Jean-Marc Sourdillon, Les chevaux du plan de Fontmort

2017-12-30T00:22:30+01:00

 

D’abord il y a l’espace
et puis la clarté.
Là-bas loin de nous sur les crêtes
et les grands prés de bruyères,
on les voit lente­ment qui déva­lent la pente
en sec­ouant leur crinière.

 

Leur a été don­née en sec­ond lieu
l’élégance
et puis la blancheur.
Ils sem­blent, sur ce fond de ciel bleu,
descen­dre tout droit de la lune
ou de la neige fon­due des glaciers.
Ils en gar­dent intacts
l’éclat et la vigueur
jusque dans leur allure
et leur incroy­able fierté.

 

Leur a été don­né, pour finir, d’être libres,
de fig­ur­er pour nous
ce que rien dans ce monde ne subordonne
et qui jamais ne peut appartenir
sinon au geste qui le donne.
Cela, ils le dessi­nent dans nos esprits
pour que loin d’eux dans nos vies
où nous avons par­fois, il faut le dire,
bien du mal à respirer
nous pen­sions à eux, nous résistions
aux pres­sions partout qui s’exercent
et leur bâtis­sions par la pensée
un abri où ils puissent
tout ensem­ble hen­nir et cavalcader,
tor­dre libre­ment leur cou dans la lumière
et expirer.

 

Oui, tout cela, loin de nous dans les pentes,
leur a été donné,
et puis à nous, qui les gardons
par le regard et la pen­sée, mais aus­si, (cela,
nous nous en seri­ons bien passés)
la beauté dans la souffrance
longue­ment déployée
la splen­deur, l’intelligence,
la fragilité,
le sang sur le cuir blanc
abon­dam­ment versé
et l’amour vain, l’amour blessé
qui ne sait plus où ni com­ment se donner.

 

A présent on com­prend, on peut comprendre
pourquoi les camis­ards enter­rés sur les crêtes
fai­saient dépos­er en secret par leurs frères
des fers à cheval sur leurs tombes ouvertes.

Dix sec­on­des tigre, L’Arrière-pays (2011)
 

Présentation de l’auteur

Jean-Marc Sourdillon

Jean Marc Sour­dil­lon est né en 1961.  A pub­lié des livres poétiques :

  • Les Tourterelles (La Dame d’onze heures, pré­face de Philippe Jac­cot­tet, encres d’Is­abelle Ravi­o­lo, 2009).
  • Les Miens de per­son­ne (La Dame d’onze heures, pré­face de Jean-Pierre Lemaire, lavis de Gilles Sack­sick, 2010),
  • Dix sec­on­des tigre (L’Arrière-pays, 2011),
  • En vue de naître (L’Ar­rière-pays, 2017),
  • La vie dis­con­tin­ue (La part com­mune, 2017),
  • des essais et des nou­velles, Les voix de Véronique (Le Bateau Fan­tôme, 2017).

A traduit María Zam­bra­no et édité les Œuvres de Philippe Jac­cot­tet dans la Pléiade.

Jean-Marc Sourdillon

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