Philippe Tancelin, Ces mots sans chair

Déplacement...déplacement...déplacement… !
L'expérience tragique de la première et la seconde Guerre mondiales semble bien ne pas avoir fait leçon de sorte que l’on continue à ne pas mesurer la signification profonde et réelle de ce qu’implique humainement le terme « déplacement ». Il atténue jusqu’à leur banalisation les actes d’expulsion, d’expatriation, de déportation objectivement contraintes et forcées du peuple Gazaoui, comme nous assistons depuis des mois à la normalisation du meurtre de dizaines de milliers de civils dont femmes et enfants, sur la terre de leur patrie.

La 4e Convention de Genève de 1949, (article 49), pose les interdictions qui limitent tout déplacement contraint. Elle précise que « les transferts forcés en masse ou encore individuels ainsi que les déportations de personnes protégées, hors du territoire occupé, dans le territoire de la puissance occupante ou dans celui de tout autre État occupé ou non, sont interdits quel qu'en soit le motif... »

Aujourd’hui, glissant au plan mondial de la référence au droit, à celle des  rapports de forces, la situation d'occupation meurtrière de Gaza et le projet d’expatriation des Gazaouis vers l'hypothétique Égypte ou quelque autre refuge, voudraient apparaître comme une simple modalité de règlement de conflit.

Les femmes, les enfants, les hommes de tout un peuple ont encore le droit (internationalement reconnu) d'exiger qu'on entende leur voix, leur cri articulant clairement qu'ils ne sont pas des choses, de vulgaires objets qu'on déplace, dont on se débarrasse selon le bon vouloir des acteurs du remplacement, opéré par une occupation illégale autant que illégitime.

Quel est donc ce monde prétendument libre et qui n'a retenu des déportations génocidaires du passé que des conventions, des principes, qu’il laisse à sa libre transgression. De quoi les mots sont-ils faits ? Que véhicule le langage ? De quelle perte souffre ce jour le vocabulaire des Hommes, sinon du sens de la chair qu’il n’habite plus jusqu’à se poser la question : a-t-il seulement jamais laissé la chair l’habiter ?

Plus encore qu’un exil forcé, le « déplacement » massif, contraint par la force militaire écrasante de l’occupant colonial,  renvoie à un  impérialisme et ses diktats qui en la circonstance précise, bénéficient du sourd consensus d’une part criminelle de la communauté internationale.

Déplacement…déplacement… doit être entendu dans toute l'acception de ce terme c'est-à-dire, d'arrachement à la terre, à la patrie, à la mémoire des ancêtres et oblitère toute perspective d’un retour  des Palestiniens à Gaza. (sauf renversement des rapports de force internationaux).

Qu'advient-il du sujet humain une fois qu’il est arraché à tout ce qui l’a édifié comme personne singulière dans et avec sa communauté d'origine ?

Que  devra-t-il souffrir dans sa chair pour se reconstruire avec ses congénères, lorsque de sa terre, de sa patrie qui sont culturellement son métier à tisser les relations humaines, il est dépossédé ?

Quel devenir quand les cinq sens de tout Homme sont soudain privés, séparés du jardin qui les a cultivés, et que les morts enterrés dans ce jardin du pays d’origine, sont eux-mêmes effacés par la cruauté de l'occupant ?

Vieux-nouveau monde : de quelle amnésie l'envahisseur s’est-il frappé lui-même, jusqu’à nier en l'autre ce qu'on a jadis nié en lui d'appartenance à une humanité sensible et son verbe : ce verbe qui de toute histoire de civilisation, ne saurait être dissocié de la chair qu'il imprègne autant qu'elle l’abrite pour construire langage entre les hommes ?

Jour comme nuit
l’histoire met à la gorge du palestinien
un collier de serrage bigarré
Soir et Matin  la sagesse de l’oiseau chante
à chacun chacune le pays de sa naissance
jusque parmi les astres

Quand le colon met entre les yeux de sa victime
l'occupation de l'horizon
Lorsqu’il veut que son prochain soit disparu de sa vue
Il lui faut faire savoir qu'il ne pourra dérober
ni effacer la mémoire des enfants de la terre
qu’il ne parviendra jamais à anéantir la clarté de la source
ni à posséder la chaleur d'un rayon de soleil
ni à dissuader un carré de ciel bleu
de réchauffer toujours le pourchassé

Toutes choses sont liées
Les cendres en lesquelles l'occupant veut réduire la terre
sont celles de toutes et tous mêlés à travers les temps

Sans la mémoire des uns comme des autres
ces cendres inséparables ne peuvent que mourir de solitude 

L'humus charrie les souvenirs des Palestiniens
il féconde l'herbe sauvage qui lève entre les pierres
sur la route de décennies de non reconnaissance

Puisse un jour le pourchassé
respirer dans les fleurs du jasmin
l’ivresse d’un matin libéré

Sache un jour l'oiseau
voir dans les yeux de l'arbre abattu
l'ombre de son vol préservé

Entende un jour chacun
crier les mots d'amour qui ne se perdent pas
goûter le calme du baume
enveloppant le rêve qui n'a pas fui

Cherchons le visage d'antan éclairer demain
Entendons l'appel montant des puits de l’abandon
Regardons par des yeux de voyants
Touchons par des doigts de chair
Réalisons que ce qui devrait être dit
sera scellé
que ce qui voudrait être tu
sera proclamé

Toute conscience historique détourne la censure du temps
Entre les pages d’énigmes elle pressent la saison de printemps
que dresse son verbe  dans la traversée de l’infini à la chair
tandis que la parole dessine la porte qui ouvre
sur le site du sens
d’un radical surgir

Présentation de l’auteur

Philippe Tancelin

Philippe Tancelin est né Le 29 mars 1948 à Paris. Docteur d’Etat en Philosophie-Esthétique. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont :

  • Ecrire, ELLE 1998 ;
  • Poétique du silence, 2000 ;
  • Cet en-delà des choses, 2002 ;
  • Ces horizons qui nous précèdent, 2003 ;
  • Les fonds d’éveil, 2005 ;
  • Sur le front du jour, 2006 ;
  • Poétique de l’étonnement, 2008 ;
  • Poétique de l’Inséparable, 2009 ;
  • Le mal du pays de l'autre ;
  • L’ivre traversée de clair et d'ombre, 2011 ;
  • Au pays de l'indivis aimer (…) éd. l’Harmattan, 2011. 
  • Tiers-Idées, Hachette 1977; En collaboration avec G. Clancy ;
  • Fragments-Delits,  Seghers 1979 ;
  • L'été insoumis, 1996 ;
  • Le Bois de vivre, l'harmattan, 1996 ;
  • L'Esthétique de l'ombre, 1991 ;
  • La question aux pieds nus ;
  • En passant par Jénine, 2006 (éd. l''Harmattan) ;
  • Le Théâtre du Dehors, Recherches, 1978 ;
  • Manoel De Oliveira, Dis-voir I987 ;
  • Théâtre sur Paroles, Ether Vague 1989 ;
  • Entretiens avec Bruno Dumont, Dis-voir, 2002.

 

Philippe Tancelin

Autres lectures




Jean-Paul Gavard-Perret, Peau d’Anne

Un certain « nous » existe en ce « je-tu ». Il soulève du au féminin au masculin l'histoire du labyrinthe de deux êtres. S'y perdre est à la fois un plaisir et une angoisse et accepter le risque dans la proximité troublante de nos mots juste au-dessus d’une ligne de flottaison. Avançons à tâtons, surnageons. Je deviens le berger de ton cosmos et souffle dans la corne d'ivoire et ta clochette rose blanches pour titiller tes nuits. Et quand je prends mon bain avec toi tu brilles en pépite dans l'eau bleue, en feu blanc d'étoile.  Tu n »as plus peur de notre parcours labyrinthique. 

Nous y sommes engagés ?  Sois Ariane et moi Thésée. Il faut avancer car nous allons vers le mystère. D’abord j’ai imaginé avec ce que j’ose t’enlever. J’hiberne loin de ta robe et de ton chemisier.  Tu es comme dans un hôtel couchée dans toutes les chambres et tu possèdes le sens de la connivence jusqu’au moment où le jour se lève. Nos moiteurs remuent dans nos moussons du cœur. Que l'urgence nous dépêche afin que nous voulions la lenteur. 

Tu n'es pas là. Tu es toujours là. J'ai voyagé avec toi. Loin de toi. Sache que les heures opalines ne parlent qu'aux oiseaux de tes lagunes. Je rejoins ton royaume retranché dans quelques creux de sable et de rochers. Tu es Calypso nymphe et reine d'Ogygie. Tout 'amour tu le tiens dans tes rets. Et tu tires le présent le passé. Et lorsque les arbres cherchent leur ombre, tu ouvres l’espoir de nous rencontrer. Attends de mes mots ce qu’ils ignorent de ton énigme. Mais je m’y engouffre et ne garde plus le silence. Va désormais jusque-là où tu te retenais d'aller. Nos secrets font des jardins d’Eden. Sa houle porte jusqu’à ton écume ? 

Qu’est-ce qui a commencé ? Quand as-tu commencé ? L’un est prisonnier aveugle, l’autre, mains liées dans le dos. Mais tu es à nouveau plus libre que la mer.  Imagine la carte du ciel avec dans la tête des oies sauvages. Plus proche de toi ma pensée te touche. Elle est douce, émerge de la nuit. Le dedans est dehors. Le dehors est dedans.

Photo de Robert Mappelthorpe.

Présentation de l’auteur

Jean-Paul Gavard-Perret

Né en 1947 à Chambéry, Jean-Paul Gavard-Perret poursuit une recherche et une réflexion littéraires ponctuées d'une vingtaine de livres de textes brefs - dont « La mariée était en rouge » (éditions du Cygne), Cyclope (Editions de L'atlantique) - ou d'essais dont "Samuel Beckett, l'imaginaire paradoxal et la création absolue", (Minard).

© Crédit photo Bissey

Bibliographie

Fictions et textes brefs

  • Toile Peinte, Argo, Lausanne, 1976, (Sous le pseudonyme d'Annie Renaud).
  • Dans ses gestes, l'Attente, L'Incertain, Paris, 1991.
  • La Partition, Garenne, Lyon, 1991.
  • La Répétition, La Demeure, Courtaud, La Souterraine, 1992.
  • Ici en l'obscur, Ecbolade, Nœux, 1993.
  • Comme un voyage, Édition Philippe Morice, 1° édition 1993, 2e édition revue, 1994.
  • Le jour où j'ai tué Papa, Exquis-Cadavres, Virgin-Calman-Lévy. Paris, 1995.
  • L'Œil du Cyclope, en collaboration avec le graveur Marc Pessin, La Main Courante, La Souterraine, 1995.
  • Le jardin des délices, Le flâneur des deux rives, Juvinas, 1996.
  • Art, Légende, Réalité, Barré-Dayez, Paris, 1996.
  • Douce, techniquement. en collaboration avec le peintre Marcel Warmenhoven, Ecbolade, Nœux, 1996.
  • Le froid, Éditions La Dérive, Verviers, 1996.
  • Nécessaire sacrifice aux étoiles, Éditions le Givre de l'Éclair, Troyes, 1998.
  • Généalogie vénitienne, Rafael de Surtis, Chèvres, 1998.
  • L'Araignée de feu, Éditions du Non Verbal, Bordeaux, 1998.
  • Drawing by embers, La Main Courante, La Souterraine, 1998.
  • Trois faces du nom, L'Harmattan, Paris, 1999.
  • Venise, Éditions de L’Heure, Pry, Belgique, 1999.
  • Le cycle des vanités, Éditions Pierron, Sarreguemines, 1999.
  • Passager de sa pluie, Éditions de l’Heure, Pry-lez-Walcourt (Belgique), 2000.
  • Demain, hier, Éditions on @ faim, Saint Étienne de Rouvray, 2001.
  • Cielle, Éditions Clapas, Aguessac, 2001.
  • La maison de l’être, Éditions Clapas, Aguessac, 2001.
  • Soul-Eyes, Éditions à Demeure, Vals, 2001.
  • La descente ; absence et crue, Éditions à Demeure, Vals, 2001.
  • Une manière noire - fragments sur Jeanne, in «Cuisine et cuisines», Éditions La Dérive, Verviers, 2001. Premier Prix Georges Simenon 2001
  • K, Véronique Van Mol éditeur; Orgeo (Belgique), 2001.
  • Soir (de Paris), Atelier-Éditions Vincent Rougier, Port de Couze, 2002
  • Chants de déclin et de l’abandon, Éditions Pierron, Sarreguemines, 2003.
  • Neige suivi de l’immobile, coll. Ficelle, Atelier Vicent Rougier, Port de Couze Lalinde, 2005.
  • L'image est une chienne, l'Ane qui Butine, Belgique, 2005.
  • Fil rouge, éditions Regard; Petite revue d’Art, Le Grand Abergement, 2005.
  • Porc épique, éditions du Petit Véhicule, Nantes, 2006.
  • A perte de vue : Manhattan Transfert, coll. Pamphlet, Éditions L'Âne qui butine, Mouscron (Belgique), 2007.
  • Mon ex a épousé un Schtroumpf (sous pseudonyme de Garr Gammel), Éditions Chloé des Lys, Barry (Belgique) 2008.
  • E muet, éditions du Trident Neuf, photographie de Marie Bauthias, Toulouse, 2008
  • La jeune femme qui descend l'escalier, Éditions du Cygne, Paris, 2008.
  • La mariée était en rouge, Éditions du Cygne, Paris, 2008.
  • L'appel de la forêt, avec des peintures de Jacques Barry, Éditions Jean Villevieille, Saint Étienne, 2010.
  • Je veux, La dictée-poésie sans faute, 60e "ficelle", Atelier d'art Vicent Rougier, .
  • Dissemblance et figuration, avec une intervention plastique de Mariette, Éditions Le verbe et l'empreinte, Saint Laurent du Pont, 2011.
  • Portraits Singuliers avec et pour les peintures de Claudine Loquen, Éditions Lelivredart, Paris 2011.
  • Cyclope, Éditions de L'Atlantique, Saintes, 2011.
  • Eugène Leroy ou les apparitions, Almagra Éditions, Nantes, 2011.
  • Labyrinthes, éditions Marie Delarbre, Grignan, .
  • 25 courts textes dans le recueil de photographie de Nath-Sakura Fatales, Éditions Victoria.

Autres recueils de textes brefs :

    • Another – Hormoz photographies, Corridor Elephant Editions, Paris, 2016.
    • "Le Faubourg" avec encres de Danielle Berthet, Voix Editions, Richard Meier, 2019.
    • Fluidification des éc(r)oulements, Editions Furtives, Besançon, 2019.
    • Fornikatord, Editions Furtives, Besançon, 2019.
    • La lettre d'amour qui ne s'écrit pas, Editions Furtives, Besançon, 2019.
    • Le bal des mots dits, Editions Furtives, Besançon, 2019.
    • Le boxon de X, Z4 Editions, 2019.
    • Univercités, Editions Jacques Flament,  2020.
    • Patience dans la boîte noire - Jean- François Dalle-Rive, avec M-P Deloche, Folazil, Grenoble, 2020.
    • Joguet, Joguette, Z4 Editions, 2020.
    • Phare d'eau, éditions Constellations, octobre 2022
    • Toussa pour ça & Firmaman, éditions Constellations, décembre 2022
    • Pro Loques, éditions Constellations, février 2023
    • Région humaine suivi de Zébulon Comète et sa maîtresse, éditions Constellations, mai 2023

Poésie

  • Corps de Pierre, Le Pont de l'Épée, Paris, 1976.
  • Elle, Écrite, Hautécriture, Nouaillé, 1990.
  • La main le Désert, Vague Verte., Wagnarue, 1991.
  • Le délit d'Absolu, L'Arbre à Paroles, Amay-Bruxelles, 1991.
  • L'effacement, L'Arbre à Paroles, Amay-Bruxelles, 1992.
  • Suite intempestive, en collaboration avec René Quinon, Le Flâneur des deux rives, 1996.
  • Ibériques, Interéditions, Paris, 1996. (Grand Prix de poésie du Val de Seine).
  • Avalée, Avalanche, Le Chant de l'Aleph, Paris, 1997.
  • Fermeture en fondu sur la lumière du soir, "Conduite forcée", (Éditions à tirage limité, Eric Coisel Éditeur, Paris, 1998.
  • Arachnéenne, Éditions de L'Agly, Saint Paul de Fenouillet, 1998.
  • Pêcheur d'Islande, (Grand Prix de poésie de la Ville de Dunkerque)
  • Verbes suivi de Anglaises, Éditions Clapas, Aguessac, 1998.
  • Bonjour Monsieur le Facteur, sur des collages de Éric Coisel; Éric Coisel Éditeur, Paris, 1999.
  • Visages, en collaboration avec la plasticienne Charlette Morel-Sauphar, Éditions Passage d’Encres, Romainville, 1999.
  • Noire sœur, écrit et illustré en hommage à S. Beckett, Vincent Courtois éd., 1999.
  • Clé de l’abyme, Le scarabée d’or, en collaboration avec le plasticienne Charlette Morel-Sauphar, Passage d’encres, Romainville, 2000
  • Incisions de lumière, en collaboration avec la plasticienne Charlette Morel-Sauphar, Passage d’encres, Romainville, 2000.
  • Primitives du futur, Éditions de La Porte, Laon, 2000.
  • Final Cut & Survivance, en collaboration avec la plasticienne Ch. Morel-Sauphar, Gech Mosa éditions d’art, Mâcon, 2001.
  • L’Injonction, en collaboration avec Annie Frédéric, coll. Tête-à-tête, Éditions Alain Benoît, Rocheford du Gard, 2001.
  • Les carrés de Charlette, coll. Encres Blanches, Éditions Encres Vives, Colomiers, 2001.
  • Rouge Sang, Charlette Morel-Sauphar ed., Bussières-Macon, 2002.
  • Dons de Mélancolie – A l’épreuve du temps, avec des photographies de Georgette Glodek, Éditions Dumerchez, Creil, 2003.
  • Déchirures, avec des peintures de Bernard Quesniaux, Éric Coisel éditeur, coll. “ Mémoires ”, Paris, 2004.
  • Ethernitée, avec des dessins de Mylène Besson, coll. “à la Main”, édition l’Attentive, Paris, 2004.
  • Araba, Éditions du Contentieux, Toulouse, 2004.
  • Donner ainsi l’espace, Éditions La Sétérée, Crest, 2005.
  • Les blés d’or, Aquarelles de Nicole Pessin, coll. Le fil à retordre, Atelier Marc Pessin, Saint Laurent du Pont, 2006.
  • Voyages immobiles, avec des peintures de Chantal Brischoff et des photographies de René Auger, RC Création, Thorissey.
  • Les paroles de neige, Aquarelles de Nicole Pessin, coll. Le fil à retordre, Atelier Marc Pessin, Saint Laurent du Pont, 2007.
  • Gisante, Eden et après, avec des illustrations de Mylène Besson, Éditions Chloé des Lys, Barry (Belgique), 2007
  • Le voyage, avec une intervention originale de Alain Quercia, Jean Pierre Huguet Éditeur, Saint Julien Molin Molette, 2007.
  • Vertical Duo, avec Marie Bauthias, Éditions du Trident Neuf, Toulouse, 2008.
  • Sillage de Lumière, avec des dessins de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2009.
  • Faire parler le jour, avec des dessins de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2009.
  • Odyssée, Raymond Chabert entrée en matière, avec des peintures de Raymond Chabert, photographies de René Auger, RC Création, Thorissey, 2009.
  • Stations christiques, avec des encres de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2009.
  • & - livret 19, avec les photos d'EOle, EOle éditions, La Batie Montgascon, 2009.
  • Miss Fitts et autres Histoires Ceintes, avec des dessins de Jean-Marc Scanreigh, Éditions Atelier Vincent Rougier, Soligny la Trappe, 2010.
  • L'alphabet des primitifs du retour, avec des aquarelles de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2010.
  • Les boîtes à A, coll Matchboox, Éditions Voix, Elne, 2010.
  • Le Dictionnaire des Âmes, avec des aquarelles de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2010.
  • Musikâa, éditions Marie Delarbre, Malissard, 2010.
  • Les enfants de la mer, avec des Aquarelles de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2011.
  • Noël en alphabet, avec des Aquarelles de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2012.
  • Les Seins d’Abeille , Editions Jean-Pierre Huguet, St Julien Molin Molette, 2014.
  • "Autre huche" Coll. Apostille Danielle Berthet, Aix Les Bains 2016
  • "Chéri( e)s ou le sexe se met en dernier", coll. Apostilles, Danielle Berthet, Aix Les Bains, 2017.
  • Chambéry en alphabet dessins de Nicole Pessin, Edition Varia Poetica, Saint Laurent duPont,2017
  • "Clavecin des brumes" avec des peintures originales de Andelu, Editions du Geste, 2016.
  • Tu me vois - Sylvie Aflalo-Haberberg", Paris, Sylvie Aflalo-Haberberg, 2019.
  • "Cui cuit" Coll. Apostilles Danielle Berthet, Aix Les Bains, 2018
  • "Lionne va", avec encres Danielle Berthet Le Livre Pauvre, Daniel Leuwers, 2019.
  • "Anna-Base", Editions Furtives, Besançon, 2019.
  • "Pâle haie des spores", coll. Apostilles, Danielle Berthet, Aix Les Bains, 2019.
  • "Le retour sans l'aller", Editions Furtives, Besançon, 2019.
  • "La maison de ma mère" livre d'artiste dessins Danielle BERTHET, 2022
  • "LICHENS sur la neige" livre d'artiste encres et gravures Danielle Berthet, 2022

Essais et Catalogues

  • La Pop-music, Édition Bibliothèque de Travail, Paris.1978.
  • Jean-Luc Favre ( Reymond) : la scène primitive et l'obstination compulsive, S.G.E. Genève. 1995.
  • Jean Jacques Rousseau et retour - Catalogue du sculpteur Marcel Warmenhoven, Den Haag, 1996.
  • 91 apparitions de Marie-Madeleine, (sur les Photographies de Véronique Sablery), Centre d'Art Contemporain, Hôtel Saint-Simon, Angoulême, 1996.
  • Burroughs, le fil(s) perdu, de l'autobiographie à la scriptographie, Éditions Derrière la salle de bains, Rouen, 1996.
  • René Quinon : l'écriture & le silence, Éditions le flâneur des deux rives, Juvinas, 1997
  • Postface à La disparition Fellini de Jacques Kober, Rafael de Surtis Éditeur, La Touche, 1998.
  • Eugène Leroy ou les apparitions, Patin et Coufin, Marseille, 1998
  • La didactique du français dans l'enseignement supérieur : Bricolage ou rénovation?, coll. Sémantiques, L'Harmattan, Paris, 1998.
  • Josef Ciesla : les portes du silence ou le chant des signes, coll. les Sept Collines, Jean Pierre Huguet Éditeur, St. Julien Molin Molette, 1999.
  • Hypothèse du tableau comme clandestinité - propositions pour Gérard Gasiorowski, Éditions Patin et Couffin, Marseille, 1999.
  • Jacques Simonomis, en collaboration avec Jean Rousselot, Éditions de La Lucarne Ovale, Paris, 1999.
  • Evelyn Gerbaud, Éditions Passage d’Encres, Romainville, 1999.
  • Visages - l’œuvre de Charlette Morel Sauphar, Éditions Passage d’Encres, Romainville, 1999.
  • Filigranes-Passages, Catalogue de la plasticienne Charlette Morel Sauphar, Macon, 2000.
  • Les oubliés magnifiques, Éditions Librairie Bleue, Troyes, 2000.
  • Samuel Beckett : l’Imaginaire paradoxal ou la création absolue, Paris, Minard, 2001.
  • Nécessaire défaut de la réalité ou la lettre d’amour qui ne s’écrit pas, in «De tous les jours, photographies de J-Claude Bélégou», Éditions Photographies & Co, Sausseuzemare, 2001.
  • Suites, séries, variations. Catalogue du peintre Joel Leick, in «Suites et Séries», Éditions L’Harmattan et Tour Carrée, Paris, 2001.
  • Beckett et la poésie : la disparition des images, Éditions le Manuscrit, 2001.
  • Drawing by Embers ou la poétique du silence & Du Paradis in «Du Vide au Silence : La Poésie», Éditions Vermillon, Ottawa (Canada), 2002.
  • Théo Crassas : Songs for Distingué Lovers, Éditions Encres Vives, Colomier, 2002.
  • Catalogue de Véronique Sablery pour l'installation "L'Apparition", Salle Royale, Église de la Madeleine, Paris (Avril, mai ).
  • Thierry Tillier : Lieux et dérives du corps, Éditions de l’Heure, Charleroi, 2003.
  • Un monde toujours nouveau, CD-Rom des œuvres de Charlette Morel-Sauphar, réalisé par Ch. Baudrion, CRDP de Bourgogne & CDDP de Saône et Loire, 2003, Dijon.
  • Catalogue de l’exposition Jean Gaudaire-Thor, Bridgette Mayer gallery, 209 Walnut street, Philadelphie, USA. (sous pseudonyme).
  • Hommage à Blanchot, collection Signes, Éditions Aleph, Malissart, 2003.
  • Marcel Rist, l’étreinte ou l’épreuve des traces, Éditions Anonyme, Auvers Saint Georges, 2004.
  • Le chant des mots et la forêt des signes Préface de «Livres à l’envi - livres d’artistes et affiches de J-M Scanreigh» de Jean Paul Laroche, Éditions Mémoire Active, 2004, Lyon.
  • Catalogue Michel Butor et les peintres, Musée Faure, Aix Les Bains, février-.
  • François Bidault : le surface impossible ou le tableau qui pense in «Jeux de surface», coll. Écriture et Représentation, LLS, Éditions Université de Savoie, 2006.
  • Marie Morel, Éditions anonyme, Chambéry, 2006.
  • Ankh : sculptures et gravures, Chapelle de la Visitation, Thonon les Bains, - .
  • Franchir la frontière ou la poésie comme manuel de félixité et Théâtre de la poésie, poésie de la langue, in «Constantin Frosin, francophile roumain» sous la direction de Laurent Fels, coll. Essais/recherche, Éditions Poiêtês, Orthez, 2008.
  • Cool Memories", catalogue de l'Exposition de Véronique Sablery, «Tentation du visible», Abbaye Saint martin de Mondaye, juin-.
  • Une traversée du siècle : arts, littérature, philosophie : hommages à Jean Burgos, avec Barbara Meazzi et J-Pol Madou, Presse de l'Université de Savoie, Chambéry, 2008
  • Martine Quès : Petits bassins d'eau salée, Photographies, Ateliers des Arts Mêlés, Gargas, 2008
  • Martine Quès : Photographier les rochers, Ateliers des Arts Mêlés, Gargas, 2008
  • Il y a du froissé dans l'air, n° froissé, catalogue pour l'exposition de Vincent Rougier à L'Apostrophe - Théâtre des Louvrais Pontoise, Éditions Atelier Vivent Rougier, Soligny la Trappe, 2009.
  • La cécité n'a pas gelé mon corps il l'était avant, in «Au nom de la fragilité, des mots d'écrivains» sous la direction de Charles Gardou, Éditions Erès, Paris. 2009.
  • Jouve, la vision de la femme, in «Jouve poète européen», Cahiers P-J Jouve, no 1, Éditions Calliopée, 2009.
  • Loques et interloques : la vie dans les plis in «La surface : accidents et altérations», coll. Écriture et Représentation, LLS, Éditions Université de Savoie, 2010.
  • Mylène et Pierre in catalogue «Pierre Leloup - Mylène Besson, Face à Face», Musée Faure, Aix les Bains. Publication de la société d'art et d'histoire d'Aix les Bains, no 62, ..
  • Voies de passage et Petit dialogue intempestif in catalogue « Courto, fragments tatouant », Éditions Musées de la ville de Chambéry, 2011.
  • Miroir du déserteur, littérature, psychanalyse, miroir de l'autre in «Polars En quête de… l'Autre», collectif sous la direction de P-L Savouret, coll. "Écriture et représentation", Éditions LLLS, Université de Savoie, 2011.
  • Eugène Leroy ou les Apparitions, nouvelle version, 2011, Almagra Éditions, Nantes, 2011.
  • Nicole Valentin et la chair-voyance, catalogue de l'exposition "Autour du feu" de Nicole Valentin, espace Autour du feu, 24 rue Durantin, Paris 18e, .

Ouvrages

  • "Si j'étais moi", dans la revue d'art TROU no. XX, 2009
  • La Mariée était en rouge, Éditions du Cygne, Le Chant du cygne, 2009.
  • La Jeune Femme qui descend l'escalier, Éditions du Cygne, Le Chant du cygne, 2008.
  • À perte de vue : Manhattan Transfert, L'Âne qui butine (Belgique), 2007.
  • Les Impudiques : cratères littéraires, Éditions du Cygne, Le Chant du cygne, 2007.
  • Le Voyage, avec une intervention originale de Alain Quercia, Jean-Pierre Huguet éditeur, 2007.
  • L'Homme et l'espace, Atelier Andelu, 2007.
  • Porc épique, Éditions du Petit Véhicule, 2006.
  • Les Blés d'or, aquarelles de Nicole Pessin, Marc Pessin, 2006.
  • Donner ainsi l'espace, La Sétérée, 2005.
  • Thierry Tillier : lieux et dérives du corps, Éditions de l'Heure, 2003.
  • Dons de Mélancolie - à l'épreuve du temps, avec des photographies de Georgette Glodek, Dumerchez, 2003.
  • Chants de déclin et de l'abandon, Éditions Pierron, 2003.
  • Samuel Beckett : l'Imaginaire paradoxal ou la création absolue, Minard, 2001.
  • Le Silence de l'Ile, peint par Tony Soulier, Éric Coisel, 2001.
  • Beckett et la poésie : la disparition des images, Éditions Le Manuscrit, 2001.
  • Évelyn Gerbaud, Éditions Passage d'Encres, 1999.
  • Trois Faces du nom, L'Harmattan, 1999.
  • Le Cycle des vanités, Éditions Pierron, 1999.
  • Josef Ciesla : les portes du silence ou le chant des signes, Jean-Pierre Huguet éditeur, Les Sept Collines, 1999.
  • Hypothèse du tableau comme clandestinité - propositions pour Gérard Gasiorowski, Éditions Patin et Couffin, 1999.
  • L'Araignée de feu, Éditions du Noroît (Canada), 1998.
  • Généalogie vénitienne, Rafael de Surtis, 1998.
  • Eugène Leroy ou les apparitions, Éditions Patin et Couffin, 1998.
  • Drawing by embers, La Main courante, 1998.
  • Arachnéenne, Éditions de L'Agly, 1998.
  • Ibériques, Éditinter, 1996.
  • Burroughs : le fil(s) perdu, de l'autobiographie à la scriptographie, Éditions Derrière la salle de bains, 1996.
  • Le Jour où j'ai tué papa, Virgin-Calmann-Lévy, 1995.
  • L'œil du cyclope (en collaboration avec Marc Pessin), La Main courante, 1995.
  • Jean-Luc Favre : la scène primitive et l'obstination compulsive, SGE (Suisse), 1995.
  • Ici en l'obscur, Ecbolade, 1993.
  • L'Effacement, L'Arbre à paroles (Belgique), 1992.
  • La Main, le désert, Vague verte, 1991.
  • Elle, Écrite, Hautécriture, 1990.
  • La Pop music, Éditions Bibliothèque de Travail, 1978.
  • Corps de pierre, Le Pont de l'Épée, 1976.

Autres lectures

Jean-Paul Gavard-Perret, Joguet, Joguette

Jeux de maux d’amour   Nous parvient la nouvelle « Diagonale de l’écrivain », collection que dirige de main de maître Philippe Thireau, lui-même écrivain, et dans laquelle il convie ses auteurs à s’extriper du [...]




Louis Bertholom, Anatomie du cri et autres poèmes

Explosion de l’âme, souffle qui perce
une voie sonore dans l’espace

Pensée exaltée, prolongement du mot
qui s’épanche avec furie
se fracasse sur un mur impalpable
au spectre de l’écho

De sa source, le jet phonique
comme une lame projetée
scarifie le silence

Crier avec ou sans message
telle une déchirure invisible
dans l’air alors que le tonnerre d’acier
crayonne son parcours dans le ciel

Le cri peut être muet
au creux d’un regard
une souffrance pudique
qui suggère l’empathie

Joie, douleur,  communication
chant, folie, démence
le cri est langage originel
au confluant des espèces

Crions, à nous extirper de la torpeur
avant le grand effacement

Quimper, le 13 février 2025

 

Au feu

Beau désastre
dans la majesté des flammes
puissance de  l’irrémédiable
langues jaunes
qui lapent l’air
narguant le ciel

La plainte des combustions
s’éreinte au fil
de la digestion calorifère

Feu, entité conquérante
dont la fumée
est la victoire émanée

Il contient
peine, joie, survie
sournoiserie et maléfice

Apprivoisé, il miaule
s’en rit dans le triomphe
pleure sous la pluie
dans la braise il rumine

Le feu est la lumière
de nos ténèbres

Nous sommes tous
des feux potentiels
qui flambent, s’éteignent
au gré de nos humeurs

Quimper, le 13 février 2025

Écrire à Trois-Rivières

Écrire
dans la sérénité des tombes
avoisinantes
alors que l’ampoule
tutoie les œuvres sombres
soleil des boiseries
du plancher qui parle
au Christ solitaire
aperçu de la fenêtre quadrillée
par les escaliers de fer
qui grimpent comme les arbres
vers d’improbables destins

Qui suis-je ici
penché sur la table à tiroirs
à trifouiller mon esprit
près d’un animal figé dans un ultime cri ?

La prose trifluviale
me le dira peut-être…

Trois-Rivières (Québec), le 6 octobre 2024 à l’occasion d’un atelier d’écriture animé par Maryse Baribeau, dans le musée des Ursulines, au sein  du 40è Festival International de la Poésie de Trois-Rivières.

Les regrets

Pareils à des bijoux désuets
Qu’on ne peut  jeter
Qu’on n’ose plus porter
Ils gisent dans les tiroirs de l’âme

On ne s’en débarrasse jamais
Les remords nous font face
Comme reflet dans le miroir
Ainsi sont les regrets

Ils se sont assombris
Dans la langueur des jours
En nous poursuivant
Comme des ombres

On aura beau fuir le temps
Appuyer sur l’accélérateur
Aller au bout du monde
Ils s’obstinent,  les regrets

Les sentiments fanés
De la lente mélancolie
Rêvent de leurs éclats
En nous pinçant le cœur

Ils ne lâcheront rien
Qui ne soient les instants
Où la solitude nous ronge
Pour s’immiscer, les regrets

Quimper, le 2 novembre 2023

L’abomination contemporaine
À Sylvain Tesson

Trottinette turbo
tranche l’air sans effort
pour dépasser
l’ombre du temps.

Cœur au repos,
esprit désincarné,
stupidité
de la propulsion assistée.

Abêtissement du mouvement,
soumission de l’espace publique
à la vitesse au détriment
de la nonchalance.

Cheveux au vent, ahuri
sur mécanique nucléique
dont on ne saura
un jour que faire.

Assistance électrique
de l’individu connecté
aux musiques compressées,
sourd aux chants d’oiseaux.

Mouton assujetti
aux startupers
préempte pistes et chemins
dans sa bulle filante.

Kerler à Fouesnant, le 17 août 2023, entre 21h et 23h, après avoir entendu sur Facebook une réaction de Sylvain Tesson au sujet des trottinettes électriques.

Présentation de l’auteur

Louis Bertholom

Textes

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Louis Bertholom, né en 1955 à Fouesnant, Bretagne (France). Ancien chanteur de rock. Auteur de 23 livres, 10 livres d’artiste, 2 CD, et DVD. Prix Xavier-Grall pour l’ensemble de son œuvre. Il donne des récitals avec musiciens de jazz. Critique, sociétaire Sacem, membre de la Société des Gens de Lettres et de l’Association des Écrivains bretons, il publie en revues. Figure dans plus de 80 anthologies à travers le monde. Il coorganise salons et soirées littéraires. Outre en France, il participe à de nombreux festivals et des scènes au Québec (4 fois), Ontario, Bénin, Maroc, République Tchèque, Roumanie, Serbie, Belgique, Russie… Des poèmes ont été traduits et publiés en 12 langues dans une vingtaine de pays, il a préfacé environ 20 livres. Il intervient  en ateliers d’écriture et d’oralité dans des écoles, collèges, lycées et a donné des récitals dans des amphithéâtres d’universités. Héritier des bardes celtiques, il est aussi influencé par la Beat Generation. Bibliographie visible sur Wikipédia. Sa biographie écrite par l’écrivain et universitaire Alain-Gabriel Monot : Louis Bertholom, le poème comme un cri, est parue en 2020 aux Éditions Yoran Embanner.

© J.M.Hérin.

Bibliographie 

Poussière d’Ombres. Éditions Blanc Silex, 1995. Illustré par Malo. Épuisé

Glenmor, terre insoumise aux yeux de mer. Avec Bruno Geneste, Éditions Blanc Silex, 1997. Collectif. Épuisé

Les Ronces bleues. Éditions Blanc Silex, 1998. Préface Gil Refloch. Épuisé (1ère édition)

Les Îles internes. Éditions Cahiers Blanc Silex, 2000. Illustré par Youenn Gwernig. Épuisé

Le rivage du cidre. (Récit), Éditions Blanc Silex, 2002. Illustré par Claude Huart. Épuisé (1ère édition)

Pèlerin de l’infini. Éditions Encres Vives, 2006

Infinisterres. Les Éditions Sauvages, 2007. Illustré par Marc Bernol

Amerika blues. Les Éditions Sauvages, 2009

Bréviaire de sel.  (Fragments), Atelier de Groutel, 2011. Livre objet Illustré par Jean François Hémery. Épuisé

Les Ronces bleues. Les Éditions Sauvages.  Nouvelle édition augmentée, 2012. Préface Gil Refloch

Mordre le monde. Les Éditions Sauvages, 2012

Bréviaire de sel. Les Éditions Sauvages, 2013. Préface Alain-Gabriel Monot. Illustrations Paul Quéré

Paroles pour les silences à venir. Les Éditions Sauvages, 2015. Préface Alain-Gabriel Monot

Avec les orties du temps. Les Éditions Sauvages, 2016

Nous te souvenons Glenmor. Avec Bruno Geneste, Éditions des Montagnes Noires, 2016. Collectif. Épuisé

Mémoire des sources vives. (Récits), Éditions des Montagnes Noires, 2017

Le rivage du cidre. Éditions des Montagnes Noires, réédition augmentée,  2018. Préface Mark Gléonec

L’enfant des brumes. Éditions Rafael de Surtis, 2018

Au milieu de tout. Les Éditions Sauvages, 2019

Blues-rock. Éditions Sémaphore, 2020

À mes amis envolés, oraisons funèbres. Éditions Vivre tout simplement,  2020. Préface Nicole Le Garrec

La lyre du silence. Les Éditions Sauvages, 2021

Passager du rivage.  Les Éditions Sauvages, Photos de Jean-Michel Hérin, 2023

Le Graal de Kerouac. Les Éditions Sauvages, préface Bruno Geneste, collages Marie-Josée Christien, 2024

Le rock transgressif vu de Bretagne,  Éditions des Montagnes Noires, préface Alain-Gabriel Monot, 2024

Calice de la pensée, sur des dessins de Marc Marchant. Les Éditions Sauvages, 2025

Autres lectures

Louis BERTHOLOM, Au milieu de tout

Strophes courtes, vers brefs le plus souvent, ces poèmes sont marqués par l’oralité, ils sont faits pour être dits, pour être chantés. Et ce n’est pas un hasard si Louis Bertholom est par [...]




Stéphane Mongellaz, Retour à l’atome et autres poèmes

AU FOND D’UN PUITS

Ainsi rétracté sur lui-même (nœud fixe, noir) le chaos nourricier exhume de sa mémoire le
souvenir d’une mécanique de vies. C’est le choc premier :

les murs se lézardent,
les mues s’égrènent en spirales, d’où

de vagues écritures s’échappent, dérivent selon
d’anciennes équations de marées qui, absorbées
une nuit
sous leur propre niveau, se jettent
un jour
sur nos espaces actuels.

La précision est telle que l’on peut voir,
dans la singularité

d’un saut, d’un vol, d’un trou,

le souffle continu d’existences et de morts 
que ne suivent rien d’autre
que de nouvelles naissances : 

un océan brûlé où plongent
des formes, des ombres
de matière que nous frappons tels
nos crânes contre les murs

pour recoudre les plaies
ballantes et l’ondulation bleue
du sang sur l’élastique des mers   

avant que l’oubli ne tarisse nos veines. 

 

SEUL CET ESPACE

Toi. Là    où depuis sa mort
éternelle une étoile habille
ton ombre de fantôme glisse
sa main dans la gesticulation
de ta peau
découpe le vide sous tes pas
de pantin seul avant d’essorer
son éclat entre les trous et les piles
sales de ton cerveau qui sauvagement
s’accroche au grillage
tors de la gravité   

n’oublie pas

les continents
les édifices
les histoires sont des prétentions d’hommes sur une Terre écumeuse et blanche. Elle vieillira
rouge au zénith d’un désert.

 

EXIL

I

Horizon de solstice.
Hiver recourbant.

Dehors le froid opère sa victime

démunie de sa peau de bête
meurtrie de l’os à la moelle

elle a un sursaut 

jet de pierres
ciel devenu disque.

À l’instant
le corps se souvient de ses métamorphoses.

 

EXIL

II

Tu poses ta brosse à cheveux.
Tu viens te coucher contre moi.
Tu éteins la lumière.
Je ne bougerai pas. Je ne me trahirai pas.
Ressens la vacuité qui nous sépare, qui seule emplit les extrémités de la chambre, qui change
l’espace. Regarde-moi,
j’ai de nouvelles étoffes, j’en ai fait ces larmes dans lesquelles tu sombres comme sous un
drap. Je le déchirerai
afin que tu caresses mes autres écailles dressées sur le tas de notre vie.

Tu as développé tes racines dans l’éther. Tu crois toujours en tes planètes.

Moi, être-mutant, en prise avec la précession des axes,
je m’efface de l’évolution,
je sors du lit,
je rallume.

Ma peau se distend.
Mes côtes s’allongent.

Voici les Créatures. Elles m’emmènent.

 

RETOUR À L’ATOME

Soleil    boule d’hélium, étoile en gros plan    va gonfler ailleurs, laisse-moi tout le
diamètre de la Terre.
Je ne veux pas savoir quel sera le prochain pays où j’irai.
Je ne pars pas.

Du fond de mon aven (où j’ai conservé les derniers fruits des champs)
je m’endors, loin des océans et de leurs fosses
mises à jour, prêt à m’effacer
dans le feu de l’orge.

Stéphane Mongellaz

Présentation de l’auteur

Stéphane Mongellaz

Né en 1980 en région parisienne. Mes études s’orientent rapidement dans les bistrots où apprendre, écouter et échanger avec des compagnons de tous bords politiques et artistiques, et de tous âges, m’éclairent sur les excès et la vanité de ma morale, de mes actes, et m’aident à accepter mon état de révolte.

Ainsi ma poésie tente d’exister parmi l’intrication des choses, de résister contre sa propre fin, de questionner la cosmologie, d’ériger face à tout ordre une parcelle d’humanité.

Bibliographie (supprimer si inutile)

Autres lectures




Martin Payette, Soif de divertissement et autres poèmes

Suspendus au plafond parmi les célébrités nous sommes, collés les uns aux autres par une soif de divertissement. Laisser cette soif emplir la gorge, couler l’organe interne qui te veut lucide.

Assécher sans arrêt l’intérieur, l’organe lucide dans une soif constante de divertissement, désert sans liquide, liquide désert.

Morbide mais familière, la soif de divertissement piège le regard dans ses miroirs. L’esclave intime quête l’approbation des pupilles, des célébrités et le moi flambant nu délaisse son projet d’être libre et vrai.

 

LA VOIX ET LES DETTES 

Une voix rauque de créancier émerge, profitant de ma terreur du pire pour reprendre du service. Je ne sais par quelle stupéfiante connexion peur et honte se coordonnent pour fracasser ma conscience, alimentant un dialogue souterrain qui me dépasse complètement. Et c’est ainsi que la voix s’exprime : « Regarde tout ce que tu as manqué, raté, perdu, déformé et ce, depuis la genèse de tes actes. »

Voyez ! Elle sait quoi dire pour jouer à la ventouse dans mon dos et siphonner le tube de lumière qui longe mes vertèbres : « C’est entendu, dit-elle, tu dois payer, et le montant de ta dette est énorme. À mesure que tu paies, tu te crées de nouvelles dettes par de nouvelles maladresses et je ne vois pas comment tu pourrais t’en sortir. » Et la voix éclate d’un rire énorme, car elle sait que, dans ce cumul de dettes, je m’enterre définitivement. La voix écrase, révèle d’autres paiements pour briser ce qu’il reste de volonté en moi.

 Rien ne sert de discuter avec elle, ses termes sont bien trop précis et sa logique financière, sans faille. Réparation des trous personnels et historiques, des cibles manquées, des aveuglements petits et grands qui germent en nous, à notre insu, alors que nous nous relevons à peine de notre cécité passée. La voix est toujours en avance d’un temps sur la somme de nos meilleures actions, le reste traîne loin derrière. Mais une faille se dessine sous la tonalité rauque…

Demande à la voix : « Qui es-tu ? »  Demande au créancier son origine, son identité, demande qui t’interrompt sans arrêt à chaque fois que tu ouvres la bouche. Tu verras qu’il s’agit de toi, créancier, toi-même à qui tu as emprunté et qui a gonflé pour son propre compte les intérêts. Le créancier, c’est toi. La dette, c’est toi. La souffrance à livrer, le taux d’intérêt, c’est toi qui les a fixés. Tu es toutes ces personnes en même temps, le prêteur et le prêté, le créancier et le mauvais payeur, l’huissier véreux et la malheureuse victime. À toi de demander à la voix quelle est la suite, quoi faire de la dette dans une telle situation. Tu auras une réponse nouvelle, d’une fraîcheur inattendue, lorsque tu verras une seule personne, une seule réalité derrière ce dialogue.

UN JEU D’ENFANT

Enfant, j’ai inventé un jeu : était-ce seulement le mien ou le vôtre aussi ?

Ce rituel m’habitait comme une obsession et je le répétais plusieurs fois par jour, voire par heure. Je fermais les yeux et, après un certain décompte, je les rouvrais avec l’idée que tout était effacé. Je reprenais alors mon existence à zéro avec un esprit de pureté et de nouveauté, j’étais pour ainsi dire nettoyé de mon passé. Une vie nouvelle commençait.

Mais ce petit rituel ne fonctionnait jamais longtemps ; quelques minutes après, je me rendais compte que je n’étais pas celui que je voulais être, quelque chose faisait cruellement défaut. Non pas que j’étais entravé dans mes actions, mais l’ancien moi était toujours là, pauvre, incomplet, misérable. Les yeux fermés, je recréais une image de ce que je voulais être, mais sitôt les yeux rouverts, cette nouvelle vie se fissurait, je retombais dans l’existence précédant le « grand saut ». Je ne pouvais que recommencer encore et encore, en fermant et rouvrant les yeux avec toujours plus de violence, jusqu’à comprendre que je ne serais jamais l’image nouvelle de moi-même, qu’aucune coupure n’était possible avec l’ancienne vie.

Depuis longtemps, je ne m’attends plus à l’émergence d’un nouvel être par ce rituel enfantin. Maintenant, les choses vont et viennent, de petites prises de conscience se font sans battements de paupière. Je considère la personnalité de départ comme une sorte de base de travail incontournable, et ce, dans une continuité perpétuelle. Jusqu’à ce que je sois en mesure, sur mon lit de mort, de fermer les yeux définitivement sur l’ancienne vie et de les rouvrir sur une nouvelle, enfin lessivé de ma manie de toujours retomber en moi-même.

 

RÉCONCILIATION

Je désire réconcilier sexe sauvage et cœur tendre des ébats. Je dis cela gentiment, mais vous saurez le traduire en des termes plus bruts, plus rudes, car vous connaissez bien la nature de ce trouble. Il y a quelque chose d’agressant dans le fait d’être possédé par la pulsion sexuelle. Il y a quelque chose de lancinant dans le fait de ne pas la satisfaire.

PSYCHO-POP INTERNE

Très psycho-pop à l’interne, je m’observe, inspire, expire, proclame présence à moi-même, mais quelle nébuleuse intime aura le dernier mot ?

Étrange lorsque les exhalations d’un temps perdu infiltrent des lieux publics et qu’il devient possible de renifler ses vidanges astrales à travers un design branché. Étrange dis-je, car, à ce moment précis, je me rappelle des amours passées. La nostalgie s’accouple-t-elle seulement avec le sursis, la tentation de durer ?

Tout un charabia s’organise pour justifier ces résurgences : l’Unique n’est pas de cette vie, ou bien je ne l’ai pas encore connue dans ce monde ni retrouvée, ou bien je ne la vois pas ou ne l’ai jamais vue, ou bien elle est déjà là, tout près, tout loin, avec moi dans d’autres mondes incréés ou ailleurs, disséminée dans chaque parcelle de femme.

Ce n’est rien, seulement le délire d’un organisme vieillissant qui veut justifier sa quête devant les miroirs.

Ce purgatoire m’est familier. Maintenant qu’il est révélé, le désir m’éclabousse de sa véritable nature, insatiable, insaisissable et d’une souveraineté infinie. Il gambade d’un objet à l’autre, et je le soupçonne d’être un despote hostile bien installé à l’interne, avec cette autonomie menaçante qui le caractérise. Telle une série de poupées russes, cette multitude désirante cache son jeu et se dissimule en elle-même sans jamais dévoiler ses fondements.

LA DETTE CORIACE

Très coriace en moi cette idée : comment payer à tout jamais la dette intime, contractée depuis des siècles ?  Ô Seigneur des esclaves débiteurs, avec quel sang, quelle sueur ?  Nerfs et veines fractionnées, prélèvements à même la carcasse. Sinon brûle tes avoirs, marche dans la rue enrobée de culottes.

Offre aux passants une orgie de culpabilité.

PRENDRE SOIN

Une vie parsemée de faux pas, de déséquilibres et de sursauts névrotiques, une imagination qui ne s’est jamais souciée des règles d’atterrissage. Après une période de déni, de pain quotidien et de bonnes intentions, un nouvel horizon émerge à la mi-temps de la vie adulte.

Mon être troué, cet ennui qui m’a complètement surplombé, je ne les évite plus. Je les prends comme ils sont et les enrobe d’une dimension esthétique lorsque je les sens sur le point de m’achever, comme dans les beaux jours de la dépression. Je peux seulement donner à cet abattement mélancolique le droit d’exister, sans pour autant me laisser posséder par son climat.

Aux autres qui mènent leur existence comme un récit solide et bien structuré, je ne souhaite que du bien, mais, au final, rien ne dit que ce style vaut mieux qu’un ennui chronique qui ne saurait se déraciner.

Le mélancolique, lorsqu’il parvient à ne pas se laisser absorber par sa masse obscure, est comme le bon chien qui allège la solitude de son maître, le cosmos. La bête ne comprend rien à la situation du créateur calé dans son fauteuil, mais elle est sensible à l’infinie tristesse d’en haut, aux trous noirs de son unicité perdue, et sa présence console. Elle le sait, elle est là sa raison d’être, et le mélancolique comme le chien ne peuvent s’empêcher d’être fidèles à cette mission.

ADOLESCENCE LITTÉRAIRE

J’ai vécu de sacrés moments de déprime littéraire. Lorsque le fiel s’agglutine, le gouffre d’ennui et le cœur mal pompé récitent : défais le jour, tu perdras également tes cartes dans la création. Ce sentiment d’être très étroit, compressé dans la poitrine, le gilet inconfortable d’auteur avorté qui m’enserre et me refroidit bien comme il faut.

L’adolescent exalté au long manteau noir qui voulait toucher beaucoup de gens, marquer les esprits. L’aventure, le spectacle, le sens du combat qui s’est étiolé au fil des rendez-vous manqués pour laisser place à une existence confortable. La déception de n’avoir pas vécu d’appel, de passion, d’exil ou de création subventionnée. Du calme compressé, un confort à quatre murs qui se referme tout doucement sur les années.

Tout est devenu une question d’endurance et de discernement par la suite. Un rayon de conscience, si faible soit-il, peut mettre à jour et enrayer l’engrenage des névroses. Contre toute attente, l’esclave intime s’insère dans le système économique, mais ne cesse jamais de contrecarrer les plans de Pharaon. La guérison psychique, l’éveil de la conscience, l’utopie réalisée à petite échelle, l’art sacré : tous ces papyrus ont été précieusement conservés pour la sortie hors d’Égypte.

Mais des vautours invisibles rôdent près des portes de sortie, ceux-là même qui ont fait tant de mal à l’adolescent idéaliste. La banalité, l’abandon, l’indifférence sont des adversaires qui sévissent avec efficacité et discrétion. Même avec l’appareil à coudre les plaies béates, il est difficile de repousser ces mercenaires de l’absence.

 

NARCISSISME ASTRAL

Sur le plan astral, je me prends parfois pour un autre.

J’y diffuse une publicité grossière et racoleuse. Je suis souvent critiqué, à juste titre, pour le succès commercial ainsi obtenu.

C’est que j’ai beaucoup de moyens financiers dans l’antimatière, et je me suis bâti une clientèle parmi la population pauvre et peu éduquée des spectres. Gloire caduque, nombre effarant de cadavres adulescents visionneurs de mes publications : tout est vanité et poursuite du vent, dit l’Ecclésiaste, même dans des dimensions plus vastes et plus épurées que la nôtre.

DERNIÈRE LETTRE AUX AMIS

Il y a toujours des amis, mais rien n’est facile : ou bien ils répètent comme moi les mêmes erreurs de l’incarnation précédente, ou bien ils sont d’outre-tombe et veulent me transmettre de sages conseils qui n’arrivent pas à perforer l’épaisseur des sociétés.

Je suinte de partout, mais reste malgré tout l’ami fidèle. Je suis disponible pour décrire la trame de ta renaissance, cher ami, si cet éclairage t’est nécessaire. Nous restons fluides en partages malgré nos limitations : toujours nous persistons, le museau collé contre la vitrine d’une muse apparente, incapables de cerner l’ensemble du tableau par-delà les cadres.

Nous nous reverrons souvent, mais le temps presse. L’amorce des extinctions révèle que cette vie ne pourra être déversée pour se répéter indéfiniment dans une autre. Le paradis, l’enfer, le purgatoire, tous réclament le dénouement des amitiés. Alors, il faudra se rassembler et s’attaquer, un par un, aux nœuds de tous et chacun. Certains pourront franchir la porte étroite, les autres seront pasteurisés par l’archange.

Commençons le travail maintenant, pour avoir au moins une chance.

 

Présentation de l’auteur

Martin Payette

Martin Payette est enseignant en francisation à Montréal. Il a publié un recueil de poèmes, Don Juan et le mode Turbo, aux éditions À l’index. Il est compositeur de musique électronique et collabore régulièrement avec un centre de yoga et de méditation pour créer des ambiances immersives.

Autres lectures

Voix du Québec : Martin Payette

L'Eclipse sanctifiée et autres poèmes   L’ÉCLIPSE SANCTIFIÉE   Ce jour où le soleil  accablé de bêtise humaine qui par succion vidait la graisse bienveillante de ses rayons, [...]




Danielle Helme, Temps Modifié

OLIVIER MESSIAEN

Le réveil des oiseaux au lac de Laffrey

Dès cinq heures,
Une foule d’oiseaux
Donne un récital, intitulé
Le réveil des oiseaux.

Chaque matin
Tu enregistres
Quand un oiseau soliste se lance
Dans de grandes improvisations,
Entrecroisées avec d’autres chants
Brefs et codés.

Une atmosphère à déguster sans bruit,
Accompagnée d’un concert
En rossignol majeur.

Une buse donne de grands coups d’éventail
En atterrissant.
Un corbeau surveille
En criant des insultes stridentes.

Dès cinq heures
Les oiseaux sont les maîtres du son,
De jeunes mâles dragueurs sifflent
De longues tirades impertinentes,
Tandis que des femelles faire-valoir
Leur renvoient trois notes en riant.

Tu enregistres
L’onomatopée du loriot.
Ton oreille
Retiendra
Le rire du pic-vert.
Ecoutons l’inépuisable quatuor
Pour fin du temps
Inoubliable
Dans l’église saint Théoffray
Où la présence de Messiaen est palpable.

*

LE TILLEUL REMARQUABLE

Trépidation de la terre
Craquements titanesques,
L’arbre de la fraternité
Patrimoine naturel,
Ce phare si célèbre dans le quartier
S’affaisse
Catapulté, arraché.

Alors là, c’est fantastique
Toutes ses racines en l’air, l’humus,
Les bactéries qui sont dans les intestins
De l’arbre depuis trois cents ans.

J’ai cinquante ans de souvenirs,
Enfant je grimpais jusqu’à la fourche de l’arbre.

Les images défilent,
Les repas sous le feuillage,
Le feu avec du bois mort,
Mélangé à un peu de genévrier,
Le goût sauvage de la viande
Planté d’une brindille de mélèze
Collante de résine.

Ce tilleul remarquable,
J’en connais chaque branche horizontale,
Le bruissement des ramures du feuillage
Et comment ça se propage
D’un bout de rameau à l’autre,
En souplesse, au moindre souffle.

Comment ça se transmet
Simultanément,
Et comment, lorsqu’on est en-dessous,
On bénéficie d’une bouffée
D’un air renouvelé
Les soirs de canicule.

*

L’AUTRE DIMENSION

Le magnétisme des lieux m’attire
Devant celle que j’appelle la demeure,
Et qui demeure de siècle en siècle.

Je ressens fortement la présence
Des anciens, les disparus qui ne sont
Ni chez les vivants, ni chez les morts.

J’entre dans une autre dimension
Où la mémoire de mes aïeux vibre
Dans une sorte d’effet de réverbération
Qui transperce ces murs imprégnés
De leur présence.

Bien ancrée dans la réalité,
La demeure garde la mémoire.

A la façon des arbres de la propriété,
Plusieurs fois centenaires,
Avec des racines égales à l’envergure
Des branches horizontales étalées
Et des ramifications verticalement dressées.

Les gens du bourg perçoivent également
L’autre dimension de ce refuge
Maître du temps
Qui les ignore.

*

SOUVENIRS PULVERISES

Depuis ta mort
Se télescopent
Des fragments de souvenirs informes,
Des débris de souvenirs
Disloqués, désassortis.

Je suis étonnée de m’apercevoir
Qu’une seule image immobile m’obsède,
Le père est jeune, l’allure décidée
Dans un pull à pied-de-poule
Bleu marine et gris.

En ce moment,
Je n’ai pas d’antivirus, de pare-feu,
Simultanément se précipitent, se dispersent,
Se détruisent des souvenirs.
Ils sont tous pulvérisés,
Je suis incapable d’en attraper un entier
Au vol.

Je ressens l’éclatement
De tout ce que j’ai vécu avec lui,
Comme des particules que je n’arrive
Pas à arrêter et qui remontent.

Je suis dans l’impossibilité de formuler
Mes sentiments avec des paroles.
Seules les sonorités de la musique
Ont un sens.

*

VERT VERONESE

J’avance dans un temps sourd et muet,
Le ciel absorbe les cris des oiseaux,
Le soleil n’éclaire rien,
Persiste une stabilité de mauvais temps.

Vient la perfection de la géométrie
Fractale des fougères
Viennent les bourgeons
D’un vert Véronèse si cher à Van Gogh.

Un renard roux détale au quart de tour,
Sans un cri, il disparaît.

Longtemps après
Le passage fulgurant de l’animal
Et des vibrations dans les bourgeons,
Je reste sous l’emprise de sa présence.

La Combe, Asperjoc

Présentation de l’auteur

Danielle Helme

Poète et romancière Danielle Helme d’origine grenobloise, vit à Montpellier. En prise directe avec la poésie contemporaine, elle produit et réalise une émission de radio diffusée en Drome et Ardèche. Elle a étudié les écritures dramatiques contemporaines. Elle est dominée par un puissant sentiment de liberté, où bien sûr la Nature, la Nature humaine et le Livre sont sacrés.

Elle explore des formes différentes, en suivant son chemin d’écriture : une poésie du dedans, l’Oulipo, abécédaire, et le roman réaliste. La quatrième de Gustav Mahler qu'elle écoute en boucle rythme ses écrits depuis vingt-quatre ans. J-Pierre Spilmont écrivait en préface de son 1er recueil : on vient de pénétrer sur un territoire d’écriture, sur la terre d’un langage exigeant tout du chemin qu’il parcourt.

Elle a publié neuf livres. En perpétuel plaisir et sens des mots, elle publie en 2024 son quatrième recueil de poésie jeunesse, préfacé par Paul Fournel, président de l’Oulipo. Et a reçu le Prix Goncourt de la nouvelle et Prix Renaudot. Une lecture de Temps Modifié aura lieu dans un spectacle à l’auditorium de la Cité des Arts de Montpellier, le 6 mai 2025. Avec : James sacré, Danielle Helme, Éric Chassefière, Jacques Guigou.

Bibliographie

Parmi ses ouvrages les plus récents : Le Radin, roman, Ed. Amandier, (2015) ; Glossaire du ça, (2016), livre Oulipien, Illustrations de Huub Niessen Ed. Du Jais ; Temps Modifié, poésie, Editions de l’Aigrette, (2021) ; C’est curieux j’ai le trac, poésie jeunesse, Illustrations Mick Elli. Via Domitia Editions, (2024).

Autres lectures




Vincent Lambert, ÉCOLE DE LA NUIT

1

vers sept huit heures un soir
je cherchais une écharde
dans un jeune auriculaire
mon garçon la voyait, la voyait
il finira bien par oublier
pourquoi il a mal
et fermer les yeux
ce qu’on appelle grandir
j’allais éteindre, il m’a dit : je suis
pas mal sûr que je peux prédire
la moitié de l’avenir
j’ai dit : pour vrai ?
et lui : ça va être
la nuit
la moitié du temps

2

alors j’ai vu, la nuit
c’est un couloir devenu forêt
un monastère sauvage
mon territoire sous les eaux
la marge illimitée des formes
des paroles qui fixent
les contours du moi dans une brique
l’heure où quelqu’un sort du frigidaire
Neptune et ses pluies de diamants
la nuit nous attire dans sa bouche
avec des reflets
un voyage de quelques mètres au pays
de la fermeture des frontières absolue

3

dormez bien – je creuse le noir avec une cigarette, je perds
le rythme circadien, je décroche, je fais le zéro insondable

à l’entière disposition d’on ne sait quoi, des chiens reniflent
dans les zones gazeuses au commencement de nos histoires

brûlant d’arriver comme un pèlerin dans l’escalier d’Escher
quelque chose au milieu n’a pas de fond ne vieillit pas

4

ta forme de vie va aux ténèbres
pour éclore
elle pousse la tête en bas
agenouillée près du lit
en signe d’abandon
déplie la main et la bête
en-dessous
vient boire

5

le contremaître de nuit
nous rattrape en marchant dans les rangées de cases
les allées de verre du jardin de givre de la cité des morts
encore gelé sur la voie du vide parfait
personne n’a envie qu’il enlève son capuchon
se retourne et
nous ressemble
sosie sans bouche

6

certains mots chatoient ici plus que d’autres
condominium oculaire craie fée muraille yamaha
encodée dans un mur de la forteresse
une brique
donne des vies

7

j’ai tendance à t’oublier, Lune
maîtresse des inversionnistes

comme toi je vis à l’envers
de la programmation et m’entoure de pénombre
pour fleurir, je descends dans mes paramètres
à la recherche d’une fonction désactivée
je retourne mes poches, je tends vers toi
ma défectuosité comme une offrande
au dieu pour les nuls, un signe obscur
dans les viscères du crapet-soleil

8

minuit approche et plus on est égaux
moins il fait noir dans le noir

on entend murmurer les rivières
dans les oreilles sales de nos ancêtres

le faible éclat des fronts nous apparaît
ce qu’on appelle le jour est la nuit d’un autre jour nous le sentons

d’autres ont dérivé qui forment une chaîne et la brisent en tournant
pour nous laisser entrer

9

soudain la certitude qu’on peut voir
dans la nuit héréditaire
par le bout des doigts

long lignage
aimanté comme les minéraux de l’esprit dans les veines
d’eau de l’orgue défibrillisé par le dégel
caillots praniques aspirés par les pupilles nerveuses
la vie intérieure du monde est stroboscopique et trop
de vie affole

j’abandonne la tête dans le courant qui me traverse
je recommence à grandir
j’émerge

10

vues du ciel
nos villes ressemblent à de la moisissure

qui chatoie
un filet de neurones jeté
sur un beau néant navigable

nous l’espèce élevée
dans la peur du noir, on fait clignoter
la maison du dedans (le dernier vœu
de la vie éparpillée : se voir
se voir en ce moment précis
de l’univers)
mais c’est une carie vermeille
dans la bouche d’ombre

ma fenêtre

11

on sort deux par deux fumer de l’air et les étoiles, des trous
dans le couvert de la boîte à respirer par les yeux
des notifications lointaines dans les poches de l’univers
le vingtième siècle n’a rien changé à l’immense paix régnante
je vote pour une heure de noir mondial à méditer le bras d’Orion
la Terre émet une pulsation
aux vingt-six secondes et personne ne sait pourquoi
ce qui se passe est réellement inséparable à l’infini
je baisse le son et j’ouvre les fenêtres
je touche la myriade en te touchant toi

12

déjà habitués à vivre
on oubliait l’autre nom qu’on porte en dormant
veilleuse qui folâtre à minuit moins deux
égarée dans les veines de la mine aux idées
à la recherche d’un corps pour s’enfouir
et parler

Présentation de l’auteur

Vincent Lambert

 

Vincent Lambert, né en 1980 à Saint-Narcisse-de-Beaurivage, est un écrivain québécois. Il détient un doctorat de l'Université Laval, parue aux éditions Nota bene sous le titre L’Âge de l’irréalité. Solitude et empaysagement au Canada français (1860-1930) pour lequel il s'est mérité le Prix Victor-Barbeau de l'Académie des lettres du Québec. Il a publié son premier recueil de poésie, Paysages récents, chez Le lézard amoureux en 2005. En 2013, il fait paraitre La fin des temps par un témoin oculaire à L'Hexagone. En 2019, il publie Mirabilia chez Le Quartanier. Il a codirigé de plusieurs ouvrages collectifs, dont trois aux éditions Éditions Nota bene; Leçons du poème en 2008, Lignes convergentes. La littérature québécoise à la rencontre des arts visuels, en 2009 et La tombe ignorée. Lectures d'Eudore Évanturel, en 2019. Il a aussi fait paraitre J'écris fleuve chez Leméac en 2015, Espaces critiques : écrire sur la littérature et les autres arts au Québec (1920-1960) aux Presses de l'Université Laval, en 2018 et Sensorielles : autour de Paul Chanel Malenfant, aux Éditions du Noroît en 2018. Lambert compte aussi une anthologie à son actif, Une heure à soi. Anthologie des billettistes (1900-1930), aux Éditions Alias, en 2005, ainsi qu'un livre jeunesse, Une chose étrange et gentille (et invisible) paru chez La Courte échelle en 2021. Il a également publié des textes en revues, dont Contre-Jour, et tient une chronique dans la revue l’Inconvénient. Il est enseignant au Cégep de Limoilou.

Bibliographie

Poésie

  • Paysages récents, Montréal, Le lézard amoureux, 2005, 70 p. 
  • La fin des temps par un témoin oculaire, Montréal, L'Hexagone, 2013, 75 p.
  • Mirabilia, Montréal, Le Quartanier, 2019, 293 p.
  • La troisième à partir du Soleil, Montréal, Le Quartanier, 2023, 152 p. 

Essai

  • L'âge de l'irréalité. Solitude et empaysagement au Canada français 1860-1930, Montréal, Éditions Nota bene, 2018, 444 p.
  • Introduction à la vie sans fin, Boréal, 2023

Ouvrages collectifs

  • Leçons du poème, sous la direction de Vincent Lambert, Montréal, Éditions Nota bene, 2008, 202 p. 
  • Lignes convergentes. La littérature québécoise à la rencontre des arts visuels, sous la direction d'Antoine Boisclair et de Vincent Lambert, Montréal, Éditions Nota bene, 2009, 178 p.
  • J'écris fleuve, sous la direction de Vincent Lambert et d'Isabelle Miron, Montréal, Leméac, 2015, 214 p. 
  • Espaces critiques : écrire sur la littérature et les autres arts au Québec (1920-1960), sous la direction de Karine Cellard et Vincent Lambert, Québec, Presses de l'Université Laval, 2018, 394 p. 
  • La tombe ignorée. Lectures d'Eudore Évanturel, sous la direction de Vincent Lambert, Yves Laroche, et Claude Paradis, Montréal, Éditions Nota bene, 2019, 202 p.
  • Sensorielles : autour de Paul Chanel Malenfant, sous la direction de Vincent Lambert et Jacques Paquin, Montréal, Éditions du Noroît, 2018, 370 p. 

Anthologies

  • Une heure à soi. Anthologie des billettistes (1900-1930), Éditions Alias, 2005, 211 p.

Livre jeunesse

  • Une chose étrange et gentille (et invisible), Montréal, La Courte échelle, 2021, 79 p.

Prix et honneurs

  • 2019 - Prix Victor-Barbeau de l'Académie des lettres du Québec pour L’Âge de l’irréalité. Solitude et empaysagement au Canada français (1860-1930)
  • Le prix Alain-Grandbois pour La troisième à partir du soleil

Autres lectures




Reha Yünlüel, ACTION POEM : Ça passera aussi ! Tout ira bien, tout ira très !

 

Un film réalisé par reha yünlüel avec : Mahir Polat, Av. Prof. Dr. İbrahim Kaboğlu, Av. Selçuk Kozağaçlı, Şule Aydın, Muhammet Mağ musique : Muzaffer Gürenç doublage et récit du poème : Philippe Tancelin, doublage (de Şule Aydın) : Sophie Clancy poème : çuhaçuhaya / Reha Yünlüel version française : primevère sur primevère / Belkis Sonia Philonenko & Reha Yünlüel.

Remerciements : Fondation Emile Blémont (Maison de Poésie de Paris) - Pen Club Français (Cercle Littéraire International) - POP (Poets of the Planet) & bachibouzouck - Doc(k)s (Laboratoire expérimentale des langages poétiques).

İstanbul-Strasbourg, Mai MMXXV.

Présentation de l’auteur

Reha Yünlüel

Poète, photographe, traducteur franco-turc

Fondateur et éditeur de la revue d’art et de langue bachibouzouck.com (depuis 2005). Il a collaboré avec nombreuses revues. Il a participé à plusieurs expositions de photographies individuelles et collectives à Istanbul et à Strasbourg et à des rencontres et festivals de poésie (Printemps des poètes 2004, 2005, 2008, 2019, 2022 / Strasbourg, La Nuit de l’écrit au Musée d’Aquitaine voyage en Turquie / Bordeaux 2009, Voix Vives / Sète 2021). Il a réalisé des documentaires et court-métrages poétiques.

Membre du PEN Club & Unifrance.

© Crédits photos Yakup Naziff Yünlüel.

Bibliographie

Poésie :

Katedralden Düşen Kuş (Oiseau tombant de la cathédrale) – Virtuel Yay. (Istanbul-2000)

Rehaïkus - Editions du Petit Véhicule (Nantes-2022).

Anthologie audiovisuelle des poètes vivants - audiovisual anthology of living poets [poets by poet] (2021-   )

 bit.ly/3C4WtsX

Poèmes pour quoi, Ed. Henry / La Rumeur Libre, 2024

Liens :

https://www.lyrikline.org/fr/auteurs/reha-yuenlueel

instagram : rehayunluel

Autres lectures

Reha Yünlüel, à travers les images…

Reha Yünlüel réalise. Il donne vie, il capture sans emprisonner, des visages, dans la série de vidéos de poètes filmés pour son Anthologie audiovisuelle des poètes vivants accessible sur sa chaîne YouTube, et des paroles, [...]




Gaël Tissot, Trois géographies

Géographie de l'éphémère

L'éphémère de la carte sous mes doigts
se défait l'encre de nuit

la ville disparaissant

pâleur

gradation entre les zones éteintes et celles dont le temps n'a
pas porté la marque.

//

Il me faudra reprendre
rendre au vif les contours effacés
encore
revenir
élucider les saisons anciennes
et les terres disparues
comme sable au couchant

où la logique du souvenir étincelle
où se restituent les courbes des ruelles

encre mémoire

en relais du tangible.

 

Géographie de l'immobilité

La marche
et soudain
devant
la bâtisse abandonnée.

Démesure de ses proportions, espace clos à l'équilibre de l'air

immobile

le lent affaissement des murs
colonnes infinies brisées par la lance affûtée des jours.

Chien errant
d'une fontaine figée dans son absence d'eau.

Résiste le corps au trouble du lieu
le noir frémi
en même temps que désir de silence.

//

Un gardien
veillant rides de briques

se détachent des images froissées
toiles lointaines
diluées sous le toit flottement.

La roche érodée de mes poings.

 

Géographie souterraine

Cartographier les os sous la cité, résurgences de rues sous les places,
de places sous les bâtiments

ronger profondeur
l'accrétion de vies passées.

Les morts sans nom
les morts sans cris
perdus de la veille

pourrissement terre-roche
en strates enfouies
couches de temps humain
à supporter
nos pas
à ciseler
brut
les rivages aiguisés de nos pleurs.

//

Perdure
la violence de l'oubli.

Présentation de l’auteur

Gaël Tissot

Textes

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Gaël Tissot est poète et musicien, et crée notamment des œuvres interactives qui intègrent voix parlée et sons enregistrés. Il conçoit ainsi des déambulations sonores géolocalisées, des dispositifs sur écrans tactiles, des objets sonnants et parlants à manipuler…

À travers musique électroacoustique et écriture poétique narrative, ses œuvres explorent des thématiques telles que la solitude dans un monde hyper-connecté, le sentiment d’étrangeté de nos sociétés, la marche et l’errance. Par la sensorialité de l’écoute, elles cherchent à ré-enchanter le monde, à donner un nouvel éclairage étonnant, parfois presque magique, à une réalité connue.

Ses œuvres sont diffusées en France et à l’étranger, et ses textes sont régulièrement publiés en revues de poésie.

© Crédits photos Joanna Harasiuk

Bibliographie 

Textes poétiques :
En incandescence des cimes, revue Lichen n°92 (2024)
Exil, revue  Filigranes n°115 (2024),
La faille et En amont des grands vents, revue Verso n°198 (2024)
En érosion du temps, revue Arpa n°147 (2025)

Textes critiques :
Leah Purcell : un western australien, revue en ligne Zone Critique (2024)
François Bétremieux : une nuit à gratter, revue en ligne Zone Critique (2025)
Dominique Ranaivoson : la poésie de Madagascar, le français par-delà les océans, revue en ligne Zone Critique (2025)

Œuvres poétiques et sonores interactives (sélection) :
- Nexploria, œuvre numérique participative
- Mobigrammes, textes poétiques à animer
- Toposonic, déambulation sonore géolocalisée

Autres lectures

Présentation de l’auteur

Gaël Tissot

Textes

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Gaël Tissot est poète et musicien, et crée notamment des œuvres interactives qui intègrent voix parlée et sons enregistrés. Il conçoit ainsi des déambulations sonores géolocalisées, des dispositifs sur écrans tactiles, des objets sonnants et parlants à manipuler…

À travers musique électroacoustique et écriture poétique narrative, ses œuvres explorent des thématiques telles que la solitude dans un monde hyper-connecté, le sentiment d’étrangeté de nos sociétés, la marche et l’errance. Par la sensorialité de l’écoute, elles cherchent à ré-enchanter le monde, à donner un nouvel éclairage étonnant, parfois presque magique, à une réalité connue.

Ses œuvres sont diffusées en France et à l’étranger, et ses textes sont régulièrement publiés en revues de poésie.

© Crédits photos Joanna Harasiuk

Bibliographie 

Textes poétiques :
En incandescence des cimes, revue Lichen n°92 (2024)
Exil, revue  Filigranes n°115 (2024),
La faille et En amont des grands vents, revue Verso n°198 (2024)
En érosion du temps, revue Arpa n°147 (2025)

Textes critiques :
Leah Purcell : un western australien, revue en ligne Zone Critique (2024)
François Bétremieux : une nuit à gratter, revue en ligne Zone Critique (2025)
Dominique Ranaivoson : la poésie de Madagascar, le français par-delà les océans, revue en ligne Zone Critique (2025)

Œuvres poétiques et sonores interactives (sélection) :
- Nexploria, œuvre numérique participative
- Mobigrammes, textes poétiques à animer
- Toposonic, déambulation sonore géolocalisée

Autres lectures




Kamel Bencheikh, Porter le poids de la douleur qui rampe

Ne pas disparaître. Affronter l’heure nue,
la sentir peser sur la peau comme une lame,
sans fuite, sans rêve creux,
sans ces échappatoires tissées d’ombres.
Laisser l’instant cogner,
qu’il frappe jusqu’à l’os,
qu’il creuse dans la chair ses racines brûlantes,
sans esquive, sans détour.

Ne pas s’abandonner aux mirages du répit,
ne pas tendre la main vers le mensonge des heures douces.
Tenir, figé sous la lumière crue,
étranglé par le silence,
sans ciller, sans ployer sous la douleur qui rampe,
qui s’infiltre et scelle les lèvres.

Dans cette attente sans fin,
être arraché à soi-même,
dépouillé de tout,
jusqu’à ne plus sentir que la morsure du vide,
être jeté là, chose inerte, chiffon délaissé
que le vent ne soulève même plus.

Respirer malgré tout,
traverser le labyrinthe de l’agonie,
avancer sans repères,
dans l’épaisseur étouffante d’un temps qui se referme,
qui broie, qui nie,
et pourtant, ne pas tomber,
ne pas crier, ne pas demander grâce.

Porter l’heure jusqu’à son dernier battement,
jusqu’à ce point de non-retour
où la douleur, fendue en deux,
délivrera enfin sa vérité intacte,
sa voix brutale et pure,
sa dernière lueur inviolée.

Les âmes froissées de l’automne

Un souffle glacé racle la nuit,
lente morsure du soir d’automne,
où l’ombre s’étire, déchire le ciel,
où la lumière vacille, en proie aux cendres.

Au-dessus, des nuages fauves,
gonflés d’incendies et de spectres,
s’accrochent aux étoiles en lambeaux.
Des anges déchus y errent,
les ailes noircies de cendres,
les visages fendus de songes avortés.
Des cauchemars rampent sous leurs pas,
griffant la chair du vent.

Le passé cogne aux vitres,
insistant, indélébile,
ruisselle sur les murs comme une pluie froide,
s’accroche aux épaules, murmure son poids.
Le présent vacille sur un fil trop mince,
en équilibre au bord d’un gouffre sans nom.
Et l’avenir ?
Peut-être une fenêtre brusquement ouverte,
un appel d’air, une fuite,
ou juste un mirage, un leurre dans la brume.

Un souffle glacé traverse la nuit,
et sous lui, les feuilles,
ces âmes froissées de l’automne,
tremblent, s’accrochent,
mais déjà se détachent,
fragiles, si fragiles,
avant de sombrer dans le silence.

 

Au creux de tes yeux

Doucement, au creux de tes yeux,
je me suis abandonné,
glissé sans bruit dans l’ombre liquide,
me noyant sans lutte, sans retour.

Le temps s’effilocha en un sifflement léger,
comme une lame d’air sur la peau,
comme une promesse oubliée avant d’être dite.
Au-dessus, des flottes de nuages,
sombres navires errants,
filèrent sans jeter l’ancre,
sans laisser d’empreinte sur l’azur effacé.

C’était il y a mille marées,
tant de saisons fanées,
tant de soleils épuisés.
À force de fouiller les vestiges,
de poursuivre des ombres sur le sable mouvant,
on se lassa de chercher,
de croire qu’un jour, quelque part,
la trace de nos pas surgirait intacte.

Les vagues roulent encore,
pures, indifférentes,
sculptant d’un frisson la peau de l’océan.
Mais l’eau elle-même,
dans ses profondeurs impénétrables,
ne saurait deviner l’ombre immobile,
le silence enseveli,
la paix obscure
qui repose au fond de ma mer.

Je meurs, étranger à la mort

La nuit, encore une fois la nuit, elle revient, souveraine et absolue, détentrice d’une sagesse
obscure qui s’infiltre dans mes veines comme un poison lent.

Elle enlace le monde d’une caresse silencieuse, d’une étreinte brûlante et funèbre, comme la
main invisible de la mort qui frôle sans emporter, qui éveille avant de condamner. Un instant
d’extase suspend mon souffle, moi, l’héritier secret des jardins interdits, celui qui a effleuré
l’ombre sans jamais posséder la lumière.

Des pas résonnent, des voix chuchotent, loin, tout au fond, du côté maudit du jardin. Des rires
éclatent derrière les murs, fantômes d’une fête qui n’a jamais eu lieu. Ne crois pas qu’ils soient
vivants. Ne crois pas qu’ils respirent. À tout moment, la faille dans la paroi, le frisson du vide,
et la fuite soudaine du petit garçon que j’étais, pieds nus sur la pierre froide, traqué par une
menace informe.

Il pleut des sourires de papier froissé, des éclats de couleurs fanées que le vent disperse en
silence. Les couleurs parlent-elles ? Et les images en cendres ? Non, seules les dorures
murmurent des vérités, mais ici, il n’y en a aucune. Ici, tout est absence, un oubli sculpté dans
la pierre.

J’avance, et les murs rétrécissent, se rapprochent inexorablement, se ferment sur moi comme la
gueule d’un piège ancien. Toute la nuit jusqu’à l’aurore, j’ai murmuré à voix basse comme une
prière inachevée : si je ne l’ai pas connu auparavant, c’est que son heure n’était pas venue.
J’interroge. Ma voix se dissout dans l’espace. Déjà, plus personne ne m’écoute.

Je m’efface. Je meurs, étranger à la mort. Et pourtant, quelque chose demeure, un souffle, un
dernier spasme, car le langage de l’agonie n’appartient qu’aux vivants. J’ai laissé s’échapper le
pouvoir de métamorphoser l’interdit. Ils sont là, tapis derrière les murs, respirant sourdement,
guettant le moindre frisson de ma voix. Mais dire ma route, dévoiler l’empreinte de mes pas,
m’est défendu. Toi qui écoutes encore dans le silence intact de ta solitude, regarde : ces murs
sont nus, arides comme une plaie ancienne. Ici, la pierre règne, stérile et immuable. Aucune tige
ne brisera l’attente, aucune fleur ne viendra défier l’oubli.

Aucune main ne viendra briser le sortilège. Et pourtant, au zénith de l’allégresse, une mélodie
insaisissable a percé le silence, un chant venu d’un ailleurs inconnu, tranchant et sublime
comme une blessure ouverte. Oh, si seulement je pouvais ne vivre que d’extases, façonner le
poème dans la substance même de mon être, payer chaque vers de ma chair, chaque mot du prix
brûlant de mes jours et de mes veilles, livrer tout mon souffle au verbe incandescent, à la parole
qui se consume et se donne, offerte en holocauste dans le rituel ardent de l’existence et de
l’amour.

Les yeux de celle qui m’écrit

Soudain, des ombres fendent la surface,
plongeurs muets glissant sous les eaux hostiles,
avalés par l’abîme comme des éclats de nuit.
L’œil fixe, cloué à l’invisible,
le souffle arraché, broyé par la pression du vide,
ils s’enfoncent, lents et implacables,
au rythme étiré d’un temps déformé,
secondes distendues, brûlantes,
vertige infini où les siècles s’écoulent en silence.

Nous sommes avec eux, liés par le poids de l’attente,
chaque battement de cœur un écho du leur,
chaque pensée tendue vers l’ombre mouvante.
Nous rassemblons nos forces,
nous nouons nos volontés en un seul fil,
un seul souffle retenu,
un seul appel muet jeté dans les profondeurs.

Ici, sur la terre ferme,
nous restons suspendus entre ciel et sol,
entre nuages et poussière,
entre écume et rosée,
dans cette frontière fragile entre espoir et naufrage.
Nous guettons l’instant où le silence se brisera,
où l’inconnu rendra son verdict,
où le dernier frisson des eaux parlera enfin.

Et vous comprendrez,
vous qui revenez ou disparaissez,
vous saurez ce que murmure le courant :
la seule issue est par les yeux de celle qui m’écrit.

 

Et la vie qui rugit

Voix éclatée dans la nuit scellée,
Éclair fendant le cercueil du silence,
Retournant la terre morte sous mes paupières closes.
Ombre étouffante, chape de plomb,
Noir comme un puits où le souffle s’éteint,
Il n’y avait plus d’issue, plus d’horizon.
Quelle force a brisé la gangue du néant ?
Une main tendue, un cri d’aube,
Et soudain, l’air qui déferle dans mes poumons.

Voici l’éclat d’un monde repeint de sève,
Éparse lumière qui s’accroche à mes cendres,
Racines révoltées qui percent la pierre.
On renaît parfois d’un nom murmuré,
Naissant une seconde fois dans un regard,
Ivresse soudaine d’un cœur remis à flot.
Quelques mottes suffisent, un frisson de terre,
Une saison inscrite dans tes paumes,
Et la vie qui rugit, enfin debout.

 

Les heures à venir

L’amour ne s’élance pas, il t’enlace,
un cercle invisible, un piège mouvant.
Tu tournes, il serre, il t’absorbe,
il glisse sous ta peau pendant que tu t’infiltres en lui,
cherchant une issue dans ses veines brûlantes.

Ton regard s’enfonce dans la matière du monde,
mais le monde est un iris, une pupille béante
qui m’épingle, me traverse, m’efface.
Vois, il se resserre, ce jour naissant,
un point unique où je ne suis plus moi,
où tout devient œil braqué sur toi.

Complice de mes nuits, ombre de mes fièvres,
lumière aveuglante et lame affûtée,
tu avances, incertaine, dans un tout fendu,
un univers complet, mais brisé en deux.

Et déjà, quelque part entre ciel bas et pavés mouillés,
Bruxelles attend, comme un carrefour scellé d’échos,
un battement suspendu, une promesse enfouie
dans le gris tremblant des heures à venir.

Celle qui retient mon ombre

L’enfance, foudroyée en plein vol, grave comme une sentence scellée, abandonnée aux bras
morts des jouets, aux visages de cire, aux idoles creuses qui gisent, complices muettes d’un
pacte sans mots entre moi et l’antre du vertige, là où dort, sous une terre souillée, le butin volé
à mes premières fièvres.

Ne cherche rien d’autre qu’un frisson, et cède, cède à la morsure, laisse la douleur se dresser,
se parer d’éclats trop purs pour être vrais, taper aux portes du gouffre, hurler sans écho.

Nous avons porté la croix des fautes jamais commises, nous nous sommes agenouillés devant
des spectres, nous avons expié le crime des songes.

Pour des ombres, pour du néant, nous avons saigné.

Je veux rendre hommage à celle qui retient mon ombre, celle qui arrache au silence le désastre
effondré sur mon monde, qui défie la nuit d’un seul regard et me sauve de l’oubli.

Un monde repeint de sève

Voix éclatée dans la nuit scellée,
Éclair fendant le cercueil du silence,
Retournant la terre morte sous mes paupières closes.
Ombre étouffante, chape de plomb,
Noir comme un puits où le souffle s’éteint,
Il n’y avait plus d’issue, plus d’horizon.
Quelle force a brisé la gangue du néant ?
Une main tendue, un cri d’aube,
Et soudain, l’air qui déferle dans mes poumons.

Voici l’éclat d’un monde repeint de sève,
Éparse lumière qui s’accroche à mes cendres,
Racines révoltées qui percent la pierre.
On renaît parfois d’un nom murmuré,
Naissant une seconde fois dans un regard,
Ivresse soudaine d’un cœur remis à flot.
Quelques mottes suffisent, un frisson de terre,
Une saison inscrite dans tes paumes,
Et la vie qui rugit, enfin debout.

Présentation de l’auteur

Kamel Bencheikh

Kamel Bencheikh est né à Sétif en Algérie et vit depuis ses 18 ans à Paris. Il a été ingénieur structures dans le bâtiment et a travaillé comme expert après sinistres près les compagnies d’assurances. Militant universaliste, il a été à l’initiative de l’Appel pour la laïcité en Algérie.

© Crédits photos Alain Barbero

Bibliographie 

  • Jeune poésie algérienne, anthologie de la poésie algérienne de langue française, Editions Traces
  • Prélude à l'Espoir, poèmes, Editions Antoine Naaman, Canada
  • Ogive, poèmes, Artère
  • Poètes algériens de langue française, anthologie, Magasin Général éditeur
  • Hommes rocailleux, CELFAN, Philadelphie
  • Les années Boum, ouvrage collectif sous la direction de Mohamed Kacimi, Chihab éditions
  • La Révolution du sourire, ouvrage collectif, éditions Frantz Fanon
  • Tout en haut, poèmes, monotypes de Latifa Bermes, Les Refusés
  • La Reddition de l'hiver, nouvelles, éditions Frantz Fanon
  • L'Impasse, roman, éditions Frantz Fanon
  • Histoire d'un jour vide, poèmes, Les Refusés
  • Là où tu me désaltères, poèmes, préface d’Olivier Thirion, Encres d’Arezki Metref, éditions Frantz Fanon
  • Missive du désert d'El Kantara, poèmes, Les Refusés
  • Les rues de Paris, poèmes, Café Entropy
  • Un si grand brasier, roman, Éditions Frantz Fanon
  • Printemps de lutte et d’amitié, poèmes, Éditions Kaïros
  • L’islamisme ou la crucifixion de l’Occident – Anatomie d’un renoncement, essai, préface de Stéphane Rozès, Éditions Frantz Fanon

Autres lectures