  est né en 1956 près de Paris.  Il a avec l’anglais une relation affective parce que sa mère enseignait cette langue. Il est d’une lointaine ascendance russe du côté paternel. Ses thèmes de prédilection sont la recherche de l’identité, le thème du double et la fuite du temps. Il est fasciné par l’Europe de l’Est. Poète, essayiste, nouvelliste et dramaturge, Emorine est traduit en une douzaine de langues. Son théâtre a été joué en France, au Canada ( Québec) et en Russie. Plusieurs de ses livres ont été édités aux Etats-Unis. Il collabore régulièrement à la revue de littérature "Les Cahiers du Sens". 
En 2004, Emorine a reçu  le premier prix de poésie (français) au Concours International. L’Académie du Var lui a décerné le « prix de poésie 2009 ».
On peut lui rendre visite sur son site : denis.emorine.free.fr

Bibliographie (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Denis Emorine, Prélude à un dernier exil

Ce recueil de poème entremêle différents thèmes chers à l’auteur. On rencontre en effet tout au long de l’œuvre l’amour,  la mort et  la guerre. Ces trois notions sont reliées entre elles par [...]

Mélissa Brun, La nuit ne finira jamais

Le recueil de poème La nuit ne finira jamais… Poèmes transpercés par le vent d’est de Denis Emorine est une invitation au voyage. Voyage dans l’espace, dans le temps, dans l’écriture, voyage de [...]

Denis Emorine, Romance pour Olga

Le poète, dans ce nouvel opus, tutoie la Russie et son amie Olga. Une longue et entêtante mélancolie tisse autour d'elles une voix poétique qui, en brefs poèmes, distille tout l'amour qu'il peut [...]

Denis Emorine, Foudroyer le soleil

Le recueil bilingue de Denis Emorine, poète français né en 1956, s’insinue dans des thèmes dramatiques : l’exil, la séparation d’avec les êtres chers, les amours perdus, l’Est qui a connu tant de bouleversements. [...]

Denis Emorine, Comme le vent dans les arbres

Denis Emorine est le poète des obsessions  comme les grands poètes de tous les temps. Il ne cesse de les dévoiler non seulement dans ses poèmes, mais dans toute son œuvre (poésie, romans, [...]




Denis Emorine, Mots déserts, suite russe, Emmanuel Moses, Tout le monde est tout le temps en voyage

Denis Emorine, Mots déserts, suite russe

Les mots sont déserts parce qu'ils renvoient à des images de souffrance et de deuil. Dédiés à nombre de figures russes (le poète est lui-même de cette ascendance-là), les poèmes signalent un travail âpre et vigoureux autour de souvenirs liés aux camps, à l'Est, aux forêts de bouleaux, à tous ces morts et absents.

Carmen , Anna, Dominique, Marina, Boris, des noms célèbres souvent,  ponctuent ces messages d'une empathie brillante et singulière car le poète n'arrive pas à évacuer ce lourd passé, ces « mots déserts » alors qu'il faudrait une matière vive, réconfortante.

Ce sont des textes pleins de sang, de sève, de vie ; il en faut du courage pour remuer toute cette désespérance humaine :

Sont-ils vraiment morts
les bourreaux de l'Est

...

Du fond de la nuit russe
monte une voix brisée
celle de ton passé
lorsque le sang
coulait sur ta poésie

...

Denis EMORINE, Mots déserts, suite russe, éditions unicité, 2021, 86p., 13 euros. Préface incisive de Giovanni Dotoli. Page de couverture signée Colette Klein .

Hommages aux siens, à la « voix étouffée » de son père, ces poèmes conjurent comme des prières les pires moments pour les transcender et faire de ce noeud de douleur quelque chose qui s'apparente à la vie retrouvée.

L'écriture, pour signifier cette souffrance, tempère le lyrisme de constats graves, évite le ton du sentimentalisme pour offrir au lecteur des blasons de vérité. Chaque poème ne dépasse pas la page. Chaque poème s'inscrit dans un devoir de mémoire, clair et prenant. On sent la traque de tendresse, la trace de l'effroi, la trame du souvenir.

Un beau livre de deuil. 

∗∗∗

 

Emmanuel MOSES, Tout le monde est tout le temps en voyage

D'un titre qui résonne – en ces temps de Covid 19 – comme un détour ironique, puisque tout voyage est désormais interdit, le poète tire toutes les ficelles de voyages imaginaires entre peinture, terre sainte et traces familiales.

En plusieurs sections, puisque le réel est lui-même sectionné, Moses décline son amour de la peinture, qui puisse condenser la réalité et qui sait ,  mieux la refléter. Tel poème cligne la référence à Brueghel, d'autres à Poussin, certains à de vraies natures mortes, où Moses, tel un Quignard classique, évoque « un moustique qui a dépassé Dieu » ou encore, « deux guêpes bourdonnent autour de mon sexe ».

Le sentiment de la perte est aigu (« Tu as encore ton ombre / Ton nom et tes chagrins »), il cisaille ces poèmes où des « moineaux me suivent / Comme une langue maternelle ».

Le chemin est ardu : les traces que l'on souhaitait retrouver sont invisibles, et le fils a beau remuer la terre de Pologne, rien n'y fait. De quoi est faite notre généalogie ? Notre âme ?  Dispersée ? Sans doute.

Comme l'enfant du « Silence » bergmanien, le poète se colle le « nez au crépuscule », dans une attente fiévreuse, son « plancher est criblé de trous », la mort rôde et complique les choses.

Quant aux jardins de l'espoir, il sont entretenus « par des mains invisibles ». Moses a beau se muer en « verdier » et se poser « sur son épaule de mort », « les mots sont des revenants » têtus, tenaces, et « la saison d'homme » se doit d'être assumée.

Emmanuel MOSES, Tout le monde est tout le temps en voyage, Al Manar, 2020, 68p., 16 euros ; Très beaux dessins de Tereza Lochmann, qui font penser à la porcelaine de Delft.

Sinon, il reste à longer la mer, à se mettre en surplomb, pour oser regarder le monde, tout le temps absent, tout le temps en voyage.

Il y a, dans certains poèmes de ce recueil lunaire, écho de « Monsieur Néant », où, à force de tisser des liens impondérables entre l'intérieur et le monde, entre  la chambre et l'espace, le lecteur n'en finit pas de creuser sa propre route « nourri par une rage de mainmise et de destruction ».

Dans l'attente des sens.

Ou de soi.               

Présentation de l’auteur

Denis Emorine

Denis Emorine  est né en 1956 près de Paris.  Il a avec l’anglais une relation affective parce que sa mère enseignait cette langue. Il est d’une lointaine ascendance russe du côté paternel. Ses thèmes de prédilection sont la recherche de l’identité, le thème du double et la fuite du temps. Il est fasciné par l’Europe de l’Est. Poète, essayiste, nouvelliste et dramaturge, Emorine est traduit en une douzaine de langues. Son théâtre a été joué en France, au Canada ( Québec) et en Russie. Plusieurs de ses livres ont été édités aux Etats-Unis. Il collabore régulièrement à la revue de littérature "Les Cahiers du Sens". 
En 2004, Emorine a reçu  le premier prix de poésie (français) au Concours International. L’Académie du Var lui a décerné le « prix de poésie 2009 ».
On peut lui rendre visite sur son site : denis.emorine.free.fr

Bibliographie (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Denis Emorine, Prélude à un dernier exil

Ce recueil de poème entremêle différents thèmes chers à l’auteur. On rencontre en effet tout au long de l’œuvre l’amour,  la mort et  la guerre. Ces trois notions sont reliées entre elles par [...]

Mélissa Brun, La nuit ne finira jamais

Le recueil de poème La nuit ne finira jamais… Poèmes transpercés par le vent d’est de Denis Emorine est une invitation au voyage. Voyage dans l’espace, dans le temps, dans l’écriture, voyage de [...]

Denis Emorine, Romance pour Olga

Le poète, dans ce nouvel opus, tutoie la Russie et son amie Olga. Une longue et entêtante mélancolie tisse autour d'elles une voix poétique qui, en brefs poèmes, distille tout l'amour qu'il peut [...]

Denis Emorine, Foudroyer le soleil

Le recueil bilingue de Denis Emorine, poète français né en 1956, s’insinue dans des thèmes dramatiques : l’exil, la séparation d’avec les êtres chers, les amours perdus, l’Est qui a connu tant de bouleversements. [...]

Denis Emorine, Comme le vent dans les arbres

Denis Emorine est le poète des obsessions  comme les grands poètes de tous les temps. Il ne cesse de les dévoiler non seulement dans ses poèmes, mais dans toute son œuvre (poésie, romans, [...]

Présentation de l’auteur

Emmanuel Moses

Emmanuel Moses est un écrivain français (poète, traducteur, romancier) né à Casablanca en 1959. il vit et travaille à Paris.

Son enfance s'est déroulée à Paris. Ensuite – il avait neuf ans – ses parents émigrent en Israël. Le futur écrivain y fait des études d’histoire. En 1986, il est de retour en France. Ses premières publications furent des poèmes, puis vinrent des romans. Il est également traducteur, notamment de l'hébreu moderne. Son père était le philosophe franco-israélien Stéphane Mosès. Sa mère est l'artiste Liliane Klapisch.

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures




Mélissa Brun, La nuit ne finira jamais

Le recueil de poème La nuit ne finira jamais… Poèmes transpercés par le vent d’est de Denis Emorine est une invitation au voyage. Voyage dans l’espace, dans le temps, dans l’écriture, voyage de la vie vers la mort et de la mort vers la vie. Voyage effectif. Voyage symbolique. 

Dès le titre, on retrouve une source d’inspiration chère à l’auteur : son lien avec l’Est et avec la Russie. En effet, ces poèmes sont « transpercés par le vent d’est », ce qui sousentend un rapport affectif mais aussi douloureux à cette partie du monde. 

Par la suite, de nombreux lieux, réels et/ou symboliques sont mentionnés : « la courbe du Luxembourg », « Nîmes », « la Laune », « la toundra », « la taïga », « la Place

Széchenyi », ou encore « la lisière de ma vie », « un chemin défoncé », « les routes de l’exil », « l'isba du chagrin » etc., sans compter la mention du train qui revient à diverses reprises et qui permet de relier, de traverser ces différents lieux. Le voyage est donc tour à tour objet de rencontre, de solitude, de mouvement ou de statisme.

Mélissa Brun : La nuit ne finira jamais…
Poèmes transpercés par le vent d’est
de
Denis Emorine (éditions Unicité, 2019)

Ce voyage dans l’espace est également un voyage dans le temps. Un temps parfois défini : l’enfance, l’âge adulte, la vieillesse ; mais parfois beaucoup plus fuyant, sans chronologie distincte. Le poète mentionne ainsi l’Histoire avec un grand H et certaines de ses tragédies, et l’histoire d’un homme, de sa naissance à sa mort, et les lie ensemble grâce à l’écriture : 

 

Je suis retourné malgré moi  sur les 
chemins de l'Histoire 
 ou encore :  parce 
que l'Histoire me poursuit toujours 
 

 

Le je lyrique est donc pris en tenaille entre l’Histoire et ses atrocités, et l’histoire individuelle et sa propre tragédie. Les notions de retour et de fuite mentionnées dans ces vers sont primordiales dans l’œuvre. D’ailleurs, la dernière partie du recueil se nomme « labyrinthe » et elle est accompagnée de la mention « autoportrait ». Or, un labyrinthe est un lieu hors duquel il est difficile de s’échapper et dans lequel on tourne facilement en rond. De même, le poète explore la vie dans tous les sens grâce à ses mots, et même si certains thèmes sont récurrents dans l’œuvre, ils sont nécessaires à l’élaboration d’une poésie qui explore la vie dans toutes ses phases. 

Le voyage proposé par le poète dans son recueil est donc aussi méta-poétique, tel un manifeste de l’œuvre de l’auteur. Denis Emorine fait ainsi intervenir dans ce recueil tantôt des personnes réelles, comme Carmen, ou encore Agnès, tantôt des  personnages fictifs qu’il a créés, telles que Laetitia Valarcher et Nóra  , femmes issues de son roman, La mort en berne1, et interroge à travers ces diverses figures féminines le rapport du je poétique à la femme, à l’amour et à la mort. 

 Dès lors,  la poésie se fait  parole qui permet de garder le souvenir de l’être absent :  Je te regardais t'éloigner sans te retourner  mais ta voix me poursuivrait encore longtemps

Ainsi,  ce voyage à travers les mots serait une tentative désespérée mais nécessaire pour combler le manque engendré par la mort : Je continuerai à  rebrousser chemin  puisque je ne peux plus retrouver ton sourire  je me surprends à marcher à l'envers  pour te rejoindre  

 

même si je sais que l'échec sera mon seul compagnon

 

Seule la force de l’amour semble pouvoir sortir le je lyrique de sa détresse, et encore une fois, cela est immanquablement associé à l’acte d’écrire : 

 

je n'écrirai plus  puisque tu seras mon écriture 

 

Enfin, le je lyrique oscille entre renoncement et espoir en plaçant toujours sa poésie au service de l’homme et de son cheminement dans l’existence : 

 

Tu méprises ceux qui  en sacralisant la poésie  
croient se hisser tout en haut de l'Olympe

 

La poésie doit donc rester au niveau de l’homme et interroger son rapport à l’existence, face aux épreuves de la vie et au caractère éphémère du bonheur. 

La nuit ne finira jamais explore donc la tragédie de l’homme voué à la mort en un voyage qui transcende l’espace et le temps. Le je lyrique est propulsé dans un monde où Histoire et histoire sont mêlées et où le sens de la vie et de la mort lui échappe, tout comme le sens du poème ne se donne pas nécessairement au premier abord. Le poète semble ainsi inviter le lecteur à faire ce qu’il fait lui-même dans son écriture : revenir sur ses pas. 

 

Note

1    5 Sens Éditions, Genève 2017

Présentation de l’auteur

Denis Emorine

Denis Emorine  est né en 1956 près de Paris.  Il a avec l’anglais une relation affective parce que sa mère enseignait cette langue. Il est d’une lointaine ascendance russe du côté paternel. Ses thèmes de prédilection sont la recherche de l’identité, le thème du double et la fuite du temps. Il est fasciné par l’Europe de l’Est. Poète, essayiste, nouvelliste et dramaturge, Emorine est traduit en une douzaine de langues. Son théâtre a été joué en France, au Canada ( Québec) et en Russie. Plusieurs de ses livres ont été édités aux Etats-Unis. Il collabore régulièrement à la revue de littérature "Les Cahiers du Sens". 
En 2004, Emorine a reçu  le premier prix de poésie (français) au Concours International. L’Académie du Var lui a décerné le « prix de poésie 2009 ».
On peut lui rendre visite sur son site : denis.emorine.free.fr

Bibliographie (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Denis Emorine, Prélude à un dernier exil

Ce recueil de poème entremêle différents thèmes chers à l’auteur. On rencontre en effet tout au long de l’œuvre l’amour,  la mort et  la guerre. Ces trois notions sont reliées entre elles par [...]

Mélissa Brun, La nuit ne finira jamais

Le recueil de poème La nuit ne finira jamais… Poèmes transpercés par le vent d’est de Denis Emorine est une invitation au voyage. Voyage dans l’espace, dans le temps, dans l’écriture, voyage de [...]

Denis Emorine, Romance pour Olga

Le poète, dans ce nouvel opus, tutoie la Russie et son amie Olga. Une longue et entêtante mélancolie tisse autour d'elles une voix poétique qui, en brefs poèmes, distille tout l'amour qu'il peut [...]

Denis Emorine, Foudroyer le soleil

Le recueil bilingue de Denis Emorine, poète français né en 1956, s’insinue dans des thèmes dramatiques : l’exil, la séparation d’avec les êtres chers, les amours perdus, l’Est qui a connu tant de bouleversements. [...]

Denis Emorine, Comme le vent dans les arbres

Denis Emorine est le poète des obsessions  comme les grands poètes de tous les temps. Il ne cesse de les dévoiler non seulement dans ses poèmes, mais dans toute son œuvre (poésie, romans, [...]




Denis Emorine, Prélude à un dernier exil

Ce recueil de poème entremêle différents thèmes chers à l’auteur. On rencontre en effet tout au long de l’œuvre l’amour,  la mort et  la guerre. Ces trois notions sont reliées entre elles par le thème de la frontière, que l’on retrouve dans le titre, Prélude à un nouvel exil, et dans le sous-titre « poèmes suspendus à la frontière ». Il s’agit donc bien d’une œuvre dédiée à l’Homme, qui interroge son rapport aux autres et au monde dans un éternel mouvement. À l’Homme, ou plutôt à la Femme, omniprésente, qu’elle soit sœur, mère ou amante. 

 

Denis Emorine,  Prélude à un nouvel
exil
, Éditions Unicité,2018.

L’idée de frontière est multiple. Frontière entre la vie et la mort, mentionnée dès les premiers poèmes dans « Deux poèmes à Agnès », dans lesquels la mort d’une femme aimée fait écho à celle, inévitable, du poète : « Maintenant / la mort s’attache à mes pas / toujours un peu plus. / Elle m’a fait vaciller encore une fois. » p. 20 ; frontière entre le passé et le présent,  puisque l’amour comme l’écriture semblent dépassés par le temps qui passe et qui menace les jours du poète : « Il est trop tard / pour disperser l’amour entre les tombes », «  le gravier nous fait tomber à présent » p. 24, ou encore « je pensais qu’il était beaucoup trop tard » p. 26 ; frontière entre la paix et la guerre, lorsque le poète mentionne l’enfant qu’il était se souvenant des larmes de son père lors de l’arrivée des chars russes à Prague, p. 22 ; frontière entre l’Occident et l’Orient avec la fascination qu’exerce l’Est sur le poète  qui se retrouve en train de « perdre l’équilibre sur le fil tendu à se rompre entre l’Est et l’Ouest », p. 24 ; et enfin frontière entre la fiction et la réalité puisque le poète semble établir un dialogue constant entre sa vie et son œuvre, dédiant ses poèmes tour à tour à des femmes ayant fait partie de sa vie, comme Agnès, et à des personnages qu’il a lui-même créés, comme Laetitia et Dominique Valarcher p. 24 et 27, ainsi que Nora, p. 28, qui sont les personnages principaux de son roman La mort en berne1. Mais toutes ces frontières ne font pas que cloisonner le monde du poète. Au contraire, elles permettent aux différents thèmes présents dans l’œuvre de se fondre les uns aux autres. Ainsi, l’amour, la mort, la guerre et l’Orient deviennent irrémédiablement liés par l’exil : « De l’autre côté de la frontière / ils me dévisagent en / m’apostrophant dans une langue inconnue / (les soldats ne me quittent pas des yeux / le doigt sur la détente) / j’ai envie de / crier : / « Mon cœur est à l’Est ! ». De même, l’amour d’une femme conduit le poète à sa perte p. 57, et au contraire, le poète contribue à la mort d'un ami en se laissant distraire par son œuvre  p.61 : « je n’ai rien pu faire pour te sauver / le temps d’écrire un poème leur a suffi pour t’exécuter. ».

Cette porosité des frontières met en avant les multiples paradoxes de la nature humaine, et de l’artiste. En effet, l’homme, pourtant débordant d’amour, ne peut rien faire pour empêcher la mort des femmes qu’il aime. Cette tragédie de la vie chantée par le poète au fil des pages se fait de plus en plus prégnante et semble menacer l’artiste et son œuvre : « Les voix des poètes se sont tues / devant le sang qui recouvre les chemins » p. 33, et le poète finit par ressembler à un Orphée déchu, incapable de lutter contre la mort : « nous n’avons pas su comment/ faire douter la mort / ni apprivoiser les rossignols/ en leur lisant tes poèmes » p. 39. Et souvent, la tentation est grande, lorsque la vie est trop dure, de s’enfermer dans la beauté de la fiction : « J’ai eu envie de tourner les talons / et de repartir dans la forêt de bouleaux qui n’existe pas / sauf dans la Russie de mes livres. » p.30.

Enfin, le paradoxe le plus grand mais aussi sans doute le plus beau se trouve dans cette ambivalence de l’écriture, qui semble parfois vaine et insuffisante puisque l’artiste, qu’il soit poète ou musicien, finit toujours par mourir et semble lui-même vouloir disparaître : « La poésie me tient lieu d’épitaphe » p. 64, et souhaite « efface[r] [s]on nom de la mémoire des hommes » p. 65. Mais la poésie, seule, permet de faire revivre les êtres disparus. En effet, la voix du poète se fait elle-même écho pour chanter à jamais la mémoire d’une femme aimée et partie trop tôt : « toutes les femmes que j’aime / porteront à jamais ton nom à travers tous les échos / Agnès / Agnès. ». La poésie, relais de l’amour, l’emporte donc finalement sur la mort, sur l’ignorance et sur la guerre : «  Ils ne savaient sans doute pas/ que l’amour est éternel / puisqu’ils n’ont jamais ouvert un livre. » p. 56.

Denis Emorine fait ainsi découvrir au lecteur un monde où les frontières séparent ou rapprochent tour à tour, et où l’amour survit au temps, à la mort et à la guerre par le biais de la poésie.