Emmanuel Moses, Tout le monde est tout le temps en voyage

Par |2021-02-06T10:42:23+01:00 6 février 2021|Catégories : Emmanuel Moses|

D’un titre qui résonne – en ces temps de Covid 19 – comme un détour ironique, puisque tout voy­age est désor­mais inter­dit, le poète tire toutes les ficelles de voy­ages imag­i­naires entre pein­ture, terre sainte et traces familiales.

En plusieurs sec­tions, puisque le réel est lui-même sec­tion­né, Moses décline son amour de la pein­ture, qui puisse con­denser la réal­ité et qui sait ,  mieux la refléter. Tel poème cligne la référence à Brueghel, d’autres à Poussin, cer­tains à de vraies natures mortes, où Moses, tel un Quig­nard clas­sique, évoque « un mous­tique qui a dépassé Dieu » ou encore, « deux guêpes bour­don­nent autour de mon sexe ».

Le sen­ti­ment de la perte est aigu (« Tu as encore ton ombre/ Ton nom et tes cha­grins »), il cisaille ces poèmes où des « moineaux me suivent/ Comme une langue mater­nelle ». Le chemin est ardu : les traces que l’on souhaitait retrou­ver sont invis­i­bles, et le fils a beau remuer la terre de Pologne, rien n’y fait. De quoi est faite notre généalo­gie ? Notre âme ?  Dis­per­sée ? Sans doute.

Comme l’en­fant du « Silence » bergmanien, le poète se colle le « nez au cré­pus­cule », dans une attente fiévreuse, son « planch­er est criblé de trous », la mort rôde et com­plique les choses. Quant aux jardins de l’e­spoir, il sont entretenus « par des mains invisibles ».

Emmanuel Moses, Tout le monde est tout 
le temps en voy­age
, Al Man­ar, 2020, 68p., 
16 euros ; Très beaux dessins de Tereza Lochmann

 

Moses a beau se muer en « verdier » et se pos­er « sur son épaule de mort », « les mots sont des revenants » têtus, tenaces, et « la sai­son d’homme » se doit d’être assumée. Sinon, il reste à longer la mer, à se met­tre en sur­plomb, pour oser regarder le monde, tout le temps absent, tout le temps en voyage.

Il y a, dans cer­tains poèmes de ce recueil lunaire, écho de « Mon­sieur Néant », où, à force de tiss­er des liens impondérables entre l’in­térieur et le monde, entre  la cham­bre et l’e­space, le lecteur n’en finit pas de creuser sa pro­pre route « nour­ri par une rage de main­mise et de destruction ».

Dans l’at­tente des sens.

Ou de soi.      

Présentation de l’auteur

Emmanuel Moses

Emmanuel Moses est un écrivain français (poète, tra­duc­teur, romanci­er) né à Casablan­ca en 1959. il vit et tra­vaille à Paris.

Son enfance s’est déroulée à Paris. Ensuite – il avait neuf ans – ses par­ents émi­grent en Israël. Le futur écrivain y fait des études d’histoire. En 1986, il est de retour en France. Ses pre­mières pub­li­ca­tions furent des poèmes, puis vin­rent des romans. Il est égale­ment tra­duc­teur, notam­ment de l’hébreu mod­erne. Son père était le philosophe fran­­co-israélien Stéphane Mosès. Sa mère est l’artiste Lil­iane Klapisch. 

© Crédits pho­tos (sup­primer si inutile)

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Philippe Leuckx

Né à Havay en 1955. Etudes de let­tres romanes.
Mem­bre de l’As­so­ci­a­tion des Ecrivains belges.
Cri­tique dans plusieurs revues et blogs (Jour­nal des poètes, Fran­coph­o­nie vivante, Bleu d’en­cre, poez­ibao, Les Belles Phras­es, revue Tex­ture…)

Prix Emma-Mar­tin 2011.

Auteur d’une trentaine de livres et pla­que­ttes de poésie : Une ombreuse soli­tude, Comme une épaule d’om­bres, Le fraudeur de poèmes, Le fleuve et le cha­grin, Touché cœur, Une espèce de tour­ment ?, Rome rumeurs nomades, Selon le fleuve et la lumière, Un pié­ton à Barcelone, Rome à la place de ton nom, D’enfances…

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