Maria Mailat, Entre les arbres, quelques images & sentiments

 

Encouragement

Un arbre chante dans ses branches,
une ombre traverse la poussière,

lève la tête, lève-la vers les cimes qui accueillent
la sérénité lavée dans les larmes des nuages.

Le poème - auge, goutte après goutte, recueille
le silence des morts assoiffés de tes souvenirs.

Les anges te laissent leurs ailes qui font corps
avec l’inépuisable pauvreté de tes espoirs.

En marge d’une bibliothèque

Imagine le geste du bûcheron avec sa hache
quand la langue saigne sur la page blanche.

Ferme les yeux et vois tomber le micocoulier,
le cèdre du Liban, le sapin, l’amandier.

                                                            - Et mon arbre ?

Privé d'un nom donné par les poètes,
c’est un arbre à moitié brûlé.

Ses feuilles rabougries rappellent mes manuscrits
avec les ratures qui les rendent indéchiffrables.

L’encre se lit dans l’écorce de mon arbre.
La mousse, le lierre et les ronces aussi.

Il n’y pas un seul jour où je peux dire sans faillir
que j’arrête d’écrire.

Je continue à gratter les mots nichés
sous ma peau illettrée.

En rêve

Je pense à toi, mon arbre debout
accroché à l’air entre terre et ciel,
à tes racines plongées dans les miennes,
celles que je porte en exil.

En rêve, je touche ton tronc et lui parle.
Ton silence me répond.

                                                     Egal à lui-même
                                                     l’arbre n’a besoin d’encouragements.

                                                     Une pluie d’été lui suffit.

Amour confiné

Amour en exil que je materne depuis tant d’années, d’où vient la voix
qui me demande de te laisser tomber, te perdre dans les anciens contes
de fées? Et de noircir tes sourires, les effacer dans mes nuits blanches ?
Devrais-je t’abandonner comme si mon cœur était le moyen de transport
d’un sentiment douteux coincé entre le ravissement des étoiles filantes
et les larmes noyées dans la boue ?

Amour-fardeau, tu peux encore jouer, me piéger, me faire tourner en
rond entre les espèces en voie de disparition. Même si l’oubli te séduit,
tu te rappelles les petites et les grandes guerres traversées dans la
caverne des passions.

Désormais, tu n’occupes plus qu’une minuscule salle d’attente ou,
plutôt, une sorte de ruine isolée en haut d’un rocher où les crocs de la
solitude nous tiennent captifs dans la gueule du temps qui n’aime
personne.

Lettre à Ossip

Et sur le seuil du silence,
au milieu de l’amnésie de la nature
Ossip Mandelstam

 

La raison a perdu le jeu millénaire contre la belle promise des foules,
la déraison vénérée avec sa progéniture, l’ignorance gavée de peur qui
pèse lourd sur la balance de la vérité.

La poésie fut expulsée de la cité de Platon et la pierre philosophale s’est
noyée dans les flots des cauchemars, dans la bave des générations de
têtards armés comme un jour normal d’apocalypse.

Sous le poids des têtes blessées, déchiquetées, trépanées, la Terre
entière s’aplatie, elle n’est plus ronde, parait-il, et le ciel se remplit de
débris, d’odeur de cadavres brulés, de sombres fumisteries.

Mais la poésie protège ses mots emportés sur un radeau de fortune,
guidée par l’étoile de la mélancolie, elle survit grâce à l’exil, tiraillée
jour et nuit, entre l’impossibilité de se taire et l’impossibilité de dire.
Son cœur bat au rythme de cette contradiction nommée aporie.

Sa beauté scintille sur une mer agitée quand les poèmes submergés de
désespoir lui posent une seule question qu’elle n’ose répéter qu’en
chuchotant: quel chant, quel silence faudrait-il inventer pour que les
hommes cessent de s’entretuer ?
 

Abda sur les traces de Miklos Radnoti

Sur la route, des poèmes – boucliers, murmurés par cœur, garde-fous
pour éviter l’abîme qui m’attend dans la puszta: armée de quel courage,
je voyage en Hongrie entre Budapest et Abda ?

L’amertume alourdit les paupières des voyageurs qui se tiennent debout
dans le couloir étroit d’un train fantôme. Je guette la gare d’Abda, lieu
banal d’une descente aux enfers.

En hébreu, le mot Abda signifie serviteur du Dieu, nom propre scellé
dans les généalogies bibliques transmises par Néhémie : Matthania, fils
de Michée, fils de Zabdi, fils d’Asaph, et Bakbukia, le second parmi ses
frères, et  Abda, fils de Schammua, fils de Galal, fils de Jeduthun
.

Et Miklos Radnoti, frère d’un jumeau mort pendant l’accouchement,
fils d'Ilona Grosz, elle aussi morte pendant l’accouchement.

Miklos, fils de Jakob Glatter, juif de Transylvanie, converti au
christianisme à Budapest, captif dans un camp de la mort en Hongrie.

Poète sans paupières, il marche neuf cents kilomètres, marche forcée,
pieds nus, en hiver.

Miklos, une balle dans la nuque, un filet de sang derrière l’oreille gauche
et le poème prostré dans ses yeux grands ouverts.

Radnoti, enterré sans nom dans le marécage de la rivière, immaculé
visage encore vivant sous la terre gelée du charnier.

Miklos Radnoti, traducteur de Virgile et Dante, polyglotte cherchant à
sauver jusqu’au dernier souffle l’amour d’une langue éblouissante.

Et quel dieu souterrain protégea son carnet de poèmes manuscrits
enseveli et retrouvé parmi les squelettes du charnier d’Abda ?

Présentation de l’auteur

Maria Mailat

Maria Mailat, née le à Târgu Mureș en Roumanie, est une écrivaine française d'origine roumaine. Elle écrit et publie de la prose, de la poésie, des essais et des traductions de poésie du hongrois vers le français.

Bibliographie 

Romans

  • Sainte Perpétuité, ed. Julliard, 1998
  • La grâce de l'ennemi, ed. Fayard, 1999
  • Quitte-moi, ed. Fayard,
  • La cuisse de Kafka, ed. Fayard.
  • S'il est défendu de pleurer, 198 p., Éditeur Robert Laffont, 1988, (ISBN 222105430X) ; (ISBN 978-2221054307)
    • Wenn es verboten ist zu weinen (Version traduite en allemand) Verlag: Volk und Welt, 1991
    • Le roman est traduit et publié en Suède.

Poèmes

  • KLOTHO (premiul Voronca), Ed. Jacques Bremond
  • Cailles en sarcophage (Prix du Val de Seine), Ed. Editinter
  • Graines d'Antigone, ed. Editinter
  • Trans-sylvania, Ed. Signum
  • Abri/Redos, poèmes traduits en catalan par Anna-Maria Coredor, Ed. Tripod (Barcelona)
  • Constatin Brâncuși - une autobiographie, poème en prose traduit en espagnol par Natalia La Valle, édition bilingue, Ed. Transignum
  • Brâncusi ad aeternitas, poème en prose traduit en roumain par Carmen Vlad, édition bilingue, Ed. Transignum
  • Paroles de Volcan (Volcano Talk), poèmes traduits en anglais par Patrick Williams, édition bilingue, Ed. Transignum

Essais et théâtre

  • Silences de Bourgogne, ed. de l'Armançon (Bourse de littérature chez Jules Roy à Vézelay (Bourgogne))
  • Walter Benjamin et Bertold Brecht, rencontre à Port Bou, pièce de théâtre bilingue, traduite en catalan par Anna-Maria Coredor, Ed. Reremús.
  • Paul Celan rencontre Walter Benjamin, essai, postface à l'édition espagnole des poèmes de Paul Celan traduits par le poète Antonio Pous, Ed. Reremús (Spania)

Nouvelles

  • Intrare liberă, București: Cartea Românească, 1985.
  • Avant de mourir en paix, ed. Fayard, 2000.

Traductions

  • Agota Kristof, Clous: Poèmes hongrois et français, Carouge, Switzerland. Editions Zoé. 2016. 200 pages. (poèmes d'Agota Kristof traduits du hongrois au français par Maria Mailat)

Autres lectures

Maria Mailat, Brancusi ad aeternitas

Douze ans après une première biographie de Constantin Brancusi (1876-1957) publiée par les Editions Transignum1, Maria Mailat nous donne une seconde étude sur le sculpteur roumain. Ce second volume vaut son pesant d’éternité [...]




Jacques Cauda, Poèmes

Je lève les yeux

Sous la terre

J’ai du goût pour la lumière 

Les mains pâles

Que des choses : des phénomènes

Je lève les yeux : je n’aime pas me voir autrement

Que par petits morceaux de flammes

Brouille aux formes elles

Courent parmi nous

Sur la peau (c’est comme des âmes sur le papier)

Telle la prairie pour l’ardeur

Le feu fol pour l’ardeur

Enfant déjà des moments

Aux influences

Je me reconnais de cet œil

Sans bords

C’est le point de vue du Purgatoire 

Brillant de mille feux follets

Je marche sur le pré

J’ai tendu l’étant

La journée est finie

Ah Dieu que la guerre est jolie…

Je me promenais d’après une estampe
Du Corrège il s’agissait d’une
Allégorie de la Vertu je traversais
La vie les champs la ronce et les
Muriers noirs c’était ma condition
Sinon la guerre avait pris langue
Dans l’angoisse me disais-je en
Paressant dans l’herbe la tête
Empourprée de soleil rouge
Bien sûr l’allégorie représentait
Trois femmes la Guerre la Paix et
La Troisième pavoisant de bleu et
Jaune vêtue ne me disait rien pourquoi ?
J’avais emporté avec moi un livre
Au titre éloquent Héroïsme et victimisation
Qui commençait par les mots suivants
L’honnête homme maître de ses pulsions
Lorsque je vis un tas de bruyère
Il faisait chaud j’allais m’abriter sous
Un arbousier épineux aux côtés d’alisiers
Frais tout autour de moi les insectes
Rayonnaient dans l’air en nourrissant
Ma solitude ardente blottie dans l’ombre
Où brûlait l’image de la vertu sans doute
Étais-je le seul homme honnête capable
De comprendre la dessiccation du temps
Que rien ne venait assombrir ni les fraîches
Couleurs des fruits rouge orangé qui
Bruissaient sur mon être ni leur
Sourire de chair qui me laissa bouche bée
Ce matin-là comme un matin cocagne !

Je sentais mon œil en alerte
Maçonner la vie en rouge musculaire
Je me parlais à voix haute comme
Rempli d’espoir ah boire mon esprit
Qui se présentait dans l’ordre d’un
Discours que je pris soin de moduler
Cézanne ! La Montagne… Mais
L’herbe était si haute et
Si durs les cris d’oiseaux qu’ils m’em-
Pêchaient tout je restais dans l’herbe
Assis hébété malade de moi-même
Tandis que quelque chose une
Menace ? courait sur
La toile telle una persona rendue à
Aux démons à la Guerre jaune
Et bleu qui
Serpentait à mes pieds

Je rêvais un instant
Pour voir revoir peut-être
Ce subtil mélange indigo jaune et noir
Du même tonneau que la Diane et ses Compagnes
Vermeer de Delft n’est-ce pas
Chaste Diane trop vêtue à mes yeux
Qui l’habillaient d’une peau rose
Désemparée …

Je me réveillais nourri par une expression
Retrouvée (dans les Saintes Écritures) :
Paulo minus ab angelis
« Un peu en dessous du niveau des anges »
Chimère ! Qu’avais-je à faire
Avec le dessous des anges ?! J’étais allongé
Dans l’herbe à la dixième heure du
Jour avec l’arbousier comme couvre-chef
Fait d’épines et de fruits rouges
La lumière montrait la voie droite
Avec ce phrasé qui lui était propre
Et qui dénotait
Une calme assurance comme une
Pure splendeur
Dès lors qu’elle et Diane
S’équivalaient 

En tournant la tête posée dans
Le confort de mes cheveux qui ondoyaient
Dans le vert j’aperçus un ensemble de
Roches fessues mais longues Des roches
Bleu délavé dilué à la manière du Greco
Qui dans un curieux rapprochement
Comme mimétique
Firent de moi un être- étirement
Au gré progressif du plaisir que j’avais à
Me deviner dans la pierre
Des notes d’or tombées du soleil
Flottaient tout autour de moi
Nimbant mon Image je vis alors que
J’avais le doigt de la main droite levé
Le seul combat que nous puissions livrer
Est celui de la parole, disait-il
La main gauche tombante semblait défaite
Elle n’attendait plus rien Mes épaules
Saillaient en somme j’étais nu telle une
Âme enivrée & martyre
Du massacre jaune et bleu si joli…

CHAOS                                                                                    

Il y a des jours
Quand Chaos guerroie pour tous
Aux prix attribués
L’accourcissement des nuits
Pour garder sans vous écarter

Vous ne jugerez point car vous
L’avez fait
Vous vous collerez au
Déclin du soleil quand
Il sera

Tous vos efforts
Pour dire à la frontière
De peur des ossements
Alerte
Avec dix mille hommes

Et c’est après quoi
S’il y a une sortie
Dans la cour extérieure
La haine montera sur vous
Il sera

Souvenez-vous
Par le charbon et l’anthracnose
Sur le bois écrit
CHAOS
Et vivez vous

Il foule les tertres
Son nom vertical
Archi-tombal
Sans le jardin multiple
Cette charge de malheur

Prenez et mangez
Les faces de la terre
Les mains à l’œil au soleil
Faites étinceler la razzia contre le rude
Triomphe comme un feu

Exilé de sa glèbe
Si c’est en ce jour
Le voici non par la soif d’eau
Mais avec persistance
L’étain pris aux entrailles

Agrandir vos bouches
Prenez & mangez
Car le mal descend
Quand il faut saisir
Le vin pour qui va droit

Ô bovins suspendus
Machines maisons encloses
L’en-tête de la faute ici
Parmi vous
Ce ne sera plus le repos

Le jour de détruire
À jamais sa narine dans
Le passé sans parenthèse
De la mer à la mer
Depuis là

Le souffle vous l’avez entendu
Monté sur un âne
Il sera
En vos cœurs aux quatre coins
Comme le messager

Reste liquide long et délié
Prenez et buvez
La cape de bave près de la félonie
Gloire à son nom
Réponse/cendres

Longueur de narines
La mangeoire est pleine
Ceci est
Comme neige en été pluie à la moisson
Vous claudiquez langues médisantes

Encore des exemples
Le sort de votre maison
D’une terre lointaine
À l’angle d’un toit
Prismes

Rumeurs qui consacrent le carnage
Miel & entête des douleurs
Avalez et voyez
Ainsi soit-Il

Présentation de l’auteur

Jacques Cauda

Philosophie à la Sorbonne et cinéma au C.L.C.F., Cauda travaille pendant dix ans pour la télévision, il y réalise des documentaires aux titres évocateurs comme de Bœuf en bif, un film sur les abattoirs digne des meilleurs tableaux de Francis Bacon ; ou bien Se souvenir dix secondes ou toute sa vie, dont il a tout oublié… Il arrête le filmage pour peindrécrire tout son soûl. Près de cinquante bouquins : poésie, prix Joseph Delteil et de l’Institut Académique de Paris ; nouvelle, prix de la ville du Pecq ; roman, essai, correspondance, livre d’artiste… Et autant, sinon davantage, de livres qu’il illustre, dont le Purgatoire de Dante aux éditions Ardavena. Il est Toile d’or en 2010. Il obtient plusieurs Awards d'honneur à la Park Art Fair International (Genève) en 2011, 2012, 2015, 2016, et, en 2012, le Grand Prix de la Biennale d'Art Contemporain à Orléans. Ses œuvres sont conservées au Kattenkabinet (Amsterdam), au Musée d’Art Spontané (Bruxelles) à la Maison de Balzac (Paris) et à la Maison de Verlaine (Metz). Ses portraits sont entrés dans les collections du collectif Nuage Vert. Plusieurs biographies et essais lui sont consacrés dont le dernier en date, Dante, Sade, Rimbaud, Cauda (janvier 2025 aux Éditions Universitaires Européennes) est signé Paul Basso, professeur de lettres à la faculté de Lille. L’ouvrage paraît simultanément en plusieurs langues, français, anglais, espagnol, allemand, portugais, polonais, italien. Il est également président du prix littéraire Jacques Abeille/Léo Barthe, et dirige la collection de littérature (roman, nouvelle) La Bleu-Turquin, la collection Cour & Jardin (théâtre), et la collection Résonances(essai) chez Douro/Hachette.

Bibliographie 

  • Vers un effort visible, poésie, L'Échappée, 2002
  • Toute la lumière sur la figure, essai, Éditions Ex Aequo, 2009
  • Vox imago, roman, m@nuscrits Léo Scheer, 2009 et éditions Praelego, 2010
  • Lou, nouvelle, premier prix de la ville du Pecq, 2011
  • Je est un peintre, poèmes, Jacques Flament Éditions, 2012
  • Le bonheur du mal, poèmes, Kirographaires, 2012
  • Point de dimanche, nouvelle, Jacques Flament Éditions, 2013
  • Tous pour un, roman, Numériklivres, 2013
  • Amor', poèmes, La Matière noire, 2014
  • Le Bunker No 4, témoignage esthétique, Jacques Flament Éditions, 2015
  • Le Déjeuner sur elle, texte, éditions la Belle Époque, 2015
  • Les jouets rouges, poèmes, éditions Contre-Ciel, 2016[11]
  • Quand? Chant du Z, chanson de geste, Z4 Éditions, 2016[12]
  • Elle & Nous, poèmes & illustrations, éditions Flammes Vives, 2016
  • Comilédie, roman, éditions Tinbad, 2017[13],[14],[15],[16]
  • Ici le temps va à pied, poésie, prix spécial du jury Joseph Delteil, éditions Souffles, 2017
  • Les Caliguliennes, récit, avec des photos de Élizabeth Prouvost, Les Crocs Électriques, 2017[17],[18]
  • ORK, roman, éditions La P'tite Hélène, 2017[19]
  • OObèse, roman illustré, Z4 Éditions, 2017[20],[21]
  • L'amour la jeunesse la peinture, nouvelle, éditions Lamiroy, 2018[22]
  • P.A.L., récit, avec des photos de Alexandre Woelffel, Les Crocs Électriques, 2018[23],[24]
  • Vita Nova, récits, éditions Unicité, 2018[25]
  • La vie scandaleuse du peintre Jacques Cauda, roman graphique, Les Crocs Électriques, 2018[26],[27]
  • LA TE LI ER, essai, coll. « La diagonale de l'écrivain », Z4 Éditions, 2018[28]
  • Les Berthes, poèmes, coll. « Les 4 saisons », Z4 Éditions, 2018
  • Peindre, poèmes, avec une postface de Murielle Compère-Demarcy, Atelier Cauda, Clap, éditions Tarmac, 2018
  • Le Trou, nouvelle, avec deux illustrations, éditions Furtives, 2018
  • Mosca Moncul, petite histoire de l'art, avec deux illustrations, éditions Furtives, 2019
  • Les cinq morts de Paul Michel, nouvelle, collection Opuscules, éditions Lamiroy, 2019
  • AniMots, poèmes illustrés, Hors Série no 2 des éditions Chats de Mars, 2019
  • Sale trine, poème, avec une illustration, éditions Furtives, 2019
  • Profession de foi, récit, éditions Tinbad, 2019
  • Moby Dark, roman, éditions L'Âne qui Butine, 2020
  • Pigalle, nouvelle, éditions Les Cosaques des Frontières , 2020
  • Rue des Pyrénées, nouvelle, collection Crépuscule, éditions Lamiroy, 2020
  • Fête la mort, roman, éditions Sans Crispation, 2020
  • Jacqueries, correspondance avec Marie-Philippe Deloche, éditions Associations Libres , 2020
  • Da Capo al Coda, Fait divers, éditions L'Âne qui Butine, 2020
  • Gros Mickey, nouvelle, avec trois illustrations, éditions Furtives, 2021
  • Jésus kill Juliette Éloïse, journal, La diagonale de l'écrivain, Éditions Douro, 2021
  • Caméra Greco, essai, Marest éditeur, 2021
  • Paris rat le dernier aura, nouvelle, éditions Les Cosaques des Frontières , 2022
  • Les Inédits de Rimbaud, c'est nous , essai collectif, douze illustrations, couverture et texte intitulé "Rimbaud moi communard", La Bleu-Turquin/Douro éditions, 2022
  • Ah idée, texte, éditions Les Cosaques des Frontières , 2023
  • Chet & Gerry, texte illustré, éditions Les Cosaques des Frontières , 2023
  • Mégaligraphies, poèmes illustrés, Douro/Présence d'écritures , 2023
  • Florbelle, roman illustré, éditions Tinbad , 2023
  • Pronostic vital engagé, roman, éditions Sans Crispation, 2024
  • À sauts et à gambades, avec Philippe Pichon, essai, éditions Ardavena, 2024
  • L'Invisible ou agrandir le trou pour ne pas en sortir, essai , Résonances/Douro , 2024

Livres d'artiste

  • J'azz, poèmes avec trois illustrations, éditions Dumerchez, 2018
  • De l'Allemagne, Le nez dans la chatte, avec Christophe Esnault, Le Livre Pauvre, 2018
  • De l'Allemagne, Nietzsche ,avec Éric Dubois Le Livre Pauvre, 2018
  • De l'Allemagne, Cochers, avec Angèle Casanova, Le Livre Pauvre, 2018
  • La Grosse et les Cabots, apostilles avec une couverture et une mise en page de Danielle Berthet, collection Apostilles dirigée par Danielle Berthet, 2019
  • Le Pantalon ivre, roman graphique, éditions Qazaq, 2021
  • Carcasses, poèmes, textes, dessins, peintures, Collectif avec Marie-Philippe Deloche, Elizabeth Prouvost, Jean-Paul Gavard-Perret et Vanda Spengler, éditions Associations Libres, 2021
  • Le Jet d'oeil au beurre rouge, apostilles avec une couverture et une mise en page de Danielle Berthet, collection Apostilles dirigée par Danielle Berthet, 2021
  • L'eau et les rêves, avec Angèle Casanova, Le Livre Pauvre, 2022
  • Kiss me quick, Hommage à Mireille Boileau, collection Quelqu'une, éditions du Carnet d'Or, 2022
  • Nemo, avec Gregory Rateau, RAZ éditions « coll POV », 2022
  • La Crevie, avec Philémon Le Guyader, RAZ éditions « coll POV », 2022
  • L'amour nombreux, TheBookEdition, 2023
  • Le Vivier-sur-Mer, collection Quelque part, éditions du Carnet d'Or, 2023
  • Le Purgatoire, Dante traduit par Emmanuel Tugny, éditions Ardavena, 2024
  • Ah les fées !, collection Rara libris, éditions Bernard Dumerchez, 2024
  • Mathilde en espiègleries, avec Jean-Louis Hess, préface Christophe Bier, Ponte Vecchio éditions, 2024
  • Étant donnée, sur une proposition de Marcel Duchamp, ouXpo & Ponte Vecchio éditions, 2025

Préfaces et Postfaces

  • Janick Poncin ou le recommencement, Introduction à l'œuvre de Janick Poncin, Carnets d'Artistes, Jacques Flament Éditions, 2015
  • L'évangile bleuNuit, Voyage au bout du bleu, chant de Christian Edziré Déquesnes, Z4 Éditions, 2019
  • Terre Creuse, récit de Angèle Casanova, Postface et illustrations, Z4 éditions , 2020
  • Hans Bellmer, de Joseph Nosarzewski, Postface co-signée avec Étienne Ruhaud, La Bleu-Turquin/Douro , 2023
  • L'image de soi, de Olivia-Jeannne Cohen, Préface, Résonances/Douro , 2024
  • Paraboles sur le coeur, de Iren Mihaylova, Préface, Poésie.io , 2024
  • L'Art en bar, de Philippe Bouret, Préface, Tarmac, 2024

Poèmes choisis

Autres lectures

Jacques CAUDA, Les Berthes

 À propos de lecture poétique certaine – celle qui consiste à s’emparer du recueil d'un autre,  et non pour son auteur, à réciter le sien –, il y aurait ce critère : ce qu'il [...]

Jacques CAUDA, Fête la mort !

Quelle légèreté (pourquoi pas) inventer à la mort -ce boulet chevillé à nos corps périssables-, bravant l’idée d’une éternité post-mortem, franchi le sas d’un purgatoire inutile ? (comment pourrions-nous confesser nos éclats obscurs, nous [...]




A.P.A. Delusier, Fantôme blanc et autres poèmes

Pleure Guenièvre présence blanche le fils d’Uther                                                                               

Les spectres que les chants amènent jusqu’ici portent le masque      
Des morts Et le vent traîne vide sa coupe d’argent le long du sillon                                                         
Bleu Dîtes-moi quelle voix guerrière se lève du soir                                                                             
Pour vos cortèges et vos mêlées car les corneilles                                                                
Maintenant ont déserté Albion et accourent du côté                                                                             
Des terres sauvages Aussi de razzia en razzia la cendre                                                                        
Légère des maisons roule jusqu’en bas des vallées où                                                                                
Les montagnes noires prennent leurs racines où                                                                      
L’Ancien Cerf hante sans fin les bois de Valdone    
Qu’une nuée noire recouvre tandis que l’orage plonge                                                                  

Sur les herbes vertes des Cornouailles ses petits yeux                                                                          
Ouverts sur un pays endormi par rêve D’autres ailleurs                                                                        
Flottent sur cette mer engloutie où l'Île d’Ys songe à                                                                
D’autres cités qu’à celle qu’elle portait jadis                                                                                     
Sur son monticule de pierres dures glisse la brume                                                                  
Rampante de ses lagunes sèches La pente retournée                                                                             
De son exil Vieille maraude de matière rouge la Porte                                                                         
Pour toi reste ouverte comme on fait du blé dans les champs                                                                
Tranche l’eau caillouteuse où l’herbe verte n'a plus le même                                                                
Parfum au printemps Quel sort suprême reconnaître de ces                                                                   
Sources

                                        Je ne sais pas regarder sous la dernière stèle son corps                                     
                                        S’abandonner aux ombres comme un abysse de silence                                                
                                        Où le secret est un creux la lumière blanche mange les ténèbres                                    
                                        Comme un secret d’abysse creusé dans le silence Je pars

                                                                                                                     

Terre de givre

Longtemps après le départ des derniers chevaux                                                                                  
Sur le bord brumeux des rives de Belerion                                                                                           
Pour honorer une dernière fois les morts de Camlann                                                               
Quelques suppliantes restent pour prier                                                                                                  
Mais leurs regards sont du côté de la mer                                                                                
Guettant les derniers signes du vaisseau veule                                                                                     
De leur roi parmi la nuit essoufflée dans la forêt                                                                       

Le Mage est de nouveau muet et commence à                                                                          
Reprendre son antique forme d’animal couronné                                                                                             
Par les bois le battement de la neige fond                                                                                            
Sur le corps d’Arthur qui s’apprête à pénétrer                                                                                    
Les sentiers sépulcraux des flots sombres                                                                                            
La nuit est déjà morte comme une main qui se ferme                                                                           
Et la lune en mettant son manteau mièvre de poudres                                                                      
Grises ne bouge presque plus entre les étoiles et les ruines                                                                   

                                                           Le bâton du Mage ne viendra pas fouler cet enclos                                          
                                                           Ce dernier verger blanc n’est plus à leurs yeux                                                
                                                           Qu’un vaste champ désert

La voix de la mère

Quelle mort Arthur dans l’étreinte abandonnée de ton enfance                                                             
S’égare vers ici pour disparaître derrière la colline des vagues                                                           
Sous ta tête le casque de ton père songe à d’autres cieux et                                                                   
Ton épée Excalibur et ton bouclier Prydwen portent les mêmes                                                                   
Noms que la pierre et la barque que la forêt et la mer                                                               

Alors que dans le soir noir des nuits de la rive accouche un                                                      
Lendemain sans autre regard que celui de répéter son oubli                                                                  
Sa mort crie tout bas dans la matière de l’ombre et dans celle                                                               
Qui laisse un peu paraître une lumière un éclat un rayon                                                                               
De brisants et de fleurs déchirées à la vertu des rites                                                                

Mon enfant tu le sais maintenant aucune immortalité                                                                           
Ne règne dans le coeur de celui qui répand la haine sur le Royaume                                                    
Songe à l’ancien chêne et au sang-sève qui descend de son tronc                                                          
Transpercé par la lance du sorcier de la guerre dont le souvenir du feu                                                  
Agit encore comme un mirage comme à travers une brume                                                                  
Un soupir et un souffle creux                                                                                                  

En haut on ne voit plus de rayon plus de regard                                                                                   
Seule la solitude rompue par les sacrifices humains                                                                             
Dans le soir enfreint encore de nos heures rétrécies

Présentation de l’auteur

A.P.A. Delusier

 Alex Pierre Andrew Delusier (A.P.A. Delusier) est né en 1998, à Lorient (Bretagne). Professeur de Lettres Classiques et médiéviste, il est aussi poète et écrivain.

Depuis 2018, il contribue à de nombreuses revues de poésie contemporaine, parmi lesquelles Les Cahiers du Boudoir, Le Nouveau Recueil et la revue canadienne des Lettres du domaine.

En avril 2024, il fait paraître son dernier recueil aux éditions L’Harmattan, Tombeaux tristes. Son dernier livre, La peau des pierres, est paru en mars 2025 (Le Temps d’un Roman).

© Samantha Médeville, Plaine-de-Baud (Rennes)

Bibliographie 

 

-Les Mains mortes, 2015

-Philologiquement déchirés, 2015

-Sortilegium, 2016

-Les Obsèques de l’ours, 2016

-Magique chapelier fou, 2016

-Ce que dit un enfant en cueillant des fleurs… (avec Agathe Legrand), 2017

-Bru, croquis bretons, 2017

-Les Temples crépusculaires (avec Alexis Artaud), “Les Cahiers du Boudoir” (n°1), 2018

-Proêsie, “Les Cahiers du Boudoir” (n°2), 2019

-La répétition dans le Roman de Brut, L’Harmattan, 2022

-Histoire de la souffrance, 2022

-Le Fourvoyeur ou la fabrique de la fiction, Les Impliqués, 2023

-Tombeaux tristes, L’Harmattan, 2024

-La peau des pierres, Le Temps d’un Roman, 2024

Essai et traduction :

-La répétition dans le Roman de Brut, L’Harmattan, 2022

-Chrétien de Troyes, Erec et Enide, texte établi par Wendelin Foerster, traduit et annoté par Alex Delusier, L’Harmattan, “Poésie(s)”, 2023

 

Autres lectures




Étienne Orsini, DÉCHANTER, C’EST TOMBER D’UN REFRAIN EN MARCHE

Fin de miracle

Pourquoi les mots quand on les frotte
Ne font-ils plus de feu ?
Devra-t-on les jeter ces allumettes aux bouts noircis
Qui autrefois savaient édifier des brasiers ?
L’odeur du soufre s’est évanouie
Qui promettait la flamme

 

Fin de partie

La fin depuis longtemps
Avait été sifflée
Lorsque j'ai débuté
Comme être humain
Et aujourd'hui encore
Qu'une stridence me visite
En habits d'acouphène
Je la sais orpheline

 

Shibboleth

Interprété par un oiseau
Ce n’en était pas moins
Un authentique hennissement
Reconnaissable sans doute possible
À ses notes enchaînées

 

Gyere ki, te gyöngyvirág

Le monde s’écroulerait
-Et Dieu sait s’il s’écroule-
Une mélodie pourrait encore
Nous maintenir à flot

Un air venu de loin
Ou même de longtemps
Avec son roulement de larmes
Son muguet tout fané
Ses amours envolées

Une rengaine triste
Et si réconfortante
Prouvant par do plus la
Qu’il ya cent ou mille ans

Ces temps qui sont les nôtres
Avaient déjà pris fin

Semer l’ombre

Je m’éteins par hameaux successifs
Ajoutant à la nuit
En des endroits divers
Il n’est d’absence que je ne prêche
D’ombre que je ne sème
À me détacher des murets, des arbres et du ciel
J’ai pris le pli de disparaître
C’est une figure de danse
La seule
Qui me connaisse

En toute confiance

On prête au taciturne
Toutes sortes de secrets                                                                                                                     
Sans confession, on lui donne
Le diable
Ou les diablotins

 

Comme un rêve de botox

Avec un visage à zéro
Sans traits
Sans rides
Sans expression
Ni guillemets autour des lèvres
Tu en ferais une belle page blanche

In fine

Quand nous irons vers le ciel bleu
Aurons-nous des ailes ?
Quand le delta nous happera
Serons-nous des fleuves ?
Ce que nous deviendrons
Le sais-tu, toi chemin
À nous attendre comme un chien
Tandis que nous rechaussons nos guêtres ?

Kantilène

Un poème est question d’acoustique
Si tu n’as pas la voûte étoilée
En toi
Tu ne l’entendras pas

Grande dépendance

Un bruit ne sait rien faire tout seul
De son propre chef
Il ne connaît pas
Retentir lui demande du renfort
Et tout un équipage

À même le jour

Je n’avais pas encore revêtu les contours
Qui séparent du monde
Ni endossé ces forteresses
Qui font de la vie un combat

Je me tenais dans le matin
À même le jour
Affranchi de mon corps
De mes humeurs
Et de l’histoire anecdotique des hommes

Autour de moi
Tant de noms voletaient
Bien assez tôt
Ils se poseraient
Sur les monts
Sur les sommets
Sur la vallée et sa rivière
Sur ce qui fut créé
Ou spontanément généré

De tout le plomb de leurs syllabes
Ils s’en iraient lester
Ce qui serait doté d’ailes
Ou élytres élan désir
Et générosité

Du poids de leurs diphtongues
Ils viendraient réprimer
La moindre tentative d’envol

Il serait peut-être encore temps
De souffler
De se faire pétale en surnombre
Sur la rose des vents
Pour repousser à pleins poumons
Les phonèmes invasifs

À moins de laisser une mémoire défaillante
Éroder la toponymie
L’onomastique
Estropier les savoirs
Ou flouter la chronologie

Un matin passerait
La ballustrade rouillée ferait
Une assez pâle figuration

Un coq chanterait

Depuis que l’angelus
A cessé de sonner
C’est à lui qu’il revient
De proclamer midi
L’heure de Damoclès

 

In excelsis

Au jardin, si la rose
Lance un pétale à ton passage
Estime-toi glorieux

 

À la dérive

Nous avons quitté le temps ferme
Pour dériver vers des peut-être
L’Histoire que nous étions
S’est disloquée à notre insu
Hier craquelle à nos tympans
Et nous ne savons plus l’entendre
Il faudrait éviter de trop mourir
Par les temps qui courent

 

Épilogue

Notre vie d’après
C’est en filgrane
Que nous la vivrons
Dans vos pensées de papier-bible
À la merci d’un froissement
Furieux ou
D’un départ de feu

SON DIEU ETAIT VITRIER

Textes inédits d’Etienne Orsini

   Son Dieu était vitrier. Ou savant Cosinus. Ou titulaire d’un œil de verre.
   Le premier jour, il avait créé la lumière, le deuxième, l’éclat et le troisième, la transparence.
   Comme il trouvait que cela était beau, il avait aussi créé l’homme afin qu’il puisse participer à ce spectacle, en tant que spectateur, reflet ou souffleur de serres.
   Lui-même n’avait pas son pareil pour escalader du regard les plus hauts gratte-ciel, en quête de miroitements, de clins d’astres fabuleux, de pépites solaires. Il faisait les carreaux à l’aide de puissantes jumelles, les nettoyait de toute opacité. Il manipulait parfois les lamelles d’un ancien microscope à la recherche d’une lumière vieille d’au moins cent-cinquante ans. Peu lui importaient les vestiges de l’élevage de vers à soie, le naufrage de la vie minuscule et fragile ; seule comptait la lueur qu’il voulait coûte que coûte plutôt pâle, plutôt vive.
   Quand il avait plu, il sortait de chez lui, à la vitesse des champignons. Il aurait pu manquer la flaque et sa lumineuse homélie.
   Enfant, déjà, à l’aquarium, il n’avait pas vu les poissons, goupils ou raies mantas et les requins-marteaux lui avaient échappé. Une drôle d’irisation au bord biseauté d’une paroi l’avait retenu tout ce temps et il s’en souviendrait des décennies plus tard.
   Depuis qu’il avait découvert les serres, il s’y rendait le plus souvent. À peine en avait-il franchi la grille, qu’il se sentait chez lui. Il ne rentrait pas de sitôt dans la cathédrale de verre mais l’entourait de trajectoires compliquées qui ressemblaient à des étreintes.
   Sur les parois, tout faisait tache de couleurs. L’hibiscus tachait, le visiteur tachait, l’oiseau de paradis tachait et l’extincteur réglementaire.
   Il jardinait avec les yeux. Sarclait et binait sans relâche pour voir jaillir de nouvelles fleurs qui n’en étaient que l’ombre.
   Quand l’ayant contourné tant et plus, il pénétrait enfin au sein du Palmarium, on aurait juré qu’il s’était signé.
   Son Dieu était vitrier. Venait-il de s’en souvenir ?

   Aquariophile, son Dieu nous aurait observés depuis quelque point P inconnu de nous seuls.
   Avec passion, tendresse et vigilance, il aurait assisté à nos évolutions parmi les eaux-fantômes d’un océan en ruine.
   Rien de notre ballet ne lui aurait échappé. Il aurait perçu sans faillir sous le plus infime de nos gestes un battement de nageoire. Sous chaque frasque, une virevolte.
   Aquariophile, son Dieu nous aurait restitués à notre préhistoire.

Son Dieu nous aurait esquissés.
Tracés non pas créés.
Sur un tesson de pluie.
Avec toute la minutie d’un maître-verrier
Et la désinvolture d’un soudard
D’un trait d’esprit
Il nous aurait émis
Comme autant d’hypothèses
De plus en plus
Invérifiables

   Son Dieu pratiquait la lecture rapide.
   S’il nous lisait, c’était toujours à la vitesse de la lumière.
   Et s’il nous feuilletait, il mettait nos yeux hors d’haleine.
   Au bruissement de nos corps, on sentait sa présence,
ses pupilles érudites et ses mains palpitantes.
   Avec la fougue d’un autodidacte,
 sans mesure ni méthode,
   son Dieu pratiquait la lecture rapide.

   Son Dieu avait l’oüie cristalline, de celles qui vous métamorphosent les noirs torrents d’insultes en cascades de louanges.
  Muni naturellement d’un tel appareil auditif, comment aurait-il entendu nos péchés, nos turpitudes, nos peines et nos supplications ?
   Il faut imaginer son Dieu en parfait mélomane changeant nos croassements sans même s’en rendre compte en joyaux mélodiques.
   Amateur éclairé de la musique des sphères, son Dieu avait l’oüie cristalline.

   Une libellule prouvait son Dieu mieux que Thomas d’Aquin.
   Syllogisme parfait au bleu irréfragable.
   Indice pur et concordant.
   Dès lors qu’elle enseignait au peuple des roseaux
   CQFD de vie sur le tableau d’azur,
   une libellule prouvait son Dieu mieux que
  Thomas d’Aquin.

   Son Dieu entrouvrait des clairières dans la forêt des cœurs.
  Tachetant d’espérance le marasme vert sombre,
   il suffisait qu’il passe pour dissiper les ombres.
   Élagueur accompli de nos mélancolies,
   son Dieu entrouvrait

   des clairières

   dans la forêt des cœurs.

   Son Dieu taillait tantôt des diamants à Anvers, tantôt, dans l’Univers, sculptait des firmaments.
   L’instant d’un œil, il polissait des mondes. Pour rien, pour la beauté ou pour passer comme on tricote, toute l’éternité.

   Quand son Dieu dirigeait une chorale de lucioles, les étoiles affluaient de galaxies lointaines.

  

Photos © Etienne Orsini

Présentation de l’auteur

Étienne Orsini

Né en 1968, Étienne Orsini a publié depuis 2004 une quinzaine d’ouvrages, principalement des recueils de poèmes. Sa poésie a été mise en musique par l’ensemble Le Fil du Rêveur et, plus récemment, par le compositeur Laurent Coulomb, notamment dans le cadre du concours international Nadia et Lili Boulanger (création d’une pièce en octobre 2025).

Depuis 2014, il est en charge de la programmation culturelle et poétique de L'Espace Andrée Chedid à Issy-les-Moulineaux et anime des ateliers d’écriture. En 2018, il a présidé le jury du concours Poésie en Liberté, destiné aux jeunes de 15 à 25 ans.

Membre fondateur du groupe A Stonda, il donne régulièrement des concerts de polyphonie corse sacrée et profane.

Photographe à ses heures, il a exposé à plusieurs reprises à l’Espace Manufacture d’Issy et mis en résonance poésie et images dans ses livres Un paysage, à l'arbre près et Où le jour me traverse (L'Esprit de la lettre, 2014, 2018), Homme de peu de poids, Présence d’esprits (Via Domitia, 2022, 2023).

Autoproclamé Inspecteur général des flaques au Bureau international des ombres & reflets, il tient à ce titre une chronique en images sur sa page Facebook

Il a contribué avec ses photographies à l’album-CD Danser dans les cages du groupe Haxovox à l’invitation du poète Yekta.

Bibliographie 

La brasse coulée de la mésange, Unicité, 2024

Homme de peu de poids, Via Domitia, 2022

Etienne Orsini, Anthologie, coll. Poètes trop effacés, n°20, Le Nouvel Athanor, 2021

Débusquer des soleils, Le Nouvel Athanor, 2021, préface de Corinne Atlan

Où le jour me traverse, L'Esprit de la lettre, 2018

Répondre aux oiseaux, Pippa, mars, 2016

Un paysage, à l'arbre près -Ombres et lumières en Custera, L'Esprit de la lettre, octobre 2015

Un visage ne va pas de soi, Recours au Poème éditeurs, octobre 2015 (livre numérique)

Gravure sur braise, 2013, Le Nouvel Athanor, préface de Michel Cazenave

Autant que ciel se peut, 2010, Le Nouvel Athanor, préface de Salah Stétié

Veillée d'âme, 2008, Le Nouvel Athanor, préface de Bruno Doucey

A perte d'oubli, Le Nouvel Athanor, 2006

Mais je reviens de l'Immobile, Le Nouvel Athanor, 2004, avant-dire de Jean-Luc Maxence

 

- Humour

Ôte-toi de mon selfie, Via Domitia, 2024

 

- Livre d’artiste et ouvrages en collaboration

Ce qui se profile, Maïté Vienne Villacampa, Unicité, 2024 (photographies)

Danser dans les cages, Petra, 2023 (photographies)

Toucher du bois, calligraphies et empreintes d’arbres de Constance Fulda, 2020

 

- Récits et nouvelles

Présence d’esprits (avec David Jacob), Via Domitia, 2023

À l’ouest, bien à l’ouest, Unicité, 2020

La main à l’oreille, scènes de ma vie polyphonique, L'Esprit de la lettre, 2019

 

Autres lectures




Quentin Baffreau, Pratique du disparate

depuis ma vieille haine l’idée ce mythe du cerveau ce morceau d’ocre ensanglanté j’essaye de
comprendre ce que fleur veut dire rapporteur de son chiffre que je ne connais pas

vieille photo de toi l’herbe folle la charolaise derrière toi la sentence au fond du tiroir plein
d’eau dans le ventre ton cou tordu par l’éclair la corde la poignée de porte

une bouche un système de vents et tu es tombée malade et le vent est rentré dans ton ventre tu
étais allongée sur la table sur l’album photo tel l’oiseau rapporté par le chat l’après-midi la
tondeuse est passée sur ta robe

un pot de fleurs pris avec un portable celui de maman de ma main qui tremble l’abeille se noie
dans son miel je suis prise dans l’ambre

des coulées de boue la veille de ton départ le matin de la salive sur les draps sortie de ta bouche
la nuit des monceaux de mots mais pas la moindre trace tant de points de suspension dans tes
yeux ton absence les nuages de fumée derrière la fumée

petite image exemple de ciel

le sirop dans l’eau la glace fond on apprend du désert tu es passée devant des images du monde
entier tu glanais les nouvelles peurs imaginais les nouvelles fleurs toutes anciennes toutes
déchiffrées le tour était joué la famine des cartes chacun son petit enfer les missions noires de
l’aube les blancs manteaux carcéraux les graines dans les têtes la banquise craque tu m’as appris
la poussière pulvérisées mémoires j’étais de celles-là

j’ai mille pattes chacune est une folie qui te prend dans ses bras tu aimes trop fuir j’en suis
tombée amoureuse le chien sous le banc n’a pas cette chance il souffre des mêmes mots que le
silence j’ai tous ces noms dans ma poche qui ne servent à rien qui ne servent qu’à te parler qu’à
t’épeler dans le vide lointain où tu es j’échangerai tous les regards je troquerai tous les fantômes
pour te voir

j’ai deux blessures dans la glace police des reflets tu me manques comme l’ombre à mes
trousses mémoire sous vide par peur d’un regard parce qu’on ne regarde que ce qu’on ne peut
regarder

nos noms signent nos arrêts de mort nous en avons parlé dans la chambre contre le mur
des malentendus comment ai-je pu te mentir aimais-je jusqu’aux os on ne pleure pas mes coudes
saignaient jusqu’à rougir le bois c’était une longue histoire qui sommes-nous pour la dire qui
êtes-vous pour juger un peu de tout est une parole de saint

c’est une maison qu’on veut brûler les conjugaisons aussi planches par planches chutes par
chutes ces lignes droites qui nous menèrent au suicide à chaque pilonne nous attendions la pluie
mais les nuages toujours venaient panser nos plaies nous tracions les constellations de nos
erreurs comme l’enfant les paquets d’encre sur sa copie

sursaut la chaise face à la fenêtre est une tentation à laquelle il faut parfois succomber au risque
de rendre le monde plus beau qu’il n’est

cet océan j’aurais voulu l’ouvrir avec toi

les hommes de tous les temps table ronde de leurs yeux perdus dans une forêt de clous écrasée
par leurs haillons je ne suis que le dessous d’une nappe scintillante les îlots de ciment sous leur
éblouissement les carreaux sombres de la mer les poumons noirs auxquels s’abreuvent les
frelons

je serai mort qu’est-ce que je voulais dire caillou dans la bouche dans la chaussure hors cette
poussière trouvée dans les boîtes les os d’un oiseau éteint ce bateau pris par les glaces

je suis au milieu du zéro mon rythme j’ai du mal à vivre j’ai du mal à vivre
j’ai du mal à vivre battu par les vents j’ai craché dans l’océan pour écrire l’e dans l’o pour voir ce cœur avec un
sac sur la tête même si la buée n’a plus le temps de se déposer

oui oui oui parfois je me demande parfois je me tords je me torture les doigts oui parfois pendant
l’averse j’appelle au secours oui parfois les voisins me marchent dessus me déplacent tel un
meuble oublié oui sur mon visage pavé oui ça ne se fait pas de demander de s’arrêter pour un
peu de silence oui ça ne va pas la tête au moins il ne pleut pas oui parfois c’est le cas et les
gouttent tapent contre la fenêtre comme de petits oiseaux kamikazes oui parfois ça devient le
bruit de fond de ma perception lors d’après-midis brûlantes ou de nuits blanches dans lesquelles
je me perds comme ce futur qui s’éloigne oui parfois je laisse des chutes derrière moi oui parfois
je suis l’otage de mes rêves qui me rongent et dont je suis l’os à moelle

la grisaille du soleil sur mon visage la mine pâle d’une personne ces quelques grains que je
n’arrive même pas à porter le vide le creux ce peut être quelqu’un

le jasmin a l’odeur du soufre

je ne sais même pas quelle forme ont les arbres paysage d’après technique boule de feu au loin
je suis dur de visage mon sourire est une butée sur combien d’images suis-je passé pour ne pas
le savoir ? combien de fois me suis-je tuée en glissant sur ce miroir ?

ces coordonnées dans lesquelles je me fonds en pensant être aussi indiscernable qu’une fenêtre

je suis à vie mais qui ? mais quoi ?  comme si ma vie n’était que post-mortem vais-je marcher
dans ce siècle ? quatre chiffres font-ils quatre pas ?

soutenance des nuages

j’aimerais toujours ce vœux éternel vivre l’existence parallèle d’une étoile de jour comme de
nuit fantôme

malheureusement on a mis le soleil sous cloche pour fabriquer de la mémoire

je suis rentrée pour écrire une lettre je me fiche de savoir si c’est moi qui l’écris sur ces mots
aussi durs ces lettres que je n’envoie pas car déjà dans le ciel comme nul autre avion j’étais en
fait toujours sur le quai piégée dans ce rêve
larmes devant l’ultimo elles rejoignent les mille faisceaux de ce fleuve toxico de la peine

même était un masque ma mort est-il encore temps de devenir ? juste quelques secondes de
lévitation

il se passe que c’était une erreur à refaire dans toute sa beauté

Dahlia

 

d’emblée certaines déchirures
entretemps incertains
racontent-elles ?
des briques, des bancs désertiques dans les jardins, des murs pastels, des folies par excellence

chutes
neige un matin
tes morts successives et variables

faire le tour du proprio, un seau plein d’ardoise à la main ; aux murs rétrogrades, substituer un
monde

incompréhensibles ressorts
mais peur du peu d’avenir
panique, laisserai du silence
et si la vie avait un titre

grandes gerbes osant demain
pourtant fauchées aux confins de la table

payer même la mort
la merde qu’on laisse après son passage
lui renvoyer la baballe

sur le lit de mort, portraits des épreuves, relecture des travaux préparatoires
pas de danse oubliés
indéclinables
du balais

demande qu’on te chante une chanson
cherche tes accords, même dissonants
débarrasse-toi du complexe de la rose

vies qui se passèrent dans l’oubli

à deux poumons sur la carte
les radios ne disent rien
enfant de bois sur le billot glacial
masque et opacité
le ciel préfabriqué de l’hôpital
se referme sur lui
un parmi les autres
des heures d’opération dans la nuit
il rêve de son corps à ciel ouvert
sous les radars médicaux
des mots tapés à la machine

mélatonine
trafiquante d’espoir

ta carapace sera une passoire
tu absorberas les déserts comme les oasis

chienne piquée aux yeux lunaires
poches de sang dans le frigo

soleil d’enfant dans la marge
plus proche des nuages que de la carte
d’identité

Papier de soi

 

d’abord et longtemps
un tout petit fragment
devant mon couteau
dans les vagues de la page

j’avais l’habitude du noir
un bloc de sel sur la lagune
j’avais du ciel et de l’eau dans les yeux
j’essayais de me capturer
je cherchais ce gouffre à la frontière

trop fugitif, me disais-je
mais aussi trop poli, trop lisse
ravir du regard

je pensais aux yeux des bêtes
je pensais à la rivière
je pensais au médecin
je pensais aux pouvoirs
je pensais à la loupe qui craquelle le visage

puis, peu à peu,
la pourriture dorée a succédé
à la hache polie
on payait, on tuait pour être semblable
on vérifiait qu’on était bien humain

il m’est arrivé quelque fois
de passer à travers
je me disais que ma maison se trouvait sur l’autre versant

j’ai attendu
j’ai veillé tard dans les siècles
et j’ai tapé contre le mur
et j’ai tapé la surface de l’eau
pas la moindre trace
pas le moindre écho

j’ai fini par feuilleter cet amas par la fenêtre,
un grand miroir dans la pierre jaune,
et suis devenu l’otage des nuits blanches

et soudain et longtemps
ce rêve disséqué
comme un caillou gris sur la table

           

Words fail me

Je vous écris dans l’instant qui me sépare de l’incendie. Vous êtes ce départ de flamme
1 minute
Tu as dit
quelque part à quelqu’un : pourquoi la couleur orange, si vive et vivante, leur donne-t-elle la
mort ?
Et plus loin, ailleurs : de quelle couleur est le ciel de l’apocalypse ?

Ça me touche, ça met le doigt quelque part. Ces deux questions n’en forment en vérité qu’une
seule, elles poursuivent la même épiphanie, elles disent les plus grandes souffrances qui passent
et qui repassent, elles souffrent des mêmes insuffisances qui font poésie. Elles sont trop grandes,
trop belles, elles me donnent les yeux et les larmes en même temps, non pas pour voir, mais
pour embrasser ce vertige grâce auquel nous voyons, cette angoisse de ne plus voir

Quoi

Qui

2 minutes

Nous plongent dans le noir

J’ai essayé de faire le suivi de ces couleurs, de les dater. En vain. C’était faire l’épreuve de
l’acidité du temps. Les perles sont aussi poussière ; la conservation, destruction.

J’ai caressé l’illusion de les trouver dans un livre, de les surprendre au détour d’une peinture

J’ai cru qu’en promenant mes yeux

As far as the eye can see

3 minutes

En fait, elles ne faisaient qu’accentuer ce que je pressentais comme l’irréversible variation de
l’obscurité, elles me rappelaient mon oubli de ce blanc qui accompagne toutes les fins, lorsque
tout bascule

Chouca

 

reçu en ces murs
créneau de l’histoire

ce n’est plus le soleil qui frappe

j’écoute les séquelles d’une voix à la radio
roulement rocailleux

nouvelles des cadavres
sous les gravats de l’est

je ne compte plus les loups dans les ruines
ni les enfants qui jouent au loup

toutes les mers rouges
les guerres avec les ossements des cultures 

j’ai pris la porte

elle me disait : que veux-tu ?
son nom était dans une corbeille
avec quelques pommes moisies
et d’autres choses inoubliables

écrire le mien mais je n’avais pas de quoi écrire
parler de mes paysages sans croyances

ce que je ne n’écrirai jamais est poème

boussole qui s'affole
qui perd le cap
et qui distribue, non plus les vents,
mais les voix de lettres errantes
à des inconnus

Prague, 882km

chat qui reste des heures devant la fenêtre
monomaniaque à regarder les oiseaux

je donnerai tout pour changer de cri

Présentation de l’auteur

Quentin Baffreau

Né en 1998, Quentin étudie la psychothérapie institutionnelle, l'art brut et le surréalisme à l'université Paris 8 et à déjà publié des textes dans des revues de poésie (La Page Blanche, Hurle-Vent). Il est aussi co-fondateur et rédacteur d'un fanzine, Les Nyctales. Son écriture peut être vue comme une tentative, toujours à faire, de reconstitution de bruits, de traces, de cris, d'indices.

Autres lectures




Adeline Miermont Giustinati, Poèmes

je glisse dans une fente de la souche
recouverte de laine
pulsation de caillou

je flotte dans le ventre de l'arbre
dans la nuit des racines
le silence désossé

j'aperçois des portes d'ivoire
un tunnel tapissé d’œillets rouges
et des lamelles de brume

je rampe dans une fosse
des ombres tremblent
des vents s'épuisent

j'atteins un palais aux pierres bleues
devine la matrice de l'outre-monde

je rencontre le fantôme du soleil
et les ossements de la lune

je quitte ma peau de laine
le silence s'élargit à mon passage
des oiseaux sans plumes font leur nid dans ma gorge
je suis tous les visages
toutes les écumes

je gravis une grande cité
je traverse une croûte de fer et de nickel

 

je goûte aux entrailles de Pangée
me frotte contre le magma noir et durci de sa bouche

je me lamente dans une steppe interminable
je me noie dans un fleuve
tapissé de coraux et d'insectes

je m'accroche aux cheveux de Méduse
j'atteins la maison de l'obscurité

je n'ai plus de souffle
je n'ai plus de visage
je n'ai plus de squelette

je tremble aux pieds de la déesse
elle ouvre grand sa gueule
elle m'engloutit entièrement
elle me mâche goulûment

je naufrage dans sa poitrine
j'emprunte l'échelle d'entre les mondes
les eaux elles-mêmes chavirent

je n'ai plus de souffle

je n'ai plus de visage
je n'ai plus de squelette
j'expire mon dernier atome
je retourne à mon argile
au tambour du commencement
et au fleuve qui coule dans mes racines

extrait de « la mue » (inédit)

marcher
un pas devant l’autre
un mot devant l’autre

marcher
parmi les herbes grasses
encore brillantes de gouttes d’eau bien fraîche

parmi les roches imposantes
le long du sentier escarpé
le long de la côte
entre deux immensités
entre l’avant et l’après
entre se réfugier et se jeter à l’eau

marcher entre
dans sa propre peau et son propre pas

marcher
parmi les genêts en fleurs
le jaune se mêlant au bleu au blanc et au brun

je suis ivre de couleurs et de
pensées traversantes
qui affluent
au rythme de mon souffle et de mon pas

le mouvement de mon corps est un coryphée
au paysage alentour

marcher
au son de la rumeur marine
foire d’écume contre les rochers
en contrebas

j’entends la voix de la pierre
se mêler à celle des oiseaux

c’est le printemps
je crée mon chemin
chaque pas est l'empreinte d'une promesse

inédit, 2025

 

les premiers temps j’avais le corps en friche et
la cervelle poisseuse
mon terrier était devenu caduque
ma forêt était en dormance
mon regard s’était calcifié
et le courage de regarder l’horizon
par delà la timidité des cimes
me manquait

les jours
et les nuits
ont passé
sans rien dire
et
ton souffle
ton souffle qui a traversé ce jour-là ma peau
ton souffle qui a transpercé ce jour-là mes muscles
ton souffle tend désormais
tout doucement
ma colonne vertébrale
ton souffle fait vibrer les racines de mes allées
je m’en remplis
je le bois
le moindre geste fait craquer des bouts de souvenirs de nous
l’horizon avale le jour et chaque matin le soleil revient avec ton odeur
à cause de toi je mets un pas devant l’autre
à cause de toi je mets un jour devant l’autre
à cause de toi je mets un mot devant l’autre
les sapins me parlent à nouveau et
reboisent mes cellules
leurs sourires caressent mon écorce et
je sens mon courage se ramifier
désormais le souvenir de toi
ne me déchire plus le ventre
il s’est métamorphosé en
une source chaude jaillie des profondeurs
une présence diffuse le long de mon dos

un vent tiède sur ma peau désertée
un mica scintillant dans mes organes

même si je suis toujours comme l’akène
ce fruit sec qui ne s’ouvre pas et
ne contient qu’une seule graine
je joins les mains et j’espère

que
comme au désert d’Atacama
il suffira d’un filet d’eau
pour fragmenter mon écorce
et faire pousser des merveilles

inédit, écrit et lu pour La P'tite veillée de Chloé, Chez Mona, mars 2023

sous ma peau
il y a une femme
quelqu'un l'a laissée là
de dos
assise
la tête penchée
sa main appuyée
contre ma craie
dans la galerie profonde
dans la pénombre
elle n'entend ni le vent ni les oiseaux
ni les hommes ni les femmes
juste le bruit sourd des pioches et les pas des soldats
dans sa galerie il n'y a ni arbres
ni paroles
ni naissances
juste le silence de l'eau qui perle sur son corps
elle a vu passer les visages
elle a senti la peur dans leurs souffles
la peur des hommes prêts à mourir
elle a pris leur douleur
leurs regards de bêtes sonnés
quand les chariots avec les corps
ont défilé
dans un chaos de métal et de sang
elle qui tournait le dos
elle a tout vu tout reçu
les fusils les cris le désordre
elle a tout gardé
elle en perd l'équilibre
elle se tient
fragile
prostrée dans sa peau
incrustée dans ma chair
ma mémoire calcaire
depuis trois décennies elle sent
que des êtres la scrutent
que des lampes l'observent
sous toutes les coutures
elle ne dit rien
elle sait tout
elle tourne le dos
aux passants des galeries
elle voudrait oublier
le chaos
le sang
le métal
les cris
les chariots
remplis de corps
comme des poissons tordus de douleur
elle voudrait parler

elle voudrait raconter
comme ces hommes étaient beaux
dans leur courage et dans leur peur
que le pays à tous manquait
qu'elle pleurait le soir
à les voir
regarder les photos
les trésors de leurs poches
les amis les mères les soeurs
les pères les frères
les voisins
ils allaient mourir bientôt
ils le sentaient
ils regardaient les photos
ils priaient
ils dessinaient
ils gravaient
des mots qui font vivre
et des visages d'ancêtres
et un dos de femme
nu

extrait de Kauhanga, inédit, 2024

Présentation de l’auteur

Adeline Miermont Giustinati

Née à Nancy en 1979, Adeline Miermont-Giustinati est diplômée en Humanités et en Création littéraire. Naviguant pendant plusieurs années entre Bretagne et Normandie, elle a jeté l'ancre, en 2018, à l'instar de Jacques Prévert, dans La Hague. près de Cherbourg. Elle a exercé les métiers de rédactrice et relectrice dans la presse écrite et sur le web, professeure de français et de français langue étrangère, avant de se consacrer entièrement à l'écriture et la littérature.

Auteure de plusieurs recueils de poésie et de textes publiés en revues, anthologies et sous forme de livres d'artiste, elle se dit également “passeuse d’écriture”, et met ses compétences d'écriture et littéraires, au service de différents publics, sous le nom de Calame, assurant la relecture et le suivi de manuscrits et en proposant de l'accompagnement rédactionnel, notamment pour des récits de vie.

Elle a fondé la revue Carabosse, à sensibilité poétique et féministe, et l'a dirigée pendant deux ans. Enfin, elle a créé la Maison de poésie en Cotentin, baptisée La Péninsule, située dans le hangar de La Cherche, à Cherbourg, et qui met à l'honneur le matrimoine et la création sonore. Elle y organise, depuis deux ans, des événements poétiques (lectures, rencontres, performances, ateliers d'écriture, scènes ouvertes, projections vidéos, podcasts), et accueille également, à l’Autre lieu, des auteurs en résidence.

Bibliographie 

De Chair et de chimères (La Bruyère,2007)
Entre les côtes de Mehen (Sélénites2, 2013)
Incises (CMJN, 2016)
Traverser (anthologie, éditions de l'Aigrette,2018)
Vivant(e)s (anthologie, éditions de l'Aigrette, 2019)
Sumballein (Tarmac, 2018; Phloème, 2021, pour la réédition)
Rage écarlate (anthologie, éditions Folazil, 2020)
Désert-Désir (anthologie, éditions Folazil, 2022)
Désobéissances (anthologie Bacchanales, Maison de la poésie Rhône-Alpes, 2022) La Traversée de Sedna (L’Oeil de la Méduse, 2022)
Creuser ma nuit (éditions de l'Aigrette, 2024)

Autres lectures

Adeline Miermont-Giustinati, Sumballein suivi de Le Tunnel,

Peut-être s’avère-t-il nécessaire, pour comprendre toute la quête poétique, toute la démarche d’écriture dans laquelle s’est lancée Adeline Miermont-Giustinati, à travers le partage de ce recueil, entre confidence, poème, essai et récit, de [...]




Pablo Andrès Rial, Poemas

I

Estás muerta
mirando a la ventana
yo estoy sentado
detrás tuyo.

Afuera
se puede ver el mismo árbol de siempre
—un sauce—
un amigo se enamora de vos.

Tu silla ahora está vacía
pero vos seguís ahí muerta
mirando a la ventana
donde ahora solo hay
un patio de cemento.

Tu es morte
regardant la fenêtre
je suis assis
derrière toi.

Dehors
on voit le même arbre qu’avant
—un saule—
un ami tombe amoureux de toi.

Ta chaise est vide maintenant
mais tu es toujours là, morte
regardant la fenêtre
où il n’y a plus
qu’une cour en ciment.

II

Detesto mi cuerpo
pero amo mi sombra.

Nunca envejece
nunca enferma
nunca duele.

Je déteste mon corps
mais j’aime mon ombre.

Elle ne vieillit jamais
ne tombe jamais malade
ne souffre jamais.

III

Las plazas
me hacen recordar
al manicomio.

Las personas van
de un lado a otro
sin ningún tipo de apuro

algunos como yo
se sientan en un banco
somos todos amigos
sin siquiera vernos
sin siquiera conocernos
sin perder ese individualismo
que nos hace caminar
desde temprano.

Porque nosotros
podemos superar al olvido
vivir
sin ser nadie para los otros
es lo que nos hace
especiales.

Les places
me rappellent
l’asile.

Les gens vont
et viennent
sans la moindre hâte

certains comme moi
s’assoient sur un banc
nous sommes tous amis
sans même nous voir
sans nous connaître
sans perdre cette individualité
qui nous pousse à marcher
dès le matin.

Car nous
pouvons dépasser l’oubli
vivre
sans être rien pour les autres,
c’est ce qui nous rend
spéciaux.

IV

Ando angustiado Augusto
por esas cosas ¿sabés?

la gente te hunde la piel
mientras preparan algo rico
y le ponés la mesa.

Decime Augusto
¿qué estás cocinando?

Je suis angoissé, Augusto
par ces choses, tu sais ?

les gens te creusent la peau
pendant qu’ils préparent quelque chose de bon
et toi, tu mets la table.

Dis-moi Augusto
qu’est-ce que tu cuisines ?

V

Me desplomo.

No como una destrucción
de mi conciencia
sino como la memoria perdida
de un recuerdo profundo
que preciso volver
a vivir.

Je m’effondre.

Pas comme une destruction
de ma conscience
mais comme la mémoire perdue
d’un souvenir profond
que je dois
revivre.

Présentation de l’auteur

Pablo Andrés Rial

Pablo Andrés Rial (Buenos Aires, 1984) est poète, dramaturge, narrateur et enseignant. Il vit dans la ville de Longchamps.
Il est l’auteur des recueils de poésie "La casa de barro" (Ediciones Arroyo, 2023), "Forzado a viajar" (Paserios Ediciones, 2023), "Aves desplumadas" (Ópera Editorial, 2023) et "Leonor" (Editorial Caleta Olivia, 2025). Il a également publié le recueil de nouvelles "Relatos abandonados en el banco de una plaza" (Dunken, 2016).
En 2025, il a présenté son œuvre au Mexique et a été conférencier dans des universités telles que la BUAP. Il a participé à des anthologies, ateliers, tables rondes et projets théâtraux tels que "El hocico de los años" (2018), récompensé au IIe Festival de Théâtre Indépendant d’Almirante Brown. Il collabore comme critique littéraire dans des médias culturels d’Argentine, du Mexique et d’Espagne.

Bibliographie 

Relatos abandonados en el banco de una plaza (Editorial Dunken, 2016).
Forzado a viajar (Paserios Ediciones, 2023).
La casa de barro (Ediciones Arroyo, 2023).
Aves desplumadas (Ópera Editorial, 2023).
Leonor (Editorial Caleta Olivia, 2025).

Poèmes choisis

Autres lectures




Philippe Tancelin, Ces mots sans chair

Déplacement...déplacement...déplacement… !
L'expérience tragique de la première et la seconde Guerre mondiales semble bien ne pas avoir fait leçon de sorte que l’on continue à ne pas mesurer la signification profonde et réelle de ce qu’implique humainement le terme « déplacement ». Il atténue jusqu’à leur banalisation les actes d’expulsion, d’expatriation, de déportation objectivement contraintes et forcées du peuple Gazaoui, comme nous assistons depuis des mois à la normalisation du meurtre de dizaines de milliers de civils dont femmes et enfants, sur la terre de leur patrie.

La 4e Convention de Genève de 1949, (article 49), pose les interdictions qui limitent tout déplacement contraint. Elle précise que « les transferts forcés en masse ou encore individuels ainsi que les déportations de personnes protégées, hors du territoire occupé, dans le territoire de la puissance occupante ou dans celui de tout autre État occupé ou non, sont interdits quel qu'en soit le motif... »

Aujourd’hui, glissant au plan mondial de la référence au droit, à celle des  rapports de forces, la situation d'occupation meurtrière de Gaza et le projet d’expatriation des Gazaouis vers l'hypothétique Égypte ou quelque autre refuge, voudraient apparaître comme une simple modalité de règlement de conflit.

Les femmes, les enfants, les hommes de tout un peuple ont encore le droit (internationalement reconnu) d'exiger qu'on entende leur voix, leur cri articulant clairement qu'ils ne sont pas des choses, de vulgaires objets qu'on déplace, dont on se débarrasse selon le bon vouloir des acteurs du remplacement, opéré par une occupation illégale autant que illégitime.

Quel est donc ce monde prétendument libre et qui n'a retenu des déportations génocidaires du passé que des conventions, des principes, qu’il laisse à sa libre transgression. De quoi les mots sont-ils faits ? Que véhicule le langage ? De quelle perte souffre ce jour le vocabulaire des Hommes, sinon du sens de la chair qu’il n’habite plus jusqu’à se poser la question : a-t-il seulement jamais laissé la chair l’habiter ?

Plus encore qu’un exil forcé, le « déplacement » massif, contraint par la force militaire écrasante de l’occupant colonial,  renvoie à un  impérialisme et ses diktats qui en la circonstance précise, bénéficient du sourd consensus d’une part criminelle de la communauté internationale.

Déplacement…déplacement… doit être entendu dans toute l'acception de ce terme c'est-à-dire, d'arrachement à la terre, à la patrie, à la mémoire des ancêtres et oblitère toute perspective d’un retour  des Palestiniens à Gaza. (sauf renversement des rapports de force internationaux).

Qu'advient-il du sujet humain une fois qu’il est arraché à tout ce qui l’a édifié comme personne singulière dans et avec sa communauté d'origine ?

Que  devra-t-il souffrir dans sa chair pour se reconstruire avec ses congénères, lorsque de sa terre, de sa patrie qui sont culturellement son métier à tisser les relations humaines, il est dépossédé ?

Quel devenir quand les cinq sens de tout Homme sont soudain privés, séparés du jardin qui les a cultivés, et que les morts enterrés dans ce jardin du pays d’origine, sont eux-mêmes effacés par la cruauté de l'occupant ?

Vieux-nouveau monde : de quelle amnésie l'envahisseur s’est-il frappé lui-même, jusqu’à nier en l'autre ce qu'on a jadis nié en lui d'appartenance à une humanité sensible et son verbe : ce verbe qui de toute histoire de civilisation, ne saurait être dissocié de la chair qu'il imprègne autant qu'elle l’abrite pour construire langage entre les hommes ?

Jour comme nuit
l’histoire met à la gorge du palestinien
un collier de serrage bigarré
Soir et Matin  la sagesse de l’oiseau chante
à chacun chacune le pays de sa naissance
jusque parmi les astres

Quand le colon met entre les yeux de sa victime
l'occupation de l'horizon
Lorsqu’il veut que son prochain soit disparu de sa vue
Il lui faut faire savoir qu'il ne pourra dérober
ni effacer la mémoire des enfants de la terre
qu’il ne parviendra jamais à anéantir la clarté de la source
ni à posséder la chaleur d'un rayon de soleil
ni à dissuader un carré de ciel bleu
de réchauffer toujours le pourchassé

Toutes choses sont liées
Les cendres en lesquelles l'occupant veut réduire la terre
sont celles de toutes et tous mêlés à travers les temps

Sans la mémoire des uns comme des autres
ces cendres inséparables ne peuvent que mourir de solitude 

L'humus charrie les souvenirs des Palestiniens
il féconde l'herbe sauvage qui lève entre les pierres
sur la route de décennies de non reconnaissance

Puisse un jour le pourchassé
respirer dans les fleurs du jasmin
l’ivresse d’un matin libéré

Sache un jour l'oiseau
voir dans les yeux de l'arbre abattu
l'ombre de son vol préservé

Entende un jour chacun
crier les mots d'amour qui ne se perdent pas
goûter le calme du baume
enveloppant le rêve qui n'a pas fui

Cherchons le visage d'antan éclairer demain
Entendons l'appel montant des puits de l’abandon
Regardons par des yeux de voyants
Touchons par des doigts de chair
Réalisons que ce qui devrait être dit
sera scellé
que ce qui voudrait être tu
sera proclamé

Toute conscience historique détourne la censure du temps
Entre les pages d’énigmes elle pressent la saison de printemps
que dresse son verbe  dans la traversée de l’infini à la chair
tandis que la parole dessine la porte qui ouvre
sur le site du sens
d’un radical surgir

Présentation de l’auteur

Philippe Tancelin

Philippe Tancelin est né Le 29 mars 1948 à Paris. Docteur d’Etat en Philosophie-Esthétique. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont :

  • Ecrire, ELLE 1998 ;
  • Poétique du silence, 2000 ;
  • Cet en-delà des choses, 2002 ;
  • Ces horizons qui nous précèdent, 2003 ;
  • Les fonds d’éveil, 2005 ;
  • Sur le front du jour, 2006 ;
  • Poétique de l’étonnement, 2008 ;
  • Poétique de l’Inséparable, 2009 ;
  • Le mal du pays de l'autre ;
  • L’ivre traversée de clair et d'ombre, 2011 ;
  • Au pays de l'indivis aimer (…) éd. l’Harmattan, 2011. 
  • Tiers-Idées, Hachette 1977; En collaboration avec G. Clancy ;
  • Fragments-Delits,  Seghers 1979 ;
  • L'été insoumis, 1996 ;
  • Le Bois de vivre, l'harmattan, 1996 ;
  • L'Esthétique de l'ombre, 1991 ;
  • La question aux pieds nus ;
  • En passant par Jénine, 2006 (éd. l''Harmattan) ;
  • Le Théâtre du Dehors, Recherches, 1978 ;
  • Manoel De Oliveira, Dis-voir I987 ;
  • Théâtre sur Paroles, Ether Vague 1989 ;
  • Entretiens avec Bruno Dumont, Dis-voir, 2002.

 

Philippe Tancelin

Autres lectures




Jean-Paul Gavard-Perret, Peau d’Anne

Un certain « nous » existe en ce « je-tu ». Il soulève du au féminin au masculin l'histoire du labyrinthe de deux êtres. S'y perdre est à la fois un plaisir et une angoisse et accepter le risque dans la proximité troublante de nos mots juste au-dessus d’une ligne de flottaison. Avançons à tâtons, surnageons. Je deviens le berger de ton cosmos et souffle dans la corne d'ivoire et ta clochette rose blanches pour titiller tes nuits. Et quand je prends mon bain avec toi tu brilles en pépite dans l'eau bleue, en feu blanc d'étoile.  Tu n »as plus peur de notre parcours labyrinthique. 

Nous y sommes engagés ?  Sois Ariane et moi Thésée. Il faut avancer car nous allons vers le mystère. D’abord j’ai imaginé avec ce que j’ose t’enlever. J’hiberne loin de ta robe et de ton chemisier.  Tu es comme dans un hôtel couchée dans toutes les chambres et tu possèdes le sens de la connivence jusqu’au moment où le jour se lève. Nos moiteurs remuent dans nos moussons du cœur. Que l'urgence nous dépêche afin que nous voulions la lenteur. 

Tu n'es pas là. Tu es toujours là. J'ai voyagé avec toi. Loin de toi. Sache que les heures opalines ne parlent qu'aux oiseaux de tes lagunes. Je rejoins ton royaume retranché dans quelques creux de sable et de rochers. Tu es Calypso nymphe et reine d'Ogygie. Tout 'amour tu le tiens dans tes rets. Et tu tires le présent le passé. Et lorsque les arbres cherchent leur ombre, tu ouvres l’espoir de nous rencontrer. Attends de mes mots ce qu’ils ignorent de ton énigme. Mais je m’y engouffre et ne garde plus le silence. Va désormais jusque-là où tu te retenais d'aller. Nos secrets font des jardins d’Eden. Sa houle porte jusqu’à ton écume ? 

Qu’est-ce qui a commencé ? Quand as-tu commencé ? L’un est prisonnier aveugle, l’autre, mains liées dans le dos. Mais tu es à nouveau plus libre que la mer.  Imagine la carte du ciel avec dans la tête des oies sauvages. Plus proche de toi ma pensée te touche. Elle est douce, émerge de la nuit. Le dedans est dehors. Le dehors est dedans.

Photo de Robert Mappelthorpe.

Présentation de l’auteur

Jean-Paul Gavard-Perret

Né en 1947 à Chambéry, Jean-Paul Gavard-Perret poursuit une recherche et une réflexion littéraires ponctuées d'une vingtaine de livres de textes brefs - dont « La mariée était en rouge » (éditions du Cygne), Cyclope (Editions de L'atlantique) - ou d'essais dont "Samuel Beckett, l'imaginaire paradoxal et la création absolue", (Minard).

© Crédit photo Bissey

Bibliographie

Fictions et textes brefs

  • Toile Peinte, Argo, Lausanne, 1976, (Sous le pseudonyme d'Annie Renaud).
  • Dans ses gestes, l'Attente, L'Incertain, Paris, 1991.
  • La Partition, Garenne, Lyon, 1991.
  • La Répétition, La Demeure, Courtaud, La Souterraine, 1992.
  • Ici en l'obscur, Ecbolade, Nœux, 1993.
  • Comme un voyage, Édition Philippe Morice, 1° édition 1993, 2e édition revue, 1994.
  • Le jour où j'ai tué Papa, Exquis-Cadavres, Virgin-Calman-Lévy. Paris, 1995.
  • L'Œil du Cyclope, en collaboration avec le graveur Marc Pessin, La Main Courante, La Souterraine, 1995.
  • Le jardin des délices, Le flâneur des deux rives, Juvinas, 1996.
  • Art, Légende, Réalité, Barré-Dayez, Paris, 1996.
  • Douce, techniquement. en collaboration avec le peintre Marcel Warmenhoven, Ecbolade, Nœux, 1996.
  • Le froid, Éditions La Dérive, Verviers, 1996.
  • Nécessaire sacrifice aux étoiles, Éditions le Givre de l'Éclair, Troyes, 1998.
  • Généalogie vénitienne, Rafael de Surtis, Chèvres, 1998.
  • L'Araignée de feu, Éditions du Non Verbal, Bordeaux, 1998.
  • Drawing by embers, La Main Courante, La Souterraine, 1998.
  • Trois faces du nom, L'Harmattan, Paris, 1999.
  • Venise, Éditions de L’Heure, Pry, Belgique, 1999.
  • Le cycle des vanités, Éditions Pierron, Sarreguemines, 1999.
  • Passager de sa pluie, Éditions de l’Heure, Pry-lez-Walcourt (Belgique), 2000.
  • Demain, hier, Éditions on @ faim, Saint Étienne de Rouvray, 2001.
  • Cielle, Éditions Clapas, Aguessac, 2001.
  • La maison de l’être, Éditions Clapas, Aguessac, 2001.
  • Soul-Eyes, Éditions à Demeure, Vals, 2001.
  • La descente ; absence et crue, Éditions à Demeure, Vals, 2001.
  • Une manière noire - fragments sur Jeanne, in «Cuisine et cuisines», Éditions La Dérive, Verviers, 2001. Premier Prix Georges Simenon 2001
  • K, Véronique Van Mol éditeur; Orgeo (Belgique), 2001.
  • Soir (de Paris), Atelier-Éditions Vincent Rougier, Port de Couze, 2002
  • Chants de déclin et de l’abandon, Éditions Pierron, Sarreguemines, 2003.
  • Neige suivi de l’immobile, coll. Ficelle, Atelier Vicent Rougier, Port de Couze Lalinde, 2005.
  • L'image est une chienne, l'Ane qui Butine, Belgique, 2005.
  • Fil rouge, éditions Regard; Petite revue d’Art, Le Grand Abergement, 2005.
  • Porc épique, éditions du Petit Véhicule, Nantes, 2006.
  • A perte de vue : Manhattan Transfert, coll. Pamphlet, Éditions L'Âne qui butine, Mouscron (Belgique), 2007.
  • Mon ex a épousé un Schtroumpf (sous pseudonyme de Garr Gammel), Éditions Chloé des Lys, Barry (Belgique) 2008.
  • E muet, éditions du Trident Neuf, photographie de Marie Bauthias, Toulouse, 2008
  • La jeune femme qui descend l'escalier, Éditions du Cygne, Paris, 2008.
  • La mariée était en rouge, Éditions du Cygne, Paris, 2008.
  • L'appel de la forêt, avec des peintures de Jacques Barry, Éditions Jean Villevieille, Saint Étienne, 2010.
  • Je veux, La dictée-poésie sans faute, 60e "ficelle", Atelier d'art Vicent Rougier, .
  • Dissemblance et figuration, avec une intervention plastique de Mariette, Éditions Le verbe et l'empreinte, Saint Laurent du Pont, 2011.
  • Portraits Singuliers avec et pour les peintures de Claudine Loquen, Éditions Lelivredart, Paris 2011.
  • Cyclope, Éditions de L'Atlantique, Saintes, 2011.
  • Eugène Leroy ou les apparitions, Almagra Éditions, Nantes, 2011.
  • Labyrinthes, éditions Marie Delarbre, Grignan, .
  • 25 courts textes dans le recueil de photographie de Nath-Sakura Fatales, Éditions Victoria.

Autres recueils de textes brefs :

    • Another – Hormoz photographies, Corridor Elephant Editions, Paris, 2016.
    • "Le Faubourg" avec encres de Danielle Berthet, Voix Editions, Richard Meier, 2019.
    • Fluidification des éc(r)oulements, Editions Furtives, Besançon, 2019.
    • Fornikatord, Editions Furtives, Besançon, 2019.
    • La lettre d'amour qui ne s'écrit pas, Editions Furtives, Besançon, 2019.
    • Le bal des mots dits, Editions Furtives, Besançon, 2019.
    • Le boxon de X, Z4 Editions, 2019.
    • Univercités, Editions Jacques Flament,  2020.
    • Patience dans la boîte noire - Jean- François Dalle-Rive, avec M-P Deloche, Folazil, Grenoble, 2020.
    • Joguet, Joguette, Z4 Editions, 2020.
    • Phare d'eau, éditions Constellations, octobre 2022
    • Toussa pour ça & Firmaman, éditions Constellations, décembre 2022
    • Pro Loques, éditions Constellations, février 2023
    • Région humaine suivi de Zébulon Comète et sa maîtresse, éditions Constellations, mai 2023

Poésie

  • Corps de Pierre, Le Pont de l'Épée, Paris, 1976.
  • Elle, Écrite, Hautécriture, Nouaillé, 1990.
  • La main le Désert, Vague Verte., Wagnarue, 1991.
  • Le délit d'Absolu, L'Arbre à Paroles, Amay-Bruxelles, 1991.
  • L'effacement, L'Arbre à Paroles, Amay-Bruxelles, 1992.
  • Suite intempestive, en collaboration avec René Quinon, Le Flâneur des deux rives, 1996.
  • Ibériques, Interéditions, Paris, 1996. (Grand Prix de poésie du Val de Seine).
  • Avalée, Avalanche, Le Chant de l'Aleph, Paris, 1997.
  • Fermeture en fondu sur la lumière du soir, "Conduite forcée", (Éditions à tirage limité, Eric Coisel Éditeur, Paris, 1998.
  • Arachnéenne, Éditions de L'Agly, Saint Paul de Fenouillet, 1998.
  • Pêcheur d'Islande, (Grand Prix de poésie de la Ville de Dunkerque)
  • Verbes suivi de Anglaises, Éditions Clapas, Aguessac, 1998.
  • Bonjour Monsieur le Facteur, sur des collages de Éric Coisel; Éric Coisel Éditeur, Paris, 1999.
  • Visages, en collaboration avec la plasticienne Charlette Morel-Sauphar, Éditions Passage d’Encres, Romainville, 1999.
  • Noire sœur, écrit et illustré en hommage à S. Beckett, Vincent Courtois éd., 1999.
  • Clé de l’abyme, Le scarabée d’or, en collaboration avec le plasticienne Charlette Morel-Sauphar, Passage d’encres, Romainville, 2000
  • Incisions de lumière, en collaboration avec la plasticienne Charlette Morel-Sauphar, Passage d’encres, Romainville, 2000.
  • Primitives du futur, Éditions de La Porte, Laon, 2000.
  • Final Cut & Survivance, en collaboration avec la plasticienne Ch. Morel-Sauphar, Gech Mosa éditions d’art, Mâcon, 2001.
  • L’Injonction, en collaboration avec Annie Frédéric, coll. Tête-à-tête, Éditions Alain Benoît, Rocheford du Gard, 2001.
  • Les carrés de Charlette, coll. Encres Blanches, Éditions Encres Vives, Colomiers, 2001.
  • Rouge Sang, Charlette Morel-Sauphar ed., Bussières-Macon, 2002.
  • Dons de Mélancolie – A l’épreuve du temps, avec des photographies de Georgette Glodek, Éditions Dumerchez, Creil, 2003.
  • Déchirures, avec des peintures de Bernard Quesniaux, Éric Coisel éditeur, coll. “ Mémoires ”, Paris, 2004.
  • Ethernitée, avec des dessins de Mylène Besson, coll. “à la Main”, édition l’Attentive, Paris, 2004.
  • Araba, Éditions du Contentieux, Toulouse, 2004.
  • Donner ainsi l’espace, Éditions La Sétérée, Crest, 2005.
  • Les blés d’or, Aquarelles de Nicole Pessin, coll. Le fil à retordre, Atelier Marc Pessin, Saint Laurent du Pont, 2006.
  • Voyages immobiles, avec des peintures de Chantal Brischoff et des photographies de René Auger, RC Création, Thorissey.
  • Les paroles de neige, Aquarelles de Nicole Pessin, coll. Le fil à retordre, Atelier Marc Pessin, Saint Laurent du Pont, 2007.
  • Gisante, Eden et après, avec des illustrations de Mylène Besson, Éditions Chloé des Lys, Barry (Belgique), 2007
  • Le voyage, avec une intervention originale de Alain Quercia, Jean Pierre Huguet Éditeur, Saint Julien Molin Molette, 2007.
  • Vertical Duo, avec Marie Bauthias, Éditions du Trident Neuf, Toulouse, 2008.
  • Sillage de Lumière, avec des dessins de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2009.
  • Faire parler le jour, avec des dessins de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2009.
  • Odyssée, Raymond Chabert entrée en matière, avec des peintures de Raymond Chabert, photographies de René Auger, RC Création, Thorissey, 2009.
  • Stations christiques, avec des encres de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2009.
  • & - livret 19, avec les photos d'EOle, EOle éditions, La Batie Montgascon, 2009.
  • Miss Fitts et autres Histoires Ceintes, avec des dessins de Jean-Marc Scanreigh, Éditions Atelier Vincent Rougier, Soligny la Trappe, 2010.
  • L'alphabet des primitifs du retour, avec des aquarelles de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2010.
  • Les boîtes à A, coll Matchboox, Éditions Voix, Elne, 2010.
  • Le Dictionnaire des Âmes, avec des aquarelles de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2010.
  • Musikâa, éditions Marie Delarbre, Malissard, 2010.
  • Les enfants de la mer, avec des Aquarelles de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2011.
  • Noël en alphabet, avec des Aquarelles de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2012.
  • Les Seins d’Abeille , Editions Jean-Pierre Huguet, St Julien Molin Molette, 2014.
  • "Autre huche" Coll. Apostille Danielle Berthet, Aix Les Bains 2016
  • "Chéri( e)s ou le sexe se met en dernier", coll. Apostilles, Danielle Berthet, Aix Les Bains, 2017.
  • Chambéry en alphabet dessins de Nicole Pessin, Edition Varia Poetica, Saint Laurent duPont,2017
  • "Clavecin des brumes" avec des peintures originales de Andelu, Editions du Geste, 2016.
  • Tu me vois - Sylvie Aflalo-Haberberg", Paris, Sylvie Aflalo-Haberberg, 2019.
  • "Cui cuit" Coll. Apostilles Danielle Berthet, Aix Les Bains, 2018
  • "Lionne va", avec encres Danielle Berthet Le Livre Pauvre, Daniel Leuwers, 2019.
  • "Anna-Base", Editions Furtives, Besançon, 2019.
  • "Pâle haie des spores", coll. Apostilles, Danielle Berthet, Aix Les Bains, 2019.
  • "Le retour sans l'aller", Editions Furtives, Besançon, 2019.
  • "La maison de ma mère" livre d'artiste dessins Danielle BERTHET, 2022
  • "LICHENS sur la neige" livre d'artiste encres et gravures Danielle Berthet, 2022

Essais et Catalogues

  • La Pop-music, Édition Bibliothèque de Travail, Paris.1978.
  • Jean-Luc Favre ( Reymond) : la scène primitive et l'obstination compulsive, S.G.E. Genève. 1995.
  • Jean Jacques Rousseau et retour - Catalogue du sculpteur Marcel Warmenhoven, Den Haag, 1996.
  • 91 apparitions de Marie-Madeleine, (sur les Photographies de Véronique Sablery), Centre d'Art Contemporain, Hôtel Saint-Simon, Angoulême, 1996.
  • Burroughs, le fil(s) perdu, de l'autobiographie à la scriptographie, Éditions Derrière la salle de bains, Rouen, 1996.
  • René Quinon : l'écriture & le silence, Éditions le flâneur des deux rives, Juvinas, 1997
  • Postface à La disparition Fellini de Jacques Kober, Rafael de Surtis Éditeur, La Touche, 1998.
  • Eugène Leroy ou les apparitions, Patin et Coufin, Marseille, 1998
  • La didactique du français dans l'enseignement supérieur : Bricolage ou rénovation?, coll. Sémantiques, L'Harmattan, Paris, 1998.
  • Josef Ciesla : les portes du silence ou le chant des signes, coll. les Sept Collines, Jean Pierre Huguet Éditeur, St. Julien Molin Molette, 1999.
  • Hypothèse du tableau comme clandestinité - propositions pour Gérard Gasiorowski, Éditions Patin et Couffin, Marseille, 1999.
  • Jacques Simonomis, en collaboration avec Jean Rousselot, Éditions de La Lucarne Ovale, Paris, 1999.
  • Evelyn Gerbaud, Éditions Passage d’Encres, Romainville, 1999.
  • Visages - l’œuvre de Charlette Morel Sauphar, Éditions Passage d’Encres, Romainville, 1999.
  • Filigranes-Passages, Catalogue de la plasticienne Charlette Morel Sauphar, Macon, 2000.
  • Les oubliés magnifiques, Éditions Librairie Bleue, Troyes, 2000.
  • Samuel Beckett : l’Imaginaire paradoxal ou la création absolue, Paris, Minard, 2001.
  • Nécessaire défaut de la réalité ou la lettre d’amour qui ne s’écrit pas, in «De tous les jours, photographies de J-Claude Bélégou», Éditions Photographies & Co, Sausseuzemare, 2001.
  • Suites, séries, variations. Catalogue du peintre Joel Leick, in «Suites et Séries», Éditions L’Harmattan et Tour Carrée, Paris, 2001.
  • Beckett et la poésie : la disparition des images, Éditions le Manuscrit, 2001.
  • Drawing by Embers ou la poétique du silence & Du Paradis in «Du Vide au Silence : La Poésie», Éditions Vermillon, Ottawa (Canada), 2002.
  • Théo Crassas : Songs for Distingué Lovers, Éditions Encres Vives, Colomier, 2002.
  • Catalogue de Véronique Sablery pour l'installation "L'Apparition", Salle Royale, Église de la Madeleine, Paris (Avril, mai ).
  • Thierry Tillier : Lieux et dérives du corps, Éditions de l’Heure, Charleroi, 2003.
  • Un monde toujours nouveau, CD-Rom des œuvres de Charlette Morel-Sauphar, réalisé par Ch. Baudrion, CRDP de Bourgogne & CDDP de Saône et Loire, 2003, Dijon.
  • Catalogue de l’exposition Jean Gaudaire-Thor, Bridgette Mayer gallery, 209 Walnut street, Philadelphie, USA. (sous pseudonyme).
  • Hommage à Blanchot, collection Signes, Éditions Aleph, Malissart, 2003.
  • Marcel Rist, l’étreinte ou l’épreuve des traces, Éditions Anonyme, Auvers Saint Georges, 2004.
  • Le chant des mots et la forêt des signes Préface de «Livres à l’envi - livres d’artistes et affiches de J-M Scanreigh» de Jean Paul Laroche, Éditions Mémoire Active, 2004, Lyon.
  • Catalogue Michel Butor et les peintres, Musée Faure, Aix Les Bains, février-.
  • François Bidault : le surface impossible ou le tableau qui pense in «Jeux de surface», coll. Écriture et Représentation, LLS, Éditions Université de Savoie, 2006.
  • Marie Morel, Éditions anonyme, Chambéry, 2006.
  • Ankh : sculptures et gravures, Chapelle de la Visitation, Thonon les Bains, - .
  • Franchir la frontière ou la poésie comme manuel de félixité et Théâtre de la poésie, poésie de la langue, in «Constantin Frosin, francophile roumain» sous la direction de Laurent Fels, coll. Essais/recherche, Éditions Poiêtês, Orthez, 2008.
  • Cool Memories", catalogue de l'Exposition de Véronique Sablery, «Tentation du visible», Abbaye Saint martin de Mondaye, juin-.
  • Une traversée du siècle : arts, littérature, philosophie : hommages à Jean Burgos, avec Barbara Meazzi et J-Pol Madou, Presse de l'Université de Savoie, Chambéry, 2008
  • Martine Quès : Petits bassins d'eau salée, Photographies, Ateliers des Arts Mêlés, Gargas, 2008
  • Martine Quès : Photographier les rochers, Ateliers des Arts Mêlés, Gargas, 2008
  • Il y a du froissé dans l'air, n° froissé, catalogue pour l'exposition de Vincent Rougier à L'Apostrophe - Théâtre des Louvrais Pontoise, Éditions Atelier Vivent Rougier, Soligny la Trappe, 2009.
  • La cécité n'a pas gelé mon corps il l'était avant, in «Au nom de la fragilité, des mots d'écrivains» sous la direction de Charles Gardou, Éditions Erès, Paris. 2009.
  • Jouve, la vision de la femme, in «Jouve poète européen», Cahiers P-J Jouve, no 1, Éditions Calliopée, 2009.
  • Loques et interloques : la vie dans les plis in «La surface : accidents et altérations», coll. Écriture et Représentation, LLS, Éditions Université de Savoie, 2010.
  • Mylène et Pierre in catalogue «Pierre Leloup - Mylène Besson, Face à Face», Musée Faure, Aix les Bains. Publication de la société d'art et d'histoire d'Aix les Bains, no 62, ..
  • Voies de passage et Petit dialogue intempestif in catalogue « Courto, fragments tatouant », Éditions Musées de la ville de Chambéry, 2011.
  • Miroir du déserteur, littérature, psychanalyse, miroir de l'autre in «Polars En quête de… l'Autre», collectif sous la direction de P-L Savouret, coll. "Écriture et représentation", Éditions LLLS, Université de Savoie, 2011.
  • Eugène Leroy ou les Apparitions, nouvelle version, 2011, Almagra Éditions, Nantes, 2011.
  • Nicole Valentin et la chair-voyance, catalogue de l'exposition "Autour du feu" de Nicole Valentin, espace Autour du feu, 24 rue Durantin, Paris 18e, .

Ouvrages

  • "Si j'étais moi", dans la revue d'art TROU no. XX, 2009
  • La Mariée était en rouge, Éditions du Cygne, Le Chant du cygne, 2009.
  • La Jeune Femme qui descend l'escalier, Éditions du Cygne, Le Chant du cygne, 2008.
  • À perte de vue : Manhattan Transfert, L'Âne qui butine (Belgique), 2007.
  • Les Impudiques : cratères littéraires, Éditions du Cygne, Le Chant du cygne, 2007.
  • Le Voyage, avec une intervention originale de Alain Quercia, Jean-Pierre Huguet éditeur, 2007.
  • L'Homme et l'espace, Atelier Andelu, 2007.
  • Porc épique, Éditions du Petit Véhicule, 2006.
  • Les Blés d'or, aquarelles de Nicole Pessin, Marc Pessin, 2006.
  • Donner ainsi l'espace, La Sétérée, 2005.
  • Thierry Tillier : lieux et dérives du corps, Éditions de l'Heure, 2003.
  • Dons de Mélancolie - à l'épreuve du temps, avec des photographies de Georgette Glodek, Dumerchez, 2003.
  • Chants de déclin et de l'abandon, Éditions Pierron, 2003.
  • Samuel Beckett : l'Imaginaire paradoxal ou la création absolue, Minard, 2001.
  • Le Silence de l'Ile, peint par Tony Soulier, Éric Coisel, 2001.
  • Beckett et la poésie : la disparition des images, Éditions Le Manuscrit, 2001.
  • Évelyn Gerbaud, Éditions Passage d'Encres, 1999.
  • Trois Faces du nom, L'Harmattan, 1999.
  • Le Cycle des vanités, Éditions Pierron, 1999.
  • Josef Ciesla : les portes du silence ou le chant des signes, Jean-Pierre Huguet éditeur, Les Sept Collines, 1999.
  • Hypothèse du tableau comme clandestinité - propositions pour Gérard Gasiorowski, Éditions Patin et Couffin, 1999.
  • L'Araignée de feu, Éditions du Noroît (Canada), 1998.
  • Généalogie vénitienne, Rafael de Surtis, 1998.
  • Eugène Leroy ou les apparitions, Éditions Patin et Couffin, 1998.
  • Drawing by embers, La Main courante, 1998.
  • Arachnéenne, Éditions de L'Agly, 1998.
  • Ibériques, Éditinter, 1996.
  • Burroughs : le fil(s) perdu, de l'autobiographie à la scriptographie, Éditions Derrière la salle de bains, 1996.
  • Le Jour où j'ai tué papa, Virgin-Calmann-Lévy, 1995.
  • L'œil du cyclope (en collaboration avec Marc Pessin), La Main courante, 1995.
  • Jean-Luc Favre : la scène primitive et l'obstination compulsive, SGE (Suisse), 1995.
  • Ici en l'obscur, Ecbolade, 1993.
  • L'Effacement, L'Arbre à paroles (Belgique), 1992.
  • La Main, le désert, Vague verte, 1991.
  • Elle, Écrite, Hautécriture, 1990.
  • La Pop music, Éditions Bibliothèque de Travail, 1978.
  • Corps de pierre, Le Pont de l'Épée, 1976.

Autres lectures

Jean-Paul Gavard-Perret, Joguet, Joguette

Jeux de maux d’amour   Nous parvient la nouvelle « Diagonale de l’écrivain », collection que dirige de main de maître Philippe Thireau, lui-même écrivain, et dans laquelle il convie ses auteurs à s’extriper du [...]




Louis Bertholom, Anatomie du cri et autres poèmes

Explosion de l’âme, souffle qui perce
une voie sonore dans l’espace

Pensée exaltée, prolongement du mot
qui s’épanche avec furie
se fracasse sur un mur impalpable
au spectre de l’écho

De sa source, le jet phonique
comme une lame projetée
scarifie le silence

Crier avec ou sans message
telle une déchirure invisible
dans l’air alors que le tonnerre d’acier
crayonne son parcours dans le ciel

Le cri peut être muet
au creux d’un regard
une souffrance pudique
qui suggère l’empathie

Joie, douleur,  communication
chant, folie, démence
le cri est langage originel
au confluant des espèces

Crions, à nous extirper de la torpeur
avant le grand effacement

Quimper, le 13 février 2025

 

Au feu

Beau désastre
dans la majesté des flammes
puissance de  l’irrémédiable
langues jaunes
qui lapent l’air
narguant le ciel

La plainte des combustions
s’éreinte au fil
de la digestion calorifère

Feu, entité conquérante
dont la fumée
est la victoire émanée

Il contient
peine, joie, survie
sournoiserie et maléfice

Apprivoisé, il miaule
s’en rit dans le triomphe
pleure sous la pluie
dans la braise il rumine

Le feu est la lumière
de nos ténèbres

Nous sommes tous
des feux potentiels
qui flambent, s’éteignent
au gré de nos humeurs

Quimper, le 13 février 2025

Écrire à Trois-Rivières

Écrire
dans la sérénité des tombes
avoisinantes
alors que l’ampoule
tutoie les œuvres sombres
soleil des boiseries
du plancher qui parle
au Christ solitaire
aperçu de la fenêtre quadrillée
par les escaliers de fer
qui grimpent comme les arbres
vers d’improbables destins

Qui suis-je ici
penché sur la table à tiroirs
à trifouiller mon esprit
près d’un animal figé dans un ultime cri ?

La prose trifluviale
me le dira peut-être…

Trois-Rivières (Québec), le 6 octobre 2024 à l’occasion d’un atelier d’écriture animé par Maryse Baribeau, dans le musée des Ursulines, au sein  du 40è Festival International de la Poésie de Trois-Rivières.

Les regrets

Pareils à des bijoux désuets
Qu’on ne peut  jeter
Qu’on n’ose plus porter
Ils gisent dans les tiroirs de l’âme

On ne s’en débarrasse jamais
Les remords nous font face
Comme reflet dans le miroir
Ainsi sont les regrets

Ils se sont assombris
Dans la langueur des jours
En nous poursuivant
Comme des ombres

On aura beau fuir le temps
Appuyer sur l’accélérateur
Aller au bout du monde
Ils s’obstinent,  les regrets

Les sentiments fanés
De la lente mélancolie
Rêvent de leurs éclats
En nous pinçant le cœur

Ils ne lâcheront rien
Qui ne soient les instants
Où la solitude nous ronge
Pour s’immiscer, les regrets

Quimper, le 2 novembre 2023

L’abomination contemporaine
À Sylvain Tesson

Trottinette turbo
tranche l’air sans effort
pour dépasser
l’ombre du temps.

Cœur au repos,
esprit désincarné,
stupidité
de la propulsion assistée.

Abêtissement du mouvement,
soumission de l’espace publique
à la vitesse au détriment
de la nonchalance.

Cheveux au vent, ahuri
sur mécanique nucléique
dont on ne saura
un jour que faire.

Assistance électrique
de l’individu connecté
aux musiques compressées,
sourd aux chants d’oiseaux.

Mouton assujetti
aux startupers
préempte pistes et chemins
dans sa bulle filante.

Kerler à Fouesnant, le 17 août 2023, entre 21h et 23h, après avoir entendu sur Facebook une réaction de Sylvain Tesson au sujet des trottinettes électriques.

Présentation de l’auteur

Louis Bertholom

Textes

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Louis Bertholom, né en 1955 à Fouesnant, Bretagne (France). Ancien chanteur de rock. Auteur de 23 livres, 10 livres d’artiste, 2 CD, et DVD. Prix Xavier-Grall pour l’ensemble de son œuvre. Il donne des récitals avec musiciens de jazz. Critique, sociétaire Sacem, membre de la Société des Gens de Lettres et de l’Association des Écrivains bretons, il publie en revues. Figure dans plus de 80 anthologies à travers le monde. Il coorganise salons et soirées littéraires. Outre en France, il participe à de nombreux festivals et des scènes au Québec (4 fois), Ontario, Bénin, Maroc, République Tchèque, Roumanie, Serbie, Belgique, Russie… Des poèmes ont été traduits et publiés en 12 langues dans une vingtaine de pays, il a préfacé environ 20 livres. Il intervient  en ateliers d’écriture et d’oralité dans des écoles, collèges, lycées et a donné des récitals dans des amphithéâtres d’universités. Héritier des bardes celtiques, il est aussi influencé par la Beat Generation. Bibliographie visible sur Wikipédia. Sa biographie écrite par l’écrivain et universitaire Alain-Gabriel Monot : Louis Bertholom, le poème comme un cri, est parue en 2020 aux Éditions Yoran Embanner.

© J.M.Hérin.

Bibliographie 

Poussière d’Ombres. Éditions Blanc Silex, 1995. Illustré par Malo. Épuisé

Glenmor, terre insoumise aux yeux de mer. Avec Bruno Geneste, Éditions Blanc Silex, 1997. Collectif. Épuisé

Les Ronces bleues. Éditions Blanc Silex, 1998. Préface Gil Refloch. Épuisé (1ère édition)

Les Îles internes. Éditions Cahiers Blanc Silex, 2000. Illustré par Youenn Gwernig. Épuisé

Le rivage du cidre. (Récit), Éditions Blanc Silex, 2002. Illustré par Claude Huart. Épuisé (1ère édition)

Pèlerin de l’infini. Éditions Encres Vives, 2006

Infinisterres. Les Éditions Sauvages, 2007. Illustré par Marc Bernol

Amerika blues. Les Éditions Sauvages, 2009

Bréviaire de sel.  (Fragments), Atelier de Groutel, 2011. Livre objet Illustré par Jean François Hémery. Épuisé

Les Ronces bleues. Les Éditions Sauvages.  Nouvelle édition augmentée, 2012. Préface Gil Refloch

Mordre le monde. Les Éditions Sauvages, 2012

Bréviaire de sel. Les Éditions Sauvages, 2013. Préface Alain-Gabriel Monot. Illustrations Paul Quéré

Paroles pour les silences à venir. Les Éditions Sauvages, 2015. Préface Alain-Gabriel Monot

Avec les orties du temps. Les Éditions Sauvages, 2016

Nous te souvenons Glenmor. Avec Bruno Geneste, Éditions des Montagnes Noires, 2016. Collectif. Épuisé

Mémoire des sources vives. (Récits), Éditions des Montagnes Noires, 2017

Le rivage du cidre. Éditions des Montagnes Noires, réédition augmentée,  2018. Préface Mark Gléonec

L’enfant des brumes. Éditions Rafael de Surtis, 2018

Au milieu de tout. Les Éditions Sauvages, 2019

Blues-rock. Éditions Sémaphore, 2020

À mes amis envolés, oraisons funèbres. Éditions Vivre tout simplement,  2020. Préface Nicole Le Garrec

La lyre du silence. Les Éditions Sauvages, 2021

Passager du rivage.  Les Éditions Sauvages, Photos de Jean-Michel Hérin, 2023

Le Graal de Kerouac. Les Éditions Sauvages, préface Bruno Geneste, collages Marie-Josée Christien, 2024

Le rock transgressif vu de Bretagne,  Éditions des Montagnes Noires, préface Alain-Gabriel Monot, 2024

Calice de la pensée, sur des dessins de Marc Marchant. Les Éditions Sauvages, 2025

Autres lectures

Louis BERTHOLOM, Au milieu de tout

Strophes courtes, vers brefs le plus souvent, ces poèmes sont marqués par l’oralité, ils sont faits pour être dits, pour être chantés. Et ce n’est pas un hasard si Louis Bertholom est par [...]