Edité depuis 1925, le Prince des Poètes 1972 a con­nu nom­bre d’éditions et de réédi­tions depuis 1978, date de sa mort, à 79 ans. En out­re, sa com­pagne, Madame Jea­nine Burny, dev­enue respon­s­able morale de l’œuvre de Carême, a tenu à pub­li­er les recueils inédits. Sac au dos, ain­si, rassem­ble des poèmes de sa vie nomade, au fil des vagabondages « sac au dos », des riv­ières et de la nature, lieux d’inspiration insignes pour ce poète mar­qué au sceau de la trans­parence et de la lisibilité.

Beau­coup de cri­tiques offi­ciels d’alors se sont gen­ti­ment moqués du « poète des enfants », ils étaient par­fois poètes eux-mêmes, et cer­tains détracteurs aujourd’hui com­plète­ment oubliés, tel Adrien Jans, académi­cien, porte-flam­beau des détracteurs au « Soir » et ailleurs, poète mineur mais doué sem­ble-t-il pour la cri­tique facile qui l’a englouti. Soyons juste : 1905–1972. Que l’oubli ait son âme !

Il y a une magie de la trans­parence carêmi­enne, car­ré­ment effi­cace et poé­tique. Sac au dos aligne des célébra­tions de sites de Bel­gique, de France, surtout, qui l’inspirent et le poussent à offrir au lecteur des bla­sons de l’instant voyageur, qu’accompagnent des clichés de toute beauté de Madame Burny, en noir et blanc, aux con­trastes de lumière que l’eau et le sur­plomb des rives hon­orent d’une élé­gance rare. La pho­to de cou­ver­ture, à ce titre, con­joint les atouts pho­tographiques de ce bel album poé­tique, dernier jalon posthume du maître de Wavre.

Les vach­es reve­naient en vagues blanches.
Des hiron­delles sus­pendaient leurs cris aux branch­es. (p.63)

Le poète a une fer­veur pour les bor­ds de  fleuves, de riv­ières : le Loing, la Meuse, la Seine, la Moselle, etc. mais s’insère aus­si dans ces vil­lages per­dus dans un temps jadis (Saint-Cirq-Lapopie).

L’écriture le préoc­cupe, prend toute la place, alors qu‘il pour­rait se con­tenter de flân­er, de courir l’insolite, de bâiller aux corneilles, au lieu de ça :

Ah ! Qu’il aurait été gai de me laiss­er vivre
Si je n’avais tou­jours en tête un nou­veau livre, (p.59)

L’enfant, qui a survécu à tant d’écriture, reste bien vif sous le poème et prêt à rebondir, le temps de quelques images :

Je me promène avec mon âme
D’enfant un peu distrait
Au milieu de toutes ces femmes
Dont plus rien n’est secret (p.138)

Un beau livre de vagabondage poé­tique, très libre, très dépaysant, sen­si­ble comme un regard qui se pose sans effraction.

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Philippe Leuckx

Né à Havay en 1955. Etudes de let­tres romanes.
Mem­bre de l’As­so­ci­a­tion des Ecrivains belges.
Cri­tique dans plusieurs revues et blogs (Jour­nal des poètes, Fran­coph­o­nie vivante, Bleu d’en­cre, poez­ibao, Les Belles Phras­es, revue Tex­ture…)

Prix Emma-Mar­tin 2011.

Auteur d’une trentaine de livres et pla­que­ttes de poésie : Une ombreuse soli­tude, Comme une épaule d’om­bres, Le fraudeur de poèmes, Le fleuve et le cha­grin, Touché cœur, Une espèce de tour­ment ?, Rome rumeurs nomades, Selon le fleuve et la lumière, Un pié­ton à Barcelone, Rome à la place de ton nom, D’enfances…