1

Etienne Quillet, Quantique de l’insoumise, 1/7

 

CONVERGENCES

 

L’atlas de nos pas
chargeait le lit des marées

Rameaux envolés
par d’infinis contraires

J’ai vu leurs visages
dans la naissance de l’appel

______________________________

 

 

Immuable cohorte
aux allures filées d’orient

Fondues dans l’altération
de nos sentiers baldaquins

Nous nous rassemblions
au large des grands estuaires

_____________________________


 

Adossées le soir
à l’écharpe des steppes

Étoles teintes volantes
sous le regard des vêpres

Nous amendions le vide
dans le battement des récoltes

____________________________


 

Un merle sur la colline
siffla la fin de l’été

La mousson
dans ses vertiges de bruine

Chantait à main levée
la lente inflexion de l’exode

___________________________

 

 

 

Il glissait dans nos bouches
soulevait nos cheveux

Remous frémissant
à l’orbe de nos sens

On le vit cavalier
on le vit danse

On le vit murmure
au chevet de l’enfance

Le mouvement

___________________________

 

 

On attela la lumière
aux courroies des aînées

La poussière accueillait
nos dernières aquarelles

Levées en contre-jour
dans l’étirement des grands ciels

Nous étions prêtes

___________________________

 

 

Quittez vos faibles soleils
vos lampes enrouées de tristesse
vos nus striés de naufrages
 

Cinglez l’oxyde du printemps
cinglez fort ses pollens
rien ne restera de ses larmes

Laissez aux sillons aux leurres
aux fièvres de l’entrevent
vos harnais alourdis de matière

Ajournez le bât des vagues
le givre des voiles éteindra seul
le ventre tiède des marées
 

Ne conservez en bout de corps
de l’écorce fumée des bois
qu’un copeau de lave blanche




Arpa, n°114, octobre 2015

 

 

Belle livraison de la revue dirigée par Gérard Bocholier.

Sous le signe du passage, une vingtaine de pages sont consacrées à Pierre Dhainaut :

À la nuit il emprunte
sa source, son souffle,
le poème limpide.

Cette limpidité qui vient à notre rencontre fait le bien autour d’elle. Autrefois on aurait parlé de bonne nouvelle, mais le poète sait sûrement que les ruses de l’égoïsme déjouent et trahissent ces mots tant dits (je pense à son recueil, L’autre nom du vent, 2014).

Dans un entretien passionnant avec Marc Fontana, Pierre Dhainaut revient sur son parcours avec une lucidité sans concession ni remords. Il parle des « forces hostiles (qui) sont innombrables, au dehors comme en nous (et) nous contraignent au saccage ». Moins moraliste que lutteur de l’intériorité il ajoute que certaines intuitions contenues dans son premier recueil, Le poème commencé, il les avait jugées naïves. Son écriture a depuis traversé la noirceur, en l’oppressant, mais celle-ci aspirait en même temps, à mon insu à cette parole qui troue l’impasse et découvre un air frais. Aussi ses réponses font-elles renaître des mots comme « ouvrir », « épanouir ». Ainsi que la grâce du « oui ». Autant de mots en « qui retentit la syllabe qui empêche le poème de se restreindre à un objet verbal ». Je ne sais si les moins de trente ans mesurent la portée de ces paroles dans l’oreille de qui a connu certaine dictature critique des années 1970.

Ce qui fait dire à notre ami Pierre Maubé dans le bref et vif essai qui suit cet entretien que la poésie de Pierre Dhainaut est souriante : « l’inquiétude se tisse à la sérénité, indissociables elle habitent tout sourire ».

Aux doigts l’écorce,
les mots du poème
vont jusqu’à l’aubier

Heureux appel à se laisser traverser par les mots, à laisser notre écorce durcie écouter le battement de l’aubier. L’aubier c’est déjà du bois, du bois jeune et gorgé de sève, du bois formé ; son fil est souple et accueillant… Une certaine célébration du cageot par un autre poète en avait d’une autre manière souligné l’importance.

*

Faiblesse et force de l’homme traversent aussi le poème de Jacques Robinet :

Nous t’avons perdu
mais ta nuit fracasse la nôtre
pour découdre nos bandelettes
et nous crions en notre éveil

Comment transformer défaite
en victoire quand le moindre souffle
nous égare ?

 

Parmi les beaux et pertinents textes de Karim De Broucker, d’Emmanuelle Sordet, de Pierre Alix, retenons ces vers roboratifs de Cécile A. Holdban :

                  C’était une période où Dieu se taisait.
                  Quelle main rassemblera
                  les fragments laissés par la nuit ?

Dieu se taisait.

Un bel article d’Isabelle Raviolo parle des Éclaircies de Josette Ségura et de leur « poétique du dépouillement ». « Grappes patientes, mûries de soleil », sa poésie « invite à revenir au plus intime, et, depuis ce fond, à regarder le monde s’épanouir à la lumière des saisons ». « Le sacré », écrit-elle encore, « ne s’inscrit plus dans un au-delà ou un paradis perdu, mais dans l’instant présent ».

Les contributions critiques de Colette Minois (sur la désaffection du grand public pour la poésie), d’Yves Humann sur Réginald Gaillard, affirment à leur façon l’importance spirituelle et philosophique de l’écriture poétique d’aujourd’hui.

*

Qu’à cela ne tienne
N’y aurait-il qu’une étoile
À percer notre nuit noire

Il est parfois des vers sans inouïe ni fracassante nouveauté et qui ont le don de la justesse ; qui ne donnent pas de rêve ni de réponse mais, musicalement, accordent notre temps. Alors bienvenue à Jean-François Yvernogeau dont c’est la première publication en revue.




Regard sur les poésies de langues allemandes. La poésie de Nicolas Born

 

Trois voeux

Des faits ne sont-ils pas d’ennuyeux tourments ?
Ne vaudrait-il pas mieux avoir trois voeux
à condition qu’ils soient tous exaucés ?
Je souhaiterais une vie sans grandes pauses
pendant lesquelles les murs sont visés par des projectiles
pas une vie parcourue rapidement
         par des trésoriers.
Je veux écrire des lettres dans lesquelles
         j’existe à part entière -.
Je veux un livre auquel vous aurez tous accès
         et dont vous pourrez sortir librement.
Et je ne voudrais pas oublier qu’il est plus beau de

t’aimer que de ne pas t’aimer.

Nicolas Born (1937 - 1979)
dans: Gedichte P. 103,
Wallstein Verlag, Göttingen 2004

 

Un conte de fées, oui, c’est ce qui serait souhaitable, un conte de fées dans lequel nous pourrions faire trois voeux vraiment sensés -  et bien sûr nous tous, tel que le souligne l’auteur... Car c’est ainsi que ça commence, personne ne devrait vivre mieux ou moins bien que l’autre.  Cela déjà serait un conte de fées, un vrai qui serait l’opposé des „faits“...

Il n’y aurait pas le vide mais la plénitude, la violence céderait à la sécurité, la contrainte monotone-matérielle n’aurait plus lieu d’être et à sa place régnerait le lien entre les humains, chacun dans son écriture non falsifiée et dans le naturel de la lecture qui n’exclut personne, qui s’ouvre sans que personne ne soit accaparée.

Nicolas Born esquisse en peu de mots un contre-projet à notre société dont le reflet, des décennies après la naissance du poème,  nous semble encore plus pertinent, bien que l’étau se resserre de plus en plus.

A la fin il nous amène vers une conscience de la valeur fondamentale du plus grand voeu de l’amour suprême. 

C’est ainsi qu’il passe de „Je“ à „Tu“.                                                             

                                                      Traduction: Carla van de Werf
                                                      - Remerciements à Daniel Xhaard -

 

_________________________________________

Drei Wünsche

Sind Tatsachen nicht quälend und langweilig?
Ist es nicht besser, drei Wünsche zu haben
unter der Bedingung daß sie allen erfüllt werden?
Ich wünschte ein Leben ohne große Pausen
in denen die Wände von Projektilen abgesucht werden
ein Leben das nicht heruntergeblättert wird
         von Kassierern.
Ich wünsche Briefe zu schreiben in denen ich
         ganz enthalten bin -.
Ich wünsche ein Buch in das ihr alle vorn hineingehen
         und hinten herauskommen könnt.
Und ich möchte nicht vergessen daß es schöner ist
dich zu lieben als dich nicht zu lieben.

Nicolas Born (1937-1979)
in: Gedichte,
S. 103, Wallstein Verlag, Göttingen 2004

 

Ein Märchen, ja, das wäre uns zu wünschen, ein Märchen, in dem wir drei Wünsche wirklich sinnvoll auswählen könnten – und zwar wir alle, wie der Autor betont...Denn damit fängt es schon an, keiner sollte es besser oder schlechter haben als der andere. Das bereits wäre ein Märchen, ein Wirkliches. Und stünde den „Tatsachen“ entgegen…

Es gäbe keinen Leerlauf, doch Erfüllt-Sein, Gewalt wiche der Sicherheit, materiell-monotoner Zwang wäre abgewendet, stattdessen Kontakt mit Menschen in der eigenen unverfälschten Handschrift, und die Selbstverständlichkeit des Bücher-Lesens, das niemanden ausschließt, vielmehr jedem offensteht, ohne ihn zu vereinnahmen.

Nicolas Born skizziert in wenigen Worten einen Gegenentwurf zu unserer Gesellschaft, deren Abbild nun, Jahrzehnte nach Entstehung des Gedichtes und immer beengenderer „Vernetzung“, noch umso charakteristischer erscheint. Er führt uns am Ende den größten und allem zugrundeliegenden Wunsch vor Augen, sich der Liebe als höchstem Wert bewusst zu sein. Und so kommt er folgerichtig vom „ich“ zum „du“.

 

                                                                                 Eva-Maria Berg




Stratis Pascalis « poète grec » : la plénitude du pléonasme et de l’oubli dans Saison de Paradis

 

 

Les mots cherchent l’oubli – l’oubli dont ils émergent et qu’ils voudraient ramener comme un nageur ramènerait la mer.

                                                                 Bernard Noël

 

 

     Jacques Lacarrière, dans sa préface à l’Anthologie de la poésie grecque contemporaine proposée par Michel Volkovitch (Poésie / Gallimard, 2000), souligne qu’« être poète en Grèce ou poète grec est presque un pléonasme ». Vérité certes immémoriale, mais n’est-ce pas en dépassant la redondance de l’expression « poète grec », qu’on peut saisir l’exigence d’une création littéraire authentique, comme celle de Stratis Pascalis, l’une des voix majeures parmi les poètes grecs vivants ?

     Son cheminement poétique singulier s’effectue au fil d’une dizaine de recueils dont les titres révèlent la variété et le désir de renouvellement constant qui l’anime : Anactoria, Fouille, Une nuit d’Hermaphrodite, Cerisiers dans les ténèbres, Fleurs d’eau, Mihaïl, Comédie, En regardant les forêts, Les icones, et Saison de paradis, publié par les Éditions Al Manar et traduit par Michel Volkovitch, en janvier 2014.

     À ce travail de création poétique se superpose sa vocation de traducteur. Véritable poète-passeur, Stratis Pascalis s’intéresse à nos plus grands auteurs pour les traduire en vers grecs, défi relevé avec les tragédies de Racine, Andromaque, Bérénice, Phèdre, et avec Cyrano de Bergerac de Rostand notamment. En outre, sa traduction des Illuminations de Rimbaud, des Chants de Maldoror de Lautréamont, de la poésie de Mallarmé, sans oublier celle du  Passant de l’Athos de Bernard Noël, ne cesse de tisser des échos entre son écoute précautionneuse de ces prédécesseurs prestigieux et substantiels et sa propre création poétique.

     Riche de toute une érudition littéraire, mythologique, philosophique, picturale, musicale, le lyrisme de Stratis Pascalis affirme ses profondeurs sismiques, ses fulgurances hermétiques mais aussi et surtout son charme incandescent symbolisé par la prédilection manifestement accordée à l’antithèse voire à l’oxymore, comme l’atteste le titre Cerisiers dans les ténèbres. Ce recueil de 1991 qui s’inscrit au cœur du parcours littéraire de Stratis Pascalis semble en effet faire signe comme les trois arbres d’Hudimesnil dans l’œuvre de Proust. Il annonce  et confirme tout à la fois le goût majeur du poète pour l’alliance des contraires, sous l’ombre tutélaire et multiple de Racine et de Baudelaire, de Rimbaud et de Lautréamont.

     Pour appréhender les profondeurs sismiques du recueil Saison de paradis, on peut retenir dans le poème Empreinte aveugle où se proclame « qu’il n’y a plus de voix / Rien qu’une empreinte aveugle – », une superposition de pluriels abondants :

 

Chroniques inachevées de l’Eden
Biographies d’innocents interrompues,
Enfers qu’éteignent des anges-pompiers 
Avec des fontaines de pureté transcendante,
Des zones neutres de vie ordinaire
Bombardées par l’invisible,
Des pièces portant les tampons périmés des dieux –
 

(p.26)

avant que ne jaillissent à la clôture du poème des jeux d’opposition entre « la nécessaire passion violente pour le néant » et « son apothéose – trouvaille de l’ontologie / Enigme vaine d’un doigt latent / Sur un couteau tragique » où prédomine la vocation du singulier à l’abstraction. Même la lame tranchante du vers ultime avec son couteau « tragique » n’y échappe pas.

     La poésie de Stratis Pascalis se caractérise par ses fulgurances hermétiques et ses éclairs verbaux qui subjuguent d’autant plus le lecteur que l’intelligibilité des poèmes lui résiste. Ainsi, dans le texte Code où s’entrelacent « sang » et « cristal », la voix lyrique annonce de façon paradoxale :

 

Et lorsqu’enfin viendra la vengeance
Odeurs des couleurs et chair et pot-à-eau spartiate
Je m’évaderai en hâte avec elle,
Dans une vie que j’ai tuée toujours tuée –

avant de proférer sentencieusement :

Voilà pourquoi je me convoque à nouveau
Immuable législateur d’imaginaire
Impénitent faussaire de solitude.

Ce que nous vivons est lu toujours à l’envers
Par des roses remords de paradis.

(p. 34-35)

 

     Inversion, fulgurance, hermétisme déroutent et fascinent en profondeur le lecteur. Ils se retrouvent en apothéose dans le long poème clausulaire Le Chant perdu d’Arion qui, faisant discrètement référence à Lesbos, l’île originelle de Strastis Pascalis, incruste en son cœur des bribes de vers en graphie italique :

 

Vie sans idéaux
Idéale
Rien que la vie — toute simple

Mort- vivant
Aède sans langue

Aimé amèrement
Par un dauphin
Contemplant la mer de sa fuite

Du vertige désert
Impitoyable contemplateur
Traces de toi
Frissons d’une fugitive
Rafale

Clefs d’une musique en sourdine
Sur des cordes de remords

Traces de moi
Pieds humides sur la pierre

Traces de pas sur l’eau

Ce que je bâtis devient tombeau
Ce que je détruis fleurit sans scrupules

(p.70-71)

   

 Cependant, en dépit de l’« aède sans langue », l’oxymore du « mort-vivant », enrichi de l’antithèse architecturale entre « bâtir » et « détruire » ne manque pas de faire émerger finalement un poème « tombeau » dont le chant tisse ses notes « en sourdine » mais avec un bel effet d’envoûtement.

     Sous les fulgurances hermétiques se décèle en effet le charme incandescent d’une voix lyrique s’affirmant comme telle tout en luttant bien sûr contre les facilités complaisantes et « les embêtements bleuâtres du lyrisme poitrinaire » fustigés par Flaubert. Dans Idiolecte, le charme se fait explosif, émanant d’une brièveté pour le moins percutante qui exalte les effets conjugués de l’oxymore, de la polysémie et de la personnification :

 

Je parlerai d’une voix de silencieux
En pressant la détente
Sur la tempe du silence

(p.55)

 

Dans Restauration soudaine se relèvent d’autres traces d’incandescence sidérante :

 

(…)
Par une séisme de volupté –

Tempête dans un palmier !
Respiration de ruines !
Joie profonde et funèbre acquise dans ces maisons jaunes
Ces ruelles tortueuses brûlées par le dépeuplement –

Par une fissure est apparue toute la mort
Avec des frontons d’oiseaux des oliveraies de paradis
Et l’amour presque rien
Goutte infime
Devant cette brise qui promettait
Des mers entières d’avenir immortel
Comme un passé.

(p. 36)

 

    Le lyrisme de Stratis Pascalis n’exerce-t-il pas son charme puissamment pictural et musical en franchissant ses limites spatiales voire insulaires pour accéder à une vibration universelle ? Oubliant d’être grecque, de n’être que grecque, de n’être que « pléonasme » originel et indubitable,  sa poésie cherche l’oubli célébré par Bernard Noël, l’oubli nécessaire et vital dont elle émerge et qu’elle aspire à « ramener comme un nageur ramènerait la mer ».

      Ainsi, en guise d’ « épilogue secret », entre l’élégie d’une « note en bas de page » et le « badinage » qui oppose vie et mort, entre « fragments bibliques » et « parasites métaphysiques », cette voix de poésie propose tant ses inflexions personnelles que ses modulations universelles, se dévoilant à la fois comme « balbutiement voluptueux », « blessure suprême », fanfare secrète », et « langue de cri », dans une « valse » de mots et de vers « dont seule subsiste la musique ». Telle est la fécondité prodigieuse de l’oubli : la mer s’approche grâce au poète nageur dont les mots éblouissent notre page de silence.




Egypte, plus vivante que jamais

 

On savait déjà que Florence Quentin était passionnée par l’Egypte. Et ses deux derniers livres en portaient déjà foi : l’un qui suivait le parcours de la Déesse Isis, depuis le Haut Empire jusque chez nous, aujourd’hui  (son titre : Isis l’éternelle, Biographie d’un mythe féminin, chez Albin Michel), l’autre qu’elle avait dirigé, et qui rassemblait une myriade de signatures, chez Bouquins/Laffont, sous le titre générique de « Le Livre des Egyptes « , où il s’agissait de réconcilier l’imaginaire et le savoir que nous pouvons en avoir. Nous avons d’ailleurs rendu compte de chacun au moment voulu…

Mais voici que Florence Quentin s’explique enfin sur l’origine de cette passion - qui date de son enfance, lorsqu’elle fit un voyage en Haute et Basse terre avec sa mère et sa sœur, et qu’elle ressentit qu’elle avait enfin trouvé son vrai pays ! Des explications qui conditionnent tout son texte où, après une longue visite au plateau de Guizeh, et les considérations qui vont avec, elle nous entraine dans une promenade qui, à rebours de chez nous, nous fait aller du nord au sud, depuis le Fayoum jusqu’au temple de Philae.

Et d’abord le Fayoum : se rappelle-t-on seulement comme il fut une terre d’élection de ce qu’il est maintenant convenu de nommer le manichéisme - de nombreux hymnes, aujourd’hui décryptés, en portent l’éloquent témoignage ? Et l’île de Philae, avec son temple à Isis, de l’époque gréco-romaine, que l’on dut reconstruire après le barrage d’Assouan, et où la Déesse règne encore tellement que je me rappelle l’un de mes amis, amoureux fou, qui glissa quelques mots d’invocation  dans l’interstice de deux blocs de pierre, afin de s’attirer les faveurs et la bénédiction de cette « femme divine » ?

Long voyage qui fait toutes les haltes nécessaires -et donne toutes les « explications » dont nous pouvons avoir besoin - sur une mythologie qui atteignit à la quasi perfection, et qui n’a pas cessé de nous hanter… : qu’il soit question de Louqsor ou de Karnak, de Denderah ou des constructions de la reine Hatschepsout, nous sommes toujours informés de tout, et, surtout ! invités à réfléchir sur la façon dont le Sacré se manifeste…

Un livre intensément poétique, et où de très nombreuses citations des anciens textes égyptiens, ou bien tirés des Textes des Pyramides, viennent scander comme des haltes, dans un livre qui me paraît l’un des plus personnels - et parfaitement documentés - de l’auteur(e ?).




Chronique du veilleur (21) – Alain Suied, Le Visage secret

L’œuvre d’Alain Suied est d’une très rare intégrité. Elle a commencé, alors qu’il n’avait que 16 ans, par un poème envoyé à André du Bouchet et publié par la revue L’Ephémère en 1968.  Elle s’est poursuivie par deux livres publiés au Mercure de France, puis sa publication s’est interrompue pendant une douzaine d’années, reprise en 1985. Alain Suied, né dans l’ancienne communauté juive de Tunis, s’est trouvé déraciné  à l’âge de 8 ans. Il n’a cessé durant toute sa vie, achevée en 2008 à Paris, d’interroger la vie, ses profondeurs obscures, ses origines, sa transmission. Très marqué par l’étude des grands psychanalystes contemporains, lui-même entré en analyse, il choisit les titres de ses recueils en parfait miroir de ses hantises et de ses recherches : « L’être dans la nuit du monde », « Ce qui écoute en nous », « La lumière de l’origine », « Rester humain »… Ses essais consacrés à Paul Celan et au « corps juif » ressassent d’une autre manière « la vérité de l’enracinement » et « la commune blessure de vivre et de partir. »

Alain Suied Le Visage secret, Arfuyen, 13 euros

Alain Suied, Le Visage secret, Arfuyen, 13 euros

Le Visage secret, qui paraît chez Arfuyen, son éditeur très fidèle, qui a publié une dizaine de ses manuscrits et qui en publiera d’autres encore restés inédits, nous fait retrouver Alain Suied habité par « le mirage de l’absence » :

L’absence n’existe que pour les vivants.
Les disparus tremblent dans nos mains
leur souffle dans nos cris
leur effroi dans nos fièvres.
Nous nous tenons debout
dans la lumière du jour
pourtant c’est l’ombre
qui nous porte.

C’est toute l’aventure humaine qui circule dans ces pages, avec ses souffrances, son passé « de cris / de combats/ qui ne peut revenir ». Pourtant, le cœur de l’homme a des pouvoirs immenses et le poète peut les saisir dans ses créations, qui tiennent bon face à  la poussière de l’éphémère et aux ténèbres de la mort :

ton cœur est une étoile de sang
et sa lumière secrète
brille au fond de la nuit intime.

Alain Suied parvient à donner à chaque vers, à chaque mot, un poids et une lumière qui touchent l’âme au plus profond. Il dit à la fois, dans un même poème, le « feu originel » et l’air si léger qui donne à l’existence humaine fragilité et beauté. Le tutoiement qu’il emploie souvent pour sonder son être nous appelle à le suivre dans ses paroles « de chair » :

Cette vie que tu construis
vient du non-être, de l’Impossible
elle vient du feu originel.
Mais elle repose sur un rire
d’enfant, sur le cri mourant
d’un inconnu, sur la soif d’une étoile.

De magnifiques poèmes parlent de l’enfant et de sa connaissance innée de la « douleur de la disparition », de cette intuition du « miracle familier de la présence », que le poète quelquefois partage avec lui. Le « visage secret » lui apparaît en pleine clarté, ce visage de vérité que l’homme a tant de mal à retrouver dans le tréfonds de son cœur.

Et il sait d’emblée
reconnaître l’ami et le fantôme
la fiancée du cœur
et la force maternelle.
Et il sait, dans la clarté, le nom oublié.

« Sous nos différences », un « cri unique » cherche à se faire entendre. La poésie d’Alain Suied capte ce cri, souvent assombri de ténèbres, immémorial, continu. Elle le fait avec une sincérité et une exigence incomparables.

Chronique du veilleur

Retrouvez l'ensemble de la Chronique du veilleur, commencée en 2012 par Gérard Bocholier




Jérémy Taleyson

Jérémy Taleyson, né en 1980 à Libourne (Gironde), il entre à l’École des Beaux-Arts de Bordeaux en 1998 et y développe, autour d'une pratique plastique et photographique, un travail d'écriture. Diplômé en 2003, il fonde l'année suivante les Editions de la Cabane pour publier de la poésie contemporaine et des livres d'artistes.

Il est également professeur d'arts plastiques et d'arts appliqués à Bordeaux.

Il publie dans différentes revues (Rehauts, D'ici là, Paysages écrits...)




Jacques Darras : La Transfiguration d’Anvers

 

Ce recueil de sept textes propose, à travers sa diversité, et comme le dit son sous-titre, Certitudes magnétiques en poésie, une méditation sur la poésie mais d’une certaine façon, il s’agit aussi d’une autobiographie intellectuelle, où s’explique en particulier le goût de l’auteur pour la Belgique et le Nord, pour Bruxelles où se prépare « la société transfrontalière de demain », pour Anvers, où, une nuit de 31 décembre, la neige tombe et transfigure la ville. C’est à une transfiguration inverse que se livrait Descartes, qui fait l’objet de la première méditation, « René Descartes à la Onzième Heure », lorsqu’il découvre que la neige est faite de grains qui ont autour d’eux « six petites dents semblables à celles des routes des horloges ». Descartes est donc « notre seul vrai poète épique français », car « avec lui la raison fait fondre la neige de la réalité pour récolter les cristaux qui la font et la fondent ». Lorsque tout a fondu de la réalité, que reste-t-il dans l’esprit, sinon la vraie réalité, c’est-à-dire la pensée? Voilà bien une certitude, même si J. Darras corrige l’importance de la pensée par le poids attribué au corps, en une de ces formules saisissantes qui parcourent le recueil : « Nous pensons nous pesons ». Mais la pensée veille et Jacques Darras a bien raison d’affirmer qu’il ne réduira jamais la poésie à l’émotion. La Transfiguration d’Anvers, de la onzième à la douzième heure, c’est l’expérience unique de la Transformation et la conscience qu’elle « s’inscrit le plus souvent dans le langage », le langage poétique en particulier.

C’est ce langage qui, d’une façon ou d’une autre, fait l’objet des deux parties suivantes, L’interminable restauration du symbolisme, qui regroupe « Jouve après Jouve », « Le refoulé d’Apollinaire, , Walt Whitman », « Aimé Césaire, en toute autonomie », et Dans la clairière du temps, où sont regroupés « Oralité, Réalité », « Traduire les poèmes des hautes Terres » et « Réflexions sur un silex taillé ». La première déplore que la poésie actuelle se meuve encore dans un « cadre exclusivement symboliste » et que l’apport de Whitman n’ait pas été reconnu à sa juste valeur. J. Darras voit dans cette non reconnaissance, ou cette reconnaissance incomplète, le début de la « maladie de la mélancolie » où l’Europe s’enfonce. Quant aux pages sur Césaire, elles insistent sur l’originalité d’une poésie qui est aussi confession, attentive à sa « propre progression, à sa propre provenance », à la différence de celle de Char ou de Saint-John Perse. On peut signaler au passage que ce dernier reconnaissait l’importance de Whitman, qu’il avait en bonne place dans sa bibliothèque, conservant même des articles sur lui.

La dernière partie est plus théorique. Il est permis de ne pas toujours être d’accord avec J. Darras, en particulier pour l’importance qu’il accorde à l’oralité, ce qui constitue presque un topos des xxe et xxie siècle, initié par les linguistes, Saussure et autres : « L’oralité a toujours été impliquée dans et par le poème » me paraît ainsi une formule excessive, qui minimise la dimension spatiale du texte et la fonction de l’écriture, laquelle a son autonomie. Poésie et chant, certes, mais aussi, sans même passer par les calligrammes ou autres, poésie et peinture. Il est vrai qu’oralité et écriture se réconcilient quand J. Darras écrit qu’il veut pratiquer le poème comme « un art frontalier ». Qui dit frontières dit aussi différences entre les langues et on reconnaîtra volontiers le rôle de la traduction ou au moins du travail avec une langue étrangère. Si « être poète, c’est s’exiler dans l’étrangeté première de la langue », la confrontation avec une autre langue, dans la distance qu’elle implique, permet de mieux saisir cette étrangeté, de même que, comme le dit encore J. Darras, la dimension énigmatique de toute poésie. Une constante se dégage de toutes ces méditations, résumée en une formule magnifique, « le poète est un danseur de langue ». À partir d’un silex taillé sur le bureau la boucle se ferme, avec un retour à Descartes, et à la réconciliation de la science et de la prosodie. On l’aura compris, J. Darras aime se tenir physiquement sur les frontières, sur le bord de la Manche, ou entre la France et la Belgique, intellectuellement entre la science et la poésie, poétiquement entre sa langue et celle des autres : c’est le poète de l’outrance, si, avec Saint-John Perse, dont il parle souvent, « outrance » signifie simplement « passage outre ».




Roger Gonet : La Voie Haute

 

Quand on ferme La voix haute de Roger Gonnet, paru aux éditions « sac à mots », on reste un moment à s'interroger sur le titre : de quelle voie haute s'agit-il, quand au contraire le recueil nous emmène dans les voies du très bas, sur les chemins boueux de ce monde terre-à-terre où nous sommes invités à marcher temporairement ?

C'est par cet écart, dans cette tension que doit se lire ce recueil. De la tension qui entre-ouvre comme les deux bords d'une blessure, se crée cet espace qui est celui du sens que cherche la poésie. Le titre donné à la seconde section du recueil « incisure », le goût pour les images de la frontière, du déchirement (par l'éclair - du ciel, par le souffle - du papier de soie, par le souvenir - de la conscience) s'originent tous, on ne peut en douter, dans cette attention chez Roger Gonnet concentrée et tendue à ce qui s'ouvre sans s'offrir, se dit en silence, glisse au cœur de l'immobilité des choses et des lieux. Faut-il s'arrêter aussi à l'impression parfois d'incohérence, de superpositions dans les images de ce recueil construit autour de répons brefs, échanges de voix matérialisés par la typographie et le mètre ? L'économie de moyens, la brièveté aphoristique des vers contribuent à brouiller les repères du lecteur. De ce désordre, de ce malaise, cet in-équilibre qui dérange puisque nous voilà sans assise, le recueil cherche à produire dans la lecture ces opérations de glissement, de ruissellement, cet univers labile qui est le lot commun et unifie ici les différents poèmes de l'ensemble.

« Labile » en effet est l'adjectif qui revient régulièrement. On passe ainsi d'images qui disent la fragilité, comme la porcelaine abîmée d'un intérieur bourgeois, la cuisine aux « feux éteints » (page 8), le « vieux tramway » rouillé qui bringuebale bruyamment dans les rues d'une ville inconnue, jamais nommée (page 26)… à d'autres images qui plantent un décor d'espace et d'air libre : la mer, les dunes, le vent, « l'oiseau qui plane » (page 28) le sauvage et le large peut-être des espaces de la mer du Nord qui rappellent ceux d'un Pierre Dhainaut. « Peux-tu rester immobile quand le monde bouge ? » se demande le poète, traversé par des espèces de fulgurances qui font cohabiter le soleil avec une atmosphère brumeuse, blanche grise et puis la nuit qui sans cesse ne finit pas de venir. On comprend alors sans doute que l'objet, le lieu, l'espace dans le recueil sont à la fois objet, lieu, espace et... symboles. Quand les mots sont si froids, fossiles, figés comme « fleurs d'herbier » (page 68) l'objet, les images dans le poème tentent d'atteindre ou d'exprimer ce que les mots eux ne peuvent plus dire tout à fait. Les « averses », la « mer », les « glaces du temps », « les ruisseaux », un « manteau de pluie » : par là le recueil multiplie la thématique du reflet, du miroir. Mais reflet, miroitement, écho prolongé qui sont différents registres d'expression de ce que tente d'approcher, de faire sentir le poème ; une image fugitive, entraperçue, floue comme on « écoute une voix qui ne parle plus ».

Revenons un instant au titre : la voie haute en alpinisme c'est la voie la plus difficile ; celle réservée aux grands professionnels, aux fous de l'altitude, aux amateurs de vertiges. La voix haute, c'est aussi la voie de la sagesse, qui conduit par la méditation,la prière, au détachement. Or si le lecteur y avance, guidé par un « tu » qui marche devant lui, rien n'indique ou ne donne à penser, que ce « tu » se penses comme un guide de montagne, un « maître » spirituel, un yogi. Certaines formes rappellent de loin l'art de l'épure du haiku japonais (« les branches dessinent / la première lettre / du poème » page 19) ; mais Roger Gonnet n'emprunte les chemins errants ni des moines Chan ni des maîtres Zen. Le brouillard sur le parc, le petit jour qui « s'adosse au jardin », le « sable » et l'estran, la forêt, ou même une « cathédrale détruite » voilà ce qui peu à peu dessine le décor du recueil. Décor à hauteur de l'ordinaire.

Non, c'est de changements, des métamorphoses, de fugacité, du glissement, de ruissellement dont le regard s'effraie, s'étonne, s'émerveille parfois aussi.

 Les paysages ne sont que mouvement, fuite, disparition. Le recueil s'ouvre sur les bords de mer et le mouvement de la vague sur le sable (page 7) ; la mer est présente aussi avec le roulement de cailloux, les bruissements de la côte et des oiseaux. Le mouvement c'est celui, vertical, de la pluie qui tombe ou plus inquiétant, celui des cendres dans le vent à la page 62 ; ou encore le mouvement brutal et soudain des éclairs qui traversent la nuit. Mais l'image obsédante du recueil c'est celle de l'eau qui ruisselle sur les murets du parc, sur les pierres du chemin, les pavés. A telle enseigne que ces paysages semblent n'être faits que de ce mouvement de ce glissement. Impossible donc de dresser une topographie, une cartographie claire de cet espace qu'arpente le poète ; c'est peut-être là une des limites du recueil (avec quelques réserves, personnelles devant certaines métaphores convenues). Mais il est vrai qu'à la géographie des distances et des voyages s'additionne celle des souvenirs et du temps. Car le temps est ici le seul et grand moteur, "il est le vent qui remue tout"(page 64).

La saison est clairement celle de l'automne ou de l'hiver. la forêt est dénudée, des cendres maculent le sol, le vent est une présence sourde. La peur s'impose dans un monde non privé d'odeurs ou de lumière, mais si vide d'autres voix humaines ; ou simplement de présences animales. Les oiseaux ? Oui certes, mais si hauts, inaccessibles et même curieusement silencieux. On sent bien clairement que c'est quelque part un peu ici la saison de la mort. Il est question d'elle, la mort, dans l'approche lente inéluctable d'un but qui ne se formule pas ; comme l'invisible aussi, la dimension cachée, obscure, derrière les mots. La mort traverse page 40 ; la mort se dit dans les couleurs, la blancheur, le noir de la cendre qui gagne et "les ombres sous les haies".

Du coup c'est une tension nouvelle qui anime le recueil: tension entre la labilité, le glissement et l'immobilité. L'immobilité c'est celle de la lumière figée sur les parois des murs, sur la table, « le soleil ne bouge plus » à la page 38. L'immobilité s'accompagne du silence qui triomphe. Le recueil essaye d'être à l'écoute d'une voix qui semble disparaître dans la dernière page ou même ne jamais avoir existé. Il y a ainsi un non-dit, un mystère. Il y a quelque chose qui se masque derrière l'apparence des choses, des pierres du chemin, des arbres ; on ne sait d'où vient le vent ; on ne sait d'où vient le souci des mots (page 5). Pas moyen de retrouver ce qui se cache ni de remonter le temps. Pas moyen de revenir à l'origine du chemin ; pas de source vers laquelle on va. Et il faut avancer malgré tout. Continuez d'avancer, nous dit le recueil sur cette « voie haute », jusqu'au silence. Nous voilà invités à un cheminement où « la beauté et la peur [nous] accompagnent ».




Fabien Pio : En Echo de Lumière

 

Fabien Pio, dans son premier livre, « vestiges du vent », paru aux éditions Éclats d’encre (2015), avec cette écriture intense, cisaillée, ne laisse pas de place aux fioritures vaines et dispensables, sans tutoyer pour autant la rigueur froide, inhospitalière, d’un coup de poing sans état d’âme.

Le poète ne veut pas choquer, brutaliser ; il écrit avec la volonté de communiquer avec l’essence même de notre ressenti, de notre vécu – de notre être intime.

Le mot essentiel du dire. La vérité du verbe.

En complément, ou peut-être avant tout, Fabien Pio est photographe. De ces explorateurs de l’image qui ne se contentent pas de montrer, ou de démontrer, mais ne suggérer, de percer à jour ce qui ne l’est pas encore, bref, d’utiliser l’image comme un poème dénué de mots, ou plutôt, aux mots multiples, mais muets.

On n’entend pas les mots, mais on les sait.

Ils sont là, dans la silhouette floue d’un être face à une fenêtre – qui est cette personne ? un prolongement impalpable du questionnement permanent de l’humanité : où va-t-on ? d’où vient-on ? qui est-on ? homme, femme, enfant, ancien, tous ? ; ou bien encore dans ce visage donnant l’impression de surgir d’une autre époque, alors que vivant bel et bien dans la nôtre, celle du photographe – quand vivons-nous, dans le temps actuel, ou de la permanence du vivre ? figés par l’image, sommes-nous morts ou bien immortels ? ; et dans cette plage où le noir et blanc, empli de bruit (terme photographique et tellement poétique itou), nous plonge dans une incertitude : où est le ciel ? où est la mer ? où commence la fin ? où se termine le début ?

En parallèle, en accompagnement, en soutient, ou peut-être au départ, la présence des mots d’un autre poète, ô combien lu et aimé, Salah Al Hamdani.

Les poèmes ne semblent pas aller avec les images, mais aller vers elles.

Pour ouvrir un dialogue, là aussi.

Pour nouer un lien, pourtant évident, entre voir et lire, entre exprimer et ressentir.

Pour lier deux êtres, deux territoires, deux vies, et former non pas un lien, mais une multitude de liens :

 

« D’une terre à l’autre
d’un abîme à l’autre

j’allume l’âme du monde
et réveille sa pupille argentée" ,

 

nous dit Salah Al Hamdani.

Mais rappelons aussi que dans « Vestiges du vent », Fabien Pio disait :

 

« savoure
les heures sans crainte

bordé dans le secret du nid
où seule afflue la lumière
n’en dévoile aucune graine
pas même la poussière
plus tard
n’oublie jamais
ces jours à distance
de l’averse des saisons »

 

Voir nous ouvre au savoir. Lire à être, pas seulement survivre.