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Eric Dubois, Paris est une histoire d’amour suivi de Le complexe de l’écrivain

Paris est une histoire d’amour 

Il s’agit ici d’un livre idéal pour le lecteur en panne ; il est composé en effet de chapitres brefs et vivants qui encouragent à tourner les pages. L’obsession du narrateur à retrouver une jeune fille, appelée Milena comme la fiancée de Kafka et rencontrée dans un café, est tout de suite mimée par un style haletant. Le récit lui-même se construit d’emblée à l’aide d’idées-chocs, de clichés amoureux et attachants :

J’étais sidéré par sa beauté, à la fois figée comme une statue et en mouvements par la chorégraphie spontanée et naturelle de ses gestes. 

A l’aide aussi de quelques repères autobiographiques parisiens :

C’était au début des années 60, après ses trois ans obligatoires sous les drapeaux en Algérie, il ne voulait plus continuer à vivre dans sa Normandie natale, auprès de sa mère veuve mais se rapprocher de sa grande sœur mariée qui occupait une loge de concierge rue du Faubourg Montmartre au numéro 5. 

Eric Dubois, Paris est une histoire d’amour suivi de Le complexe de l’écrivain, éditions Unicité, 2022, 13 €.

L’histoire donc du père du narrateur est éponyme du titre puisque c’est à Paris qu’il a connu une grande histoire d’amour en épousant sa mère.

On  avance dans la lecture en apprenant que l’attente est scandée par des coups de fil à son ami Hervé et par ses promenades dans la Ville lumière où il se « passe toujours quelque chose ».

Cette constatation et l’histoire familiale rendent ainsi tous les espoirs possibles même si, alors que l’expression s’alourdit, avoir cinquante ans semble un obstacle au bonheur. Notre homme veut cependant écouter les conseils de sa voisine de palier qui lui parle de l’urgence « de bien vivre ».

Le chapitre 7 présente bel et bien un moment d’acmé si on se souvient qu’Eric Dubois est aussi poète et souvent expert en pépites comme dans ce paragraphe :

Il y a de faux plafonds à l’âme humaine. Un désir ardent et impétueux d’atteindre le ciel. Pour ma gouverne, je n’étais pas loin du but. Milena était un ange accessible, parce que composé de chair et de sang. 

Nous l’accompagnons dans sa quête amoureuse, épousant  les strates de son expérience et de son caractère, et dans la hâte de voir arriver la conclusion souhaitée.

Mais les dernières séquences se jouent, semble-t-il, entre rêve et réalité dans « Paris, ivre de la folie des mondes. » où seul l’amour permettrait de lutter contre l’ennui si la clef finalement n’était pas la folie.

Eric Dubois est passé maître, on l’a cité plus haut, dans l’étude de l’âme mais aussi de l’esprit des hommes et la fin de l’opus est un modèle du genre.

 

Présentation de l’auteur

Eric Dubois

Eric Dubois est né en 1966 à Paris. Auteur, lecteur-récitant et performeur avec l’association Hélices et le Club-Poésie de Champigny sur Marne. Auteur de plusieurs recueils dont « L’âme du peintre » ( publié en 2004) , « Catastrophe Intime » (2005), « Laboureurs » (2006), « Poussières de plaintes »(2007) , « Robe de jour au bout du pavé »(2008), « Allée de la voûte »(2008), « Les mains de la lune » »(2009), « Ce que dit un naufrage »(2012) aux éditions Encres Vives, « Estuaires »(2006) aux éditions Hélices ( réédité aux éditions Encres Vives en 2009), « C'est encore l'hiver » (2009), « Radiographie », « Mais qui lira le dernier poème ? »  (2011) aux éditions Publie.net, « Mais qui lira le dernier poème ?  »  (2012) aux éditions Publie.papier, "Entre gouffre et lumière " (2010) aux éditions L'Harmattan , « Le canal », « Récurrences » (2004) , « Acrylic blues »(2002) aux éditions Le Manuscrit, entre autres.    

Textes inédits dans les anthologies  Et si le rouge n 'existait pas ( Editions Le Temps des Cerises, 2010) et Nous, la multitude ( Editions Le Temps des Cerises, 2011), Pour Haĩti ( Editions Desnel, 2010) , Poètes pour Haĩti (L'Harmattan, 2011) Les 807, saison 2 ( Publie.net, 2012), Dans le ventre des femmes ( Bsc Publishing, 2012) … Participations à des revues : « Les Cahiers de la Poésie », « Comme en poésie », « Résurrection », « Libelle », «Décharge », « Poésie/première », « Les Cahiers du sens », « Les Cahiers de poésie », « Mouvances.ca », « Des rails », « Courrier International de la Francophilie »... Responsable de la revue de poésie « Le Capital des Mots ».

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Autour des éditions Unicité : Christine Guinard, Etienne Ruhaud et Eric Dubois

Les éditions Unicité, c'est une unité multiple… Multiples voix, multiples  formes, unifiées par, autour et dans la poésie, son lieu. François Mocaer a ce souci de créer avec les auteurs un livre qui ressemble à cette rencontre entre le poète et celui à qui il confie ses mots. C'est pour cela que les livres des éditions Unicité ne se ressemblent pas, ou tout au moins pas physiquement, car pour ce qui est de la teneur des propos il y a une ligne directrice forte, c'est la qualité des textes proposés par le catalogue de l’editeur. La preuve ici, à travers ce tout petit aperçu de ce qui fait des éditions Unicité une entité unique.

∗∗∗

Christine Guinard, Autour de B. 

 

 

Autour de B., septième opus de Christine Guinard, apparaît comme une suite logique  aux élans de sa poésie tout entière façonnée de lyrisme. Ce titre mystérieux, car qui est/qu'est-ce que B., interpelle. Les photos de France Dubois, qui ponctuent le recueil, et dont une figure sur la couverture, montrent des arbres en fleurs.  

B., une époque, un lieu ? Le poème liminaire répond. Suggère. Ouvre la voie à une interprétation. "B." serait une ville, un lieu, et "autour" hors de toute topographie. Il s'agit du travail de la mémoire, d’une spatialité organisée en suivant le fil du  travail mnésique.

 

Je te vois derrière la vitrine
et tu penses au temps béni
tu grimes ton cil au poumon
et je perçois ta gêne
tu es si belle tu allais partir pour l'autre côté de la terre
tu griffais la peau d'un ours et tu respirais plus haut plus loin
tu respirais  le frais des autres et la pomme
du buisson attendri
tu n'avais jamais peur
tu partais dans les rues jusqu'au canal, jusqu à trouver l'eau
qui trame de part en part le texte de B.
le texte de B. qui se voit dans ses rêves et en fatale masquée
se démasque joue de la paupière et du genou fragile
sans fard- on a laissé tomber

et personne non personne ne peut dire
ce qu'il y avait devant, ce qui se cache derrière
rien ne se cache ni ne se perd
tout est visage ciselé des ailes au foie
travesti sous la robe et ton ventre rebondit sur la mer
rebondit sur les sables antiques à à la colonne volontaire
travesti - maquillage au printemps

∗∗∗

j'aurais voulu suivre le fil cassé et marcher sur le trou béant des éclats
la mémoire emprunte les vagues et circule le long des rails
vers l'ancienne gare ou les contes affleuraient où sensuelle
elle a dit je dépose mes talons pour voir

 

B. c'est un peu elle, la locutrice, c’est certain, car les participes marquent le féminin. B. c'est aussi la ville. B. représente ces deux instance intimement liées, incluses l'une dans l'autre. B. et elle, entre la chair et l’espace confondus. La poète suit les traces des souvenirs incrustés dans le corps et constitutifs de l’être. La topographie fusionne avec les instants de l’enfance, confondus dans les instances brouillées  des pronoms qui désignent tantôt la poète devenue femme, tantôt la petite fille sans âge demeurée dans le souvenir, tantôt la ville.

B. est également multiple, évoquant parfois la présence d'une autre femme. Qui ? La mère, l'amie, ou bien le kaléidoscope des instances de l'être qui émergent dans ce que la mémoire a conservé de souvenirs. L'emploi des pronoms, et les figures de comparaison, tout participe à ce brouillage référentiel. B. est tantôt "elle", tantôt "la" ville, elle est tantôt elle, tantôt la, tantôt les deux confondues dans l'espace topographique qui en devenant celui de l’écriture mêle les strates temporelles et mnésiques. Le jeu avec les temps, passé ou présent, qui se mêlent, participe à cette distorsion référentielle.

Christine Guinard, Autour de B., Les éditions unicité, 2021, 69 pages, 13 €.

Le travail de la langue suit celui de la mémoire, et ce recueil pose la question de la matière du poème, de sa puissance libératoire aussi, puisqu’en délivrant les mots il ouvre la voie à des perceptions inédites et libère les images et les paroles, liées elles aussi dans la dimension fictionnelle des souvenirs. Ce recueil dit tout ceci, et dans la clausule affirme que cette liberté est motivée par l’écriture. Grandir ici dans le poème et grâce à lui est ce que fait Christine Guinard, poursuivre son ascension vers elle, B., pour s’approprier l’emploi de ce pronom occupé par des strates existentielles enfin réunies dans l’instance locutoire du sujet écrivant. Unificatrice est la poésie. Qui écrit ? C’est certainement toutes les « elle », B.,  référencement impossible, parce que discontinu et scindé par le souvenir, mais unifiées dans et par l’écriture. C’est ce que dit B., elle, la, Christine Guinard, la poésie.

 

soudain elle avait pu espérer elle aussi transformer
les courants et leur donner forme au travers du printemps
et B. qui n'en finirait plus de donner le la - B affranchie
de la régularité de métronome quoique chaotique parfois
gouvernant le rythme coutumier des échanges et des espaces
B. délivrée du tourbillon vain et de la charge sonore
contenue dans l'air évaporé de la ville
B. retenue dignement comme sur sa réserve chargée
de couver jusqu'en des jours meilleurs ses habitants mais
contemplant jour après jour la forme nouvelle revêtue par
ses composantes végétales comme décuplée et par les sons
affirmés venue de la nature partout triomphante
B se demandant comme elle ce qu'il faudrait faire
- ce qui adviendrait si toutefois quelque chose en elle trouvait
la force démesurée de perdurer sans abandonner
là effondré tout espoir de vie à venir
déjà frappée par la certitude que rien de clair ne se feraient jour
- qu'attendre de voir serait la condition de survie
d'un univers entier - comme elle percevait la voix en elle
qui n'annonçait rien de net ni même les images qui lui
revenaient déjà échappées mais qui laissaient entendre
le tintement effarant des formes nouvelles discrètement,
inlassables insatiablement venues tenter de pousser la porte
ouvrant sur un autre territoire

∗∗∗

Etienne Ruhaud, Animaux

La couverture, qui représente un animal imaginaire, et le titre, Animaux,  laisse à penser qu'il s'agit ici d'un bestiaire. Oui, mais rien en lisant la table des matières on s'interroge. Trente noms d'animaux fabuleux, ou imaginaires, ou c'est la même chose, fantasmagoriques, et parsemés çà et là de quelques noms de choses, ou d'animaux, des vrais. Alors qu'en est-il ?

Des "BAIGNOIRES", des "GRAVES", des "DRAGONS", des "KUBUTIS", des "LUNES", des "MANES", des "SCORPIONS", des"VAMPIRES", des "TRUFFES", des "DISQUES", des "DORSES", des "KRUGS", des "OURANIS"... A ces substantifs inventés succèdent d'autres noms qui convoquent des éléments connus mais hors de leur usage usuel, car les disques deviennent des animaux, les lunes aussi, les truffes... sans compter les vrais animaux, peu mais bien présents, comme pour conférer un aspect de réel à l'ensemble. 

Il faut attendre la lecture pour se laisser imprégner par la richesse du lexique, la précision des descriptions, et la teneur poétique de ces poèmes en prose. Chaque animal se voit consacrer quelques paragraphes relativement courts, en prose, rythmés par des alinéas. 

Etienne Ruhaud, Animaux, Les éditions unicité, 2020, 49 pages, 12 €.

Etienne Ruhaud, tout comme Francis Ponge, fuit le lyrisme et toute trace de subjectivité, ou presque. Il dessine, grâce à cette prose poétique d'une grande richesse, des mondes qui deviennent réels. Mais ces description ne s'attachent pas à tracer les contours d'éléments appartenant à notre univers familier. Et c'est ce qui distingue son entreprise de celle de Francis Ponge. L'auteur applique cette même précision, quasi scientifique, et le souci de décrire minutieusement l'animal considéré, à créer une réalité tout à fait fantasmagorique. Alors, peut-être comprendre que, justement, nous ne sommes plus dans le monde d'autrefois, dans la quotidienneté pongienne, où les éléments qui composent notre univers familier sont encore identifiables et rassurants. Non. Le monde a changé nous dit Etienne Ruhaud. 

Plus rien ne se ressemble. Plus rien ne peut être appréhendé comme autrefois. Notre réel a disparu. A sa place, il y a un monde où l'imaginaire peut nous permettre d'ouvrir à des représentations inédites. Plus encore, dans cette réalité fantasmagorique, incroyable, inimaginable, il y a en filigrane de la violence, des menaces, mais aussi des pistes pour déjouer les pièges, éviter les enfermements dans un quotidien qui ne tient plus, ne signifie plus rien. Les champs lexicaux de la violence, de la cruauté, émaillent les poèmes. Les Scorpions  sont utilisés par "l'état" "pour éliminer les gêneurs. Opposants, marginaux et délinquants ont aussi disparu de la cité, réduits en charpie, enterrés en fosse commune, loin des regards". 

Enfin, et puisqu'il s'agit de poésie, il faut apprécier la puissance de cette prose qui fait de la précision des descriptions un chant non plus lyrique, puisque l'individu lui aussi est soumis à dislocation à notre époque, mais initiatique. Le langage trace les routes d'une évasion possible dans une autre appréhension du réel qu'il est permis d'entrevoir lorsqu'il est ainsi décrypté grâce au travail libératoire de la poésie, qui devient un outil fabuleux pour déjouer les pièges d'un imaginaire collectif qui endort notre esprit et nous enferme dans des représentations figées.

 

LES LUNES

    Vastes méduses volantes, descendues des plateaux du
ciel. 

    La forme est presque ronde. La surface tachée de cra-
tères, de crevasses, de varices, balafres sur une peau grise et
rugueuse, éléphantesque.

    Enormes ballons à moitié dégonflés, flottant par-dessus la
ville, les champs, apparus après le mois de pluie, comme
des saletés à l'horizon,  un point noir, une fièvre. Fausses
planètes de charbon.

∗∗∗

Eric Dubois, Somme du réel impulsif.

Qui présente encore Éric Dubois. Sa poésie est prégnante, puissante, fabriquée d'images, de métaphores et d'ellipses. Somme du réel implosif rassemble plusieurs opus, et se termine par un entretien de l’auteur avec etienne Ruhaud.

Bien que datant d'époques différentes, ces poèmes témoignent de la poésie d'Eric Dubois. Le vers est court et parcimonieux, comme pour laisser à l’espace scriptural la possibilité de dire l’impossible, ce que tente le poème, toujours. Les trois chapitres : lyre des nuages, le silence sur la dune et assembler les rives donnent la tonalité de l’ensemble. Il s’agit de cheminement intérieur, il est question de comtemplation, mais pas à la manière des romantiques. Les épanchements lyriques ne sont jamais personnels, et le pronom utilisé est celui de la troisième personne du singulier. Le lexique est travaillé comme on sculpte dans le marbre une statue dont on voudrait qu’elle révèle le visage de l’humanité. Le poète procède par touche non pas de couleur, mais sonores, lourdes et amples malgré l’économie de mots. Comme le peintre accomplit le geste juste pour déposer le point, la ligne ou la courbe, à l'endroit exact qui fera du tableau l'essence même de la représentation, Eric Dubois dépose le mot, l'unique, pas un autre, qui viendra former un ensemble incontournable, complet, fini et ouvert à toutes les potentialités sémantiques dans le même temps.

Cette écriture évoque les paysages, l'urbanité parfois déchirante quand on est seul parmi la foule, elle rend compte des perceptions du poète, restituées à travers le prisme d'une sensibilité qui permet une traversée des évidences et des contours du réel. 

Eric Dubois, Somme du réel impulsif, Les éditions unicité, Saint-Chéron, 2021, 91 pages, 13 €.

L'aube est difficile
le paysage semble plat

Il n'y a pas de césure

Il n'y a pas de établi
où poser le geste

Il y a cette langue de naître
une écume de la ville

Banlieue d'être

Un instant qui déshabille le champ 

Le compte juste de l'incertitude.

 

Poésie lyrique, poésie de la recherche de soi à travers le monde reçu dans un silence fertile, poésie de la solitude et de la confidence. Mais les éléments biographiques perceptibles ne sont jamais l’alibi d’un lyrisme lourd et ravageur. Le poète s’efface et laisse place à ce qui est. Il décrypte le monde, et rejoint en cela l’acception du poète qui serait le mage, le guide sur ce chemin toujours initiatique qu’est la découverte de soi-même. La confidence est discrète et la présence du poète ne se décline pas dans des pronoms personnels de première et deuxième personne, elle ne transparaît que  dans les ressentis et une appréhension du monde sensible et prégnante :

 

Tout geste est précaire
dans l'impossibilité de comprendre

Toute issue et corde sensible

L'eau de la mémoire
se souvient

Quand la mort regarde droit
dans les yeux

Quant au silence sur la dune
il est principe du vent

Rêve des étoiles accrochées
aux maisons lentes

Les mouvements du monde
déplacent les épaules

Chaque déferlement précise
la pensée du geste

On n'est pas sorti de la nuit

 

Plus que jamais, la poésie est le principe du vent, ce qui érode et balaie les superfluités qui masquent l’essentiel, ce qui envole nos perceptions jusqu’à ce monde de silence et de partage qu'est le poème qui mène à cette  conscience qu'il n’y a rien d’autre que ce silence, la poésie.

Présentation de l’auteur

Christine Guinard

Christine Guinard vit entre Paris et Bruxelles où elle enseigne le français et les langues anciennes, après des études de lettres et de philosophie.

Elle a traduit du catalan et présenté aux éditions Mare Nostrum (2012) le Journal d’un Réfugié catalan, cahier d’exil rédigé lors de la Retirada sous le pseudonyme Roc d’Almenara.

Oscillant entre la musique, l’image et l’écriture, elle publie ses poèmes dans diverses revues littéraires, La Femelle du requin, Thauma, Tapages, Contre-Jour, Poésie première, Recours au poème, Triages

Son travail a évolué en résonance avec la photographie ; le projet « Chambre avec vue », transformé en installation vidéo lors d’une résidence au 104 à Paris, a été exposé au Brass, à Bruxelles, en 2015.

Christine Guinard

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Présentation de l’auteur

Etienne Ruhaud

Né en 1980 à Rennes, Etienne Ruhaud est un poète et écrivain titulaire d’un master de lettres et d’un DUT “Métiers du livre”. Il est l’auteur d’un recueil poétique (Petites Fables, Rafael de Surtis, 2009), d’un essai littéraire (La Poésie contemporaine en bibliothèque, L’Harmattan, 2012) et d’un roman (Disparaître, Unicité, 2013). Il collabore régulièrement aux revues Diérèse, Empreintes et tient un blog : http://etienneruhaud.hautetfort.com/

Poèmes choisis

Autres lectures

Présentation de l’auteur

Eric Dubois

Eric Dubois est né en 1966 à Paris. Auteur, lecteur-récitant et performeur avec l’association Hélices et le Club-Poésie de Champigny sur Marne. Auteur de plusieurs recueils dont « L’âme du peintre » ( publié en 2004) , « Catastrophe Intime » (2005), « Laboureurs » (2006), « Poussières de plaintes »(2007) , « Robe de jour au bout du pavé »(2008), « Allée de la voûte »(2008), « Les mains de la lune » »(2009), « Ce que dit un naufrage »(2012) aux éditions Encres Vives, « Estuaires »(2006) aux éditions Hélices ( réédité aux éditions Encres Vives en 2009), « C'est encore l'hiver » (2009), « Radiographie », « Mais qui lira le dernier poème ? »  (2011) aux éditions Publie.net, « Mais qui lira le dernier poème ?  »  (2012) aux éditions Publie.papier, "Entre gouffre et lumière " (2010) aux éditions L'Harmattan , « Le canal », « Récurrences » (2004) , « Acrylic blues »(2002) aux éditions Le Manuscrit, entre autres.    

Textes inédits dans les anthologies  Et si le rouge n 'existait pas ( Editions Le Temps des Cerises, 2010) et Nous, la multitude ( Editions Le Temps des Cerises, 2011), Pour Haĩti ( Editions Desnel, 2010) , Poètes pour Haĩti (L'Harmattan, 2011) Les 807, saison 2 ( Publie.net, 2012), Dans le ventre des femmes ( Bsc Publishing, 2012) … Participations à des revues : « Les Cahiers de la Poésie », « Comme en poésie », « Résurrection », « Libelle », «Décharge », « Poésie/première », « Les Cahiers du sens », « Les Cahiers de poésie », « Mouvances.ca », « Des rails », « Courrier International de la Francophilie »... Responsable de la revue de poésie « Le Capital des Mots ».

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Le poète face à l’Histoire

Un ami revuiste, me le disait il y a peu : beaucoup de poètes ont d’assez sérieux troubles psychiatriques et peuvent se confier facilement (et en masse) à un de leurs interlocuteurs même et surtout quand il est directeur de publication d’une revue.  Les revuistes ne sont pas payés cher !!

Éric Dubois, auteur d’une trentaine de livres de poésie dont certains publiés notamment par François Bon aux éditions Publie.net, nous livre un récit. Le texte nous emmène en 1996, année du grand basculement.  Je suis Élie. Je comprends les mystères de l’univers. Je lis le Traité de la réforme de l’entendement de Spinoza à toute vitesse. Je ne lis plus, je traverse les mots, les mots défilent très vite et m’imprègnent, plus besoin de compréhension, plus besoin d’analyse. Pour moi tout s’explique par le chiffre 5. J’invente un autre Spinoza, un Spinoza déiste.

Alors qu’il s’est toujours senti en décalage avec le monde des autres, Éric après une série d’humiliations radicales à son travail où il est le souffre-douleur de ses collègues ; alors qu’il rencontre aussi Myriam, une femme qui n’a plus les critères de celles qui l'ont précédée ; advient une crise mystique et la chute dans un monde de signes où il est et il se sent appelé (les voix) : Élie. Cette identification à la judéité va s’expliquer par une histoire familiale en lien indirect avec la Shoah.

Eric Dubois, L’homme qui entendait des voix –  
illustration de couverture de Jacques Cauda,
Unicité : 2019, 54 p. 13 €

Avec détachement et quelques touches d’humour, on est bien sur différents thèmes pas légers du tout : le harcèlement et le délire, avec une structure du texte qui emmène sur le dialogue avec le psychiatre, la voix du psychiatre et ses interventions. Avec un détail : l’auteur évoque deux thérapies successives. Je me débarrassais de ma timidité en usant de subterfuges que sont l’alcool et le cannabis. Un parcours christique. D’ailleurs il pardonne à ses tortionnaires ; il les considère, s’inquiète presque pour eux. Après l’écriture de son texte, il peut, comme tous les autres hommes et femmes sur la Terre, les aimer, là où dans les moments d’angoisse cela était bien plus difficile. …

une violence du langage et une violence de soi qui se heurtent au mur d’incompréhension des autres.

Des humiliations cumulées à un manque de confiance en lui, à la consommation d’alcool et de haschich et peut-être cette peur de perdre Myriam, les voilà sans doute les prémices de ce que les médecins ont nommé une pathologie (qu’on oubliera de qualifier).

La gravité du propos se relâche dans l’exercice de l’autodérision de l’auteur : Vous devenez très vite des pandas, obèses voire asexués, si vous ne vous bougez pas, si vous ne vous intéressez pas à quelque chose et/ou à quelqu’un.   

Dans ce récit très bien mené, l’auteur parvient à gommer sa propre tragédie au profit de quelque chose de confiant qui se joue sans doute dans le levier du texte, le dialogue, qui n’est pas de soi à soi, mais construit autour de la voix thérapeutique apaisante où l’écriture et l’être social d’auteur et de poète doivent supporter à peu près à eux-seuls la question du sens, du sens à vivre, à poursuivre sa vie.

Revuistes et éditeurs, merci de nous signaler les poètes en parfaite santé psychique, ça ira peut-être plus vite que l’inverse.

Il y a plusieurs années, les médias se sont intéressés à Éric Dubois et à sa « performance » : il venait de créer une annonce sur le Bon Coin et ainsi fait savoir que lui, « le poète Éric Dubois cherche des lecteurs ». Réactualisons ici ce quart d’heure warholien avec quelques compréhensions de ce que peut être un désespéré besoin de reconnaissance post-traumatisme.

Lire l’auteur le soigne. 

Présentation de l’auteur

Eric Dubois

Eric Dubois est né en 1966 à Paris. Auteur, lecteur-récitant et performeur avec l’association Hélices et le Club-Poésie de Champigny sur Marne. Auteur de plusieurs recueils dont « L’âme du peintre » ( publié en 2004) , « Catastrophe Intime » (2005), « Laboureurs » (2006), « Poussières de plaintes »(2007) , « Robe de jour au bout du pavé »(2008), « Allée de la voûte »(2008), « Les mains de la lune » »(2009), « Ce que dit un naufrage »(2012) aux éditions Encres Vives, « Estuaires »(2006) aux éditions Hélices ( réédité aux éditions Encres Vives en 2009), « C'est encore l'hiver » (2009), « Radiographie », « Mais qui lira le dernier poème ? »  (2011) aux éditions Publie.net, « Mais qui lira le dernier poème ?  »  (2012) aux éditions Publie.papier, "Entre gouffre et lumière " (2010) aux éditions L'Harmattan , « Le canal », « Récurrences » (2004) , « Acrylic blues »(2002) aux éditions Le Manuscrit, entre autres.    

Textes inédits dans les anthologies  Et si le rouge n 'existait pas ( Editions Le Temps des Cerises, 2010) et Nous, la multitude ( Editions Le Temps des Cerises, 2011), Pour Haĩti ( Editions Desnel, 2010) , Poètes pour Haĩti (L'Harmattan, 2011) Les 807, saison 2 ( Publie.net, 2012), Dans le ventre des femmes ( Bsc Publishing, 2012) … Participations à des revues : « Les Cahiers de la Poésie », « Comme en poésie », « Résurrection », « Libelle », «Décharge », « Poésie/première », « Les Cahiers du sens », « Les Cahiers de poésie », « Mouvances.ca », « Des rails », « Courrier International de la Francophilie »... Responsable de la revue de poésie « Le Capital des Mots ».

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Eric Dubois, L’Homme qui entendait des voix

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Eric Dubois, L’Homme qui entendait des voix

Quand un poète devient romancier, il écrit L’Homme qui entendait des voix. A plusieurs égards, ce récit, autobiographie inclassable est remarquable.

Le sujet abordé témoigne d’un grand courage, d’une grande honnêteté ainsi que d’un altruisme qui a porté Eric Dubois de bout en bout de la rédaction de ces pages. Il y évoque la schizophrénie, ce trouble dont personne n’ose parler. On cache encore la maladie, surtout lorsqu’elle touche nos fonctionnements cognitifs. Mais il n’en est rien ici, avec cette écriture que l’on connaît déjà, l’auteur évoque des années de souffrances, de courage, d’intelligence, et sa victoire, à force d’adaptation, et d’honnêteté face à lui-même.

Un livre de très belle facture. On attend donc une histoire, une restitution du quotidien d’un protagoniste, une fiction, pourquoi pas. L’appareil tutélaire et les dispositifs paratextuels posent un horizon d’attente assez identifiable : un récit de vie, classification générique qui d’ailleurs apparaît sous le titre. Mais le poète va surprendre, et façonner son autobiographie de manière inédite…

Eric Dubois, L'homme qui entendait des voix, Editions Unicité, 53 pages, 13 €.

Il structure son discours grâce à des questions, qu’il se pose à lui-même, et qui lui permettent d’avancer au fil de thématiques qui ne suivent pas une chronologie particulière, mais se déploie de manière paradigmatique… Cette voix, celle de celui qui s’interroge, peut tout à fait être envisagée comme une des voix que l’auteur a entendues… Mise en œuvre qui devient en même temps allégorique du trouble.

Et justement, pouvait-on rendre compte de ceci, la schizophrénie, grâce à un langage dévolu à une restitution du réel, à la mimésis, à la fonction référentielle…? Cela semble difficile à moins de vouloir se contenter d’un récit qui serait bien entendu à même de proposer un descriptif émanant de la volonté de brosser un quotidien, certes souvent difficile, mais donné à connaître dans les détails d’une vie. Or il ne s’agit pas de donner à connaître. C’est tout le contraire. Il s’agit de faire comprendre, de toucher pour émouvoir. Alors, quoi de plus à même de restituer l’amplitude de cette existence, que cette prose que nous pouvons tout à fait qualifier de poétique ? L’écriture d’Eric Dubois révèle les non-dits, parce que poétique, touche au plus profond de nos âmes l’humain, la fraternité, ceci de nous qui est Eric Dubois. Le traitement syntaxique et les choix paradigmatiques permettent ce travail de la langue, lui offrent une réversibilité, une ampleur et une liberté révélatrices de tout ce que l’existence porte d’émotions, d’odeurs, de sentiments, et de ce poids immense d’un temps passé à rester debout, tenter de vivre, d’aménager un quotidien qui dérape souvent, mais laisse apparaître une voie, celle d’écrire.

On connaît l’œuvre poétique d’Eric Dubois, ses recueils, émaillés de perles et de bijoux sémantiques. Voilà une exploration supplémentaire, L’Homme qui entendait des voix, important parce que témoignage d’une âme à laquelle on ouvre l’immensité de la page, qui y effleure l’immanence de l’être, et le don du partage, plus haut que l’anecdotique, pour toucher à l’essence même d’une expérience partagée.

Présentation de l’auteur

Eric Dubois

Eric Dubois est né en 1966 à Paris. Auteur, lecteur-récitant et performeur avec l’association Hélices et le Club-Poésie de Champigny sur Marne. Auteur de plusieurs recueils dont « L’âme du peintre » ( publié en 2004) , « Catastrophe Intime » (2005), « Laboureurs » (2006), « Poussières de plaintes »(2007) , « Robe de jour au bout du pavé »(2008), « Allée de la voûte »(2008), « Les mains de la lune » »(2009), « Ce que dit un naufrage »(2012) aux éditions Encres Vives, « Estuaires »(2006) aux éditions Hélices ( réédité aux éditions Encres Vives en 2009), « C'est encore l'hiver » (2009), « Radiographie », « Mais qui lira le dernier poème ? »  (2011) aux éditions Publie.net, « Mais qui lira le dernier poème ?  »  (2012) aux éditions Publie.papier, "Entre gouffre et lumière " (2010) aux éditions L'Harmattan , « Le canal », « Récurrences » (2004) , « Acrylic blues »(2002) aux éditions Le Manuscrit, entre autres.    

Textes inédits dans les anthologies  Et si le rouge n 'existait pas ( Editions Le Temps des Cerises, 2010) et Nous, la multitude ( Editions Le Temps des Cerises, 2011), Pour Haĩti ( Editions Desnel, 2010) , Poètes pour Haĩti (L'Harmattan, 2011) Les 807, saison 2 ( Publie.net, 2012), Dans le ventre des femmes ( Bsc Publishing, 2012) … Participations à des revues : « Les Cahiers de la Poésie », « Comme en poésie », « Résurrection », « Libelle », «Décharge », « Poésie/première », « Les Cahiers du sens », « Les Cahiers de poésie », « Mouvances.ca », « Des rails », « Courrier International de la Francophilie »... Responsable de la revue de poésie « Le Capital des Mots ».

http://le-capital-des-mots.fr

http://ericdubois.jimdosite.com

http://ericdubois.net

Poésiemag.fr

Crédit Photo : © Frédéric Vignale.

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Eric Dubois, un chemin de vie plus qu’un parcours

Eric Dubois, un chemin de vie plus qu’un parcours 

Voici des années, des décennies, qu’Eric Dubois ne cesse, poursuit, chemine, accompagnant cette évidence qui est sienne, écrire. Il se définit lui –même comme

Eric Dubois : poète du quotidien

Cela sonne bien

Tu auras passé toute ta vie
A chercher

A avoir un prénom et un nom((Eric Dubois, Entre gouffre et lumière))

Auteur, lecteur-récitant et performeur il publie plusieurs recueils dont « L’âme du peintre » ( publié en 2004) , « Catastrophe Intime » (2005), « Laboureurs » (2006), « Poussières de plaintes »(2007) , « Robe de jour au bout du pavé »(2008), « Allée de la voûte »(2008), « Les mains de la lune » »(2009), « Ce que dit un naufrage »(2012) aux éditions Encres Vives, « Estuaires »(2006) aux éditions Hélices ( réédité aux éditions Encres Vives en 2009), « C'est encore l'hiver » (2009), « Radiographie », « Mais qui lira le dernier poème ? »  (2011) aux éditions Publie.net, « Mais qui lira le dernier poème ?  »  (2012) aux éditions Publie papier, "Entre gouffre et lumière" (2010) aux éditions L'Harmattan, « Le canal », « Récurrences » (2004) , « Acrylic blues » (2002) aux éditions Le Manuscrit, entre autres.   Beaucoup d’autres textes paraissent dans des anthologie ou revues. Enfin, ultime engagement de cet auteur tant actif que talentueux, il est le responsable de la revue de poésie en ligne « Le Capital des Mots ».

Eric Dubois, Le Cahier, Le Chant sémantique, Choix de textes 2004/2009, L'Harmattan, 169 pages, 17 euros.

D’une écriture quelque peu classique, dévolue à un lyrisme émouvant et à des interrogations sur la place du poète dans un monde qu’il ne cesse d’interroger, Eric Dubois se définit lui-même comme « poète du quotidien ». Ses premiers recueils convoquent tout un univers, singulier, celui de l’environnement de l’auteur, support d’un questionnement ontologique. Le poète, dans une prise en compte du quotidien, interroge ses propres perceptions, et sa raison d’être au monde, questionnement premier et permanent, qu’il s’agisse de restituer une vision extérieure, ses propres états d’âmes, ou, dans les derniers recueils, le langage lui-même. Il évoque, dans un syncrétisme temporel, ses souvenirs, ses pérégrinations mentales, et, toujours, son rapport à l'écriture. 

 

Le Cahier

 

Quelques notes raturées                                          tu écris qu'il
est impossible d'écrire dans cet état

 

Tu ne veux pas de ce monde consumériste                        des
lignes d'écriture                      serrées                              plus de
dyslexie infantile.                         il t'arrive parfois de bégayer
des mots improbables dans une langue incertaine dans une
syntaxe schizophrène

Parfois de songer à ton  adolescence   et à ta jeunesse
périlleuse     sur le chemin des restes de                   cahier de
poèmes écrits à dix-sept ou à vingt ans

Matériau pour une analyse plus approfondie

Mine d'or minée pour les                        thérapeutes patentés
tu écrivais pour les filles n'est-ce pas ?

On écrit pour coucher des mots                                         pour
coucher avec                      pour se coucher                             et
dormir avec l'amour. 

Sur le blanc du papier                                                   le noir de
tes pensées                                                le calque de tes désirs
l'encre de ton avancée                      sur des territoires fragiles

Tu as toujours avec toi un petit cahier. le cahier                  tu
écris qu'il est impossible d'écrire dans cet état                      il
t'arrive parfois de bégayer des mots   improbables dans une
langue incertaine dans une syntaxe schizophrène

Où écrire le poids de ton âme sur le balancier des mots

Sur les lignes après la marge                                     du définitif
Matériau pour une analyse plus approfondie

Mine d'or minée pour les thérapeutes patentés

Un texte                                               le texte de ta peau irriguée
du sang des mots

Tu as toujours avec toi un petit cahier. le cahier                     tu
écris qu'il est impossible d'écrire dans cet état                         il
t'arrive parfois de bégayer des mots improbables dans une
langue incertaine dans une syntaxe schizophrène((Eric Dubois, Le Cahier, Le chant sémantique))

 

L’énergie printanière et remarquablement lumineuse des premiers textes invite le lecteur à suivre le fil des pensées du poète, avec, bien souvent, l’expression d’une tension entre le réel et la perception qu’en a celui-ci. Le sujet est toujours mis en abîme. L’être évolue dans un environnement dans lequel il se reconnaît et/ou se perd. Dans les premiers vers d’Eric Dubois, tout comme dans  les derniers, la ténuité du poème n’économise pas le mot juste :  un moment de partage purement humain, une communion. Cette dimension réflexive ne quittera pas l’écriture d’Eric Dubois.
Mais dans Entre gouffre et Lumière, la confidence se fait plus présente, les interrogations plus profondes, et le poète partage avec son lecteur ses doutes, ses craintes et des problématiques toute personnelles, confidences qui évitent le ton bien trop empesé d’un lyrisme suranné… Il s’agit d’une posture réflexive, un discours qui énonce sa propre création en même temps qu’il rend compte de l’existence du poète.

Eric Dubois, Entre gouffre et lumière, L'Harmattan, 2010, 69 pages, 10 euros 50.

Tu cherches la pauvreté

Dire l’essentiel

Des mots
Le lyrisme et ses fioritures

Dernières salves encore

Dire jeu
plutôt que je((Eric Dubois, Entre gouffre et lumière))

 

Partagé entre une écriture poétique et sa réflexivité, Entre gouffre et Lumière marque un tournant dans l’oeuvre d’Eric Dubois…Fidèle à une syntaxe simple et protocolaire, il unit une écriture qui met en  abîme sa propre création  à une dramaturgie qui énonce encore des éléments du quotidien, prétextes à brosser les états d'âme du poète.

 

Eric Dubois, Chaque pas est une séquence, éditions unicité, 48 pages, 11 euros.

Et l’été fume
Je bois ma mélancolie

A la terrasse des bars
Je ne fume plus depuis quatre ans

Je regard les passants qui me regardent
Si je partais sans payer

Qui se cache derrière les lunettes noires ?
Les mots ne font plus recette ?

Toujours prégnante en arrière plan, dans les motivations à peine cachées,  ou bien énoncées de manière explicite dans les poèmes d’Eric Dubois, nous est montré l’envers du décor, celui d’une écriture poétique en recherche d’elle-même. Le discours est aussi celui d’un militant actif, qui porte la poésie, depuis toujours, la défend, et la promeut.

 

Un orage soudain
dans la nuit

Entre les tours
Une voix brisée

Est venue frapper l’esprit
qu’on entend encore au loin

Les mots nous manquent
Et qui va disparaître((Op. Cit.))

Si Entre gouffre et lumière marque un tournant dans l’oeuvre d’Eric Dubois, ses deux recueils suivants prendront la direction d’une poésie qui interroge le langage, et n’hésite pas à rendre compte de sa propre création. Une poésie de la maturité, qui tente de restituer en un discours touchant jamais exempt d’éléments biographiques, les raisons de sa propre existence. Le vocabulaire, ici encore, reste simple et explicite, tout comme la syntaxe. Mais alors, comment existe cette poésie, créatrice d'images évocatrices d'un discours qui mêle les traces d'un vécu lié intimement à sa raison d'être, l'écriture ? Il semble que l'émotion, cette envolée permise par le texte lorsqu'il dépasse l'anecdotique pour énoncer des archétypes, soit justement le fruit de ce parcours, celui du poète, car Eric Dubois est poète, avant tout, avant même d'appartenir au monde des hommes.

 

La peau du temps se retourne
massée sous le portes

Pierre dans la cohue du lichen
La passion est mouvante

Les formes se complètent
habiles abstractions

Dans le vent les papiers dansent
avec l’outil des mots à la base du nerf

Le pâle éclat du matin se reflète
dans les yeux mornes des passants

Qui vivent dans un hôtel dont
les rêves éclaboussent le sexe du ciel((Op. Cit.))

 

Eric Dubois énonce clairement ses motivations,  lorsqu'on considère l’exergue d’œuvre du Cahier qui s’ouvre sur une citation empruntée à Louis Aragon dans Le Paysan de Paris : 

 

C’est à la poésie que tend l’homme ; il n’y a de poésie
                                                                 que du concret

 

Chaque pas est une séquence, car la prégnance de la vie dans la poésie, et de la poésie dans l’existence est ce qui façonne l’œuvre du poète.

 

Chaque pas est une séquence

Il y a le mot comme au pied des choses
pour caler la phrase

La langue un départ

La pluie un chasseur
quand le mot devient une chose

La langue est un dédale

Chaque homme est un nuage

Le livre à venir s’ouvre sur le silence

Il y a toujours un regard attaché à un autre regard
s’il n’est pas brisé((Eric Dubois, Chaque pas est une séquence))

 

 

Et c’est, enfin, avec Langage(s), qu’Eric Dubois atteint un palier qui offre à son écriture une dimension supplémentaire. Je me permettrais d’y voir une sorte de manifeste poétique, dans lequel le poète nous livre ses réflexions sur le travail de la langue et sur la trame pluri-dimensionnelle du poème. Jouant avec l’espace scriptural et les typographies, il se sert désormais de ces deux éléments pour soutenir des réflexions  sur ce qu’est "écrire"…

D’une écriture qui convoque une vision du réel transfigurée par le travail de la langue, Eric Dubois a atteint sa maturité poétique et nous en restitue l’essence, dans Langage(s). Le changement, progressif et subtil transparaît dans un emploi de champs lexicaux qui rendent compte de sujets encore jamais abordés. Dans un emploi syntaxique plus savamment orchestré par des scissions et des accolements de vers, Eric Dubois, outre le fait d’intégrer l’espace scriptural à la production de sens, évoque alors des problématiques qui mènent le lecteur dans des univers inédits. C’est le travail du temps, de l’existence, enfin rendu palpable grâce à une poésie subtile et révélatrice de sa propre existence.

 

 

 

Eric Dubois, Langages, éditions unicité, 2017, 57 pages, 12 euros.

Des tous premiers écrits, qui proposent une vision du réel teintée de subjectivité, au déploiement d’une poésie qui problématise l’emploi du langage, et interroge l’espace de l’écriture, sa possible perméabilité à une transcendance souhaitée, et recherchée depuis toujours par le poète, Eric Dubois nous offre  la maturation d’un face à face avec lui-même, poète, celui-là même qui émerge, et disparaît derrière le travail vertigineux de la poésie qu’il nous offre .

 

Ecrire c'est tutoyer la mort

Dire l'impossible

Ecrire ou mourir

On laisse des mots en héritage

 

On partage le sensible avec les mots qu'on isole dans des
cages

vides

 

Ajuster le pourquoi et le comment    Interroger l'espace

 

Quelque chose qui ressemble à un départ promet l'aube
claire

met de la couleur au monde et de la tristesse aux arbres 

Quelque chose comme les dents du ciel

Quelque chose comme les bruits de RER

On met toujours des mots au corps

des mots au présent

des mots à la présence charnelle

aux vêtements des malades

 

Et puis, je laisse de côté toute velléité d’analyse, d'interprétation, tout désir de rendre compte des textes d’Eric Dubois, parce que j’ai ce désir de partager avec vous ce qu’est la poésie, qui est communion, au-delà du langage. Alors, voici :

 

 

Cristallisation du désir et hommage
amoureux

 

Je te sais assise active assise active dépendant des saisons
dépendant des saisons de leur cours imperturbable de leur
cours imperturbable et pendant que tu marchandes tes
derniers strings pour quelques lingots d'or dans quelques
marchés aux esclaves nous sommes tes amoureux captifs
tes amoureux captifs toujours en quête de ton amour de
ton amour et d'un retour d'affection mais tu ne nous
écoutes pas occupée à marchander ta lingerie fine dans
quelques souks tu ne nous écouteras pas désireuse de faire
le commerce de tes charmes à quelques séniles
impuissants et prothésistes dentaires tu ne nous écouteras
pas non  tu préfères te vendre tu ne nous écouteras pas tu
sais pourtant que nous t'aimons pour ce que tu es et pour
ce que tu représentes aussi l'amour faite femme l'amour et
je te sais assise active assise dépendant des saisons
dépendant des saisons de leur cours imperturbable de leur
cours imperturbable et pendant que tu marchandes tes
derniers charmes pour quelques sonnants et trébuchants
nous nous morfondons de désir d'un désir coupable certes
mais véritable que peut faire la alerte impuissance face à la 
féminine assurance que tu déploies
jour après jour avec tant d'énergie sas cesse renouvelée
rien dites vous et vous avez raison rien absolument rien et
nous pouvons toujours croire à des lendemains meilleurs
avant le passer du rideau final oui mous pouvons espérer
toujours ton retour.




Eric Dubois, Quel éclat si soudain

 

Quel éclat si soudain
cherche l'imparable

Le chien renifle les aspérités

Tout semble en accord

 

Le monde a une étrange lueur

 

 

 

Juin 2014




Eric Dubois, Ne rien savoir de l’ombre

 

Ne rien savoir de l'ombre
des bruits autour

de la clémence des fantômes

Schizophrénie blues
portes disjointes

Schizophrénie blues
portes fermées du silence

Chaque cri est un sac
un sac de viande

Un poumon de tempête
la bête égorgée des souvenirs

Ne rien savoir du temps
des yeux bleus du monde

Juin 2014
 




Eric Dubois , La permanence de l’oubli

 

La permanence de l'oubli
jette un masque sur les ombres

C'est un cas de figure imposée
de tombeau sacrilège

Le Dieu des innocences bafouées

Il faut désormais oeuvrer pour
la présence

La pierre du repli
seul paraphe du langage

 

Juin 2014




Eric Dubois, Joinville le pont

 

La ville plonge dans l'Hiver
avec la fièvre de l'oiseau

Les lèvres gelées de la Marne
et les prières défuntes du soir

Au Printemps le pont
sourit de ses dents de mammifère
dégingandé

L'été la musique
emporte des provisions
d'aube fraîche

Et l'Automne rassemble
les souvenirs des amants transis

Le Canal boit aux silences
de la rivière

 

Juin 2014
 




Eric Dubois, Consentir

 

Consentir
à l'oubli

au souvenir
prescripteur

C'est puiser à
l'eau des ciels changeants

C'est ici c'est là
la question primordiale

 

Juin 2014