Dans son inces­sant ques­tion­nement, entre méta­physique et poésie, Yves Namur procède selon une méth­ode qui vise à creuser, en reprenant à la fois le mou­ve­ment de la vrille et celui de l’escalier. Les mêmes motifs, les mêmes mots, les mêmes enchaîne­ments con­duisent le lecteur dans une spi­rale qui donne sou­vent l’impression qu’elle enferme le lecteur au sein d’une réflex­ion. L’oiseau, la demande,  la bouche, l’ange, la rose, l’ombre, la lumière, comme lexèmes, les anaphores, les repris­es comme on le dit d’un tis­su : tout  mène à mesur­er com­bi­en  cette poésie est surtout écrin de lan­gage et source infinie du même.

 

« c’est sur toi que de la lumière s’est posée
c’est sur toi qu’est venu l’oiseau

seuls nous parvi­en­nent encore la rumeur insen­sée des hommes
et leurs égarements
seuls sont audi­bles le désastre
les ruines du temple…

une voix rem­plie de poèmes
une voix comme il n’y en a pas »

 

Cette voix, tis­sée des mêmes mots, entor­tille la réal­ité, l’engage dans des cir­con­vo­lu­tions lentes et com­posées, induit elle-même une lec­ture sen­si­ble à ce qui se dit, se répète, comme un thrène qui puisse épuis­er cette réal­ité du monde.

Pour­tant, der­rière ces vers, « les hommes de peu »  de «  rien », la « souf­france », « le désas­tre » pren­nent poids et  l’homme « per­du » qui écrit trou­ve là sans doute une manière de baume parce qu’il doit encore « appren­dre à écrire le poème/ des saisons ter­ri­bles et amoureuses ».

 

« un poème peut-il enten­dre le chant des oiseaux
un poème peut-il par­ler de ces choses-là

un poème
peut-il sor­tir du souf­fle de l’amour, »

 

On retient le chant, dés­espéré, d’un être qui, par sa poé­tique, relaie bien les tour­ments en strapon­tin de son âme déchirée.

Sans doute le lecteur pour­ra-t-il par­fois être inter­rompu dans sa rêver­ie par le rythme des mêmes motifs : affaire de sub­jec­tive lec­ture,  il me paraît que « La tristesse du figu­ier » allait sans doute plus loin dans l’intense ques­tion­nement du monde.

 

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Philippe Leuckx

Né à Havay en 1955. Etudes de let­tres romanes.
Mem­bre de l’As­so­ci­a­tion des Ecrivains belges.
Cri­tique dans plusieurs revues et blogs (Jour­nal des poètes, Fran­coph­o­nie vivante, Bleu d’en­cre, poez­ibao, Les Belles Phras­es, revue Tex­ture…)

Prix Emma-Mar­tin 2011.

Auteur d’une trentaine de livres et pla­que­ttes de poésie : Une ombreuse soli­tude, Comme une épaule d’om­bres, Le fraudeur de poèmes, Le fleuve et le cha­grin, Touché cœur, Une espèce de tour­ment ?, Rome rumeurs nomades, Selon le fleuve et la lumière, Un pié­ton à Barcelone, Rome à la place de ton nom, D’enfances…