Jean Marc Sourdillon, N’est pas là

Ce qui frappe aussitôt, dans N’est pas là de Jean Marc Sourdillon, c’est l’énigme dense du titre, où est aboli le pronom personnel sujet. Si selon l’étymologie heideggérienne, le « poète » (Dichter) est celui qui rend « dense » (dicht), Jean Marc Sourdillon est poète dès le titre qui réduit l’absence à son noyau : le manque. Placé sous le signe de la négativité, le titre pourrait laisser présager un ascendant du négatif dans la modernité poétique dont Yves Bonnefoy a donné la formule, empruntée à Kafka : « il reste à faire le négatif » (Entretiens sur la poésie, 1972-1990).

Mais dans ce livre composé en trois mouvements (« Terminal », « L’aspiration », « N’est pas là ») précédés de l’admirable poème inaugural « Nos années-lumière », Jean Marc Sourdillon se risque à « faire le négatif » d’une façon bien singulière, alchimique, qui transmue le « négatif » en la possibilité, certes difficile, d’une « naissance ». Mais le poète oeuvrant à la « naissance » qu’est Jean Marc Sourdillon dès ses livres précédents, de L’unique réponse (2020) à Aller vers (2023), peut-il procéder à cette alchimie face à l’épreuve de la séparation et de la mort ? C’est le défi qu’affronte N’est pas là.

Dans le premier mouvement, le « je » est confronté à la « séparation » (« quelqu’un n’est plus là », p. 15), définie en termes de « presque deuil » (p. 31). « Le négatif » est ici celui du départ du fils, qui laisse sa famille derrière lui et met son père en face d’une épreuve radicale, proche de celle de la mort : « c’est comme si l’on m’avait vidé de moi-même, comme si j’étais mort » (p. 16). Il y va aussi pour le poète de quelque chose comme une chute de cheval, au sens quasi biblique du terme : « Son départ a fait tellement de vent qu’il m’a déséquilibré et fait tomber de cheval » (p. 16). Mais, dans l’espace de la même page déjà, l’épreuve de la « séparation » devient le terreau d’une transmutation en possibilité d’une « naissance » : « Comme si je venais enfin, après vingt ans, de finir d’accoucher. // La fin de ma naissance » (p. 16). Cette transmutation est difficile, vécue en termes d’épreuve, sous le signe de la « douleur » qu’il faut « endurer » (p. 23) : « c’est d’une grande beauté et d’une grande violence. De la douleur pure, forte et transparente comme un alcool » (p. 24). 

Apparaît ici un maître mot de l’œuvre de Jean Marc Sourdillon, la « déhiscence », qui désigne une brusque ouverture d’un organe végétal parvenu à maturité et qui, pour le poète, est le centre générateur à la fois de la « naissance » et de l’« écriture » : « Il faut travailler cette douleur. La douleur de la déhiscence. Comme toujours l’alliée de l’écriture (…) Il faut voir où elle mène, à quelle vision, quel savoir sur soi-même, quelle naissance insoupçonnée ».

On est ici introduit au cœur de l’atelier poétique de Jean Marc Sourdillon, où la « déhiscence » est ce par quoi peuvent advenir la « naissance » et la poésie. La force de ce premier mouvement est aussi que cette méditation sur la triade « déhiscence » / « naissance » / « écriture » s’accomplit dans le creuset d’un lieu quotidien de la modernité : le « terminal » d’un « aéroport » et la « passerelle d’embarquement ». Le lecteur averti du poète de L’unique réponse se souvient ici que Jean Marc Sourdillon associe souvent l’expérience de la « passerelle » à celle de l’écriture poétique. Il n’est sans doute pas impossible de lire aussi ce premier mouvement de N’est pas là comme une forme de très libre réécriture de l’épisode biblique du « fils prodigue ». Là où dans la Bible le fils part et finalement revient, ici le fils part sans revenir, mais dans les deux textes ce départ est vécu par le père comme une métamorphose intérieure profonde.

Qu’en est-il de la possible transmutation de l’absence en « naissance » lorsque, comme dans le deuxième mouvement du livre, le manque vécu n’est pas un « presque deuil » (p.31) mais bien un deuil, qui plus est parmi les pires qu’il soit donné à un être humain de vivre : la perte de la mère ? Le « n’est pas là » de la mort de la mère est-il transmuable comme l’a été le « n’est pas là » de l’absence du fils ? La confrontation avec le corps mort « compact et gelé » (p.42) de la mère est sans appel : « Il n’y a plus personne ici. Cherche-moi longtemps, trouve ou ne trouve pas mais pour l’amour de Dieu cherche ailleurs » (p.42). C’est au-delà de l’œil, dans la « voix », que « cherche » alors le fils : « voix qui me soutient me soulève et puis m’abandonne, à quoi je tiens, par quoi je tiens » (p. 44). Très émouvant est le moment où, dans la géologie profonde de l’écriture, la mère n’est plus évoquée à la troisième personne (« elle ») mais à la deuxième, « tu » : « Pour elle, le moindre geste c’était douleur. / Je ne me mettais pas dans sa perspective, jamais assez. Je ne voulais pas savoir que tu souffrais » (p. 49). La souffrance causée par le manque est immense : « Ma tristesse vient non pas du fait qu’elle soit partie mais de ce que je ne lui ai pas assez dit que je l’aimais » (p. 49). L’amour de la mère et l’amour du fils échangent une réciprocité de preuves aux limites du dicible : « Jusqu’à la fin ou presque j’aurai été ce fils qui repousse sa mère parce qu’elle l’aime trop et que lui aussi aime trop ». A la mesure de cette douleur est l’acte par lequel le fils parvient, sur la ligne de crête de la souffrance et de l’écriture, comme au-dessus d’un précipice mental, à convertir la mort de la mère en expérience de la « naissance ». Cette « naissance » est d’abord perçue sur le mode de l’imminence : « Parler comme si je n’étais pas encore né mais que je pressentais l’imminence de la naissance » (p.39). C’est dans les actes les plus quotidiens et simples que le « je » s’approche le plus de l’expérience de la « naissance ». Ainsi dans le souvenir de la « sieste » (p. 58-59), moment où la mère lui a appris à lire et à écrire, projetant par là même à jamais une lumière indestructible sur les mots et sur l’acte d’écrire. La confiance de Jean Marc Sourdillon dans les mots, sa vocation de poète trouvent ici une origine nimbée de lumière. La transmutation du deuil en expérience de la « naissance » est comprise par le poète en termes de « travail » : « Tout mon travail : faire passer une morte encore très vivante, douloureusement vivante, dans le dedans » (p. 67). Il y va ici de l’ouverture par Jean Marc Sourdillon d’une nouvelle voie vers l’acte d’assumer le deuil, en le transmuant en matrice d’une possible « naissance » pour celui qui souffre. On pourrait qualifier cette voie inédite de « saut » spirituel, en donnant au mot « saut » la connotation que lui confère Kierkegaard lorsqu’il évoque le « saut » du « stade esthétique » au « stade éthique ». Dès lors, la mère n’est plus morte mais « vivante » dans et par le fils : « Je ne porte pas le deuil de ma mère, je porte ma mère vivante, inscrite en moi, jusque dans ma voix » (p. 65). Désormais le deuil transmué devient une « danse de la naissance » : « Danser la danse de la naissance à l’intérieur du vide laissé par ta mort » (p. 71).

Le troisième mouvement du livre, plus bref, s’ouvre sur un passage au verset qui transforme la langue en cantus : chant du « n’est pas là », formule dont la force est d’être ici, au-delà du deuil personnel, un « n’est pas là » anonyme, universel, tâche de la poésie, et dans lequel le lecteur peut projeter ses propres expériences de l’absence.

Aussi N’est pas là peut-il se lire comme un grand livre de la transmutation dont la poésie est capable. A la lumière de cette transmutation séminale, le titre peut s’écouter autrement : comment ne pas entendre et déchiffrer, au profond du signifiant N’est, le signifiant « naît », comme si la négation contenait déjà le possible d’une « naissance » ? Ce « saut » spirituel qu’est la conversion du négatif en chance d’une « naissance » va de pair, dans ce livre, avec un profond rejet de la « mélancolie » : « Voici ce que je suis devenu depuis : un refus absolu de la mélancolie et un sens très aigu du tragique » (p. 31). A cet égard, Jean Marc Sourdillon est proche d’Yves Bonnefoy qui, dans sa préface « La mélancolie, la folie, le génie, - la poésie », écrite pour le catalogue « Mélancolie : Génie et folie en Occident » dirigé par Jean Clair (2006), identifie le « refus » de la « mélancolie » à l’acte poétique lui-même, rompant par là avec des siècles de poésie sous le signe de la « mélancolie ». S’il y a ainsi, autour du « refus » de la « mélancolie », des affinités électives entre Sourdillon et Bonnefoy, c’est surtout au plus près des œuvres de Philippe Jaccottet et de Maria Zambrano, mais aussi de la correspondance entre Simone Weil et de Joë Bousquet (Naissance mutuelle, 2010), que le poète de N’est pas là puise la force de transmutation du « négatif » (ici du deuil) en expérience de la possibilité d’une « naissance ». Cette transmutation, qui est la signature du poète, pourquoi ne pas l’appeler le « théorème » (au sens pasolinien de ce terme) de Jean Marc Sourdillon , sur lequel le lecteur pourra désormais prendre appui pour assumer ses propres épreuves du « n’est pas là » ?

 

Rencontre lecture avec Jean Marc Sourdillon (poète et traducteur) à l'occasion de la sortie du livre Cantique spirituel de Jean de la Croix aux Éditions Illador, le 2 mai 2024.

Présentation de l’auteur

Jean-Marc Sourdillon

Jean Marc Sourdillon est né en 1961.  A publié des livres poétiques :

  • Les Tourterelles (La Dame d'onze heures, préface de Philippe Jaccottet, encres d'Isabelle Raviolo, 2009).
  • Les Miens de personne (La Dame d'onze heures, préface de Jean-Pierre Lemaire, lavis de Gilles Sacksick, 2010),
  • Dix secondes tigre (L’Arrière-pays, 2011),
  • En vue de naître (L'Arrière-pays, 2017),
  • La vie discontinue (La part commune, 2017),
  • des essais et des nouvelles, Les voix de Véronique (Le Bateau Fantôme, 2017).

A traduit María Zambrano et édité les Œuvres de Philippe Jaccottet dans la Pléiade.

Jean-Marc Sourdillon

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Jean Marc Sourdillon, L’unique réponse

La vie discontinue. En vue de naître. Les titres des derniers recueils de Jean Marc Sourdillon, programmatiques, semblent mener tout droit à L’unique réponse avec une force tranquille, une tension sous-jacente, une cohérence tout intérieure qui sont uniques dans le paysage de la poésie contemporaine.

Elles sont d’autant plus rares qu’une telle poésie œuvre sans tapage ni souci de ce qu’on saurait dire d’elle. Cette tension sourde se reflète dans l’écriture, dont l’arc va de la prose au vers, les alternant ou les mêlant : l’une s’affine en l’autre, fluidement, au moment où elle atteint une densité un peu aveugle et gagne alors, dans le vers libre, en ténuité – elle semble alors s’éteindre comme un dernier souffle dans un silence plus plein :

Deux mains qui se posent sur les tempes d’un visage endormi.
Et c’est pour toi, comme si on venait te chercher, ou t’arracher, parce qu’il y a aussi de la douleur.
Une aiguille blanche et glacée qui s’enfonce dans l’œil ou dans l’ouïe, et qui d’un coup se retire,
carillon cristallisant dans les lointains,
quelqu’un appelle pour que tu le suives. (« Une joie contenue », p.18)

Jean Marc Sourdillon, L’unique réponse, éditions Gallimard, Paris, 2020, 14 €.

Discrète et délicate, la poésie de Jean Marc Sourdillon l’est moins par timidité que parce qu’elle est aimantée de l’intérieur par une « ambition » irrésistible : la quête d’un silence plus riche qu’elle, et qu’elle aurait, en quelque sorte, sculpté, ou accouché de la pierre : « Calme, cet oubli seul en-dessous, ce caillou gris, ce poing en nous, par quoi tout s’ouvre et s’expose. » (p.25).

Au fil du recueil, lieux, situations du quotidien, scènes concrètes, parfois fugitives, se succèdent, entre l’ivresse d’un élan (qui peut être intérieur, un simple regard posé sur les êtres) et le risque de n’être plus rien, d’être réduit à rien.

On passe « Gare Saint-Lazare », dont le nom semble fonder la vision, puisque « c’était comme si nous étions tous des rescapés, ou simplement des êtres vivants, des voyageurs en attente de renaître ou de naître tout à fait, placés là, assis, debout, au bord des quais, devant les panneaux, guettant chacun son jour au milieu des leurres. » (p.72). On fait un trajet à vélo jusqu’au quai, avant le départ de l’aimée : « La rue s’élançait  dans la pente comme si elle était le matin. Ton rire asphyxiait le silence. Tes yeux riaient du baiser que tu retenais. Nous glissions sur la route comme si nous allions sur l’eau. » (p.40). La vue d’une mère avec son enfant, assise sur une banquette du métro, est un éblouissement : « […] les yeux grands ouverts, tous les deux comme s’ils avaient dormi / – un rêve brûlait à l’attache de leurs paupières. » (p.74).

Et puis il y a ce regard de la survivante dans la fosse, au milieu de la tragédie (plane ici le terrible souvenir du Bataclan) : « […] collés les uns aux autres par le sang gluant qui les attache au sol. Ils sont les yeux fermés comme s’ils étaient déjà morts. Ils attendent leur tour, le coup qui les fera partir et cherchent tout au fond d’eux pour l’équilibre l’image qui les fera tenir. » (p.83) ; soudain, dans le regard perdu, à demi-conscient de la jeune femme, les portes du théâtre semblant s’ouvrir après la fusillade, cette fulgurance : « Comme si c’était de nouveau l’enfance et que cela n’avait jamais cessé de l’être. » (p.84). Enfin, dans une maternité, la déflagration de « ce cri » : « cette secousse de se mettre à exister », comme si la naissance avait ricoché et que « sourdement je lui répondais. » (p.77).

Train, métro, vélo – rivière : on est toujours là en mouvement, en transit, entre deux points ou bien à la frontière, fine et terrible, qui les sépare – mort ou naissance, chaque fois imminentes. Nous devons traverser. Non pas la vie – car vivre c’est justement cela : se traverser soi-même, être appelé à naître encore.

Aussi écrit-on : comme on chemine vers son enfance – et vers quelque chose en elle de contrecarré, d’oublié. Ce serait même la vocation du poème : être « un puits d’où la vie peut surgir plus ou moins puissamment […], la vie telle qu’elle était à l’époque où ce que disent les mots n’était pas prononcé ni même encore pensé ou voulu […] » (p.37). Il s’agit de revenir à soi-même, comme on sort d’une phase d’inconscience. Et d’épouser un élan, celui de la vie, qui rejoint tout au long du recueil cet autre motif : la passerelle.

A l’image du puits est reliée souvent celle de la pierre, du caillou : « Calme, à la place du ventre qui grouille, ce galet noir, immobile, dans les entrailles. / […] / Calme, cet oubli seul en-dessous, ce caillou gris, ce poing en nous, par quoi tout s’ouvre et s’expose. » (p.24-25). « […] un moi dont on ne sait que faire », lit-on ailleurs (p.43). La passerelle, possible miroir ou motif qui réfléchit le poème lui-même, est aussi et surtout le rempart à cette souffrance comprimée. Elle est en même temps ce qui mène à soi-même, à condition qu’elle s’efface, saute, se fonde, malgré le vide, en un pur « élan » : « l’envol très haut d’un oiseau mais sans l’oiseau, juste une naissance dans le verre du jour » (p.81-82).

Comment traduire dans sa vie, dans son corps même, ce que le poème diffère peut-être encore en énigme, en symbole ou en question ? Sur quoi faire reposer les mots pour qu’ils puissent peu à peu, par ricochets, nous changer ? La réponse, l’unique, Jean Marc Sourdillon la dit en toutes lettres, à partir de ce qu’il ressent un jour, dans une maternité, en entendant le cri qui le secoue, l’écho du cri qui en nous ne s’est jamais exprimé :

Je viens de là, de ce cri, la parole quand j’écris, la parole de la poésie, vient de là, de ce cri, et rien d’autre. / […] son souvenir me précède / – silence à sa place dans ma voix […].

Il est probable que lorsque le poète note « j’écris », il entende aussi « je crie ». Les mots du poème mènent au cri et en procèdent – le cri autour duquel tout n’aura été que silence ou sursis. Cri jusque-là contenu pour contenir la souffrance. Il est pourtant la condition et le signe de la naissance en nous.

Chaque poème s’inscrit ainsi dans le recueil comme un pas de plus vers une acceptation de la fragilité et de la douleur, en vue de naître. Et sans parler d’envol, dans « Le merle » (p.96), le poète (qui est aussi celui des Tourterelles, son premier recueil) trouve une autre façon de faire de l’oiseau une de ses figures tutélaires, et du poème, une modulation de ce qui ne peut pas être dit jusqu’au bout : « Celui simplement qui dit oui et qui le dit sans le dire qui le tourne, le module comme une cerise dans la bouche, qui le fait entendre à qui veut l’entendre dans la solitude splendide de la nuit. » 

Ce ne serait pas encore rendre justice à la poésie de Jean Marc Sourdillon que de ne pas parler de la beauté suggestive de son écriture, qui convoque instantanément sens et sensations, par exemple lorsqu’elle décrit la nature ou la lumière. Dans cet extrait de « Coupe forestière » (p.16) :

Dans la forêt l’herbe a remplacé la neige et la terre sent la sciure.
Odeur de pain et de citron mûr près des arbres couchés.
Tout se réveille partout avec une certaine force et une certaine lenteur. […] Seule la blessure fraîche des souches rappelle qu’il y eut un passé

 

Ou dans « Matin de banlieue » (p.22) : « Le blanc de la tôle des toits réveille par endroits la lumière. »

Jean Marc Sourdillon explore avec L’unique réponse de nouvelles dimensions de l’intime et de la quête de soi ; sans fard ni affectation, il cisèle une écriture traversée de grâce, bien près de ressembler au « verre du jour » qu’elle évoque elle-même. Elle atteint même une limpidité bouleversante, d’être née du « poing en nous, par quoi tout s’ouvre ». Ainsi, dans « Souveraineté » (p.24) : « Calmes, le sourire dans les larmes, le chemin dans la campagne […]. » Ou dans le tout dernier poème, « La semence » (qui se termine sur le mot « naissance ») :

 

Le temps se tait.

Sans bruit, les animaux se retirent.

Le son monte par degrés vers l’aigu.

Présentation de l’auteur

Jean-Marc Sourdillon

Jean Marc Sourdillon est né en 1961.  A publié des livres poétiques :

  • Les Tourterelles (La Dame d'onze heures, préface de Philippe Jaccottet, encres d'Isabelle Raviolo, 2009).
  • Les Miens de personne (La Dame d'onze heures, préface de Jean-Pierre Lemaire, lavis de Gilles Sacksick, 2010),
  • Dix secondes tigre (L’Arrière-pays, 2011),
  • En vue de naître (L'Arrière-pays, 2017),
  • La vie discontinue (La part commune, 2017),
  • des essais et des nouvelles, Les voix de Véronique (Le Bateau Fantôme, 2017).

A traduit María Zambrano et édité les Œuvres de Philippe Jaccottet dans la Pléiade.

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Le premier livre de poèmes de Jean-Marc Sourdillon, préfacé par Philippe Jaccottet, Les Tourterelles (éditions La Dame d’onze heures) avait obtenu en 2009 le prix du premier recueil de poèmes. Il contenait plus que des promesses, il révélait un authentique poète, d’une sensibilité et d’une maîtrise déjà très affirmées.

Ce sixième ouvrage, L’unique réponse, marque sans nul doute un tournant de  maturité poétique. Vers et proses poétiques alternent, d’une égale beauté, ouvrant pour nous un univers intérieur fait de silences, d’élans profonds, de naissances et d’imminences.

                        Tout poème est précédé d’un élan parti de tellement loin qu’on ne sait
plus ni d’où ni de quand il vient,

mais qui a traversé tant de pays et connu tant de visages qu’il en garde l’empreinte 
en lui comme le parfum des corps et l’éclat des espaces dans le vent qui les a frôlés.

 

Jean-Marc Sourdillon, L’unique réponse,Gallimard, 14 euros.

 

« La fragilité de tout » fascine Jean-Marc Sourdillon, « le présent  ordinaire / et tout le mystère derrière » est pour lui un texte perpétuellement en écriture. Il s’applique à en saisir le langage, à en traduire le plus essentiel. Car, dans le plus fragile, se tient l’intensité, le poignant, le radieux Ainsi, avant le chant du merle, il y a ce très particulier silence, que le poète doit dire :

                  Il y a toujours avant que le merle ne chante

un silence sur lequel il se pose, un silence qui fait socle

avant qu’il ne s’élance vers la voix à travers laquelle il s’expose.

 

Ce que le poète appelle « la déhiscence » garde le secret de ce qui n’est pas encore de ce monde et qui recèle en lui un intense espoir de vie :

 

                        On en pressent la palpitation sourde dans les soubresauts de notre
cœur, présence simultanée du mort qu’on a aimé et de la poussée de naître en nous
inexplicable et bousculant tout, glissement, déplacement dans la naissance
inachevée,

chute, progression dans la lumière.

L’intensité est dispersée.

 

La réflexion sur la poésie accompagne ces chants de transparence. Le vers est « une passerelle » pour Jean-Marc Sourdillon, et la poésie « une suite de lancers de passerelles ou de pieds d’appel. » Le poète est toujours en avant de lui-même, tendu vers une rive qu’il n’aperçoit qu’à peine, engagé dans un voyage qui devient souvent une exploration. « On se propulse dans l’espace de la vibration. » C’est une naissance éperdue, elle nous fait naître nous-mêmes, à nous-mêmes.

 

                        On écrit, ça chante dans sa tête, mais on est déjà plus loin, là-bas dans
l’espace en avant de soi où l’on sait que quelque chose ou quelqu’un nous attend.
On ne sait pas quoi, on ne sait pas qui, mais on le pressent. Quelqu’un, quelque
chose de plus haut se penche sur soi. Ou, de plus bas, tout en bas, ouvre les bras.

 

Jean-Marc Sourdillon choisit de s’arrêter sur « La semence ». Ce dernier poème me paraît contenir à lui seul toute la richesse de son livre, silence de cristal, lente montée de l’aube, souffle nourricier d’une remarquable poésie :

                       

Nuit si claire, si calme

 un sas s’est ouvert .

Nuit des soupirs, des semences.

Nuit de l’intact et de l’insoupçonnable.

 

C’est là qu’en secret se prépare

la frissonnante lumière

de Vénus à l’aube,

non pas son pas, sa venue

mais son souffle qui embue

précédant toute naissance

 

 

Présentation de l’auteur

Jean-Marc Sourdillon

Jean Marc Sourdillon est né en 1961.  A publié des livres poétiques :

  • Les Tourterelles (La Dame d'onze heures, préface de Philippe Jaccottet, encres d'Isabelle Raviolo, 2009).
  • Les Miens de personne (La Dame d'onze heures, préface de Jean-Pierre Lemaire, lavis de Gilles Sacksick, 2010),
  • Dix secondes tigre (L’Arrière-pays, 2011),
  • En vue de naître (L'Arrière-pays, 2017),
  • La vie discontinue (La part commune, 2017),
  • des essais et des nouvelles, Les voix de Véronique (Le Bateau Fantôme, 2017).

A traduit María Zambrano et édité les Œuvres de Philippe Jaccottet dans la Pléiade.

Jean-Marc Sourdillon

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Exaltations et angoisses, heurs et malheurs, fureurs et silences, émerveillements et désolations : la vie « discontinue » peut nous faire passer, on le sait, de charybde en scylla.

Dans huit textes ancrés dans des expériences personnelles (existentielles, dirait-on) Jean-Marc Sourdillon nous le fait toucher du doigt et nous livre ce qu’on appelle – par facilité – des tranches de vie, des instants qui furent pour lui des moments de révélation.

Un proche qui meurt nous rappelle à l’immense. Il s’est absenté d’un coup, au beau milieu de l’été, évaporé dans le ciel bleu au sommet d’une montagne.

Il le dit, par exemple, dans un texte poignant autour d’une escapade au Puy Mary.

Oui, un bel été. De longues semaines le soleil avait été devant nous ; et soudain brutalement, il a été derrière nous.

La vie discontinue, Jean-Marc Sourdillon, La Part Commune, 154 pages, 16 euros.

La vie discontinue, Jean-Marc Sourdillon, La Part Commune, 154 pages, 16 euros.

Jean-Marc Sourdillon inscrit ses récits dans des paysages, dans des lieux que l’écriture transfigure. Parce que des images affluent.

« La vie poétique consiste pour l’essentiel à se rendre disponible à la venue de certaines images, à les accueillir et à les retenir au moyen de l’écriture. Quelles images ? Celles qui, surgies de la vie, se signalent par une certaine qualité d’émotion qui fait que quelque chose s’allume en elles, qu’elles se font transparentes à la vie qu’elles nomment », notait l’auteur dans un dossier consacré à Philippe Jaccottet (Revue Lettres, printemps 2014).

Comment, d’ailleurs, ne pas penser à Philippe Jaccottet dans cette approche éblouie des lieux, quand les images surgissent dans un paysage naturel. Tel Jaccottet écrivant au col de Larche (titre d’un essai de l’auteur aux éditions Le Bateau fantôme), Jean Marc Sourdillon raconte une pérégrination dans les Cévennes du côté d’Auzillargues et de Saint-André-de-Valborgne. Une libellule le sort de sa torpeur. Puis le voici sur le « diamant brut » d’une « route ancienne taillée dans la montagne » alors que « là-bas, sous la barre argentée des rochers, c’était le torrent ». Peu à peu, l’auteur se sent comme happé, saisi, au point d’éprouver la certitude de faire partie du paysage lui-même.

Un fil tendu dans l’air » finissait par le relier aux insectes à ses pieds « en même temps qu’aux montagnes dans les lointains avec leurs nuages étalés.

Dans un autre texte, Jean-Marc Sourdillon fait l’expérience de l’autre dans sa singularité en regardant vivre son voisin de l’autre côté de la rivière. L’homme y a son enclos, ses animaux et ses petites cultures. Et il regarde cet homme bien occupé mais si différent.

Lui dans son jardin où il bêche aux premières lueurs, moi à ma table, la fenêtre ouverte, au-dessus de la rivière.

Des regards se croisent, une forme de connivence tacite s’instaure entre hommes du matin. Chacun dans son royaume. C’est cela « la vie discontinue » de Jean-Marc Sourdillon. C’est dit à la fois avec simplicité et profondeur.

Présentation de l’auteur

Jean-Marc Sourdillon

Jean Marc Sourdillon est né en 1961.  A publié des livres poétiques :

  • Les Tourterelles (La Dame d'onze heures, préface de Philippe Jaccottet, encres d'Isabelle Raviolo, 2009).
  • Les Miens de personne (La Dame d'onze heures, préface de Jean-Pierre Lemaire, lavis de Gilles Sacksick, 2010),
  • Dix secondes tigre (L’Arrière-pays, 2011),
  • En vue de naître (L'Arrière-pays, 2017),
  • La vie discontinue (La part commune, 2017),
  • des essais et des nouvelles, Les voix de Véronique (Le Bateau Fantôme, 2017).

A traduit María Zambrano et édité les Œuvres de Philippe Jaccottet dans la Pléiade.

Jean-Marc Sourdillon

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Ce qui frappe aussitôt, dans N’est pas là de Jean Marc Sourdillon, c’est l’énigme dense du titre, où est aboli le pronom personnel sujet. Si selon l’étymologie heideggérienne, le [...]




Lettre à Jean-Marc Sourdillon, à propos de Les Voix de Véronique

Cher Jean-Marc,

 

Je te remercie tout d’abord pour l’envoi de ton livre et je tiens à te dire combien je l’ai aimé. C’est à mon avis une réussite totale, d’une profonde originalité, dans laquelle tu prolonges par la fiction et la prose ton travail poétique (même si les Miens de personne en constituaient déjà une synthèse). Mais cette fois, il me semble que, par ce recueil, tu entres d’une façon décisive dans la fiction, au sens romanesque du terme. Ce qui me frappe (outre la beauté de l’objet livre ce qui n’est pas rien et prolonge la beauté du texte) c’est la cohérence frappante de l’ensemble. Il s’agit vraiment là d’un ensemble pensé, architecturé, à partir d’une idée et d’une ligne uniques et unifiées, quoique savamment déclinées et ramifiées. C’est justement ce que personnellement j’aime dans ton livre, cette unité qui en fait un ensemble taillé dans le même matériau narratif, vivant, émotif et poétique.

Je ne vais rien dire d’original et j’espère être fidèle à ce que tu as voulu faire, toutes les nouvelles me semblent aborder sous un angle différent des moments d’interrogation autour du féminin ou de la confrontation au féminin (ou au maternel, parmi d’autres variations). Même la nouvelle autour de la passerelle du Val d’or où le féminin n’est présent qu’indirectement (L'Absente) est aimanté, me semble-t-il, par un élément féminin (j’emploie ce terme à défaut d’un autre sans doute meilleur – que je ne trouve pas), absent ou du moins sous-jacent qui soutient et habite le texte en négatif et surgit dans la dernière phrase. De toute façon, toutes les nouvelles sont profondément émouvantes et vibrantes, mais elles ne touchent pas seulement par leur force émotive, même si elles plongent parfois dans le plus nu du désarroi et de la solitude (Ersilia) mais aussi par le tremblement sensuel et déchiré à la fois de l’écriture et du style, qui tiennent chaque fois l’équilibre entre l’épaisseur du récit et un inachèvement délicat, l’éclat d’une fulgurance interrompue (sauf peut-être le premier, qui se situe dans une tonalité et à un niveau différent, moins incarné parce que moins référentiel, comme le prélude rêvé d’un opéra).

Domine également un sentiment très captivant et agréable (romanesque lui aussi, mais pour moi ce terme, sans doute mal choisi n’est pas associé au roman, mais à l’idée même de récit ou d’inscription d’une conscience et d’un corps dans l’espace et le temps du monde) de variété, chaque histoire explorant un lieu, une qualité spatiale, un paysage, des milieux différents, tous évoqués, au sens fort du terme mais jamais épuisés par des descriptions ou des scènes qui ramèneraient à la convention du récit traditionnel. Par exemple dans Solange tu fais exister, surtout par la voix, l’univers d’une maison et d’une famille bourgeoise du siècle dernier ; dans Laurence, peut-être la plus classique des nouvelles, celui d’une solitude polaire, si précisément et si intérieurement dessinée ; dans Genève, celui d’une écriture au travail à Lausanne, si émouvant aussi etc…

Je ne sais pas le dire autrement : je crois n’avoir jamais rien lu qui ressemble à tes textes et à la composition qu’ils forment. C’est pourquoi sans doute j’ai un peu de mal à en parler. Au début, au fil de la lecture, me venait  par moment le souvenir des Tropismes de Sarraute, même s’il n’y a pas du tout chez toi, cette sécheresse ironique,  analytique, un peu froide  de Sarraute. Mais on ressent le même désir de capter, dans l’ordre des sensations - mais toujours en relation avec les paysages, le monde sensible, la chair de l’esprit - des mouvements indicibles, inexprimables, contradictoires, fluidifiés et adoucis par un rapport au tissu concret des choses.

Je comprends le projet d’ensemble (dont le premier texte, Véronique, fixe la longueur d’onde et dont le dernier; Jean Marc, expose sur un plan un peu plus théorique, ou autobiographique, du point de vue de l’écrivain les soubassements plus directement littéraires et philosophiques, sans qu’il y ait rien de pesant pour moi dans ce dernier terme) comme la tentative démultipliée pour saisir ce moment instable, dramatique, euphorique ou douloureux, d’une naissance, d’une mort, d’un désir (peut-être faudrait-il dire plutôt, d’un naître d’un mourir, d’un désirer) d’une angoisse etc - mais toutes ces situations reviennent probablement à la même chose

Plusieurs jours après la lecture, quelque chose du livre persiste, insiste, qui est, je crois la caractéristique des œuvres fortes et marquantes, celles qui ont su, comme les voix de Véronique, trouver leur  rythme et leur toucher intérieur, l’équilibre d’une émotion, d’une pensée et d’une langue.

 

Fares

Les voix de Véronique, Jean-Marc Sourdillon, éd. La Bateau Fantôme, 2017

Les voix de Véronique, Jean Marc Sourdillon, Le Bateau Fantôme, 2017, 104 p. 17 euros

Présentation de l’auteur

Jean-Marc Sourdillon

Jean Marc Sourdillon est né en 1961.  A publié des livres poétiques :

  • Les Tourterelles (La Dame d'onze heures, préface de Philippe Jaccottet, encres d'Isabelle Raviolo, 2009).
  • Les Miens de personne (La Dame d'onze heures, préface de Jean-Pierre Lemaire, lavis de Gilles Sacksick, 2010),
  • Dix secondes tigre (L’Arrière-pays, 2011),
  • En vue de naître (L'Arrière-pays, 2017),
  • La vie discontinue (La part commune, 2017),
  • des essais et des nouvelles, Les voix de Véronique (Le Bateau Fantôme, 2017).

A traduit María Zambrano et édité les Œuvres de Philippe Jaccottet dans la Pléiade.

Jean-Marc Sourdillon

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Jean-Marc Sourdillon, Ciel de mars

 

On est devant ce ciel de mars
comme au pied d’un escalier gigantesque,
d’une terrasse,
et si d’une main nerveuse l’on arrache
la mauvaise herbe, si l’on arrange les fleurs
c’est qu’obscurément on cherche un prétexte
ou un masque
comme si, devant lui, on ne pouvait pas
ne pas s’agenouiller, comme si l’on ne
pouvait pas ne pas accomplir le geste
qu’autrefois dans les rituels on faisait
pour prier,
comme s’il fallait, c’est presque une obligation,
s’abaisser
pour le sentir au-dessus de soi
exister.

 

Et puis ces fleurs dans le jardin, ces voix,
c’est comme si subitement, surgie d’on ne sait où,
tu me prenais la main et me disais : allez, lève-toi,
viens.

 

 

      Dix secondes tigre, L’Arrière-pays (2011)

Présentation de l’auteur

Jean-Marc Sourdillon

Jean Marc Sourdillon est né en 1961.  A publié des livres poétiques :

  • Les Tourterelles (La Dame d'onze heures, préface de Philippe Jaccottet, encres d'Isabelle Raviolo, 2009).
  • Les Miens de personne (La Dame d'onze heures, préface de Jean-Pierre Lemaire, lavis de Gilles Sacksick, 2010),
  • Dix secondes tigre (L’Arrière-pays, 2011),
  • En vue de naître (L'Arrière-pays, 2017),
  • La vie discontinue (La part commune, 2017),
  • des essais et des nouvelles, Les voix de Véronique (Le Bateau Fantôme, 2017).

A traduit María Zambrano et édité les Œuvres de Philippe Jaccottet dans la Pléiade.

Jean-Marc Sourdillon

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Jean-Marc Sourdillon, Fontanelle

 

Aujourd’hui je suis loin des Cévennes,
quelque part dans le vide sidéral des villes.
Et pourtant je repose quelque part
sur une sphère de cristal.
J’agis, je vais, je parle.
Je sens sous moi la mémoire
comme une crypte retentissante,
toute la montagne des Cévennes
comme une crypte à ciel ouvert,
je sens, je pressens
quelque part loin de moi, passé en moi,
l’acte  des tombes sur la pente
toute leur mémoire, toute notre attente,
toutes les aurores
et la montagne
comme une voûte de soutènement.

Présentation de l’auteur

Jean-Marc Sourdillon

Jean Marc Sourdillon est né en 1961.  A publié des livres poétiques :

  • Les Tourterelles (La Dame d'onze heures, préface de Philippe Jaccottet, encres d'Isabelle Raviolo, 2009).
  • Les Miens de personne (La Dame d'onze heures, préface de Jean-Pierre Lemaire, lavis de Gilles Sacksick, 2010),
  • Dix secondes tigre (L’Arrière-pays, 2011),
  • En vue de naître (L'Arrière-pays, 2017),
  • La vie discontinue (La part commune, 2017),
  • des essais et des nouvelles, Les voix de Véronique (Le Bateau Fantôme, 2017).

A traduit María Zambrano et édité les Œuvres de Philippe Jaccottet dans la Pléiade.

Jean-Marc Sourdillon

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Jean-Marc Sourdillon, Au commencement

 

Au commencement
est l’écoulement de l’eau,
l’origine des bruits.

 

Puis, c’est le pépiement des oiseaux,
le passage du train, le roulement
des voitures.

 

Tard, bien tard, vient la voix humaine
avec en elle quelque chose
d’enfant encore qui traîne.

 

Longtemps après, quand le soleil est vers midi,
les mots durs, dans leur découpe sombre
deviennent audibles, avec une voix grave
pour les dire ou le long silence
pour les écrire.
Mais c’est tard. Impossible d’oublier
d’où ils viennent :
ce tremblement clair, dans la gorge, de l’eau,
ces hésitations
ces bégaiements.

 

Balbuciendo, alors,
tous, même les plus fiers,
balbuciendo, oui balbuciendo
et peut-être même pour quelques-uns,
les meilleurs,
sanglot. Absolument.

 

 

Les Miens de personne,  La Dame d’onze heures (2010)
 

Présentation de l’auteur

Jean-Marc Sourdillon

Jean Marc Sourdillon est né en 1961.  A publié des livres poétiques :

  • Les Tourterelles (La Dame d'onze heures, préface de Philippe Jaccottet, encres d'Isabelle Raviolo, 2009).
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A traduit María Zambrano et édité les Œuvres de Philippe Jaccottet dans la Pléiade.

Jean-Marc Sourdillon

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Jean-Marc Sourdillon, Veiller la nuit, l’hiver, ce n’est pas veiller contre

 

Veiller la nuit, l’hiver, ce n’est pas veiller contre
          elle, ni à cause d’elle

comme si elle était une ennemie. Ce n’est pas
          endurer le temps obstrué, attendre l’aube
          qui tarde à venir.

Veiller la nuit, c’est veiller sur elle, comprendre
          que ce n’est pas moi qui souffre mais elle,
          comme si elle, la grande nuit, elle était
          petite et qu’elle avait la fièvre.

Comme s’il y avait dans sa part obscure mon
          double au féminin,

et qu’il fallait que je l’accompagne dans sa
          montée, présence qui souffre et qui attend,
          et qui chante en montant même si on ne
          l’entend pas, d’abord un ruisseau pris dans
          de la glace, puis l’ombre déployée d’un arbre
          sur de la neige et pour finir cette graminée
          contre le ciel, crépitante de froid où je la
          reconnais, la voie lactée, celle que j’aimais.

Comme s’il fallait, ce mouvement, oui, que je
          l’accompagne, que j’en fasse le double au-
          dedans de moi dans ma parole, pour que
          quelque chose, ou bien quelqu’un, à travers
          lui naisse et s’accomplisse,

quelque chose ou bien quelqu’un qui n’était pas,
          de très humain, de très fragile,

presque invisible, un battement d’ailes ou bien de
          cils, une hésitation dans le lointain, qui
          scintille et qui fait que dans le chant quelque
          chose se brise, est sur le point toujours de se
          briser et finalement ne se brise pas.

 

 

Les Miens de personne,  La Dame d’onze heures (2010)
 

Présentation de l’auteur

Jean-Marc Sourdillon

Jean Marc Sourdillon est né en 1961.  A publié des livres poétiques :

  • Les Tourterelles (La Dame d'onze heures, préface de Philippe Jaccottet, encres d'Isabelle Raviolo, 2009).
  • Les Miens de personne (La Dame d'onze heures, préface de Jean-Pierre Lemaire, lavis de Gilles Sacksick, 2010),
  • Dix secondes tigre (L’Arrière-pays, 2011),
  • En vue de naître (L'Arrière-pays, 2017),
  • La vie discontinue (La part commune, 2017),
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Jean-Marc Sourdillon

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Jean-Marc Sourdillon, Poème du premier janvier

 

Jeanne est née et il neige sur la nouvelle année.
J’efface la suie du chagrin sous tes yeux.
Quand tu es triste, tes yeux seuls grandissent
au-dedans. Il n’y a pas de fleurs dans la maison.
Au marché nous n’avons pas pensé
à acheter du mimosa. Ce sera pour l’année prochaine.
Des nuages glissent sur la table et tu passes un linge
distraitement pour les faire partir.
Je ne voulais pas te faire de peine ; encore moins
ce jour-là. Je ne peux pas te le dire
mais tu es belle dans ta robe noire.

 

Jeanne est née avec la neige
et à ceux qui me demandent de ses nouvelles,
je dis qu’elle a l’âge de la neige.
Disant cela, je sais, je mens.
C’est nous tous, depuis sa naissance,
qui avons son âge.
Tout est révélation
pourvu qu’on sache le prendre à l’état naissant.
Or l’âge venant, nous avons plus de mal
à préserver l’innocence.
Mais nous, du moins, avons cette chance
d’avoir ses yeux posés sur nous.
Jeanne, tu es le commencement

 

Il neige à nouveau sur le premier janvier.
Nous tenant par les doigts,
nous soufflons sur la vitre gelée.
Regarde ton chagrin, ce que nous en avons fait :
un jardin plein de neige.
Nous n’avons pas oublié le mimosa
cette année. Inutile d’allumer,
il éclaire tout seul la maison.
Ma main sur la tienne nous effaçons tous les deux  
la buée sur le carreau.
A la fenêtre une seule ombre se penche
pour mieux voir la neige tomber
et d’entre les flocons s’avancer
vers nous dans la nuit finissante
le souffle et les naseaux de la nouvelle année.

 

Nous n’avons plus peur ni d’elle ni de nous à présent.

 

 

Dix secondes tigre, L’Arrière-pays (2011)
 

Présentation de l’auteur

Jean-Marc Sourdillon

Jean Marc Sourdillon est né en 1961.  A publié des livres poétiques :

  • Les Tourterelles (La Dame d'onze heures, préface de Philippe Jaccottet, encres d'Isabelle Raviolo, 2009).
  • Les Miens de personne (La Dame d'onze heures, préface de Jean-Pierre Lemaire, lavis de Gilles Sacksick, 2010),
  • Dix secondes tigre (L’Arrière-pays, 2011),
  • En vue de naître (L'Arrière-pays, 2017),
  • La vie discontinue (La part commune, 2017),
  • des essais et des nouvelles, Les voix de Véronique (Le Bateau Fantôme, 2017).

A traduit María Zambrano et édité les Œuvres de Philippe Jaccottet dans la Pléiade.

Jean-Marc Sourdillon

Autres lectures

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