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Gérard Bocholier, Les fleurs de l’amandier volent, et autres poèmes

Des poèmes de Gérard Bocholier publiés en janvier 2014.

Les fleurs de l’amandier volent
Les cloches soudain se taisent
Le vent passe au cimetière
Soulever l’obscur des tombes

Tout est prêt un inconnu
Vient guetter à la fenêtre
Il disparaît sous des palmes
Dans un jardin de lumière

Psaumes de l’espérance (Ad Solem, 2012)

Plus fidèle que la brise
Au jasmin les senteurs d’ombre
Aux vergers après l’automne
Tu ne quittes pas ma main

Chaque instant que je reçois
Bel inconnu comme un hôte
Porte en secret ton visage
De grâce penché sur moi

Psaumes de l’espérance (Ad Solem, 2012)

Le bon berger m’a jeté
Son manteau sur les épaules
A l’heure où la main du soir
Sonde l’âme en chaque plaie

Les chiens aboient dans les granges
On ferme toutes les portes
Bientôt ne va plus rester
Que ce manteau plein d’étoiles

Psaumes du bel amour (Ad Solem, 2010)

Le manteau usé des herbes
Achève de disparaître
Au bout du chemin le vent
Se dresse en apparition

Le mort retourne la pierre
Qui bouchait la vue du ciel
Son âme boit tout entière
L’avalanche de soleil

Psaumes du bel amour (Ad Solem, 2010)

Aimer sans aucun retour… Aimer ce qui arrache en nous les dernières esquilles que notre conscience égoïste resserre… Laisser le passé se blottir dans ses lambeaux funèbres…
Ce tilleul, je le sens, vient à ma rencontre, ce nuage, cette rosace radieuse. Ils ne ressemblent à aucun autre, non plus alors que moi à moi-même. Que tout exil, que toute souffrance soient tremplins vers eux !
Plus loin s’annoncent la rive, et puis la mer, la mer allée avec le feu.

Abîmes cachés (L’Arrière-Pays, 2010)
 

Le mystère s’appuie aux limbes
Mais la lucarne attire
Soudain l’étoile
Dans une extase de neige

Glisse des tuiles
Le livre ouvert
Laisse une parole d’aubaine
Dans l’embrasure avec le feu

Belles saisons obscures (Arfuyen, 2012)

Les murs ne bougent pas
Les portes restent closes

Une cime se courbe
Sur le bois et la plaie

Tu souffles sur la braise
Et fais tout apparaître

La Venue (Arfuyen, 2006)
 

Présentation de l’auteur

Gérard Bocholier

Gérard Bocholier est né en 1947 à Clermont-Ferrand, il a fait ses études dans cette ville où il a ensuite enseigné la littérature française en classe de lettres supérieures. Originaire d’une famille de vignerons de la Limagne et franc-comtois par sa mère, il a passé son enfance et sa jeunesse dans le village de Monton, au sud de Clermont-Ferrand, qu’il évoque dans son livre Le Village emporté, paru en 2013 aux éditions L’Arrière-Pays.

En 1971, il a reçu des mains de Marcel Arland, directeur de la NRF, le prix Paul Valéry réservé à un étudiant. La lecture de Pierre Reverdy, à qui il consacre un essai en 1984, Pierre Reverdy le phare obscur (Champ Vallon) détermine définitivement sa vocation de poète. Il commence à publier des volumes de vers aux éditions Rougerie, le premier : Le Vent et l’homme en 1976. Cette même année, il participe à la fondation de la revue de poésie ARPA, avec d’autres poètes d’Auvergne et du Bourbonnais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis.

Gérard Bocholier

D’autres rencontres viennent éclairer sa route : celle de Jean Grosjean, puis de Jacques Réda, qui l’accueillent dans la NRF, où il publie des poèmes et où il devient chroniqueur régulier de poésie à partir des années 90. Il rencontre aussi Anne Perrier, grand poète de Suisse romande, avec qui il noue une amitié affectueuse et dont il préface les œuvres complètes en 1996 aux éditions de l’Escampette.

Il remporte le prix Voronca en 1979, pour Chemin de guet, puis le prix du poème en prose Louis Guillaume en 1987 pour Poussière ardente (Rougerie). En 1991, le Grand Prix de poésie pour la jeunesse du Ministère de la jeunesse et des sports lui est décerné pour un manuscrit de poèmes pour enfants qui sera publié en 1992 dans la collection du Livre de poche chez Hachette, sous le titre : Poèmes du petit bonheur.

Devenu directeur de la revue ARPA, il collabore également comme critique de poésie à La Revue de Belles Lettres de Genève, au Chemin des livres, à Recueil puis au Nouveau Recueil. Il rassemble certains de ses articles dans un essai, Les Ombrages fabuleux, aux éditions de L’Escampette en 2003. Il participe à plusieurs ouvrages collectifs, dont les cahiers 10 et 17 au Temps qu’il fait, consacrés à Pierre-Albert Jourdan et à Roger Munier. Deux livres de poèmes pour la jeunesse sont encore publiés, aux éditions Cheyne, illustrés par Martine Mellinette : Terre de ciel  et Si petite planète.

Il entre dans la prestigieuse collection des éditions Arfuyen en 2006 avec La Venue et en 2012 avec Belles saisons obscures.  En 2011, son livre de vers et proses, Abîmes cachés (L’Arrière-Pays), est couronné par le prix Louise Labé. Son engagement religieux se fait plus direct , il se consacre essentiellement à l’écriture de psaumes à partir de 2009 et publie chez Ad Solem : Psaumes du bel amour (2010), préfacé par Jean-Pierre Lemaire, et Psaumes de l’espérance (2012), avec un envoi de Philippe Jaccottet, récompensé par le prix François Coppée de l’Académie Française. D’autres livres de psaumes sont prévus chez le même éditeur. Un essai paraît en 2014 chez Ad Solem : Le poème exercice spirituel.

Il tient une chronique de lectures, Chronique du veilleur, depuis 2012, sur le site de Recours au poème.

Autres lectures

Les Psaumes de Gérard Bocholier

Dans ce monde gouverné par le bavardage des nanosecondes de la prose généralisée, il est des éditeurs pour défendre le profond de l’humain, autrement dit la poésie. Et il est des poètes rares. Gérard [...]

Le village emporté de Gérard Bocholier

Il a toujours été là, au centre du jardin, contre la maison. Ses plus hautes branches dépassent à présent le toit, caressent les tuiles. Mes initiales, jadis creusées dans l'écorce, se comblent d'année en [...]

Gérard Bocholier, le Poème spirituel

     Que la poésie ait quelque chose à voir avec le mystère, l’invisible, l’ineffable, cela ne fait aucun doute. Le poète Jean-Pierre Lemaire l’a bien exposé dans son livre Marcher dans la neige [...]

Gérard Bocholier, Les Étreintes Invisibles

Je lis de loin en loin Gérard Bocholier en revues et je crois bien que c'est la première fois que je le lis dans un recueil, "Les Étreintes invisibles". Quatre ensemble de poèmes [...]

Gérard Bocholier, Psaumes de la foi vive

Le poème prière L’actualité de Gérard Bocholier est importante et porte sur deux livres de poésie publiés ce printemps, dont l’un est produit par l’éditeur Ad Solem, qui est connu pour son travail [...]




Gérard Bocholier, J’appelle depuis l’enfance

 (…) l’œil gris et paisible
Du Temps l’unique maître 

 

On entre comme on ouvre une porte dans cet univers personnel, apparemment si simple. Et pourtant, il vient une ombre quand on parcourt ces textes lumineux, l’ombre du texte qu’on aurait pu lire à leur place et, soudain, on s’aperçoit qu’elle, c’est lui, qu’il est en même temps ombre et lumière, ce qu’il évoque et ce qu’il creuse, ce qu’il chante et le silence qu’il permet.

Il y a tout d’abord dans ce recueil, dès la première lecture, ce don : ces poèmes aux musiques subtiles, simples et régulières comme des comptines d’enfant ouvrent à de la nuit.

 

J’écris pour surprendre
Celui que je suis

 

Gérard Bocholier, J'appelle
depuis l'enfance, 
 La Coopérative,
2020, 16 €.

 

Mais de quelle nuit s’agit-il ? Cette poésie narrative conte l’histoire d’une vie, avec beaucoup de force. Les trois parties, très clairement, dessinent trois moments d’une existence, une enfance rurale et sa dramaturgie à l’imparfait, dans « L’ENFANT DE SEPTEMBRE », une jeunesse turbulente et tourmentée dans la deuxième partie « QUI J’ETAIS » avant que les trente-trois poèmes composés tous de deux quatrains et écrits en heptasyllabes, « CHANTS POUR LA FIN » ne fassent rayonner un présent perpétuel. 

La poésie semble là pour border une angoisse, les octosyllabes, les heptasyllabes, les hexasyllabes, les quatrains, les tercets permettent de transfigurer celle-ci en « mètres simples » même si

 

Toujours hantés par l’énigme
Les mots ces volubilis
Ne tiendront pas sur l’échelle
Plantée dans la vase obscure.

 

C’est cette tension entre le silence et la poésie quand même qui donne à ce texte sa force, sa fragilité et son charme. On a envie de tourner les pages parce que, sans le dire explicitement, ces vignettes, ces anecdotes, ces tableaux et instants d’âme que sont ces poèmes montrent les étapes d’une histoire et en révèlent le parcours. La première partie, où l’imparfait est omniprésent et souligne une durée indéterminée pendant laquelle « Rien n’arrivait », se clôt sur la mort du père « 12 mai 1980 » ; la deuxième partie, elle, évoque magnifiquement mais avec quelle sensuelle et ardente pudeur les affres de la sexualité :

 

En rendez-vous avec moi-même
Bien plus qu’avec ces inconnus
Qui disparaissaient comme en rêve
Ai-je jamais su qui j’étais (…) 

 

 Elle aboutit, in extremis, à une conversion :

 

Mais soudain comme une grâce
Une libation de source
M’a délivré 

 

Dans la troisième partie, le poète, après avoir en vain cherché dans l’autre lui-même la solution de son énigme se tourne vers le Grand Autre ce qui donne à cet ensemble un caractère à la fois mystique, serein et solaire : 

 

J’engrange de l’invisible
Sans me douter qu’il est l’heure
D’aller vendanger la vigne
Où j’ai si peu travaillé 

 

La Grande Nuit de « la Fin » ne fait plus peur, même si elle est inéluctable. Il faut l’avoir traversée pour pouvoir, enfin, vivre l’aube.

 

Non la mort n’est pas l’absence
L’absence n’est pas la nuit
Hors du temps bruit le silence
Je bois ton aube infinie 

 

Voilà un texte qui rayonne d’humanité et de poésie.

Présentation de l’auteur

Gérard Bocholier

Gérard Bocholier est né en 1947 à Clermont-Ferrand, il a fait ses études dans cette ville où il a ensuite enseigné la littérature française en classe de lettres supérieures. Originaire d’une famille de vignerons de la Limagne et franc-comtois par sa mère, il a passé son enfance et sa jeunesse dans le village de Monton, au sud de Clermont-Ferrand, qu’il évoque dans son livre Le Village emporté, paru en 2013 aux éditions L’Arrière-Pays.

En 1971, il a reçu des mains de Marcel Arland, directeur de la NRF, le prix Paul Valéry réservé à un étudiant. La lecture de Pierre Reverdy, à qui il consacre un essai en 1984, Pierre Reverdy le phare obscur (Champ Vallon) détermine définitivement sa vocation de poète. Il commence à publier des volumes de vers aux éditions Rougerie, le premier : Le Vent et l’homme en 1976. Cette même année, il participe à la fondation de la revue de poésie ARPA, avec d’autres poètes d’Auvergne et du Bourbonnais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis.

Gérard Bocholier

D’autres rencontres viennent éclairer sa route : celle de Jean Grosjean, puis de Jacques Réda, qui l’accueillent dans la NRF, où il publie des poèmes et où il devient chroniqueur régulier de poésie à partir des années 90. Il rencontre aussi Anne Perrier, grand poète de Suisse romande, avec qui il noue une amitié affectueuse et dont il préface les œuvres complètes en 1996 aux éditions de l’Escampette.

Il remporte le prix Voronca en 1979, pour Chemin de guet, puis le prix du poème en prose Louis Guillaume en 1987 pour Poussière ardente (Rougerie). En 1991, le Grand Prix de poésie pour la jeunesse du Ministère de la jeunesse et des sports lui est décerné pour un manuscrit de poèmes pour enfants qui sera publié en 1992 dans la collection du Livre de poche chez Hachette, sous le titre : Poèmes du petit bonheur.

Devenu directeur de la revue ARPA, il collabore également comme critique de poésie à La Revue de Belles Lettres de Genève, au Chemin des livres, à Recueil puis au Nouveau Recueil. Il rassemble certains de ses articles dans un essai, Les Ombrages fabuleux, aux éditions de L’Escampette en 2003. Il participe à plusieurs ouvrages collectifs, dont les cahiers 10 et 17 au Temps qu’il fait, consacrés à Pierre-Albert Jourdan et à Roger Munier. Deux livres de poèmes pour la jeunesse sont encore publiés, aux éditions Cheyne, illustrés par Martine Mellinette : Terre de ciel  et Si petite planète.

Il entre dans la prestigieuse collection des éditions Arfuyen en 2006 avec La Venue et en 2012 avec Belles saisons obscures.  En 2011, son livre de vers et proses, Abîmes cachés (L’Arrière-Pays), est couronné par le prix Louise Labé. Son engagement religieux se fait plus direct , il se consacre essentiellement à l’écriture de psaumes à partir de 2009 et publie chez Ad Solem : Psaumes du bel amour (2010), préfacé par Jean-Pierre Lemaire, et Psaumes de l’espérance (2012), avec un envoi de Philippe Jaccottet, récompensé par le prix François Coppée de l’Académie Française. D’autres livres de psaumes sont prévus chez le même éditeur. Un essai paraît en 2014 chez Ad Solem : Le poème exercice spirituel.

Il tient une chronique de lectures, Chronique du veilleur, depuis 2012, sur le site de Recours au poème.

Autres lectures

Les Psaumes de Gérard Bocholier

Dans ce monde gouverné par le bavardage des nanosecondes de la prose généralisée, il est des éditeurs pour défendre le profond de l’humain, autrement dit la poésie. Et il est des poètes rares. Gérard [...]

Le village emporté de Gérard Bocholier

Il a toujours été là, au centre du jardin, contre la maison. Ses plus hautes branches dépassent à présent le toit, caressent les tuiles. Mes initiales, jadis creusées dans l'écorce, se comblent d'année en [...]

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Gérard Bocholier, Une brûlante usure

D’ordinaire, je suis plus que méfiant à l’égard des journaux intimes. Je dois même reconnaître que je nourris une forme d’évitement à leur égard. Peut-être pour en avoir trop lus, ou pas assez.

Ou pas ceux qu’il fallait lire, allez savoir. Néanmoins, la fréquentation assidue de la poésie m’a souvent fait changer d’avis, avec bonheur. C’est encore le cas ici, avec cette brûlante usure qui consume chaque page d’un journal à la fois moins qu’un journal mais surtout beaucoup plus. Ici, on ne triche pas. Pas de faux-semblants, d’allusions narcissiques, de contorsions égoïstes, de fausse modestie ou d’air de ne pas y toucher. Je n’en attendais pas moins, ceci dit, de Gérard Bocholier, dont je reçois avec bonheur et attention, recueil après recueil, la parole pure et essentielle. Au fil des mois et des saisons, on chemine ici en compagnie des grands esprits d’hier et d’aujourd’hui. L’auteur prend note de tout ce qui éclaire sa vie, baignée d’une belle lumière automnale, déconnectée du tohu-bohu du théâtre de l’information.

C’est le partage d’un quotidien dont l’ordinaire est fait de la fréquentation régulière de Reverdy, Anne Perrier, Thierry Metz, Gustave Roud, Cioran, Joubert, Follain, Pirotte, sans omettre Jaccottet, Pessoa ou Paul de Roux, pour n’en citer que quelques-uns.

 Une brûlante usure, par Gérard Bocholier, éditions Le Silence qui roule, 15€.

Le temps des lectures intimes est porté par la musique de Bach, Brahms ou Schubert. Rythmé par l’écriture. Gérard Bocholier accepte sa condition de dernier hôte d’un paysage, celui de sa propre vie, comme un signe. La prégnance de la solitude fait de l’auteur une victime de chaque instant, pour reprendre le mot de Gustave Roud. Cette solitude ambivalente, qui l’aura hanté depuis le début comme un oiseau de malheur, certes, mais qui aura œuvré aussi d’une certaine façon à donner à sa parole poétique la valeur qu’on lui connaît et reconnaît. Alors, toujours, écrire pour reprendre haleine, pour reprendre pied. Pour tenir l’ennui et le doute à distance, exorciser le vide de la vie humaine, à laquelle une lumière toujours présente promet une consolation éternelle. Et s’il faudrait s’habituer à la mort, ce n’est pas pour se défausser de la fin qui menace mais plutôt accepter de voir s’approcher la coupe du destin et d’y plonger les lèvres, avec au cœur juste ce qu’il faut d’inquiétude. Quoiqu’on fasse, il nous faut nous maintenir dans l’éveil. Chez Gérard Bocholier, la poésie et la prière y veillent depuis toujours, en faisant de chaque livre une belle solitude traversée.

 

Présentation de l’auteur

Gérard Bocholier

Gérard Bocholier est né en 1947 à Clermont-Ferrand, il a fait ses études dans cette ville où il a ensuite enseigné la littérature française en classe de lettres supérieures. Originaire d’une famille de vignerons de la Limagne et franc-comtois par sa mère, il a passé son enfance et sa jeunesse dans le village de Monton, au sud de Clermont-Ferrand, qu’il évoque dans son livre Le Village emporté, paru en 2013 aux éditions L’Arrière-Pays.

En 1971, il a reçu des mains de Marcel Arland, directeur de la NRF, le prix Paul Valéry réservé à un étudiant. La lecture de Pierre Reverdy, à qui il consacre un essai en 1984, Pierre Reverdy le phare obscur (Champ Vallon) détermine définitivement sa vocation de poète. Il commence à publier des volumes de vers aux éditions Rougerie, le premier : Le Vent et l’homme en 1976. Cette même année, il participe à la fondation de la revue de poésie ARPA, avec d’autres poètes d’Auvergne et du Bourbonnais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis.

Gérard Bocholier

D’autres rencontres viennent éclairer sa route : celle de Jean Grosjean, puis de Jacques Réda, qui l’accueillent dans la NRF, où il publie des poèmes et où il devient chroniqueur régulier de poésie à partir des années 90. Il rencontre aussi Anne Perrier, grand poète de Suisse romande, avec qui il noue une amitié affectueuse et dont il préface les œuvres complètes en 1996 aux éditions de l’Escampette.

Il remporte le prix Voronca en 1979, pour Chemin de guet, puis le prix du poème en prose Louis Guillaume en 1987 pour Poussière ardente (Rougerie). En 1991, le Grand Prix de poésie pour la jeunesse du Ministère de la jeunesse et des sports lui est décerné pour un manuscrit de poèmes pour enfants qui sera publié en 1992 dans la collection du Livre de poche chez Hachette, sous le titre : Poèmes du petit bonheur.

Devenu directeur de la revue ARPA, il collabore également comme critique de poésie à La Revue de Belles Lettres de Genève, au Chemin des livres, à Recueil puis au Nouveau Recueil. Il rassemble certains de ses articles dans un essai, Les Ombrages fabuleux, aux éditions de L’Escampette en 2003. Il participe à plusieurs ouvrages collectifs, dont les cahiers 10 et 17 au Temps qu’il fait, consacrés à Pierre-Albert Jourdan et à Roger Munier. Deux livres de poèmes pour la jeunesse sont encore publiés, aux éditions Cheyne, illustrés par Martine Mellinette : Terre de ciel  et Si petite planète.

Il entre dans la prestigieuse collection des éditions Arfuyen en 2006 avec La Venue et en 2012 avec Belles saisons obscures.  En 2011, son livre de vers et proses, Abîmes cachés (L’Arrière-Pays), est couronné par le prix Louise Labé. Son engagement religieux se fait plus direct , il se consacre essentiellement à l’écriture de psaumes à partir de 2009 et publie chez Ad Solem : Psaumes du bel amour (2010), préfacé par Jean-Pierre Lemaire, et Psaumes de l’espérance (2012), avec un envoi de Philippe Jaccottet, récompensé par le prix François Coppée de l’Académie Française. D’autres livres de psaumes sont prévus chez le même éditeur. Un essai paraît en 2014 chez Ad Solem : Le poème exercice spirituel.

Il tient une chronique de lectures, Chronique du veilleur, depuis 2012, sur le site de Recours au poème.

Autres lectures

Les Psaumes de Gérard Bocholier

Dans ce monde gouverné par le bavardage des nanosecondes de la prose généralisée, il est des éditeurs pour défendre le profond de l’humain, autrement dit la poésie. Et il est des poètes rares. Gérard [...]

Le village emporté de Gérard Bocholier

Il a toujours été là, au centre du jardin, contre la maison. Ses plus hautes branches dépassent à présent le toit, caressent les tuiles. Mes initiales, jadis creusées dans l'écorce, se comblent d'année en [...]

Gérard Bocholier, le Poème spirituel

     Que la poésie ait quelque chose à voir avec le mystère, l’invisible, l’ineffable, cela ne fait aucun doute. Le poète Jean-Pierre Lemaire l’a bien exposé dans son livre Marcher dans la neige [...]

Gérard Bocholier, Les Étreintes Invisibles

Je lis de loin en loin Gérard Bocholier en revues et je crois bien que c'est la première fois que je le lis dans un recueil, "Les Étreintes invisibles". Quatre ensemble de poèmes [...]

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Le poème prière L’actualité de Gérard Bocholier est importante et porte sur deux livres de poésie publiés ce printemps, dont l’un est produit par l’éditeur Ad Solem, qui est connu pour son travail [...]




Gérard Bocholier, Depuis toujours le chant

Pour Gérard Bocholier, la poésie est un exercice spirituel. De recueil en recueil, son poème devient psaume, chant sacré dont il dit : « Je pourrais le définir comme un prélude lyrique de la prière, une méditation préalable à l’invocation, un exercice spirituel qui s’efforce à la plus grande simplicité, dans la fidélité à l’Esprit qui l’a fait jaillir. »

Le poète, qui se voit maintenant entré « dans la gravité/De la mort », chante la louange du souffle divin, de « l’ordre invisible » qu’il ressent profondément en lui, autour de lui : « Le temps vient où les ténèbres/Rempliront les cavités/De mes yeux où le silence/Resserrera ses mâchoires ».

Dans ce nouvel opus, on reconnaîtra la voix fervente du poète chrétien, entré dans « le temps de l’âme ». Nombreux sont les mots qui renvoient à Dieu et au Christ dans les versets : « maître, Pâque, martyr, Seigneur, Il, Toi pour l’éternité, croix, ange… » jusqu’au tutoiement intime avec Dieu, la « voix secrète » du poème se faisant chant de grâce qui tourne sur lui-même et revient en Phénix. Le dieu du poète invite « l’assoiffé de ciel » à faire corps avec la nature, à prendre chair dans chaque élément de la Création. C’est un dieu intime qui souffle les « mots pour nous dire/La très pure alliance/Des yeux et du cœur/De l’eau et du feu »

Gérard Bocholier, Depuis toujours le
chant
, Arfuyen, mai 2019, 13 euros.

Ici les forêts dansent « En liesse avec la mer », ici « une herbe en plein vent »prend valeur d’annonce, « Au bout du grand jardin/L’eau du mystère afflue »… Pierres, feuilles ou sources, le paysage entier est d’essence divine.

Parole sacrée et parole humaine se retrouvent intimement liées dans le chapelet des mots et des images qui s’interpénètrent de poème en poème. On retrouvera tout au long des versets une alliance entre la louange, l’amour, la joie, la patience, la liberté, la confiance et leur corollaire : la peur, la peine, la lassitude, la faiblesse, la solitude, l’amertume, l’effroi… l’échelle et le précipice formant un couple indissociable pour qui s’aventure à flanc de montagne. Le poète, dans une vision christique, s’élève « sur les degrés de la lumière » jusqu’à toucher « la plaie béante au fond du jour ». On remarquera les termes d’élévation, de montée, d’ascension, très présents dans ce parcours de foi. Jusqu’au dernier poème qui réunit les deux versants de la parole : « J’avance un peu plus courbé/Et je n’ai plus qu’à descendre/Mais jamais sur la colline/L’aube n’a été si belle. »

 « Que n’ai-je le chant la mesure », difficile de dégager un poème plus qu’un autre dans ce recueil, tant tout semble confondu dans une même voix, une même oraison. Cette impression psalmodique se trouve accrue par la forme régulière du chant : des poèmes de deux strophes de quatre vers chacune, stiques bien définies comme dans les psaumes, poèmes qui se répartissent en 5 chants (15 poèmes, puis 17, 26, 19, 21). On notera la modulation rythmique adoptée pour chaque partie : vers de 8 syllabes, de 6, de 7, de 5, enfin de 7. L’alternance de ces rythmes pairs et impairs dans la macro et microstructure, ajoutée aux appuis consonantiques chers à la psalmodie, module le chant en douceur comme une flamme qui veille et danse sur l’autel. Toutes les saisons, toutes les heures semblent s’accorder dans la célébration du moment : un feu brille dehors et dedans, pour toujours.

Le texte, à l’image apaisante de la couverture, prend les couleurs nuancées de l’automne, la lumière pure de la neige. Il n’y a ni dessous ni dessus dans la peinture de Turner comme il n’y a ni avant ni après si on croit « au gage de la vie éternelle », à la parousie promise, à la mort comme une victoire. De « cueilleur d’éternité »en « veilleur » recueilli, « Le chant continue », affirme le titre.

Les croyants liront ce poème comme un chant de foi, les athées comme un chant de vie. Régénérant




Gérard Bocholier, Depuis toujours le chant

Sans plus aucun poids de terre
 Ni de chair qui me retienne
J'entre dans la gravité
De la mort que tu m'apprêtes  (p. 63)

De quelle surface enfin vécue au-delà de soi s'agit-il ? 

Mais que la voix soit aussi très profonde et que rien ne mente : voilà ce que le chant souffle tout au long du recueil d'ailleurs composé sur des sections rythmiques équilibrées. Vers de 8 syllabes dans la première partie, de 6 dans la seconde, de 7 dans la troisième, de 5 dans la quatrième et de 7 (de nouveau) dans la dernière. On peut sentir ce passage du pair à l'impair comme le socle toujours plus vivant d'un désir, d'une présence bien secrète mais qui mêle effacement et lumière en essayant de gagner cette dernière. Vers courts. Vers dans la régularité. 

Car dès le liminaire « Depuis toujours ton silence... »,  (en italiques, et, disons-le, conçu comme un murmure, une prière) il est question d'une parole, d'un poème et, sans jamais dévoiler quelque rive d'or, du vent de l'Esprit qui, pour le veilleur, entraîne le cours du monde vers un intérieur d'amour.

Gérard Bocholier, Depuis toujours le chant, Arfuyen, 2019, 128 pages, 13€.

Ce dernier mot, s'il est répété régulièrement dans le recueil, ne s'accompagne pas forcément d'une promesse. L'écriture va devoir gagner son propre secret, son espace articulé au fond de l'être avec des images, des sons, des codes bien mystérieux, difficiles à déchiffrer de par leurs échos avant de suggérer que la silhouette de l'homme, même accompagnée de plus en plus par la « lumière », s'adresse à Dieu. 

 

O Seigneur dépouille-moi
Du vieil homme qui s'entête
A manger en solitude
Le pain noir de l'amertume  (p. 102)

 

C'est un tutoiement perçant, un relief au bout d'un jeu magique de pronoms personnels et possessifs. L'homme ne redit « je » qu'après l'avant-dernière partie où le mystère des morts trouve un ton sans fard mais non privé d'échos ; et le rythme exigeant qui ne doit rien à la nostalgie, quand vient la ou les dernières pièces de chaque partie, semble bien se fondre dans cette frontière en principe artificielle pour annoncer le meilleur, c'est-à-dire un équilibre, enfin, comme à force d'accorder la vérité aux quatrains, aux deux quatrains que chaque page imagine sans cesse en restant fidèle au ton du poète.  

Depuis toujours le chant qu'aime-t-il si ce n'est le silence, l'énigmatique légèreté promise aux mots, au frisson encore plus fort qu'eux ? L'amour ? Le temps avec le présent montre un langage vivant, mais le futur, qu'offre-t-il déjà au veilleur ? On va du « je » au « tu » dans la foi. La répétition temporelle dans le liminaire ne revient pas quand se referme la dernière partie, « Mais jamais sur la colline/L'aube n'a été si belle. » 

Le corps et la poésie auront pris le ciel comme les racines à témoin, et cette fête à la fois intime et universelle sera bien restée louange.

Ce recueil n'en finit pas de s'ouvrir sur le « feu secret » qui se consume, proche d'un coeur aux branches qui n'ont pas peur « du jour qui tombe ».

 

Présentation de l’auteur

Gérard Bocholier

Gérard Bocholier est né en 1947 à Clermont-Ferrand, il a fait ses études dans cette ville où il a ensuite enseigné la littérature française en classe de lettres supérieures. Originaire d’une famille de vignerons de la Limagne et franc-comtois par sa mère, il a passé son enfance et sa jeunesse dans le village de Monton, au sud de Clermont-Ferrand, qu’il évoque dans son livre Le Village emporté, paru en 2013 aux éditions L’Arrière-Pays.

En 1971, il a reçu des mains de Marcel Arland, directeur de la NRF, le prix Paul Valéry réservé à un étudiant. La lecture de Pierre Reverdy, à qui il consacre un essai en 1984, Pierre Reverdy le phare obscur (Champ Vallon) détermine définitivement sa vocation de poète. Il commence à publier des volumes de vers aux éditions Rougerie, le premier : Le Vent et l’homme en 1976. Cette même année, il participe à la fondation de la revue de poésie ARPA, avec d’autres poètes d’Auvergne et du Bourbonnais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis.

Gérard Bocholier

D’autres rencontres viennent éclairer sa route : celle de Jean Grosjean, puis de Jacques Réda, qui l’accueillent dans la NRF, où il publie des poèmes et où il devient chroniqueur régulier de poésie à partir des années 90. Il rencontre aussi Anne Perrier, grand poète de Suisse romande, avec qui il noue une amitié affectueuse et dont il préface les œuvres complètes en 1996 aux éditions de l’Escampette.

Il remporte le prix Voronca en 1979, pour Chemin de guet, puis le prix du poème en prose Louis Guillaume en 1987 pour Poussière ardente (Rougerie). En 1991, le Grand Prix de poésie pour la jeunesse du Ministère de la jeunesse et des sports lui est décerné pour un manuscrit de poèmes pour enfants qui sera publié en 1992 dans la collection du Livre de poche chez Hachette, sous le titre : Poèmes du petit bonheur.

Devenu directeur de la revue ARPA, il collabore également comme critique de poésie à La Revue de Belles Lettres de Genève, au Chemin des livres, à Recueil puis au Nouveau Recueil. Il rassemble certains de ses articles dans un essai, Les Ombrages fabuleux, aux éditions de L’Escampette en 2003. Il participe à plusieurs ouvrages collectifs, dont les cahiers 10 et 17 au Temps qu’il fait, consacrés à Pierre-Albert Jourdan et à Roger Munier. Deux livres de poèmes pour la jeunesse sont encore publiés, aux éditions Cheyne, illustrés par Martine Mellinette : Terre de ciel  et Si petite planète.

Il entre dans la prestigieuse collection des éditions Arfuyen en 2006 avec La Venue et en 2012 avec Belles saisons obscures.  En 2011, son livre de vers et proses, Abîmes cachés (L’Arrière-Pays), est couronné par le prix Louise Labé. Son engagement religieux se fait plus direct , il se consacre essentiellement à l’écriture de psaumes à partir de 2009 et publie chez Ad Solem : Psaumes du bel amour (2010), préfacé par Jean-Pierre Lemaire, et Psaumes de l’espérance (2012), avec un envoi de Philippe Jaccottet, récompensé par le prix François Coppée de l’Académie Française. D’autres livres de psaumes sont prévus chez le même éditeur. Un essai paraît en 2014 chez Ad Solem : Le poème exercice spirituel.

Il tient une chronique de lectures, Chronique du veilleur, depuis 2012, sur le site de Recours au poème.

Autres lectures

Les Psaumes de Gérard Bocholier

Dans ce monde gouverné par le bavardage des nanosecondes de la prose généralisée, il est des éditeurs pour défendre le profond de l’humain, autrement dit la poésie. Et il est des poètes rares. Gérard [...]

Le village emporté de Gérard Bocholier

Il a toujours été là, au centre du jardin, contre la maison. Ses plus hautes branches dépassent à présent le toit, caressent les tuiles. Mes initiales, jadis creusées dans l'écorce, se comblent d'année en [...]

Gérard Bocholier, le Poème spirituel

     Que la poésie ait quelque chose à voir avec le mystère, l’invisible, l’ineffable, cela ne fait aucun doute. Le poète Jean-Pierre Lemaire l’a bien exposé dans son livre Marcher dans la neige [...]

Gérard Bocholier, Les Étreintes Invisibles

Je lis de loin en loin Gérard Bocholier en revues et je crois bien que c'est la première fois que je le lis dans un recueil, "Les Étreintes invisibles". Quatre ensemble de poèmes [...]

Gérard Bocholier, Psaumes de la foi vive

Le poème prière L’actualité de Gérard Bocholier est importante et porte sur deux livres de poésie publiés ce printemps, dont l’un est produit par l’éditeur Ad Solem, qui est connu pour son travail [...]




Gérard Bocholier, Psaumes de la foi vive

Le poème prière

L’actualité de Gérard Bocholier est importante et porte sur deux livres de poésie publiés ce printemps, dont l’un est produit par l’éditeur Ad Solem, qui est connu pour son travail autour de la poésie en lien avec la spiritualité.

C’est ainsi que les Psaumes de la foi vive couvrent un volume de poèmes que je crois pouvoir séparer en différentes liturgies : la liturgie de la Toussaint, la liturgie de Pâques, de Noël et de l’Épiphanie, et pour finir le rituel de la prière ou une adresse à la mysticité. D’où  l’impression persistante de lire une sorte de « poème-prière »qui offrirait la satiété et une espèce de fin appelée ici : une foi vive.

Oui, on assiste tout au long du livre à une spiritualisation du monde que le poème rend accessible, à la confiance dans une certaine religiosité d’un homme évoquant Dieu ou la mort, Dieu ou l’amour, Dieu ou l’incarnation.

Psaumes de la foi vive, Gérard Bocholier,
éd. Ad Solem, 2019, 16€

 

 

Déliez toutes mes entraves
Tout croyant est un nomde
En route vers la naissance
En route vers ton étable

Tu es le mendiant qui marche
Le sable vêtu de vent
La pluie au cœur du jasmin
La neige fleurie d’étoiles

 

Cette conversation anagogique constituée d’éléments relevant de la métaphysique intime du poète, se charge néanmoins de la réalité physique en tant que preuve supplémentaire pour croire et espérer, pour croire et prier. Le poème ainsi agrandit le monde à la mesure de la divinité- foi qui n’oublie pas l’homme et sa quête - en une sorte de carême nerveux que libère la forme poétique, et nous laisse entrevoir comment croire est mieux une question qu’une réponse, une éthique de l’humilité plutôt qu’un lien comptable et intéressé au divin. L’évocation, du reste, des Évangiles, et assez peu de l’Ancien Testament, est le plus souvent une appropriation du monde par le livre, où le monde est saisi par la poésie. Gérard Bocholier suivant à sa manière l’œuvre fine et sacrée de l’Évangile, arrive devant le texte en demandant l’essentiel, en regardant vers le meilleur de soi, sans appuyer sa vraie connaissance du Texte par orgueil ou facilité de la pensée.

 

Encombré comme je suis
Par tant de feux et de cendres
Pourrai-je faire une place
Àton amour infini  ?

Il te faut si peu de place
De la paille un bout de table
Dans une auberge la nuit
Le creux dun cœur misérable

 

Et que cela soit le Christ jardinier du poème, le Christ àla souffrance de la croyance, seule importe la prière en son parachèvement mystique. L’espoir d’une vie après la mort, qui se traduit surtout par un espoir en la résurrection, c’est la survie la plus haute du croyant. Le poète doit donc donner corps et contour, grâce à l’espoir pur dans un ciel sans ombre, à l’adresse dès lors d’une plainte d’amour.

 

Ma vie aura ressemblé
À la roseraie dautomne
Des parfums des feuilles mortes
Des mains de soleil et dombre

Jai fait la même réponse
Jusquau bout veilleur infirme
Au jardin de ton angoisse
Tu sais bien que je taimais

Présentation de l’auteur

Gérard Bocholier

Gérard Bocholier est né en 1947 à Clermont-Ferrand, il a fait ses études dans cette ville où il a ensuite enseigné la littérature française en classe de lettres supérieures. Originaire d’une famille de vignerons de la Limagne et franc-comtois par sa mère, il a passé son enfance et sa jeunesse dans le village de Monton, au sud de Clermont-Ferrand, qu’il évoque dans son livre Le Village emporté, paru en 2013 aux éditions L’Arrière-Pays.

En 1971, il a reçu des mains de Marcel Arland, directeur de la NRF, le prix Paul Valéry réservé à un étudiant. La lecture de Pierre Reverdy, à qui il consacre un essai en 1984, Pierre Reverdy le phare obscur (Champ Vallon) détermine définitivement sa vocation de poète. Il commence à publier des volumes de vers aux éditions Rougerie, le premier : Le Vent et l’homme en 1976. Cette même année, il participe à la fondation de la revue de poésie ARPA, avec d’autres poètes d’Auvergne et du Bourbonnais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis.

Gérard Bocholier

D’autres rencontres viennent éclairer sa route : celle de Jean Grosjean, puis de Jacques Réda, qui l’accueillent dans la NRF, où il publie des poèmes et où il devient chroniqueur régulier de poésie à partir des années 90. Il rencontre aussi Anne Perrier, grand poète de Suisse romande, avec qui il noue une amitié affectueuse et dont il préface les œuvres complètes en 1996 aux éditions de l’Escampette.

Il remporte le prix Voronca en 1979, pour Chemin de guet, puis le prix du poème en prose Louis Guillaume en 1987 pour Poussière ardente (Rougerie). En 1991, le Grand Prix de poésie pour la jeunesse du Ministère de la jeunesse et des sports lui est décerné pour un manuscrit de poèmes pour enfants qui sera publié en 1992 dans la collection du Livre de poche chez Hachette, sous le titre : Poèmes du petit bonheur.

Devenu directeur de la revue ARPA, il collabore également comme critique de poésie à La Revue de Belles Lettres de Genève, au Chemin des livres, à Recueil puis au Nouveau Recueil. Il rassemble certains de ses articles dans un essai, Les Ombrages fabuleux, aux éditions de L’Escampette en 2003. Il participe à plusieurs ouvrages collectifs, dont les cahiers 10 et 17 au Temps qu’il fait, consacrés à Pierre-Albert Jourdan et à Roger Munier. Deux livres de poèmes pour la jeunesse sont encore publiés, aux éditions Cheyne, illustrés par Martine Mellinette : Terre de ciel  et Si petite planète.

Il entre dans la prestigieuse collection des éditions Arfuyen en 2006 avec La Venue et en 2012 avec Belles saisons obscures.  En 2011, son livre de vers et proses, Abîmes cachés (L’Arrière-Pays), est couronné par le prix Louise Labé. Son engagement religieux se fait plus direct , il se consacre essentiellement à l’écriture de psaumes à partir de 2009 et publie chez Ad Solem : Psaumes du bel amour (2010), préfacé par Jean-Pierre Lemaire, et Psaumes de l’espérance (2012), avec un envoi de Philippe Jaccottet, récompensé par le prix François Coppée de l’Académie Française. D’autres livres de psaumes sont prévus chez le même éditeur. Un essai paraît en 2014 chez Ad Solem : Le poème exercice spirituel.

Il tient une chronique de lectures, Chronique du veilleur, depuis 2012, sur le site de Recours au poème.

Autres lectures

Les Psaumes de Gérard Bocholier

Dans ce monde gouverné par le bavardage des nanosecondes de la prose généralisée, il est des éditeurs pour défendre le profond de l’humain, autrement dit la poésie. Et il est des poètes rares. Gérard [...]

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Il a toujours été là, au centre du jardin, contre la maison. Ses plus hautes branches dépassent à présent le toit, caressent les tuiles. Mes initiales, jadis creusées dans l'écorce, se comblent d'année en [...]

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La vie amoureuse : à propos de Tisons, de Gérard Bocholier

J’avais à l’esprit à la suite de la lecture du recueil de Gérard Bocholier que publient les éditions de La Coopérative, quelque chose qui tendrait à examiner les notions d’avant et d’après. Pour mieux dire, je pensais même à l’image d’un fleuve, d’un cours d’eau, d’une sorte de Carte du tendre mais orientée par deux pôles  : l’amont et l’aval, la partie montante et la partie descendante de l’amour. Car je crois que nous partageons avec ce livre les heures heureuses et les souvenirs liés à une vie amoureuse qui elle aussi suit un chemin de rivière, depuis le point haut de la rencontre physique jusqu’au souvenir et la conjugaison au passé de ces heures chaudes partagées avec l’être aimé, qui n’est peut-être plus là, absent  ? disparu  ? on ne sait.

Gérard Bocholier, Tisons, éd. La Coopérative, 2018, 15€.

D’ailleurs, le titre même, Tisons, laisse entendre qu’il faut brûler d’amour, de façon physique (et qui sait ? spirituellement), et tout comme le feu se défaire de sa nature de combustion pour aller dans le chemin des cendres, voie toute logique des braises. Y a-t-il une idylle et la fin d’une idylle  ? En répondant par l’affirmative, c’est cette option de lecture que j’ai prise. D’ailleurs, les dates qui closent le livre couvrent une période de vingt ans, ce qui pourrait faire penser que cet amour a duré, s’est pérennisé longuement pour décroître (les poèmes tendant à cette supputation).

L’ouvrage est construit du reste en deux parties assez distinctes, et qui suivent cette fatalité de la célébration de la chair, de l’œuvre physique de l’amour, et peut-être encore de la métaphysique ardente de la rencontre d’autrui, et en ce sens on pense naturellement aux très belles pages de Constantan Cavafy. Cette approche de la matérialité du désir est vraiment universelle.

En ce qui concerne la deuxième partie, sans doute plus longue en volume que la première, elle se conjugue plus facilement au passé, et en ce sens fait l’ombre à la lumière des premiers poèmes, décrit la part sombre de la passion qui s’est éloignée et, si mon option de lecture est la bonne, signifie comment on fait le deuil d’une relation encore vivace. Car je persiste à croire que le recueil est fait d’un amont et d’un aval, et que cette relation amoureuse a suivi dans la vie du poète, ou au moins dans son imagination, un chemin du plein vers le vide, du corps au souvenir, de quelque chose de vif et de chaud vers autre chose de plus froid et de plus réfléchi.

Citons un petit exemple à même de faire sentir ce balancement et prenant tout simplement chacun des deux poèmes qui ouvrent les deux parties  :

 

Nous avons connu le meilleur du soir
Entre deux tempêtes furtives

Nos mains ont repris leurs chances

Nos voix se sont effleurées
Heureuses de leurs écarts

Nos yeux ont bu la même coupe
Des demi-aveux sous les larmes.

 

Et  :

 

J’apprends désormais le silence
Celui des pièces qui se vident

Celui du cœur nu qui déborde
Le froid de mes draps sans un pli

Ton blanc visage de fantôme
Comme une lame dans ma nuit

 

Nonobstant, et même si mon idée d‘un cours montant puis descendant au milieu de la vie amoureuse, de la combustion des corps vers l’intellection de la relation à autrui, est arbitraire, je crois que ces pages, dont l’écriture est très transparente, lyrique et retenue parfois notamment au sujet des émotions, lesquelles ne débordent pas vers un faux romantisme, il y a une sagesse propre à l’homme, propre au poète ici qui parle de vingt ans de vie sentimentale. Et cela suffit amplement pour faire le chemin un moment avec ces textes où l’on partage, mais pudiquement, une philosophie de l’amour. Et quoi qu’il puisse en être véritablement de la vie de l’auteur, ces pages sont prenantes et fortes, tout comme le parfum d’une tubéreuse, entêtant et capiteux. Avant de conclure ces notes en compagnie du poète clermontois, j’ajouterai que l’on pourrait mettre en exergue au recueil ce vers très célèbre d’Henri Michaux : Je cherche un être à envahir.

 

Comment faire durer le brasier  ?

Et l’explosion de jasmin
L’or semé sur les épaules  ?

La sueur sur les ombelles
L’herbe en extase après l’averse  ?

 




Gérard Bocholier, Les Étreintes Invisibles

Je lis de loin en loin Gérard Bocholier en revues et je crois bien que c'est la première fois que je le lis dans un recueil, "Les Étreintes invisibles". Quatre ensemble de poèmes composent ce dernier. Le premier, intitulé Attentions, témoigne d'une enfance visitée par le présent. Si Gérard Bocholier fait allusion à sa croyance, c'est toujours avec beaucoup de légèreté, comme en passant, au détour d'un mot (âme, annonciation, prière, ange…). Seuls, peut-être, ces poèmes, "À genoux" et "Improvisation du jour" en disent plus mais rien qui n'impose ; mais ce n'est sans doute qu'un effet de l'indication du lieu qui leur a donné naissance ? Car Gérard Bocholier est profondément humain et tous les poèmes de cette suite sont placés sous le signe du partage.

Le deuxième ensemble, Frères de lumière, regroupe des poèmes qui sont des exercices d'admiration dans lesquels Gérard Bocholier rend à quelques poètes ce qu'il leur doit. Le point de départ semble (j'ai oublié mes lectures !) être un vers (indiqué en italiques) de l'auteur qui donne son nom au titre du poème. Exercices d'admiration car Bocholier prend son bien là où il se trouve pour en faire son miel.

Gérard BOCHOLIER, "Les Étreintes invisibles". L'Herbe qui tremble éditeur

 Gérard BOCHOLIER, Les Étreintes invisibles,
L'Herbe qui tremble éditeur, 112 pages, 15 €.

Sur commande chez l'éditeur :
25 Rue Pradier 75019 Paris
ou sur le site www.lherbequi tremble.fr

 Ce n'est sans doute pas un hasard si Jean Grosjean fait partie de ces frères de lumière, Jean Grosjean sous le signe de qui ce recueil est placé : "J'entends frémir les jours éternels", longtemps prêtre et qui traduisit La Bible. À son image, on peut définir Gérard Bocholier comme un "mystique toujours en questionnement", qui n'en finit pas de dire le temps, un certain temps (celui de son enfance) sur un ton d'une grande simplicité, sans effusions lyriques inutiles. Mais on trouve aussi dans cette partie un poème en hommage à Guillevic, le mystique sans dieu qui, pour reprendre les mots de Jean Rousselot, préfère la magie à la logique…

Du troisième ensemble intitulé Étreintes, je retiens le poème "Aux oiseaux" que traverse une approche franciscaine du monde, pour ne pas dire humble. J'ignore si Gérard Bocholier poursuit le questionnement du monde, mais je suis sûr qu'il se confronte sans cesse à ce qu'il pense être la lumière de l'univers. Certain également que si le passé n'est pas absent de ces poèmes (la place accordée aux morts est significative), le présent colore ces vers…

Dans la quatrième partie, Psalmodies, Gérard Bocholier continue de célébrer le monde tout en essayant de percer le mystère du poème qui est "une éraflure / Que l'âme rend plus profonde", à moins de se chercher soi-même. Alors peut-être faut-il se souvenir de la définition de la psalmodie qui désigne la manière de chanter les psaumes sur une note et qui, par extension, signifie une façon monotone de réciter ou de déclamer… Cette dernière partie, composée de 17 poèmes de deux quatrains d'heptasyllabes, si elle indique de Bocholier s'adresse à son dieu, peut être lue comme un partage offert aux lecteurs quelles que soient leurs croyances ou leur absence de croyance.

Et puisqu'il est question d'heptasyllabes, je ne peux m'empêcher de penser au poème d'Aragon, "La Rose et le Réséda", qui est écrit avec un tel mètre. Poème qui met sur un même plan "Celui qui croyait au ciel / Celui qui n'y croyant pas", le lecteur attentif remarquant que si les vendanges reviennent fréquemment sous la plume de Bocholier, le raisin muscat est présent dans le poème d' Aragon…

Présentation de l’auteur

Gérard Bocholier

Gérard Bocholier est né en 1947 à Clermont-Ferrand, il a fait ses études dans cette ville où il a ensuite enseigné la littérature française en classe de lettres supérieures. Originaire d’une famille de vignerons de la Limagne et franc-comtois par sa mère, il a passé son enfance et sa jeunesse dans le village de Monton, au sud de Clermont-Ferrand, qu’il évoque dans son livre Le Village emporté, paru en 2013 aux éditions L’Arrière-Pays.

En 1971, il a reçu des mains de Marcel Arland, directeur de la NRF, le prix Paul Valéry réservé à un étudiant. La lecture de Pierre Reverdy, à qui il consacre un essai en 1984, Pierre Reverdy le phare obscur (Champ Vallon) détermine définitivement sa vocation de poète. Il commence à publier des volumes de vers aux éditions Rougerie, le premier : Le Vent et l’homme en 1976. Cette même année, il participe à la fondation de la revue de poésie ARPA, avec d’autres poètes d’Auvergne et du Bourbonnais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis.

Gérard Bocholier

D’autres rencontres viennent éclairer sa route : celle de Jean Grosjean, puis de Jacques Réda, qui l’accueillent dans la NRF, où il publie des poèmes et où il devient chroniqueur régulier de poésie à partir des années 90. Il rencontre aussi Anne Perrier, grand poète de Suisse romande, avec qui il noue une amitié affectueuse et dont il préface les œuvres complètes en 1996 aux éditions de l’Escampette.

Il remporte le prix Voronca en 1979, pour Chemin de guet, puis le prix du poème en prose Louis Guillaume en 1987 pour Poussière ardente (Rougerie). En 1991, le Grand Prix de poésie pour la jeunesse du Ministère de la jeunesse et des sports lui est décerné pour un manuscrit de poèmes pour enfants qui sera publié en 1992 dans la collection du Livre de poche chez Hachette, sous le titre : Poèmes du petit bonheur.

Devenu directeur de la revue ARPA, il collabore également comme critique de poésie à La Revue de Belles Lettres de Genève, au Chemin des livres, à Recueil puis au Nouveau Recueil. Il rassemble certains de ses articles dans un essai, Les Ombrages fabuleux, aux éditions de L’Escampette en 2003. Il participe à plusieurs ouvrages collectifs, dont les cahiers 10 et 17 au Temps qu’il fait, consacrés à Pierre-Albert Jourdan et à Roger Munier. Deux livres de poèmes pour la jeunesse sont encore publiés, aux éditions Cheyne, illustrés par Martine Mellinette : Terre de ciel  et Si petite planète.

Il entre dans la prestigieuse collection des éditions Arfuyen en 2006 avec La Venue et en 2012 avec Belles saisons obscures.  En 2011, son livre de vers et proses, Abîmes cachés (L’Arrière-Pays), est couronné par le prix Louise Labé. Son engagement religieux se fait plus direct , il se consacre essentiellement à l’écriture de psaumes à partir de 2009 et publie chez Ad Solem : Psaumes du bel amour (2010), préfacé par Jean-Pierre Lemaire, et Psaumes de l’espérance (2012), avec un envoi de Philippe Jaccottet, récompensé par le prix François Coppée de l’Académie Française. D’autres livres de psaumes sont prévus chez le même éditeur. Un essai paraît en 2014 chez Ad Solem : Le poème exercice spirituel.

Il tient une chronique de lectures, Chronique du veilleur, depuis 2012, sur le site de Recours au poème.

Autres lectures

Les Psaumes de Gérard Bocholier

Dans ce monde gouverné par le bavardage des nanosecondes de la prose généralisée, il est des éditeurs pour défendre le profond de l’humain, autrement dit la poésie. Et il est des poètes rares. Gérard [...]

Le village emporté de Gérard Bocholier

Il a toujours été là, au centre du jardin, contre la maison. Ses plus hautes branches dépassent à présent le toit, caressent les tuiles. Mes initiales, jadis creusées dans l'écorce, se comblent d'année en [...]

Gérard Bocholier, le Poème spirituel

     Que la poésie ait quelque chose à voir avec le mystère, l’invisible, l’ineffable, cela ne fait aucun doute. Le poète Jean-Pierre Lemaire l’a bien exposé dans son livre Marcher dans la neige [...]

Gérard Bocholier, Les Étreintes Invisibles

Je lis de loin en loin Gérard Bocholier en revues et je crois bien que c'est la première fois que je le lis dans un recueil, "Les Étreintes invisibles". Quatre ensemble de poèmes [...]

Gérard Bocholier, Psaumes de la foi vive

Le poème prière L’actualité de Gérard Bocholier est importante et porte sur deux livres de poésie publiés ce printemps, dont l’un est produit par l’éditeur Ad Solem, qui est connu pour son travail [...]




Feuilletons… Rome DEGUERGUE, Marie-Ange SEBASTI, Chantal RAVEL Christophe SANCHEZ, Gérard BOCHOLIER

 

Rome Deguergue, Appel du Large,

 

Du sommet de la dune du Pyla, Rome Deguergue, randonneuse géo-poète, observe l'océan, et le microscosme des sables qui l'emporte – et avec elle le lecteur, à travers les époques et l'espace.  Ne déclare-t-elle pas : " je suis d’ici & d’autres ailleurs traversiers"

Sensible à l'étrange étrangeté du monde, que modifient les temps climatériques, Rome Deguergue va de l'avant, se cherche dans le monde offert au marcheur, nous propose de "réapprendre à voir, en écho diffracté ", de redevenir

"Souffle, graine, voix échappée à la ronde des lunes, aux grands anneaux du temps d’avant, inachevés et complices de l’avenir en expansion infinie"

et de

"percevoir, mugissantes les paroles croisées, singulières, lancées d'autres déserts".

 

La prose poétique, vibrante et rythmée, de l'auteure, fait siennes les leçons d'Hölderlin, de l'exilé de Guernesey, évoque Edouard Glissant, Paul Valéry, Kenneth White...

Pour la poète, comme pour eux, "La terre est un mot qui embrasse la terre" et sa voix prophétique résonne, appel du large, sur "l'horizocéan" que nous dévoilent ses mots, et les belles photos de Patrice Yan le Flohic.

(ce texte figure en 4ème de couverture du recueil)

 

*

 

 

Marie-Ange Sebasti, La Connivence du marchand de couleurs

 

La Connivence du Marchand de couleur, chant en trois parties, suit le cheminement d'une figure jaillie de la nuit initiale du poème, en brèves strophes interrogeant l'énigme d'une quête qui n'est autre qu'élan, accueil, ouverture.

De cette à peine silhouette, dont on ne devine rien "sinon son ombre tiède / d'après-midi", nous ne saurons, en creux, qu'ébauches d'envol, amorces de voyages, embryons de paysages de rêves appelant à la mémoire les paysages de Watteau ou de Corot, dans les "vapeurs de longues fêtes // longtemps imaginées" où "de lents promeneurs / se partagent le couchant". Tout geste, toute pensée s'esquisse, et se nie du même mouvement : "il ne réclame rien / il s'habille de sable (...) mais s'en sépare vite"... Plus même :

 

Il ne s'est jamais présenté
au poste frontière

 

Il s'est insinué
sur des terres étrangères

 

qui ne demandent jamais
d'où il vient

 

Véritable éloge du dénuement radical, la première partie de ce recueil, où le lecteur tente de suivre une ombre impersonnelle, semble présenter à travers elle une image de la liberté AB-solue - libre de toute entrave, affranchi des contingences, avant tout lien et toute relation, "il" vogue "sur des prairies d'aigue-marine et d'outremer", flotte en bordure des rêves, en marge de la nuit.

C'est de cette nuit que sourdent les couleurs du marchand/marcheur :

Jour après jour le crépuscule
brasse toutes les couleurs

inonde l'univers

rétrécit les galaxies

 

Comme dans le traité de Goethe, les couleurs sont autant obscurcissement de la lumière qu'éclaircissement du noir, d'où elles naissent à travers le bleu : l'azur, le lapis-lazuli, le cobalt ou l'indigo forment le fond duquel surgira, dans la lumière où il se fond, le rouge de "la passion écarlate / d'un monde indicible", pour qu'enfin toutes explosent dans "l'éblouissante page // d'un seul vitrail".

Le deuxième chant aura fait affleurer d'autres référents tout aussi vagues et mystérieux : "elle ouvre ses volets (...) elle retient quelque temps / l'arc-en-ciel qui le traverse" – puis les flottements créent des Icare hybrides qui "ajustaient leurs ailes", et dont on ne sait s'ils seront mineurs d'or et de rubis, avant que n'apparaissent les mots, embrasés par le couchant dans l'attente d'un nouveau jour.

Et ce "voyageur en déroute / navigateur fragile" en son périple in-accompli, son flottement en lisière des paysages, semble être une âme en quête de substance, autant que de lumière, prête à renaître dans la troisième partie : âme des mots mûrissant sous la page, avec la connivence du marchand de couleurs, qui leur donnera corps... peut-être.

 

*

 

 

Chantal Ravel, A peine un chant

 

Chantal Ravel nous propose la couleur sonore de cinq variations construites – composées, plus exactement - "sur une basse obstinée", dans cet autre opus publié par Jacques André.

Sous les yeux du lecteur se déploie un univers musical tissé de souvenirs de vieilles chansons, "comme mémoire de langue", dont le rappel, depuis Les Compagnons de la Marjolaine, jusqu' aux rythmes du "shimmy en claquettes", revisite les souvenirs de l'enfance et ajoute profondeur au réel :

 

Et quelque chose d'une voix qu'on avait oubliée
s'ajuste au bruissement feutré de la nuit

 

Dans la première variation, c'est l'impondérable improbable de sons, venus du passé, continuant de nous hanter, "voyageur fatigué frappant à a propre porte" comme l'errant d'Apollinaire suppliant "Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant / La vie est variable aussi bien que l’Euripe" .

A travers l'évocation du " cavalier pressé /qui chevauche la nuit/et déjà disparaît" c'est Supervielle (cité en exergue), mais aussi en filigrane le Goethe des Lieder de Schuman, qui sont convoqués comme figures tutélaires de ce retour en la mémoire pour lequel la poésie est le mode de transport.

Ce voyage mélodieux dans le "presque rien qui jusque là se fait" est aussi une plongée sensuelle et nocturne où la caresse des refrains, ou mieux encore, des leitmotivs, trace les cercles d'un éternel retour

 

"comme à chaque retour des petits dieux penchés sur un berceau, ce balancement régulier du même au même".
 

Dans la deuxième variation, tout l'infini de la mémoire jaillit du souvenir précis d' "un après-midi d'automne à Boucieux" : une narration poétique y alterne avec des bribes de dialogues saisis sur le vif, dans une syntaxe heurtée, où se lit visuellement aussi l'importance des blancs et du silence, soulignée par des vers instables, terminant sur d'inutiles conjonctions lancées sur le vide : "Et ce chant dans mon coeur et tout ça /qui rameute l'élan malgré que".

Chant coupé, "blessure de vertigineuses nostalgies" tirant sa force dans "la fragile perfection de l'instant", il nous amène à la troisième variation, sous l'égide d'une alouette à l'allégresse aussi vive que celle de John Keats, naissant des lignes indécises d'un dessin d'enfant à déchiffrer :

 

S'approcher et lentement
de soi d'une stupéfaction grande
ouverte sur cette présence
là et si léger
vol d'alouette notre semblable
désir

 

dont le chant vertical traverse "l'entaille du silence".

Changement de rythme et d'univers, dans la quatrième variation, drôle et jazzy, avec Rimbaud en trame, et Aristide Bruand. Evocation d'un père, fantaisiste danseur, souvenirs des mots d'autrefois dans un chromo années cinquante, "Entre réclames de Boldoflorine/ de Dop Dop Dop et autre chicorée Leroux (où) débarquent le shimy les claquettes etsétéra". Tout pourtant se renverse, langage, convenances... au rythme de la danse – "une vraie transe d'estafier", brisant "la ronde criarde des musettes / enroulant la complainte des jours / assoupis dans l'ivresse des genêts."

Rimb' encore, dans l'ultime variation, "si loin de la vieille Europe aux anciens parapets" : langue et lexique totalement libérés "sans chaperon ou autre guenille d'ancienneté" – enfin "ça dégommait ça / faisait frette aux oreilles", sur les bords du Saint-Laurent où pourtant reviennent les ritournelles "revenantes"– modernisées, destinées désormais à des "princesses en baskets et goutte /au nez", mais toujours portant la grâce naïve d'une langue immémorielle, enfouie au profond de la rêverie inconsciente où "ça chantait".

Avec un art très sûr de la composition, Chantal Ravel nous enchante, et il n'est pas certain que le lecteur ne souhaite relire/réentendre, en boucle, cette lecture musicale.

 

*

 


 

 

Christophe Sanchez, Morning à la fenêtre
 

Deux textes bien différents de Christophe Sanchez sont sortis en 2016. Les habitués de la page facebook de l'auteur ont pu déguster, par épisodes quotidiens, les fragments de Morning à la fenêtre, partagés au fil de l'écriture, entre le 5 novembre 2015 et le 13 janvier 2016.

Publié aux éditions Tarmac - jeune maison liée à la revue Festival Permanent des Mots de Jean-Claude Goiri, éditeur qu'il conviendrait de soutenir, dans sa démarche exploratrice1 – ces fragments composent un élégant volume au format allongé, imprimé sur beau papier vergé. Sous le titre "jazzy", (et nous reviendrons sur cet adjectif), on entre dans l'intimité du laboratoire poétique, où l'auteur, entre cigarette et café d'insomnie matinale, inscrit dans l'encadrement restreint d'une fenêtre sa perception de la ville, traduite dans la forme contrainte et ouverte à la fois d'un poème "cadré" lui aussi, en deux strophes de 5 vers, dont le dernier n'est composé que d'un ou deux mots – paraissant s'échapper, comme les éléments (nuages, fumée des cheminées...) qui traversent l'espace observé, s'éloignant vers l'horizon découvert par leur mouvement.

Ces brefs poèmes (deux par page, en position irrégulière) transforment le banal paysage urbain en petits joyaux d'orfèvrerie de mots. De familier - voire trivial "et tout le saint-frusquin", à technique, tel "le crissement bleuté/ D'une égoïne", ou précieux, (le "Poudrin parme qui voile la / Peine"), n'hésitant pas à recruter des expressions vernaculaires (ce vanneau qui "roumègue" dans sa mare et la vague qui "joue galapiat"), toutes les ressources du lexique promènent le lecteur, d'un alignement de marge à l'autre, d'une perception surréaliste à l'autre. Voyez le 10 novembre (et le mot "voir" est absolument justifié):

 

           Par la fenêtre haute en brume
           Le réverbère détruit d'un oeil
           Plaintif l'épouvante des ombres
           Sous le sable grêle des paupières
Molles
 

 

     La nuit s'est couchée à front de
   Grève pour un sommeil de paille
   Et ce matin, le jour a une gueule
De croquemitaine à ronger des os
                                                      Jaunes

 

 

Ainsi l'huis tourne-t-il sur ses gonds, dévoilant sur la nuit "astrakan", l'angle d'un toit, une antenne-râteau, goelands et corbeaux... toute une faune familière vaquant à ses occupations au seuil du jour "gourd", avant l'activité humaine qu'annonce le "tempo" du gyro d'un camion de la voirie, reflété sur la vitre ou se joue l'inversion de dehors et dedans.

Tout surprend dans ces poèmes, et d'abord le rythme syncopé de la syntaxe - rejets interne aux mots, coupe des vers... liés aux allitérations et inversions sonores, donnant à la lecture ce balancement musical qu'évoque le titre, cette impression de skat improvisé ( toutes les allitérations gutturales du perco (qui) crie son marc et casse/du sucre sur le dos du jour épris/ D'une aigrette rabougrie et bécas-/ Sonne pendue à l'heur où un geai/ La prendra"), ou cette finale de note bleue que connaissent les amoureux du jazz :

 

                   La pendule affiche l'heure
                     D'été trépassé alors elle
                   Lorgne à la fenêtre et s'é-
                    Tonne des huit tocsins à
La nuit

 

L'inventivité et la richesse des images, la précision des observations (qu'elles relèvent de la notation précise des heures, de la situation globale – on est dans le plein de l'état d'urgence - ou de l'information naturaliste et ornithologique - on y entend autant qu'on y voit par exemple toute une faune avicole, entre digue et étangs) n'empêchent pas l'humour, qui nous décrit l'onde de commotion provoquée par une mouette rieuse s'attachant au râteau de télévision, ou le piaf étourdi qui "Se prend l'aile à la /Cuistre et disparaît".

Outre ces tableaux, ce sont des récits qui s'écrivent – qu'on devine, dans le battement des ailes du goéland, oiseau dont on ne se surprend pas qu'il passe si souvent sur l'étang et le temps, de son vol lent, forcément. Car dans ces petits matins, le temps s'étire, comme dans un tableau de Dali, et les choses se métamorphosent à travers les mots, pour lesquels le pêne évoque immanquablement la peine – juste esquissée dans l'inversion d'un article :

                  Des toits s'élève une rumeur
                  De bonheur d'être ainsi ac-
                  Croché à la pêne de la vie
                  A chercher la clé du jour
      à venir.
 

"Le jour étire ses jambes/ Et craque aux chevilles/ De la nuit une allumette", outre le seuil de la fenêtre, en reflet du poète qui l'observe, et reçoit "en ressac", les impressions du jour... Et le lecteur s'interroge sur les raisons de cette insomnie livrée avec pudeur, comme le flux des pensées au matin, avant le vrai réveil dans "les aubes/ D'oubli".

 

*

 

 

Gérard Bocholier, Les chemins tournants de Pierre Reverdy

 

Les éditions Tituli2, fondées il y a trois ans par l'écrivain Christine Bonduelle, publient cet essai, le deuxième consacré à Pierre Reverdy3 par Gérard Bocholier, lui-même poète des profondeurs.

Né à Narbonne (Aude) en 1889, Pierre Reverdy, aujourd'hui sous-estimé, voire oublié, nous dit Gérard Bocholier, fut, aux côtés de Max Jacob et Guillaume Apollinaire, l'un des fondateurs de la modernité. L'auteur dans son introduction, rappelle que "tous, en commençant par les Surréalistes, lui devront les définitions les plus fortes et les plus durables de l'image, de l'émotion et de la fonction poétique". Le titre de son essai, reprend de façon programmatique celui d'un poème de Reverdy, qui ouvre le recueil Sources du Vent paru en 1929 et que je vous propose de lire comme un avant-propos :

 

Chemin tournant

Il y a un terrible gris de poussière dans le temps
Un vent du sud avec de fortes ailes
Les échos sourds de l’eau dans le soir chavirant
Et dans la nuit mouillée qui jaillit du tournant
des voix rugueuses qui se plaignent
Un goût de cendre sur la langue
Un bruit d’orgue dans les sentiers
Le navire du cœur qui tangue
Tous les désastres du métier

Quand les feux du désert s’éteignent un à un
Quand les yeux sont mouillés comme des brins d’herbe
Quand la rosée descend les pieds nus sur les feuilles
Le matin à peine levé
Il y a quelqu’un qui cherche
Une adresse perdue dans le chemin caché
Les astres dérouillés et les fleurs dégringolent
A travers les branches cassées
Et le ruisseau obscur essuie ses lèvres molles à peine décollées
Quand le pas du marcheur dans le cadran qui compte
règle le mouvement et pousse l’horizon
Tous les cris sont passés tous les temps se rencontrent
Et moi je marche au ciel les yeux dans les rayons
Il y a du bruit pour rien et des noms dans ma tête
Des visages vivants
Tout ce qui s’est passé au monde
Et cette fête
Où j’ai perdu mon temps

 

C'est toute la vie de Pierre Reverdy que nous fait parcourir, chronologiquement, jusqu'au dépouillement final, cet essai aussi bref que palpitant, qui rend perceptible cette affirmation du poète des profondeurs cité p. 45 : "La poésie est à la vie ce qu'est le feu au bois. Elle en émane et la transforme..." Poésie ignée qui jamais ne se pose, qui court, "use de court-circuits pour déclencher l'illumination", en 15 chapitres, dont les titres sont ceux des recueils lus par Gérard Bocholier, tout le paysage de la poésie contemporaine se dessine en filigrane des expériences et explorations finement analysées par Gérard Bocholier et témoigne du dessein poursuivi dans cette oeuvre unique afin de "dégager l'oeuvre d'art de la vie afin de "créer une émotion neuve et purement poétique"(p.12) – but réitéré à maintes reprises dans la revue Nord-Sud que dirigea Pierre Reverdy.

La précise étude du style, l'attention portée aux évolutions, clairement lisible dans l'organisation chronologique de l'essai, ne dévoilent peut-être pas le mystère impénétrable qui fût la quête du poète, mais permet au lecteur une approche vivante de ce corpus unique, qu'il est temps, comme le souligne Gérard Bocholier, de tirer de l'oubli alors que, selon la belle expression finale de l'auteur "Ce coeur, avec pudeur et force, ne cessera de battre dans l'histoire de la poésie."

 

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Notes :

 

1Une souscription pour la survie de la jeune édition et de la revue Festival Permanent des Mots est ouverte ici : https://fr.ulule.com/tarmac-editions/

2http://www.tituli.fr/editionstituli – l'éditeur organise des lectures dans la librairie-galerie du 142 rue de Rennes, à Paris, dont le programme est consultable sur le bog – adresses en suivant le lien.

3 Pierre Reverdy, le phare obscur, de Gérard Bocholier était paru en 1984 chez Champ Vallon et Les Chemins tournants de Pierre Reverdy avait connu une première publication numérique en 2015 chez Recours au poème éditeurs : On ne peut que se réjouir qu'il reprenne vie aujourd'hui.

 




Trois poètes du divin – Bobin – Lemaire – Bocholier

 

 

Trois poètes d’une même génération, épris d’une langue claire, et que rapprochent des thèmes, où Dieu, le silence, la mémoire fidèle à l’égard des proches et de la nature trouvent place aisée. Naturelle aussi.

***

Quelque chose  d’intense, comme une voix qui, longtemps après, exhume une douleur vive encore traverse les hautes pages de Noireclaire  de Christian Bobin.

Vingt ans  après ou les poèmes d’un réenchantement du monde, d’un visage aimé, d’une voix retrouvée.

Au thème prégnant de la mort, de la visite du cimetière répondent les mille et une sollicitations de la vie proche : le chat, les arbres « bras lancés au hasard », les « chardons bleus (qui) accrochent le jupon des lumières sans le déchirer », « l’eau dans le verre de cristal » un brin stalkérien°, les invites très japonaises des choses simples que le haïku a mises à l’honneur…

L’attention à la vie, à ces trois « chats errants » signe la mort de la mort, comme si, pour le poète il suffisait de consigner nature, vibration animale pour conjurer le pire.

Attention aux « petites âmes » des choses, proches, fragiles, à protéger, que la langue transparente du poète aide à visualiser derrière la beauté des images :

Les âmes sont des cigales

le foulard à ton cou savait tout de ton âme

Le manque est la lumière donnée à tous.

Un beau livre de témoignage : comment signer la présence d’une morte entre le blanc de la mémoire et le noir de la tombe.

° Le verre de la petite infirme télékinésiste dans l’admirable « Stalker » de Tarkovsky (1979).

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Le pays derrière les larmes de Jean-Pierre Lemaire ou comment user du poème comme tremplin vers le passé, l’enfance, les parents, les lieux, la fratrie.

Dans des textes assez classiques, souvent en référence à des épisodes bibliques, Lemaire , en « ce long chemin en poésie », a puisé dans sept livres pour donner matière à cette remontée dans le flux des images d’enfance :

Dans le petit matin la voix de ta mère
était un pont du sommeil à la vie

Dans les rues tu marches
sous une cloche à plongeur
où les bruits ne te parviennent
que longtemps après
amortis par les siècles

Quelques échos de Supervielle (« la grande poitrine des feuilles ») ou de Jaccottet, une vigilante appréhension d’un monde, de « l’aube d’automne » « à la mystérieuse gare d’arrivée », quelques poèmes d’un « chant dans ses yeux sombres », le bel hommage d’un fils au père en « L’uniforme » (« Dans ta propre maison/ tu serais accueilli par une jeune femme/ timide/ méfiante et par trois enfants/ apeurés devant cet homme irrecevable/ seul témoin pourtant de la miséricorde »).

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Gérard Bocholier, revuiste réputé (ARPA), poète sensible, honore dix-sept poètes aimés ses « Frères de lumière », en citant pour chacun un vers que de beaux poèmes prolongent : Supervielle, Follain, Pirotte, parmi d’autres, signent ainsi une connivence avec Les étreintes invisibles, toutes de souffles, de léger vent, de dérisoire et de gravité.

Le poète a toutes les « attentions » pour donner au visage, au temps les marques d’une approche : « les ceps / Très fatigués comme elle », « le grain du silence/ Dans le tamis du temps », ou encore « L’humble consentement/ Du jardin sous l’averse ».

Des « Psalmodies » de huitains versés pour approcher le « vent…une parole », pour noter de la nature « les branches…L’ombre et la rouille…Les échappées de lumière », pour évoquer cette Présence, ce Toi : « Pour faire entrer Ta lumière ».

Dans la grâce d’une écriture qui, jamais, ne pose ni ne pèse, Bocholier sait aussi extirper « la liasse secrète », « la vigne défunte », à ces heures où l’on « sent son cœur défaillir » et c’est le soir (comme chez Quasimodo). Vertu donc des soirs qui inspirent une voix, discrète, élégante et précieuse.

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