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L’Etrangère n°37 honore la mémoire d’un écrivain belge tôt disparu, François MUIR (1955–1997), né Jean-François de Bodt, poète qui a beaucoup écrit pour, dit-il, « me défendre contre moi-même ». Dans ce souci testamentaire, il se rappelle la métaphore artaudienne « athlète du cœur » qu’il souhaite, une fois mort, qu’on lui applique désormais (p.33)
« L’Infamie de la lumière » fait preuve d’une économie stylistique, où le lyrisme s’exerce corseté par une rigueur toute stoïcienne :
« Festive elle s’échappe, l’air laisse le jonc
Lèvres courbes, chasse-la, l’ancienne course, gale de l’informe
Qu’elle monte, qu’elle descende, baise le tranchant
L’or en bouche, laisse pieds et mains
Accroupi, donné en cercle, erre et fouille le sol » (« Ombre lente, ombre-lien » (p.11)
Stéphane Lambert (auteur d’un bel essai sur Muir) évoque le manifeste de son jeune auteur (« Pourquoi je suis écrivain »).
La revue-livre, livraison 37, féconde de ces 156 pages, propose encore des études de Jean-Patrice Courtois, qui tente d’appréhender le terroir-intérieur de Muir, comme la conscience qui se livre en paysage et tisse le « parler loin » et la présence de l’autre qui comble vide et vanité.
« Le poème se fait donc scène de l’Autre »
« Le plissement, / Les rives de la vacance, transition/ de l’Autre, limites de l’effraction » (p.60)
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Les Hommes sans épaules n°39 rend mémoire à l’immense Alain BORNE, l’auteur de « Cicatrices de songes » (1939) et autre « Contre-feu » (1942).
De l’ami fidèle (il dit de lui-même : « En amitié, il a quelque chance. Il croit avoir su rester fidèle à quelques êtres qui lui sont restés fidèles. (…) Il les a choisis avec ce mélange de lucidité et de passion qui le caractérise – croit-il – et il se tiendra à son choix quoi qu’il découvre en eux » (p.136), la revue propose un large choix de poèmes intenses (« Chambres taillées dans le soleil » (p.143) :
« J’entendrai mille pas avant d’aller dormir
bénir mon seuil d’inconnu jamais le vôtre
jamais sur ma porte votre ombre ne vous parodiera… » (p.145)
Christophe Dauphin éclaire le parcours de Yusef Komuniyakaa, marqué par la guerre du Vietnam (« Dien Cai Dau », 1988). « C’était un lieu de flux émotionnel et psychologique où l’on essayait de donner un sens au monde et d’y trouver une place », dit le poète à William Baer dans « Kenyon Review », p.185.
Beaux poèmes de l’excellent Claude VIGEE (« Parler/ palper : / connaître en caressant »), du non moins remarquable Lucien BECKER de l’Ecole de Rochefort (« Dans la plupart des chambres, un homme/ dont le sang veille comme l’eau sous la glace/ n’est plus qu’une épave au milieu de sa vie/ avec parfois, mal entendu, l’écho d’un rêve » (p.23)
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La haute revue N47, en est déjà à son numéro 27.
Le sommaire propose dans la section « Pleins formats » (pp.5–25) quatre noms : Michel Bourçon, Sylvie Loizeau, Ariane Dreyfus et Pierre Soletti, avec les trois pages imposées. Chaque poète est brièvement présenté par Antoine Emaz et Christian Vogels, rédacteurs de la belle revue.
La poésie discrète et ombriste de Bourçon ouvre en lui « une fenêtre » pour saisir « un sens à tout ce qui nous entoure » et « les mains ne rallient plus ce que nous sommes » et « les jours se répètent…à traîner jusqu’au soir où les mots vont paître en tête et les mains protéger la flamme d’un être aimé » : c’est très beau, très fin.
La section « Plurielles » (pp.31–76) : une anthologie de voix diverses où l’on pointera le travail original de la Roumaine Doina Ioanid (« Son cœur tire la maison derrière lui »), celui de Mathias Lair ou encore la diatribe terrible contre « nos mères » de Eric Martinet, véritable assaut verbal : « nos mères…trompées…battantes…cocottes…complexées…rougeaudes…chiantes… »
Présentation très élégante pour 108 hautes pages, très fécondes en belles découvertes !
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Verso 160, sur le thème de « Chemins d’eau, chemins de mots », apparie des voix très variées pour dire en quelques poèmes chacune « le courant », « l’eau et les mots même substance » (François Charvet).
Ferruccio Brugnaro, dans une suite bilingue italien/français, cerne « l’étoile/ ce soir/ aussi limpide et grande/ que la lutte que les exploités sont en train de soutenir ».
Les « Poèmes flottés » de Michel Serraille (« La salive a nettoyé l’icône » ou « Avec la main je te fais signe/ et le reste je te le dis avec de la nuit », p.31)
Riche numéro et nombre de découvertes dans les noms proposés (entre autres, Andrée Ospina et son « Barbe-Rouge » : « J’ai dévoré une femme, j’ai mangé mon amour »
- Christine Guinard, Vous étiez un monde - 20 novembre 2024
- Mathias Lair, Quel est ce bonheur enfoui - 21 octobre 2024
- Cécile Guivarch, Si elles s’envolent - 6 septembre 2024
- Quatre revues poétiques - 7 juillet 2024
- Claudine Bohi, Un couteau dans la tête - 6 avril 2024
- Jacques Robinet, Clartés du soir - 6 mars 2024
- Georges Cathalo, Noms propres au singulier - 6 janvier 2024
- Philippe Longchamp, Dans la doublure - 21 décembre 2023
- Denis Emorine, Comme le vent dans les arbres - 6 décembre 2023
- Valérie Canat De Chizy, La langue des oiseaux - 20 octobre 2023
- Cécile Guivarch, Sa mémoire m’aime - 5 septembre 2023
- Danielle Fournier, Icis, je n’ai pas oublié le ciel - 6 juin 2023
- Denis Emorine, Foudroyer le soleil - 4 décembre 2022
- Angèle PAOLI, Marcher dans l’éphémère - 18 novembre 2022
- Amedeo Anelli, Vincent Motard-Avargues, Pierre Dhainaut - 21 octobre 2022
- Cécile OUMHANI, La ronde des nuages - 6 octobre 2022
- André Ughetto, Les Attractions inéluctables - 21 septembre 2022
- Anthologie de la poésie belge — 3 - 3 septembre 2022
- REVUE PHOENIX — NUMERO 35 - 6 juillet 2022
- Marianne van Hirtum, La vie fulgurante - 30 mai 2022
- Christophe Pineau-Thierry, Nos matins intérieurs - 20 mai 2022
- Anthologie de la poésie belge — 2 - 5 mai 2022
- Denis EMORINE, Vers l’est ou dans l’ornière du temps / Verso l’est o nel solco del tempo - 20 mars 2022
- Anthologie de la poésie belge — 1 - 6 mars 2022
- Sabine Péglion, Dans le vent de l’archipel - 28 décembre 2021
- Denis Emorine, Romance pour Olga - 21 décembre 2021
- Albertine BENEDETTO, Sous le signe des oiseaux - 19 octobre 2021
- Denis Emorine, Mots déserts, suite russe, Emmanuel Moses, Tout le monde est tout le temps en voyage - 6 septembre 2021
- Evelyne Deferr, Soudain sans retour - 5 juillet 2021
- REVUE PHOENIX — NUMERO 35 - 21 mai 2021
- Marie-Christine MASSET, L’oiseau rouge - 20 avril 2021
- La revue Mot à Maux - 21 février 2021
- Emmanuel Moses, Tout le monde est tout le temps en voyage - 6 février 2021
- Rémi Checchetto, Laissez-moi seul - 21 avril 2020
- Michel VOLKOVITCH, Poètes grecs du 21e siècle - 6 novembre 2019
- Anne-Lise Blanchard, épitomé du mort et du vif - 14 octobre 2019
- Michel Baglin, Un présent qui s’absente, Entre les lignes - 6 septembre 2019
- Autour de Jacques Vandenschrick, François Migeot, Anne Rothschild - 29 mars 2019
- Marc DUGARDIN, Notes sur le chantier de vivre - 6 avril 2018
- Yves Mabin Chennevière, Errance à l’os - 1 mars 2018
- Yves Mabin-Chenevière, Errance à l’os - 26 janvier 2018
- Véronique Wautier, Continuo - 26 janvier 2018
- PHOENIX 24, invité Titos PATRIKIOS - 2 septembre 2017
- Yves NAMUR, Les Lèvres et la soif - 21 avril 2017
- Marc DUGARDIN, Lettre en abyme - 21 mars 2017
- Etienne ORSINI, Répondre aux oiseaux - 17 février 2017
- Paolo UNIVERSO, Dans un lieu commun j’ai fini par te trouver, poésie - 25 janvier 2017
- Maurice CAREME, Sac au dos - 2 janvier 2017
- Quatre revues poétiques - 21 décembre 2016
- Trois poètes du divin – Bobin – Lemaire – Bocholier - 21 décembre 2016
- Christophe DAUPHIN, Un fanal pour le vivant - 30 novembre 2016
- Fil de lectures de Philippe Leuckx. Autour de Guillevic, Sesé et Damon. - 11 novembre 2015
- Fil de lecture de Philippe Leuckx : autour de Graveline, Zweig et Pasolini - 3 novembre 2015
- Guy ALLIX : “Le sang le soir” - 26 octobre 2015
- André Doms : “Entre-temps” - 14 octobre 2015
- François Bordes, Le logis des passants de peu de biens précédé de L’âge obscur - 14 juin 2015
- Georges Drano, Vent dominant - 23 mai 2015
- Monique Thomassettie, De Blancs Oiseaux boivent la Lumière - 17 avril 2015
- Christian Doumet, La donation du monde - 29 mars 2015
- Revue ARPA, n°110–111 - 1 février 2015
- Laurent Cennamo, Pierres que la mer a consumées - 8 octobre 2014
- Aksinia Mihaylova, Ciel à perdre - 22 septembre 2014
- L’épingle du jeu de Bruno Grégoire - 9 septembre 2014
- Mina Sünger, La trame de l’ordinaire - 25 août 2014
- Bashô, Seigneur ermite, L’intégrale des haïkus - 25 août 2014
- Les éperons d’Eden d’Alain Breton - 13 juin 2014
- Christophe Dauphin, Jean Rousselot, le poète qui n’a pas oublié d’être - 8 juin 2014