Ciel à per­dre. Per­du. Etrange. Langue sur­réal­iste, abon­dance de métaphores filées, mots pris au pied de la let­tre. Per­ver­sion des sens com­muns. Il y a tout cela dans « Ciel à per­dre » : on se déprend de l’amour et des choses, on se perd à l’intérieur d’un dic­tio­n­naire, dont on ne retrou­ve pas tou­jours les mots. L’univers est à l’aune d’une imag­i­na­tion vive qui lie la nar­ra­trice à ce ciel dont toute sa vie dépend.
Ces longs poèmes où l’on con­sent à con­vers­er de choses et d’autres, à con­cevoir des per­son­ni­fi­ca­tions à tour de bras (la nuit avec un renard s’assoit), dis­ent une immense nos­tal­gie du temps décousu, qui s’effiloche, qui est une véri­ta­ble pas­soire du réel :c’est pourquoi j’oublie même les mots les plus simples

Cette nuit encore nous restons
cloués à la table en bois
comme deux pier­res arrondies

et les hommes ont per­du le nord
car la rose et la soupe
ne vont pas tou­jours ensemble

La géo­gra­phie du monde est celle de la peau, des nerfs, de la vie : le sang se col­ore du monde et « cette vie n’est pas à ma mesure ».

Le banal et l’extraordinaire s’accouplent, les réflex­ions philosophiques se per­dent au milieu des pommes cuites et « je te rends les mots/ je garde ma joie ».

D’où vient que cette poésie porte pour­tant ses fruits et nous touche ? De son étrangeté ? De ses asso­ci­a­tions par­fois bur­lesques de mots prélevés de l’ordinaire ?

En dépit d’une sur­charge de métaphores, la langue poé­tique de Mihaylo­va promet : elle a en elle ce goût de l’amer et de la perte qui lui donne réelle­ment des ailes.

« Les chiens de l’insomnie grat­tent toute la nuit à la porte d’entrée »

 

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Philippe Leuckx

Né à Havay en 1955. Etudes de let­tres romanes.
Mem­bre de l’As­so­ci­a­tion des Ecrivains belges.
Cri­tique dans plusieurs revues et blogs (Jour­nal des poètes, Fran­coph­o­nie vivante, Bleu d’en­cre, poez­ibao, Les Belles Phras­es, revue Tex­ture…)

Prix Emma-Mar­tin 2011.

Auteur d’une trentaine de livres et pla­que­ttes de poésie : Une ombreuse soli­tude, Comme une épaule d’om­bres, Le fraudeur de poèmes, Le fleuve et le cha­grin, Touché cœur, Une espèce de tour­ment ?, Rome rumeurs nomades, Selon le fleuve et la lumière, Un pié­ton à Barcelone, Rome à la place de ton nom, D’enfances…