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Jacques Rancourt, Fragments du temps qui court, extraits

Renaissance                                                                                                   

Un matin comme celui-ci
l’eau revient du ciel
après des semaines d’absence

elle arrive sous forme de pluie
se mêle aux bruits
dissipe le gris sur la matière

un enfant passe en courant
il n’avait rien prévu du temps qu’il fait
il devient le temps qu’il fait

 

Évanescents                                                                                                   

C’est ainsi que nous passons
en discontinu
dans la vie les uns des autres

le soleil ni l’horloge
n’y trouvent à redire
sur le fond ni sur la forme

parfois les ascenseurs se croisent
on se souvient du futur ou du passé
on n’est que plume au vent

 

Retour

Ce jour de neige à Paris
ne ressemble à aucun autre
de mémoire récente

les platanes ont déjà feuillé                                                                            
les magnolias fleuri
presque les cerisiers

l’hiver est revenu sans prévenir
la tête à l’envers
il faut lui faire une place

 

Discrétion

Au moment de partir
il a voulu relire sa bible
et rembourser ses dettes

le toit était à refaire
et l’aspirateur à remplacer
il n’en a pas parlé

il s’est éteint tout seul
comme une bougie à court de cire
comme une âme à court de corps

 

Disparition                                                                                                              

Quel serait votre avis
sur un jour en train de déraper
vers son fac-similé ?

votre avis sur l’enfance
déplacée d’école en école
sans ses instituteurs ?

on dirait la pluie
en train de fuir au loin
sans attendre le vent

 

Recueillement

Je représente la nuit
ce qui reste de lumière en moins
sur mon ombre personnelle

la parole s’est assise
à côté du silence 
comme auprès d’un frère aîné

nous comptons les survivants
ils se comptent entre  eux
le compte n’est jamais juste

 

Absorption                                                                                                     

Le tu était souvent un je
énoncé en plus discret
pour n’effrayer personne

cela se passait en fait
à une époque lointaine
non encore révolue

vous versiez l’eau dans la bassine
et c’est l’eau
qui finissait par vous boire

 

Image de Une © Caroline Halazy, mai 2018.

Présentation de l’auteur

Jacques Rancourt

Né au Québec en 1946, il vit à Paris depuis 1971, est poète, traducteur et essayiste. À la suite d’une maîtrise de lettres sur la revue Le Pont de l’épée , d’un doctorat sur la poésie africaine et antillaise de langue française, ainsi que sa participation en 1973 à la rédaction de l’important panorama de Serge Brindeau La poésie contemporaine de langue française, il a publié nombre d’essais et anthologies consacrés à la poésie de langue française. Directeur du Festival franco-anglais de poésie et de la revue internationale de poésie et d’art visuel La Traductière de 1983 à 2014, il a par ailleurs traduit les poètes de langue anglaise John F. Deane (Irlande), Susan Wicks (Angleterre), Alex Skovron (Australie) et Toh Hsien Min (Singapour), les poètes latino-américains Néstor Ulloa (Honduras) et Alejandra Mendez (Argentine), de même que le poète israélien Amir Or et la poète japonaise Shizue Ogawa.

Comme poète, depuis La journée est bien partie pour durer parue en 1974, Jacques Rancourt a publié une trentaine de recueils de poèmes, livres d’artiste et recueils de haïkus. Il a reçu le prix européen de poésie Dante 2018 pour l’ensemble de son œuvre.
Comme essayiste, son dernier ouvrage, La traversée des langues – Essai sur le fonctionnement des langues à travers le monde, a paru aux éditions Armand Colin en 2023.

Bibliographie

POÉSIE
La journée est bien partie pour durer (Paris, Saint-Germain-des-Prés, 1974)
L’eau bascule (RmqS, Méry-sur-Oise, 1974)
Le soir avec les autres (Paris, sept poèmes avec gravures sur bois d’Alix Haxthausen, G.D.,
1978)
Le pont verbal (Paris, SGDP, coll. « Poètes contemporains » , 1980)
Les choses sensibles (Montréal, l’Hexagone, 1989)
Les quinze apôtres (Paris, avec dessin de Michel Mousseau, 1989, réédité avec quinze
nouveaux poèmes en 1994 sous le titre Les trente apôtres)
L’eau (poème, H.C., avec sept lavis d’Yves-Marie-Heude, 1994)
La condition terrestre (Charlieu, La Bartavelle, 1995)
The Distribution of Bodies (choix de poèmes et traduction de John F. Deane, Dublin, Dedalus
Press, 1995)
Gravitations (édition bilingue, traductions de John F. Deane, avec eaux-fortes de Michèle
Dadolle, Paris, Signum, 2001)
La nuit des millepertuis (Montréal, Trois / Paris, le Temps des cerises, 2002)
L’instant prodigue (Amay, l’Arbre à paroles, 2003)
Comme un huart (poème avec gravures d’Atsuko Ishii, Paris, Transignum/Daniel Leuwers,
2004)
La pluie des pluies (Grenoble, le Pré carré, 2005)

Savoirs (deux poèmes avec dessins-collages de Claudie Laks, coll. « Eventails » Daniel
Leuwers, 2005)
Cicatrice (poème avec traduction de Jan Owen et cinq collogravures d’Irène Scheinmann,
Transignum, coll. « 5/5 », 2005)
Un amour isocèle (trois poèmes avec gravures d’Atsuko Ishii, Belgique, Tandem, 2005)
Les pièces du paysage (sept poèmes, dessins et collages de Sarah Wiame, traductions de Sarah
Wicks, Paris, Céphéides, 2006)
Sculptures sur prose (neuf poèmes, dessins de Wanda Mihuleac, traductions de Jan Owen,
Paris, Transignum, 2007)
Parbleu (poème, avec acrylique originale d’Erolf Totort, Paris, Transignum, 2008)
Sans partir du début (poème, avec et à partir d’œuvres graphiques de Wanda Mihuleac,
Transignum, 2010)
Veilleur sans sommeil (préface d’Henri Meschonnic, Montréal, Le Noroît / Paris, le Temps
des Cerises, 2010)
Paysages et personnages (Montréal, Le Noroît, 2012)
Quarante-sept stations pour une ville dévastée (Le Noroît, 2014)
Suite en rouge mineur (livre d’artiste, illustré par Wanda Mihuleac, Paris, Transignum, 2017)
Au sortir de l’eau (livre-coffret de quinze cartes postales au format A5, avec photographie au
recto, haïku et graphisme carte postale au verso, Paris, Transigum, 2019)
La vie au sol, haïkus et photographies, préface de Christian Noorbergen (Paris, Transigum,
2019)
Ailleurs est partout chez lui, haïkus avec encres de Marie Falize, préface de Zéno Bianu
(Montélimar, Voix d’encre, 2020)
Paysajes y personajes, traduction du recueil Paysages et personnages par la poète argentine
Marta Miranda (Buenos Aires, Leviatán, 2020)

TRADUCTIONS
La Brèche – Break-Through (édition bilingue, poèmes de Lindy Henny, Paris, SGDP, 1981)
« Quatre poètes américains d’aujourd’hui », dans la revue Poésie 88 : Robert Creeley,
Denise Levertov, Galway Kinnell et August Kleinzahler (Paris, décembre 1988)
« L’imaginaire irlandais », dans la revue Poésie 95 : poèmes de John F. Deane, Seamus
Heaney et John Montague (Paris, décembre 1995)
« Poésie - Ecosse », dans le Journal des poètes : Tim Cloudsley, Jeffrey Burrows, Richard
Burton, Stan Bell, Basia Palka et Alistair Paterson (Bruxelles, n° 3, avril 1996)
L’ombre du photographe, édition bilingue, poèmes du poète irlandais John F. Deane
(Vénissieux, Paroles d’aube, 1996)
Portrait d’une feuille comme oiseau – Portrait of a Leaf as Bird (édition bilingue, sept
poèmes de Susan Wicks avec dessins et collages de Sarah Wiame, Paris, Céphéides, 2007)

The Attic, édition bilingue, poèmes du poète australien Alex Skovron, PEN Melbourne, 2013
Le musée du temps, poèmes du poète israélien Amir Or, en collaboration avec Aurélia
Lassaque (Paris L’amandier, 2013)
Dans quel sens tombent les feuilles, édition bilingue anglais-français, choix de poèmes
poèmes du poète singapourien Toh Hsien Min (Paris, Caractères, 2016)
Los espejos de Carlos/Les miroirs de Carlos, poèmes de Néstor Ulloa, poète hondurien (Paris,
La Traductière, 2018)

ESSAIS
« Livre II, Québec », in la Poésie contemporaine de langue française (Paris, SGDP, 1973,
sous la direction de Serge Brindeau)
Poètes et poèmes contemporains - Afrique-Antilles (Paris, ACCT-Saint-Germain-des-Prés,
1980)
« La littérature québécoise du XX e siècle » et « La littérature négro-africaine de langue
française » in Histoire littéraire de la France (tome XII, Paris, Editions sociales, 1980)
La traversée du paysage, essai sur la poésie de Maryline Desbiolles (Victoria, Australian
Journal of French Studies, et Nice, Grégoire Gardette éditeur, 1997)
De la traduction à la traduction de poésie (Montréal, revue Liberté, février 1993)
The Ethical Dimension of Translation (Melbourne, revue Etchings n° 6, 2009)
Trait d’union, anomalies et caetera (ouvrage en collaboration, Paris, Climats/Syndicat des
correcteurs, 1991)
Le poète et sa langue (Montréal, revue Liberté n° 292, juin 2011)
La traversée des langues – Essai sur le fonctionnement des langues à travers le monde (Paris,
Armand Colin, 2023)

ANTHOLOGIES
Poésie du Québec : Les premiers modernes (Paris, Poésie I n° 35) et La nouvelle poésie du
Québec (Poésie I n° 36, 1974)
Poètes de l’identité québécoise, suivi de Les voix nouvelles (Paris, Poésie I n° 96-98, 1982)
La poésie érotique du XXe siècle (Paris, la Pibole, 1980)
French Poets of Paris (numéro spécial de la revue The Chariton Review, Truman State
University, Missouri, USA, juin 1996)
Figures d’Haïti - 35 poètes pour notre temps (Paris, le Temps des Cerises ; Trois-Rivières, les
Ecrits des forges, 2005)
Antilles-Guyane : anthologie de poésie antillaise et guyanaise de langue française (Paris, le
Temps des cerises, 2006)

Autres lectures

Jacques Rancourt, Suite en rouge mineur

Toute nostalgie est absente du dernier recueil de Jacques Rancourt, Suite en rouge mineur, évocation discrète des rites de passage de l’enfance à l’âge adulte.   Rien de trop appuyé dans [...]




Salah Al Hamdani, Le Début des mots et autres poèmes

Je vous appelle dans cette aube blanche dépourvue de neige. Vous qui habitez le même matin
que moi, qui voyez le même ciel que moi. Cela fait trente ans que j’essaie de vous rejoindre
avec mon exil.

Ma jeunesse, mes belles années, je les ai enterrées auprès de vous, je les ai
comptées, je les ai mastiquées et recomptées pour fabriquer des souvenirs.

Ma vie d’autrefois ne racontait rien d’important. En Orient, avant cette plongée dans votre
histoire, votre civilisation, ma vie n’avait pas d’autre forme que la prison, l’angoisse et les
pleurs.

En 1975, mon bateau a jeté l’ancre dans les gencives de votre ville, de vos rues. Avec vos
chiens, vos poètes, vos écrivains, vos artistes et vous-même, ma vie prenait l’apparence du
rêve. J’ai alors tellement dissipé de joies sur les murs de Paris, sur vous, sur votre nuit et sur
vos matins.

Je ne voulais rien perdre. Donner sans compter, mais ne rien gaspiller, tout consommer pour
vivre l’instant. Durant ma convalescence, après Bagdad, pour m’habituer à l’absence de la mère, j’écrivais des poèmes.

J’ai suivi les chemins fébriles de toutes ces années, grêle de froid qui s’écrase en sanglots
amers. Tous ces sanglots de vos histoires s’écoulaient en moi avec sécheresse.

Tout le marbre des monuments, figurines, statuettes, effigies, bustes babyloniens, mes nuits,
mes fleuves et mes appels à la souveraineté ont été dérobés de mon corps au grand souk de
l’Orient, par Napoléon-Saddam.

Dans mon pays natal, on allait à la mosquée, on se mettait en rang devant Allah et on disait
bonjour à la mère de celui qu’on avait exécuté la veille à mains nues. On nourrissait les
mensonges, on faisait le ramadan le jour et on se saoulait le soir. Les discours autour du livre
saint étaient raffinés. La nourriture l’était aussi. Les morts et les victimes avaient la couleur du
sable de l’Orient.

On y était les champions innommables de la conjugaison du verbe tuer : Je tue, tu tues, il (elle)
tue, nous tuons, vous tuez, ils (elles) tuent. On avait inventé le zéro à seule fin de
comptabiliser tous les morts. Nous sommes les champions dans notre manière de faire nos
choix entre nos cadavres et ceux des autres.

Je vous appelle de très loin, de mon cimetière et de ces morts pour rien. Je vous écris de mes
champs de victimes, de ce silence amer, de la lâcheté de tous les dieux des hommes.
Le mal de vivre loin des miens m’affole. Je n’ai pas grand-chose pour menacer ma nuit, ni
inquiéter ma tumeur en pleine obscurité, sinon prononcer le nom de la lumière des steppes à
haute voix :

Madinat Al-Salam, Bagdad mon amour
je suis heureux que le boucher de tes enfants, Saddam soit mort

Oh ! Malheur de ma mère, dis-moi quel bourreau sera le suivant...

Dans ma chambre, l’autre soir, j’ai souri à un aigle venu me couver de ses ailes déployées,
comme un nuage noir sur un jardin d’hiver. Ma nuit est toujours la même, moi, le silence et
cette idée de posséder le jour.

Extraits de Bagdad mon amour (suivi de) Bagdad à ciel ouvert, Editions du Cygne, Paris, 2024

Présentation de l’auteur

Salah Al Hamdani

Salah Al Hamdani, poète francophone et homme de théâtre français d’origine irakienne, est né en 1951 à Bagdad. Exilé depuis 1975 en France, il a été opposant à la dictature de Saddam Hussein, à ses guerres et à l’occupation anglo-américaine de l’Irak.

© Crédits photos Isabelle Lagny, Salah Al Hamdani, 2014.

Bibliographie

Poésie

  • Bagdad mon amour suivi de Bagdad à ciel ouvert, poèmes, Éditions du Cygne, Paris, 2024 (4ème édition).
  • La cendre de l’instant, poèmes (bilingue français-espagnol), traduction du français par Fuensanta Alonso et Federico de Arce, Éditions Huerga y Fierro, Madrid-Espagne, 2023.
  • Récolte d’exil, Anthologie poétique 1979-2023, Collection Poètes trop effacés, Éditions Le nouvel Athanor, Paris, 2023.
  • J’ai vu, poèmes (bilingue français-arabe) traduction de l’arabe par l’auteur et Isabelle Lagny, Éditions La Kainfristanaise, Lieusaint, 2023. ·
  • L'arche de la révolte, poèmes, Éditions Le Nouvel Athanor, Paris, 2022.
  • Ce qu'il reste de lumière suivi de Au large de Douleur, poèmes, nouvelle édition, Les Éditions Sauvages, collection Phénix, Carhaix, 2020.
  • L'arrogance des jours, poèmes, traduction de l’arabe (Irak) par l’auteur en collaboration avec Isabelle Lagny, couverture et illustrations de Ghassan Faidi, Éditions Al Manar, Paris, 2019.
  • Le veilleur, poèmes, Éditions du Cygne, Paris, 2019.
  • La sève et les mots, poèmes avec des calligraphies de Ghani Alani, préface par André Miquel, Introduction par Isabelle Lagny, Éditions Voix d'encre, 2018.
  • Contrejour amoureux, Dialogue poétique avec Isabelle Lagny, Éditions Le Nouvel Athanor, Paris, 2016.
  • Je te rêve, poèmes, avec des illustrations de Sylvain Boisel, Éditions Pippa, Paris, 2015.
  • Bagdad mon amour suivi de Bagdad à ciel ouvert, poèmes, nouvelle édition, Éditions Le Temps des Cerises, Paris, 2014.
  • Poèmes et leur poussière, anthologie poétique en arabe, Éditions de la direction des Affaires culturelles de la Ville de Bagdad, Irak, 2013.
  • Rebâtir les jours, Éditions Bruno Doucey, Paris, 2013.
  • Bagdad-Jérusalem, à la lisière de l’incendie, avec Ronny Someck. Traduction Michel Eckhard Élial pour les textes en hébreu, Isabelle Lagny et Salah Al Hamdani pour les textes en arabe, Éditions Bruno Doucey, Paris, 2012.
  • Saisons d’argile, avec des peintures de Yousif Naser, Éditions Al Manar, Paris, 2011.
  • Le Balayeur du désert, traduction de l’arabe par l’auteur en collaboration avec Isabelle Lagny, Éditions Bruno Doucey, Paris, 2010.
  • Bagdad mon amour, Éditions Écrits des Forges / L’idée bleue, Québec, 2008.
  • Edition spéciale, poèmes, Maison de haute Normandie, 2008.
  • Bagdad à ciel ouvert, Éditions Écrits des Forges / L’idée bleue, Québec, 2006.
  • Bagdad mon amour, in Le cimetière des oiseaux, Editions de l'Aube, La Tour d’Aigues, 2003.
  • J’ai vu, poèmes, traduction de l’arabe par l’auteur en collaboration avec Isabelle Lagny, Editions L’Harmattan, Paris, 2001.
  • Au large de Douleur, Éditions L’Harmattan, Paris, 2000.
  • Ce qu’il reste de lumière, Éditions L’Harmattan, Paris, 1999.
  • L’Arrogance des jours, traduit de l’arabe par l’auteur en collaboration avec Isabelle Lagny, Éditions L’Harmattan, Paris, 1997.
  • Mémoire de braise, traduit de l’arabe par l’auteur en collaboration avec Elizabeth Brunet, Éditions L’Harmattan, Paris, 1993.
  • Le Doute, Éditions Caractères, Paris, 1992.
  • Au-dessus de la table, un ciel, traduit de l’arabe par l’auteur en collaboration avec Elizabeth Brunet, Éditions L’Harmattan, Paris, 1988.
  • Traces, traduit de l’arabe par l’auteur en collaboration avec Elizabeth Brunet, Publications Craies, Paris, 1985.
  • Mémoire d’eau, traduit de l’arabe par l’auteur en collaboration avec Danielle Rolland et J.P. Chrétien-Goni, Éditions Caractères, Paris, 1983.
  • Les Hauts Matins, traduit de l’arabe par l’auteur en collaboration avec J.P. Chrétien-Goni, Éditions L’Escalier blanc, Paris, 1981.
  • Gorges bédouines, traduit de l’arabe par Mohamed Aïouaz et Danielle Rolland, Éditions Le Cherche Midi, Paris, 1979.
  • J’ai vu (en arabe), Éditions Alep-Syrie, 1997.
  • Le Haut des jours (en arabe), Éditions Al Mada, Damas-Syrie, 1996.
  • Dans la sécheresse l’eau (en arabe), Publications Craies, Bruxelles, 1993.
  • Le nécrologue d’Ourouk (en arabe), Publications Craies, Paris, 1986.
  • Fugitif de ma bouche no 2 (en arabe), Publications Craies, Paris, 1984.
  • Fugitif de ma bouche no 1 (en arabe), Publications Craies, Paris, 1984.
  • Promesse d’athéisme (en arabe), Publications Al Noqta no 11, Paris, 1983.

Livres d’artistes

  • Livre N°72 (livre d’artiste) poèmes en français avec peintures de Jost Schneider, Éditions Les Lieux Dits, 2021.
  • Ma fleur noire, Livre d'artiste bilingue arabe-français, poèmes de Salah Al Hamdani traduits de l’arabe (Irak) par l’auteur et Isabelle Lagny avec des dessins de Faidi Ghassan, Éditions Al Manar, Paris, 2020.
  • Liens retrouvés, (Livre d'artiste), poèmes en français de Salah Al Hamdani avec des dessins de Danielle Loisel, Éditions Signum, Paris, 2020.
  • Je te rêve, poèmes, avec des Typographies, illustrations et Publications de Claudie Lavergne-Bousquet, Pern, 2020.
  • Bagdad-Bagdad, poèmes et récits (bilingue Français-Allemand) avec des photographies de Abbas Ali Abbas, Éditions Réciproques, Montauban, 2017.
  • Âge de raison, poèmes avec des peintures de Martine Jaquemet, Publications Atelier, Lucinges, 2017.
  • La Mère, avec des dessins de Danielle Loisel, Éditions Signum, Paris, 2015.
  • La Mère, poème (bilingue français-arabe) avec des encres de Robert Lobet, Éditions La Margeride, Nîmes, 2013.
  • Cette averse vient d’un autre nuage, poèmes avec des encres de Robert Lobet, Éditions La Margeride, Nîmes, 2012.
  • Mirages, poèmes avec des peintures de Danielle Loisel, Éditions Signum, Paris, 2011.
  • Longtemps après, poèmes, avec des typographies de Marie Renaudin, Publications Atelier, Rambouillet, 2011.
  • Saisons d’argile, poèmes, bilingue français-anglais avec des peintures de Yousif Naser, Éditions Al Manar, Paris, 2011.
  • Pluie de juillet, (bilingue français-italien) avec des dessins de Selim Abdullah, Éditions Sanlorenzo, Lugano, 2011.
  • Une averse de loin, (bilingue français-arabe) avec des dessins de Lydia Padellec, Éditions La lune bleue, 2010.
  • Sables, (français-arabe-hébreu) avec Marlena Braester et des encres de Robert Lobet, Éditions La Margeride, Nîmes, 2009.
  • Poèmes de Bagdad, (bilingue français-arabe) avec des lithographies de Danielle Loisel, Éditions Signum, Paris, 2005.

Nouvelles et récits

  • Lettres à mon bien-aimé à Bagdad (Récits en arabe), Editions Dar El Ketab (La Maison du Livre à Tunis, 2024.
  • A bout de souffle, sous un ciel sur le point de tomber (Récits en arabe), Editions Dar El Ketab (La Maison du Livre à Tunis, 2023.
  • Le retour à Bagdad, récit, traduit de l’arabe par l’auteur et Isabelle Lagny, Éditions Daree Books, Canada, 2022.
  • Le Retour à Bagdad, (récit en arabe), Éditions Daree Books, Canada. 2022.
  • Applaudir le mirage avec une seule main, (Récits en arabe), Editions Dar El Ketab (La Maison du Livre à Tunis, 2021.
  • Il n’y a personne là-bas, (Récits en arabe), Éditions Dar El Kamel, Allemagne, 2021
  • Adieu mon tortionnaire, nouvelles et récits, traduit de l’arabe par l’auteur en collaboration avec Isabelle Lagny, Éditions Le Temps des Cerises, Paris, 2014.
  • Le Retour à Bagdad, récit, traduit de l’arabe par l’auteur en collaboration avec Isabelle Lagny, Éditions Les Points sur les i, Paris, 2006.
  • Le Cimetière des oiseaux suivi de La Traversée, nouvelles, traduit de l’arabe par l’auteur en collaboration avec Isabelle Lagny, Éditions L’Aube, La Tour d’Aigues, 2003.
  • Une vie entre parenthèses (en arabe), récits, Éditions Al Mada, Damas, 2000.

Anthologie personnelle en anglais

  • Adieu Baghdad - memory and exile, poèmes choisis, traduits du français par Sonia Alland. Éditions Seagull Books London Limited, 2018.
  • Baghdad mon amour (nouvelles, récits, roman et poésies choisis) traduction anglaise de Sonia Alland, Éditions Curbstone Press, New York, 2008.

Sur Salah Al Hamdani

  • Deux enfants de Bagdad de Gilles Rozier, entretiens avec Salah Al Hamdani et Ronny Someck, Éditions des Arènes, Paris, 2015.
  • Bagdad-Paris, itinéraire d’un poète (documentaire de 55 minutes) d’Emmanuèle Lagrange. Productions LAHUIT, Paris, 20083.

Poèmes Voix et musiques

  • Un album audio: CD « Une saison d’exil » (2018) Salah Al Hamdani, (Poèmes dits par l’auteur) avec accompagnement musical extrait de l’album Gwenn Ha Du New Tone Jazz. Quartet (In the groove, 2003). Éditions Sous la lime, Paris, 2018.
  • Un album audio : CD « Oublier Bagdad » (2015) poésie et musique avec Salah Al Hamdani, (poète et voix) et Arnaud Delpoux, (compositeur-interprète), Coup de Cœur de l’Académie Charles Cros pour la voix enregistrée en 20174.

Poèmes au sein d’anthologies et d'ouvrages collectifs

  • Voix Vives, de méditerranée en méditerranée, Éditions Bruno Doucey, Sète, 2020.
  • Poésie du monde, Éditions du Cygne, Paris, 2020
  • Du Feu que nous sommes, (Anthologie poétique), Abordo Éditions, Bordeaux, 2019
  • L’autre Emoi... et Moi, choix de textes et Estampes et Typographie de Claudie Bousquet, imprimé à Bédrines par l’artiste, Pern (Lot), 2018.
  • L'inaccessible, (Anthologie permanente), Éditions Le Nouvel Athanor, Paris, 2017
  • 101 poèmes contre le racisme, Éditions Le Temps des Cerises, Paris, 2017
  • Nous aimons la vie plus que vous n’aimez la mort ! Éditions Al Manar, Paris, 2016
  • Lettres Nomades, Collectif - Éditions la contre allée, Lille, 2015
  • Mennska í myrkrinu, Collectif-des poètes français du monde arabe, Anthologie Islandaise, Éditions Oddur, Reykjavik, 2014
  • Le oui et le non, (Anthologie permanente), Éditions Le Nouvel Athanor, Paris, 2014
  • Poezie şi necesitate, Collectif-poésie traduits en roumain. Editor: Fundaţia culturală poezia, 2014
  • Quince poetas franceses contemporaneos, anthologie bilingue, Français espagnole traduit par Marie Jeanne, Éditions Libros del Aire, 2014
  • 60 poèmes contre la haine, Éditions Material, Paris, 2014
  • La poésie au cœur des arts, Éditions Bruno Doucey, Paris, 2014
  • 116, poètes d’un autre monde, Éditions Unicité, 2013
  • Ouvrir le xxie siècle, 80 poètes québécois et français, Éditions Le Nouvel Athanor, Paris, 2013
  • Poésie francophone, Collectif-Nice, 2013
  • Voix Vives, de Méditerranée en Méditerranée, Éditions Bruno Doucey, Sète, 2012
  • Enfances, Éditions Bruno Doucey, Paris, 2012
  • Voyage au bout des doigts, Éditions de la Lune bleue, 2012
  • Le mystère, (Anthologie permanente), Éditions Le Nouvel Athanor, Paris, 2012
  • L’Athanor des poètes (Anthologie permanente), 1991-2011, Éditions Le Nouvel Athanor, Paris, 2011
  • Nous, la multitude, Editions Le Temps des Cerises, Paris, 2011
  • Et si le rouge n’existait pas, Éditions Le Temps des Cerises, Paris, 2010
  • Voix Vives, de Méditerranée en Méditerranée, Éditions Encre et lumière, Sète, 2010
  • Ailleurs "Épisode II" Une année en poésie, Éditions Musée Rimbaud, Charleville-Mézières, 2009
  • L’attente, (Anthologie permanente), Éditions Le Nouvel Athanor, Paris, 2008
  • Poésies de langue française 144 poètes d’aujourd’hui autour du monde, Éditions Seghers, Paris, 2008
  • L’année poétique, Éditions Seghers, Paris, 2007
  • Les plus beaux poèmes pour la paix, Éditions Le cherche midi, Paris, 2005

Cinéma et télévision

  • 1981 Rôle principal dans Stalryk, court métrage, réalisation de Jérôme Robert. Production : IDHEC
  • 1981 Rôle dans Pétrole Pétrole, long métrage, réalisation de Christian Gino. Production : Joker films
  • 1982 Rôle principal dans Un droit à qui ? Moyen long métrage, réalisation de Hamadi Kassem Larafa. Production : lNA
  • 1982 Rôle dans Frances Laorens, téléfilm, réalisation de Philippe Durand. Production : FR3 Rennes
  • 1983 Rôle dans Une étoile pour Napoléon, série télévisuelle, réalisation de Marion Sarrault. Production : A2
  • 1983 Rôle dans Le grand péril, long métrage, réalisation d’Arnaud Desplechin. Production : IDHEC
  • 1983 Rôle dans Rue barbare, long métrage, réalisation de Gilles Beat. Production : Films de la tour
  • 1984 Rôle principal dans Il était une fois Beyrouth, court métrage, réalisation de Saad Salman. Production : La Boîte à Image
  • 1984-1985 Rôle dans Sur les trottoirs de Saturne, long métrage, réalisation de Hugo Santiago
  • 1984 Rôle dans Un thé au harem, long métrage, réalisation de Mehdi Charef. Production : Costa-Gavras
  • 1985 Rôle dans Le quatrième pouvoir, long métrage, réalisation. Production : SFP
  • 1985 Rôle principal dans Une pluie bleue, court métrage, réalisation et Production : Ibrahim Saleh et Sabine Chauvet
  • 1985 Rôle dans Catherine, série télévisuelle, réalisation de Marion Sarrault. Production : SFP A2
  • 1985 Rôle dans L’outrage aux mots, moyen long métrage, sur un texte poétique de Bernard Noël. Réalisation de Patrick Brunie. Production : La Boîte à Image
  • 1989 Rôle dans Paroles d’otages, documentaire fiction TV, réalisation de Patrick Wilson. Production : IMA
  • 1990 Rôle dans La milliardaire, téléfilm, réalisation et production : CLEA et A2
  • 1992 Rôle de Nassif dans Le destin du docteur Calvet, série télévisuelle, réalisation et production : Sahara et TF1
  • 2002 Collaboration aux dialogues et rôle dans Bagdad ON/OFF, long métrage/ documentaire fiction, réalisation de Saad Salman. Production : VDS Productions, France
  • 2008 Bagdad-Paris, itinéraire d'un poète, avec et sur Salah Al Hamdani, (DVD) / Emmanuèle Lagrange, réalisateur - Paris : la Huit distribution
  • 2012 Rôle principale dans L'Ombre du Grand Soir : Scénario et Réalisation : Fabio Caldironi

Théâtre

  • 1975-1978 Études d’art dramatique à l’Université Paris VIII et ateliers extra universitaires
  • 1976-1978 Animation théâtrale et mise en scène de montages poétiques en Corse et à Paris
  • 1979 Rôle d’Enkidou dans Gilgamesh épopée sumérienne. Mise en scène de Victor Garcia. Théâtre National de Chaillot, Paris
  • 1981 Rôle du déterreur dans Le Déterreur de Mohammed Khaïr-Eddine. Mise en scène de Jacky Azencott. Théâtre d’en face, Paris
  • 1981 Rôle d’Ahmed dans La Tour de la Défense de Copi. Mise en scène de Claude Confortes. Théâtre Fontaine, Paris
  • 1985 Mise en scène, conception théâtrale et adaptation de poèmes pour la scène de Yannis Ritsos. Le Silence n’est pas Rose, il est Blanc. Théâtre Mandapa, Paris et Théâtre de Poche, Suisse
  • 1986 Fondateur et directeur artistique de la troupe de Théâtre Huella en Espagne.
  • 1986 Conception théâtrale et adaptation pour la scène de poèmes de Salah Al Hamdani. Mise en scène de El Hombre Rectangulo, Espagne. 1er prix de mise en scène au festival de Tarragone
  • 1986 Mise en scène de Filosofia barata, philosophie en soldes. Écriture collective par la Troupe Huella, (Espagne)
  • 1988 Rôle de Walid (rôle principal) dans Kofor Shama. Mise en scène de François Abou Salem au sein de la troupe El Hakawati-Théâtre palestinien de Jérusalem (tournée européenne)

Autres lectures




Steve-Wilifrid Mounguengui, Cahiers d’adieu à la mélancolie

Regarde par où je vais 
Tous ces territoires et ces rivières 
De la Lozère à l'Aveyron 
Des berges de la Rimeize aux gorges de la Jonte
Tant de ciel et de terre
J'ai planté ma tente au bord du Tarn
Le canyon a drainé le chant de la rivière 

 

La rumeur de mes propres pas empoigne le vide des pensées. J’avance et les heures sur la route
me reviennent. Elles charrient nos silences. Les plans sur la comète. Toi et moi faisant et
refaisant le monde. Il y a des choses qui naissent de la lumière, entre les lignes, la clarté espérée.
Les odeurs de la forêt réveillent une ivresse qui remonte à l’enfance. L’odeur du sapin est
une douce chanson. Les odeurs et les parfums suffisent pour recomposer la prose d’une vie. Toi
aussi, il te suffit d’une odeur pour retrouver le paysage de ton pays d’enfance, l’atelier de ton
père, ses gestes sur le bois, ses mains dans ta chevelure, sa voix apaisante. Je ne songe plus au
passé. J'oublie et ne garde que l'essentiel, dans cette présence qui puise en elle-même, dans cette
transparence absolue du moment. Je perçois tout avec une étrange acuité, mon corps, les
battements de mon cœur. Tout ce qui, en cet instant même, me relie au vivant. Je suis vivant.
C’est un peu plus que le cogito mutilé de Descartes. Je ne suis pas emmuré dans ma tour d'ivoire,
encore moins réductible à un esprit insulaire. Je suis aussi un corps qui respire, sent et ressent
le monde autour et en moi. Un être relié aux hêtres, aux saules, à la pierre, à tout ce qui respire,
au pouls indéchiffrable du minéral que seuls perçoivent ceux qui façonnent la pierre. Un être
vivant, car vivre c’est être fondamentalement relié à tout ce qui est, même au minéral.

Tu me traverses
Comme une ombre
Comète lancée dans l'espace 
Visage fugace aux confins de l’éternité

 

Il nous suffisait la mer, le vent après le sillon de la route. Un éclat de liberté ou peut-être
d'amour. Un élan au bout des lèvres. Et tes yeux comme autant de voyages, de méandres sur
l'océan. Il suffisait d’un rien, d'un regard profond dans l'abandon d'une nuit, de ta respiration et
des pulsations brûlantes du désir. 

J'ai su que tu ne renoncerais pas dans le tremblement de tes mains, dans la lumière matinale du
Morvan, dans la brume du Pays d'Ouche, quand la rivière est une blessure d'argent dans la
vallée. Tu m'es devenue souffle, luciole dans le bord des nuits, prière entre deux trains. Ne
respirant qu'à l'abordage des quais où je devinais ta silhouette. Entre tes seins, je sentais enfin
battre le pouls du monde.

Il suffisait que tu sois entre la mer et moi, tout près du ciel. Souviens-toi les goélands sur la
façade blanche de la roche à Tréport ou quelque part au Pays de Caux. Tu étais déjà toi, le songe
et le mirage, promesse d'oasis, rêve de sable, indéfectible amour. Ton corps enroulé autour de
mon corps et mes doigts allaient se perdre dans ta chevelure où se brisait en éclats d’or la
lumière du soleil des fins d'après-midi.

 

Écrire
Saisir l'éclaircie
Entrer dans le royaume
Ma mémoire un miroir sans tain

 

J'ai écrit, souvent des fragments. Quelle langue sinon celle du poème pour accueillir la dérive.
Quelle langue pour abriter la nuit. Je fais l’inventaire des paysages, des odeurs, des couleurs.
Une vie entière à cartographier l'absence, à dessiner les contours du pays d’enfance.
Une vie à rassembler les morceaux d’un chant, d’un visage, d’un pays qui se refuse à franchir
le seuil du songe. Je suis le fils des femmes qui dansaient, qui chantaient en entrant dans la
rivière. Et je porte ici la rumeur d’un pays qui s’éloigne et qui vit au fond de moi.

 

Nos chemins nous ont dispersés comme des étoiles jetées dans le ciel infini. Je songe à toi, à
ton visage enfoui dans le ciel. Ton ombre derrière les brumes porte l’épaisseur des absences.
Cette nuance de lumière qui n’appartient qu’à toi. Je la dessine entre les signes, les lignes, les
pages. Lumière basse qui porte ta voix, ton sourire perlé à la lisière de ma vie, pareil aux
éoliennes dans le lointain d’une nuit. Tu me reviens, traversant les forêts de silence,
écho inlassable. 

Je jette sur nos sillons des poignées de ciel
Lui seul peut faire mûrir des étoiles pour éclairer nos vies déracinées
Émerveille-toi de l’étincelle mon amour
Elle est l’enfance de la flamme qui éclaire une vie
Émerveille-toi de nos éternités brèves

 

Aucun deuil ne te prépare au deuil. Oser ouvrir la porte et s’en aller vers aucun lieu. Partir
simplement, s’abandonner au temps et au chemin. Ce qu’il reste de lumière, derrière les
silhouettes de l’aube, est une chanson.

Il grêle sur nos années. Saisons d’orage, mer désertée. Navires échoués sur le rivage. Toi aussi
tu scrutes les horizons lointains et tu espères derrière chaque mirage.

N’oublie pas mon amour. Ne m’oublie pas même si le temps s’allonge quand il neige sur nos
belles années. Le lierre s’enroule sur l’infini. Nos citadelles en lambeaux s’agitent au vent qui
tremble. 

Ta nuit est semblable à la mienne. Je me tiens entre la noirceur des limbes et les rives de
l’abîme. J’écris cet exil, encore cet exil. Des cloches aboient, émaillent le silence. Elles
viennent de l’évanescence des jours.

 

Présentation de l’auteur

Stève-Wilifrid Mounguengui

Je suis né le 21 décembre 1976 dans la ville de Mouila au Gabon. Sur les rives du fleuve où j’ai vu le jour, il se raconte que le pleur du nouveau-né est un cri (ngongu) envoyé à Dieu pour exprimer sa déréliction. Au moment où l’enfant fait l'expérience de l’abandon du père divin, l’angoisse le saisit car il comprend qu’il lui faudra s’inventer en cette vie, faire son propre chemin, bâtir sa demeure sur la terre. Ce cri permet de se raccrocher à quelque chose. C’est un acte de création pour ne pas sombrer dans la gueule ivre de l’existence. Il en est de même pour cet exilé que je suis sur la terre de France où j’ai passé vingt hivers, loin des paysages d’enfance, l’épaisseur des couleurs et l’étoffe des parfums du matin primordial. Il en est ainsi depuis que les visages s’effacent. Les voix des êtres chers ont des accents éteints. Le poème est dès lors devenu ma voix, mon cri d’errance en terre d’exil pour maintenir vivant ce qui fait monde en moi. J’écris pour ne pas oublier car on ne meurt que d’oubli.

J’écris pour ne pas mourir car c’est poétiquement que j’habite l’exil. Je suis encore étudiant quand le départ pour la France devient une évidence. J’effectue le saut en 2002. C'est le grand exil. La douleur et le manque du pays natal se renforcent. Le sentiment de mener une vie rétrécie meplonge dans une profonde mélancolie, j'écris plusieurs manuscrits dont L'Autre rivage de la nuit en 2017, publié en 2021 aux éditions Unicité.

Après plusieurs années sans quasiment sortir des murs de la région parisienne, je commence une série de voyages, découvrant un autre visage de la France, des villages, des montagnes, des rivières qui me ramènent à ma propre enfance. Je prends plaisir à voyager, marcher, randonner vers ces autres lieux,
découvre leur mémoire, les manières de faire et de vivre de leurs habitants. Cette découverte de la vie des gens me ravive car c'est par la terre qu’on habite un pays. L'Énigme des ruines (La Kainfristanaise 2021), est né de l’un de ces voyages.

En 2023, j’ai publié un récit autobiographique qui prolonge le geste poétique entamé depuis plusieurs années déjà. L’écriture du récit n’est pas nouvelle, car j’ai quelques manuscrits de romans. Tu as fait de moi celui enjambe le monde (Ed. du Mauconduit) est le premier récit que j’ai soumis un éditeur. Ce livre a été salué par le prix Fetkann Maryse Condé dans la catégorie poésie. Je suis, par ailleurs co-directeur, d’une jeune maison d’édition, La Kainfristanaise, créée en 2020 et d’une Revue de poésie nommée Lettres d’hivernage qui compte deux numéros à ce jour.

Bibliographie

Cahiers d’adieu à la mélancolie, Ed. La Kainfristanaise, 2024. Recueil de poésie à paraître en mars 2024

 Premier roman paru le 07 avril 2023

Tu as fait de moi celui qui enjambe le monde, Editions du Mauconduit.

Recueil de poèmes :

  • Et au-delà nos songes d’hiver et le parfum de la terre, L’Harmattan, 2018
  • L’Énigme des ruines, La Kainfristanaise, mars 2021
  • L’Autre rivage de la nuit, Unicité, 2022
  • Les racines de la lumière, éditions Uniques, 2022 (Livre d’artiste)

Revues :

  • Publication les revues en ligne Lichen n°20, novembre 2017
  • Publications Lichen n° 21 décembre 2017
  • Publications dans Le Capital des mots, en 2017.
  • Publications Ressac n°7, 2019,
  • Publications Ressac n°8, 2020,
  • Publications dans Le portulan bleu n°27, mars 2018, éditions Voix tissées.
  • Publications dans Le portulan bleu °28, juin 2018, éditions Voix tissées.
  • Publications dans le prochain numéro de Mana-Caesurae Revue Indienne, poèmes traduits en anglais.
  • Publication dans le premier numéro la revue Débridé "L'Écriture et l'énigme du monde” juin 2021.
  • Publication dans la revue Débridé n°2, Poétiser le désert, juin 2022.
  • Publications dans Bacchanales n°68, Désobéissances, 2022, revue de la Maison de la poésie Rhône Alpes.

- Publication dans la revue Poésie/Première n°84.

- Publications dans la revue Lettres d’hivernage I, éditions La Kainfristanaise, Juin 2022

  • Publication dans la revue Lettres d’hivernage, Plus loin que nos rivières, des racines et signes, éditions La Kainfristanaise, juin 2023 (à paraître).

- Publication  de mon texte « La grammaire est un autre pays »,dans le sixième numéro de la revue Do.Kre.I.S, (à paraître en 2023) . 

- « La prose du monde », in Anthologie de la poésie, Dirigées par Jean Pierre Chambon, éd. Voix d’Encres, 2023

Articles consacrés à l’auteur :

https://www.france24.com/fr/émissions/à-l-affiche/20230403-à-l-affiche-planète-afro-stève-wilifrid-mounguengui-signe-l-hommage-d-un-fils-exilé-à-sa-mère

 

Autres lectures




Muriel Augry, Suite parisienne, extraits

 

Les lucarnes se hissent sous le ciel safran
A l’angle droit elles embrassent les nuages
De l’ angle gauche elles chahutent les écharpes de vent

Un cordon rutilant serpente
nargue les bâtisses
Histoires croisées
sous l’œil clément de la basilique

Les badauds se frôlent dans l’île de convoitise
en vagues séculaires
Le temps s’effiloche
au gré des déambulations
Sous le ciel safran

La dame bleue

La Seine joue sous les ponts
sans partition
une ritournelle
Elle porte dans ses flots
l’enfant à naître
le vieillard en devenir
Elle cache dans ses flancs
l ‘exilé de l’aube
Dame bleue
Dame grise
elle tend ses rives
pour une éternité
à l’ hôte de passage
Mais ce soir la Seine a revêtu des habits de gala
une péniche s’est invitée
à la recherche d’un compagnon de danse
la lune a allumé ses feux
le spectacle peut commencer

La bohème

La bohème n’a pas de terre
la bohème a un air
une note
une lettre

une ivresse
une étreinte

elle se chante
danse à la surface de la nuit
reprend souffle à la source du jour
A bras le corps elle dessine
ses contours
fuyantes limites
Odeurs de lointains

L’éloge des chimères

Les toits s’allument au grand soir
l’un suivant l’autre
En monologues ou dialogues
prières ou querelles
ils entonnent la mélodie du quotidien
l’éloge des chimères
en détaillent le déroulé menu
sur le cadran
inflexible
Les toits dressent la table
et attendent l’invité
à la ride joviale
Au sous-sol
le taciturne
demeure exclus des festivités
Les toits se racontent leur passé
nostalgies contagieuses
éphémères douleurs
En hommage

Sous la brillance de lune

Une pyramide de verre
à travers la vitre
casse la nuit
Les siècles courent à gorge déployée
dans la cour de pierre
Les réverbères saluent le promeneur
d’ailleurs
Le musée dort
L’heure est à l’écho
Aux souffles intermittents
Aux reflets de l’audace
Sous la brillance de lune

Un dancing s’allume

Arpenteurs
Inventeurs
ils franchissent les murs de leur chambre
pour toucher aux confins de l’inconnu
Place de Clichy la Butte s’agenouille
et prêche
et déclame
et chante
La brasserie accueille l’errance à sa table
la nourrit
Une boule de billard perd le Nord sur la rive droite
Un dancing s’allume dans la nuit solaire
Les coupes s’entrechoquent
au carrefour des arrondissements d’une ville
aux amours croisées

 

Présentation de l’auteur

Muriel Augry

Muriel AUGRY est poète, nouvelliste et essayiste française née à Paris. Elle est docteur ès lettres de l’Université de Paris Sorbonne. Elle a enseigné à l’Université de Turin et travaillé pour les services culturels de l’Ambassade de France en Italie, au Maroc et en Roumanie comme directrice d’Institut français. Elle se consacre à l’écriture maintenant et passe son temps entre Paris, Rome et Rabat.

Elle a obtenu le « Prix Roland de Jouvenel » de l’Académie française pour son essai Le cosmopolitisme de Stendhal et Mérimée (éditions Slatkine) et le « Prix Vénus Khoury Ghata de la Poésie illustrée » pour son livre Les lignes de l’attente (éditions Voix d’encre) en collaboration avec le calligraphe Abdallah Akar. Elle est l’auteure d’une cinquantaine d’articles critiques sur la littérature européenne romantique, d’une série de nouvelles et de dix recueils de poésies parus en France et à l’étranger. Son dernier recueil, Memento a été publié en collaboration avec le poète roumain Andrei Novac (aux éditions Transignum). Ses poèmes sont traduits en diverses langues : italien, roumain, espagnol, portugais, anglais, arabe, turc, albanais et occitan. Pour ses livres de poésie, elle a travaillé en collaboration avec des artistes peintres à l’échelle internationale : le peintre algérien Aissa Ikken, marocain Youssef Elkahfai, tunisien Abdallah Akar, italien Marco Nereo Rotelli, roumain Dragos Patrascu et les peintres franco serbes Vladimir et Slobodan Peskirevic . Elle a participé à de nombreux ouvrages collectifs : recueils de nouvelles, anthologies poétiques.

Elle a donné des lectures et conférences et participé à divers salons du livre aussi bien en France qu’ à l’étranger. Elle a participé récemment au festival «  Littératures itinérantes »  à Tanger, « Poéticales »à Abidjan, au Marché de la Poésie à Paris, au Mediterranean Poetry Festival à Rome. Elle est Présidente de l’Association du Parlement des Ecrivaines francophones, administratrice de la Maison de Poésie et membre de la Société des gens de Lettres.

Autres lectures

Muriel Augry, Ne me dérêve pas

Poésie courte, fragments, toujours accompagnés d’images, c’est une constante des recueils de Muriel Augry. Celui-ci, Ne me dérêve pas, échappe d’autant moins à la règle qu’il s’agit d’une anthologie franco-roumaine traduite par Raluca Varlan Bondor, [...]




Fabien Reignoux, Quatre poèmes

Plusieurs yeux plus contre le béton dont se désarme la main en corailleuses
déchirances rance le temps s'assiège
Peintures écaillées
Coups de gris
Mauvais temps
Ce sont les alertes vaincues du surmenage, quelqu'un parle et se lamenterait cent
fois si la fuite en bas n'arrachait sa peau et vaine
Bruits rouleurs
Lourds faux
Puits d'os
Regarde ces énormes carrés rouillés auxquels périt un constant instant consom-
mateur dont s'enfantent
Autres morts
Lointains ailleurs
SOS ténébreux
Le rail s'enfuit passe la ville trouve dans son regard absorbé la couleur sent
tressaillir devant le temps ses cils
États de misères
Absurdes sens
Fils époux
Mais bientôt parce que tout est dans un jour l'œil aura du lendemain la fade cendre
au cœur et finira de battre sous les neiges enfui belles d'inutile prison
Vents passeurs
Charrons poreux
Rets d'hormis

*

 

C'était près de ces nuits qu'ils marchaient
Le ciel étonnamment clair
Des morceaux de feuilles se déchiraient sous leurs pas
La veste bleue lui glissant aux coudes et la bretelle du sac
Glissait
Écoutant ils firent le dernier pas
Mais dans l'air froid leurs mains
Ne se rencontrèrent
Ils pensaient Peut-on imaginer peut-être que nos mains se touchent
Mais dans l'air froid ils n'auraient rien dit
Dans les millions d'années jamais ils ne se seraient dit une parole
Sous le ciel étonnamment clair
Sous la pollution lumineuse d'une grande cité trop proche
Eux trop près du monde

Un hurlement pouvait tuer

Se rêvaient seuls
Leurs yeux clairs regardaient leurs corps
Sans y paraître
Mais silencieux ils ne se toucheront pas
Ils ont passé trop de temps debout l'un près de l'autre
Ces perdus
Se rejoignent et ne seront pas
Tous deux
Ne seront pas

*

 

La table la chaise face à la fenêtre c’est où passe le jour.
Le jour éclaire tout,
Le jour, c'est la mémoire d'une nuit très longue froide mortelle
Les noms

S'il regarde par la fenêtre,
Le jour est un long moment et vertigineux de survenues,
Dont toutes les lumières les plus lointaines voltigeront et
Lui passeront de leurs doigts l'ancienne invisible braise
Que brûlèrent tant de lèvres

Sur les siennes il passe alors un charbon froid et noir
Il frappe lourdement le volet dans la croisée dont le verre se fend et
Lui a fait crisser les dents
Noires de cette chair ancienne du monde qu'est le charbon
Ce goût cette force en son corps
Vont toucher aux chairs vives
Elles sont les braises nouvelles des jours
Aux volets clos
Aux mains ouvertes pendant le long de la chaise puis
Puis soudainement serrées sur la table et
Il tient amoureux ce qu'il aime par-dessus tout sans tout en aimer
Comme on sent l'amour sans le connaître
Des nuits et des nuits tiennent entre ces deux mains serrées
Qui n'enferment rien que de libre et
D'où revit

*

 

Ils l'ont pris
L'ont noué sur un arbre
Un vieux pin aux branches maigres, au tronc maigre
Avec un lierre épars
Ils ont tiré leurs flèches et l'ont percé dans son corps
Il mourait devant eux, triste

Puis, ils l'ont
Détaché
Lui était mort.

Longtemps après, sur le corps du pin
L'on pouvait voir chaque hiver
Les longues coulées blanches de sève sèche
Pleurées de sous l'écorce en quelques points que la flèche a touchés

C'était aussi comme la cire d'une bougie mourante
La glace plue aux corps abandonnés
Le regret d'un vieux complice
Les larmes honteuses au vent trop aride
Que pleurent les survivants
Quand ils revoient la mort

 

Présentation de l’auteur

Fabien Reignoux

J’aime la littérature, découverte en terminale dans mon coin. À 25 ans, je n’ai pas encore pu me plonger entièrement dans l’écriture, et, si j’aime travailler dans la vie réelle (auprès d’enfants, et d’adolescents surtout), j’espère avoir bientôt la chance, une année entière, de me consacrer pleinement, jour après jour, à la lecture et à l’écriture. Les poésies contemporaines m’intéressent surtout, et j’essaie de les lire, même si je suis parfois trop jeune pour comprendre.

Autres lectures




Paul Vidal, Mélodie des Villes et des temps, petit recueil

 

1) Ile méridionale

La grève défie le temps pendant que les poches de fruits sont retournées par le vent de
l’Orient.

Au port les bateaux s’enivrent d’un départ pour des côtes lointaines ou chavirent les sens.

Quelle est brève la vie pour contempler l’étang, affronter l’orage tapis sous un porche la nuit
me grisant ainsi du fumet des citrons et des palmiers et rêvant de gréements.

Au bord des canaux, je me délivre du regard lourd de mes fautes anciennes, je respire de
nouvelles essences.

 

Courant au milieu des avirons, les jouteurs s’arrachent au son des trompettes.

On attend une Antigone qui enflammera le théâtre qui surplombe les flots.

Garçons preux en pompons, ces acteurs aux airs bravaches rêvent chansons et conquêtes.

J'entends cette Babylone qui rit avec fracas de ces régates ou on dénombre tant de
matelots.

 

Sur la place du marché des négociants prennent le pouls de la ville en devisant autour d’un
café.

Les mouettes dansent une sarabande qui entraîne un ballet d’ombres sur les allées de
tombes blanches soigneusement rangées l'âme du poète s'est envolée.

L’Azur embrasse les orchidées, les accents se traînent d’un ton si doux et tranquille comme
un instrument qui marque le jour étoilé.

Des vaguelettes passent avec l’élégance d’une atalante, les sirènes divinisées sortent de la
pénombre pour une nature que Valery a célébré de manière si féconde de toutes ses
branches, onguents raffinés qui enflamment la vue des êtres abandonnés.

 

Les notes de guitare sonnent encore, ci git l’homme à la pipe qui à travers les âges versifia
un idéal.

À quelques encablures du troubadour est allongé sous la terre un héros qui a connu l'enfer.

Il escamote le brouillard des hommes qui emprisonne les corps, le Py dernier forum ou
s'agrippent les trouvères avec le rivage empli de magnolias comme seul égal.

Immortel malgré ses blessures, sa bravoure força le respect de ses pairs, autour de Thau il
parcouru encore d'innombrables hivers.

 

2) Aliénor des Merveilles

L'espace éphémère d'un soupir, je rebrousse le temps
le siècle oublié du fin amour me saisi comme une chanson par le bras
Une fleur occitane chantée par chaque troubadour, grave son nom dans l'Histoire avec fracas
Jeune héritière d'un empire, héroïne à la source de tant de romans

Loin si loin des rires et de la chaleur des couleurs poitevines
Aliénor la magnifique flanquée d'un bien triste sire embarque pour l'Orient lointain
Météore agnostique et enjouée promise à un moine copiste, elle chevauche son destin
Rêvant d'amour à bord d'un navire, la duchesse se meurt sur la route de Palestine

Soudain la rose d'Occident s'arrache aux rancunes d'une union délétère
Gagnant les cours enjouées d'Aquitaine, on crée avec frénésie sous la férule de la fougueuse mécène
Cependant les vautours l’assiègent par dizaines, de diplomaties en conciliabules, elle est peinte en Hélène
Un Angevin ambitieux et fringuant, vint lui proposer de partager sa bonne fortune, par-delà la mer

Noble dame tenant fièrement les rênes de ses fiefs, nonobstant la tyrannie royale et patriarcale
Affrontant sans faillir, les querelles de ses rejetons princiers, cœur de lion et sans terres
Tristes enfants à chérir, guerroyant sans pitié, uniquement freinés par l'ardeur et la passion d'une mère
Loin des vignobles de l'âme, Robin et Petit-Jean égrainent leurs griefs, passent les ans sans poésie, dans un dédale

Enfin l'écume des tempêtes de ce monde vint à s'apaiser, l’infatigable combattante sent que le soir de sa vie arrive
Gagnant la quiétude de sa chère abbaye ou dormait déjà les siens, elle pensait à Lancelot, penchée sur son écritoire
Trompant la solitude en narrant sa vie de merveilles, alors que résonnait dans le lointain les sanglots de la Loire
Jetant son enclume, la comète de Gironde tint à s'envoler, incontrôlable et trépidante ses victoires furent décisives

 3) Magnifique chevauchée

Du haut des remparts d'Alésia Vercingétorix contemplait les corbeaux tournoyant dans le ciel

Il y'a longtemps déjà le fils de Celtillus courrait et riait dans les champs lumineux du pays arverne

Pas un printemps ne passa sans que ne s'affermisse son respect d'Uranus, il arpentait les forêts,
s'instruisait en devisant avec les dieux convaincus que sa patrie n'aurait pas un rôle subalterne

Loin des assauts de César, la guérilla des gaulois atteignait son paroxysme, ils marchaient tel un
troupeau, beuglant leur fiel

 

Gobannito l'intriguant avait conduit à la perte de son frère.

Son neveu brave guerrier fier de son sang et de sa lignée avait tracé son chemin

La chanson des tempétueux et graves sorciers avait marqué les temps, les troubles dans la cité
conduisaient les cavaliers au son du déclin
Le drapeau des insolents trouvait son agonie dans la découverte d'une nouvelle bannière

 

Rome était en lien avec de nombreux peuples de la Gaule depuis toujours

Vercingétorix s'imposa aux siens et fit le choix des armes pour que son intrépide pays trouve la
liberté

Tel un phénix il culbuta les romains à Gergovie suscitant émoi et alarmes, le recours aux oraisons
des druides avait guéri des brouilles et des malhonnêtetés
Les hommes s'armaient avec entrain, les valeureux peuples marchaient derrière leur icône dans une
nuit emplie de vautours

  

Le calvaire d'un siège infini s'acheva par une réddition pleine de gloire

Pour sauvegarder ses tribus des misères et de la faim il se sacrifia aux tribuns
Harassé par la vue de tant de disparus et de cimetières, il se livra à ses assassins en simple patricien
Un sévère sortilège l'avait vieilli, il trépassa un soir, ultime humiliation de celui qui avait les rênes

 du pouvoir

 

4)  Un jour viendra l’été

Les combats font rage sur les plateaux enneigés comme dans les plaines arides.

L’ennemi invisible est tapi dans chaque recoin, distribuant l’infortune.

Les rats pour seul compagnonnage, murs et barreaux souillés de l’opium des haines sordides.

Pari pénible que de jouer sa vie un opaque matin, priant pour revoir la lune.

L’aube fracassante vint réchauffer ces soutiers du crépuscule.
Arme au poing ils déferlent dans les villes et les villages désertés par l’oppresseur.
Le charme remplace le chagrin, les héros défilent avec des yeux qui pétillent, les visages
bouleversés, car enfin c’est l’heure.
Les Robes éclatantes de lin bleuté, ont submergé un pays encore incrédule.

Âmes tourmentées continuellement par un engagement sans failles.
Hommes de l’ombre venus des entrailles de l’Hexagone.
Femmes héroïsées se sacrifiant le cœur battant sous la mitraille.
Capharnaüm soutenu par Londres, fil tenu d’une maille qui s’étend dans le Rhône.

Combattants armés de leur seule foi en des lendemains meilleurs.
Artisans, employés et militaires se muent en missionnaires de la liberté.
Haletants, traqués seul l’honneur est leur loi, ils ont faim de grandeur.
Militants dévoués et sincères, ils remuent ciel et terre dans une intense fraternité.

   

5) Respiration Pastorale

Des nuages de sable, sertis de rouge s'égrènent sous nos pas.
Le soleil réchauffe les doigts dans un écrin de verdure sans âge.
Les ramages insaisissables comme sortis de gouges accompagnant le pouls de nos voix.
Pareil à une gaufre qui laisse coi, suivant un chemin à petite allure, croisant de paisibles pâturages.

Sur des terrains hyppiques les juments soigneusement pansées se frottent au mouvement des
Alysées.
Quelques arpents de neige défient encore ces vallées silencieuses.
Azur vaccin que cette promenande bucolique, le temps silencieusement arrêté, comme une note
parcourant l'été.
Comme un auvent qui protège la vie, de la boite de Pandore, les bosquets d' azalées
miséricordieuses.

Au loin les sonates résonnent tour à tour graves puis légères.
Les villages déploient artifices et lumières.
Soudain un tocsin bourdonne sans détours tel un vautour, il est temps de trouver un havre ou
fermer les paupières.
Des mages tournoient emplis d'une malice qui libère.

Enfants et adultes farandolent dans les rues.
Les esprits et les corps s'enjolent sans fin.
Les chants émergent des tumultes et des cabrioles, jusque dans les charrues.
La nuit plante son décor ou s'égayent les lucioles, en haut des s

Présentation de l’auteur

Paul Vidal

Je m'appelle Pablo Mompelat-Perronin

Je suis né à Paris en 1986, je vis actuellement à Clermont-Ferrand

J'écris de la Poésie depuis 2016, j'en publie normalement à l'automne dans la revue Des Pays Habitables et dans la revue du Nouveau Décameron.

Je suis bibliothécaire depuis une dizaine d'années

J'adore l'Histoire, elle influence beaucoup mon écriture, je suis également trés tourné vers le théatre, la nature et le voyage, ce sont mes principales sources d'inspiration.

Je travaille actuellement sur un roman sur la France de l'après-Guerre.

Autres lectures




Marc-Henri Arfeux, Initiation d’amande

Seule est la maison seule
Environnée de neige
Et de distance épanouie,
Hurlant le blanc de son silence ;
Et seule offerte illimitée comme un désert 
Est l’étendue des vents premiers.
La nuit implore la nuit,
Le temps s’est entièrement vidé de ses viscères
Que le haut gel a résorbés.
Tu es dans la maison natale des nombres purs
Assis parmi le cercle en un,
Devant les fins esprits du feu 
Ouvrant au centre 
Un jardin spiralé.

Puis les paupières ébènes
Inversement,
Te conduisant 
Au lent couloir d’abolition.
Les voix se lèvent
Ainsi que des lueurs
Aussitôt résorbées,
Frôlant tes joues
Tandis que tu respires 
Dans l’abandon,
Laissant répandre tes lambeaux 
Parmi les ombres oublieuses ;
Et seuls frôlant la nuit
Les rameaux chuchotés,
Comme un brouillard marchant à pas de léopard.

Puis les appels froissés,
Le chant des talismans
Faisant trembler le vide entier
Qui te remplit,
Comme si tu n’étais rien qu’une simple flamme
Sur l’eau nocturne de l’absence,
Et les ténèbres autour de toi s’étendent à l’unisson,
Prenant ta forme écartelée.
Il n’est d’espoir au pli du rien
Que ce noyau d’exil,
Tel un visage demeurant clos.

Alors, en cercles de furies,
Les songes et les clameurs,
Les talons rouges battant le marbre du néant,
Et les lanières de lune ensorcelant tes souterrains.
Tu es renard, hibou, écorces amères,
Imploration d’étoiles trouées dans le grand gel,
Bourrasques de l’immense 
Annulant ton image.
Le thé bouillant du fer prend maintenant ta place.

Il te faudra franchir par abstention,
Livrer bataille sans un mouvement,
Offrir la poudre d’os de ta douleur
À la dureté du labyrinthe 
Murant l’amande
Où tu persistes
En un pétale.

Voici l’esprit de l’aigle.
Il boit en toi la cendre
Et les éclats coupants,
Le gravier funéraire de tes membres épars
Et les anneaux d’épines
Entrelacés d’organes ;
Il brûle
En un grand cri qui se propage
Ton lièvre de blessures,
Rendant leurs seuils
Aux larmes dénouées.

Voici la mousse,
L’humus humidifié de ses constellations,
La fine enfance de l’herbe nue,
Et les cavernes des racines ensemençant 
Les souvenirs d’outre-nuage,
Et les masques d’ancêtres 
Soufflant l’ardeur dans les forêts du bronze,

Voici la nuit,
La haute nuit de la lumière
En sa vie ramifiée,
L’encens des résonances
Touchant les tempes,
Et le feuillage multiplié des doigts
Recomposant ta tête ainsi qu’un vase
Où sont versées les huiles de tes reflets 
Transfigurés
Et réunis
En une seule aube.

Elle a, tandis que tu éclos,
L’apesanteur des gouttes
À la surface d’une obsidienne.
Devant toi sont les lampes,
Aussi légères que les fontaines ressuscitées
De ton cœur jaillissant.

Présentation de l’auteur

Marc-Henri Arfeux

Marc-Henri Arfeux est né à Lyon le 24 février 1962. Docteur en lettres modernes, il enseigne la philosophie à Lyon. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dans les domaines de la poésie, du récit et de l’essai. Il collabore régulièrement avec les revues Terre à Ciel et Rumeurs. Il est également peintre et compositeur de musique électroacoustique.

 

Bibliographie

Approche de Manhattan, roman, Éditions Blanc Silex, Moëlan sur Mer, 2001

Lueur par le silence, poèmes, livre d’artiste, avec le peintre Robert Lobet, Editions de la Margeride, Nîmes 2009

Patience de l'horizon, poèmes, Prix Karl Bréheret, Editions Souffles, Montpellier, 2010

Suspens du visiteur, poème, livre d’artiste, avec le peintre Robert Lobet, Editions de la Margeride, Nîmes, 2012

Corps de logis, poèmes, livre d’artiste, avec le peintre Robert Lobet, Editions de la Margeride, Nîmes, 2013

Ölöhn, récit, avec le peintre Robert Lobet, Editions de la Margeride, Nîmes 2013

L’Ambassadeur, récit Prix Gaston Baissette, récit Editions Souffles, Montpellier, 2014

L’Éloignement, Récit, Editions du Littéraire, Paris, 2014

Velours de l’horizon, poème, livre d’artiste, avec le peintre Robert Lobet, Editions de la Margeride, Nîmes, 2016

Exercices du Seul, poèmes, avec des encres de Silvaine Arabo, Editions Alcyone, Saintes, Juin 2019

Lumière sur nuit, poèmes, Editions Rafael de Surtis, Cordes sur ciel, Juin 2019

Suite Toscane, livre d’artiste, avec le peintre Robert Lobet, Editions de la Margeride, Nîmes, 2020

Verger du cercle dévoré, poèmes Editions Alcyone, Saintes, 2021

Raga d’irisation, poèmes, Éditions Alcyone, Saintes, 2023

L’Homme fil, poèmes, Éditions Unicité, Saint-Chéron, 2023 

Autres lectures

Marc-Henri Arfeux, Verger du cercle dévoré

Verger du cercle dévoré est un recueil sur la perte d’une mère, de la mère. Elle s’en est allée, brisant le cercle maternel, laissant l’enfant dévoré par le vide.   Le poète Marc-Henri Arfeux [...]




Alain Brissiaud, Livres pauvres

La terre blanchie sous le pas
réprouve la trace laissée
air
l’air suffoque dans le paysage
comme aboiement le feu
dit l’ivresse tendue du retour

  

La terre cogne contre la porte
mais tu restes muet
de l’eau
l’eau des poussières inaudibles disent
l’improbable
tu sais cela

 

De la terre coule de tes yeux
dessinant une brèche
ligne
au fond du ciel
entachée

 

Terre immobile
bascule sous l’horizon
laisse venir
s’emparer des failles du langage
tes mains ne peuvent y parvenir
indécence

Me force à garder le visage ouvert
attentif
tenace comme la langue
la terre épouse le vent d’ici
où si peu de réalité

 

La terre marche sous ton pas
saisissant dialogue entre chemin
et
désir quand les mots
deviennent langue
alors l’espace a la taille de tes mains

 

La terre se penche
au chevet des pierres
surplomb improbable
discontinuité de la parole

 

Il y a une lecture de la terre
happée par le vent d’ici
failles et ruissellements
la façonnent

Reviens
reviens
terre d’encre
ultime tentative
mémoire bouche coupée
oubliée
qu’importe

 

Qui nous apporte un rêve
une tentation
sous l’ourlet de l’âme
abîmée
quelle chute pour cette
rédemption

  

Juste un regard
ivre
supplicié donne à voir
le désordre des choses
qui nous lient

  

Ce naufrage est une vapeur de feu
un frémissement de la peau
alors vient le silence
comme pierre sortie de
terre

  

Et nous prends
tout
brassée d’indulgences feintes
descendue des collines poussières
cailloux
innocence

 

Terre au souffle écorché
l’écho des apparences
noie la suie de tes yeux
délaye le souvenir
destructions et carnages
ce que l’on sait
ignorance

 

Ravins terre
meurtrie
talus     haies    broussailles
quand soudain muet
vient l’oubli

 

La terre qui se voit
archipel boueux
joliesse de ces moments
ensevelis

 

Terre improbable
tu cherches le repos
en vain
nue
elle est celle que tu ne vois pas

 

Alors
tu lèves ton regard
songe qui est un signe
où s’ensevelissent
les derniers incendies

demeurent les mots tombés à terre

 à rebours

Le poème est un ciel               

qui s’assombrit

en cours de route

Même décousu le poème

pousse au cœur de l’homme

avec une constance fiévreuse

Paroles de voix
sonnent et se souviennent
dessinent le chemin
vers toi
à la parole absente

viennent à mesure
de la marche
et buttent
sur la pierre
dans la vérité
de cet instant

il écrit
l’écriture du mot
ramassé accroupi
dans le souffle
effacé
il écrit

gratté
gommé
avec l’étoile du bâton
avec les ongles
en venir à bout

aujourd’hui ce silence
demain le cri
au-delà
un éboulement

Je feuillette l’album de photos de ma mère.
Ma grande soeur, Marie- Hélène paraît toujours fragile et Françoise la plus jeune, tellement espiègle.

Mon père pose debout, très droit, sérieux. Jamais il ne regarde vers l’arrière et s’enferme dans le silence.
Ma mère, une femme douce, disparaît souvent à l’intérieur jusqu’au lointain.

Les photos mentent et jouent.
D’elles s’échappe la tristesse.
Alors, mon regard se perd ; demain est déjà si loin.

Tu piétines sous le monde comme les pierres
et tes rêves basculent vers la nuit.

Cette jouissance s’ouvre sur un chemin de cendres.

Juste, tu enlaces mes membres apeurés.

Nous n’étions tenus que par la nuit
ainsi marchant
jusqu’au jour
séparés de peu
et pourtant si pleins de la tendresse
des choses simples

à ce moment
sans le savoir

vibrant lointain
oui
si loin

Partie de voix
cède
au ciel qui s’enflamme

le manche de la nuit s’en empare
et succombe
avec le silence comme équipage

mais bientôt
nous marchons sur la terre hostile

pour l’ultime embardée

Eau de roche ne veut pas venir
elle dort sous le siège
du grand cinéma

sa frayeur rejoint le ciel incertain
sous la nuit que je lui porte

alors de grandes idées l’encerclent
de leurs doigts féconds

plus tard nous reprenons
cette impensable discussion

je suis comme le livre
diras-tu

près de la bouche

Déjà je cours
juste au devant tu cris lâchez-moi
lâchez-moi
bras de fer dans le bois de bouleaux
vers quelle immensité
indéchiffrable immensité
et tu hurles le visage muet
parole contre parole
trop humain ton beau visage désaccordé

déjà ce visage
l’immensité persona
couché sur le soleil
tu cris lâchez-moi lâchez-moi
te lâchent
sous l’arbre
brutalisée
ta pauvre chevelure cette immensité
en finir juste un murmure
venez
venez voir
je suis trop faible j’exhibe ma sotte mélancolie

nos yeux désemparés

répétition répétition
ce petit corps en fuite
gisant au sol ainsi
ficelle d’herbe

immensité
Deux discordes accordées
mêlées
à ne plus voir
qui rançonne l’autre

deux vies mêlées
qui se chassent
ça n’est pas possible
une dérive
retournée ça n’est pas possible
tous les accords affirmés
ajoutés l’un à l’autre
sonnent et tressaillent
se raccrochent aux accords donnés

alors tu hurles
ta haute voix aux anges
aux anges survoltés
la vie
la vie
aux papillons ôtée raccommodée
aux mille instants saturés
et toute l’énergie vole de l’un à l’autre
ne laisse pas de paix les hauts les bas
ta voix
ta voix d’amour vie vie donne donne
voix voix ne laisse pas en paix
s’envole aux flots donnée

pur esprit

Il pleut sur ta voix c’est le matin
nous allons et venons dans la chambre
tout contre le miroir
j’ai entendu ton rêve frissonner
au creux de ma peau

avons-nous le temps

assise derrière ma main tu souris
comme un éclat de ciel
entre les branches
sans bruit le livre chute au bas du lit

aurons-nous le temps

dire l’autre parole de l’errance
sur quelles rives débarquer nos vies
est-ce la vérité cela
tes yeux se troublent et puis s’effacent
comme un unique bien

le temps donné

L’autre rive à bord de l’embarcation
suffoque de lumière
nous sommes allés chercher le passeur
l’éreintement
sa main tient fermement la corde
tirée de l’eau
des éclats de voix dansent dans l’air
les hommes marchent en silence jusqu’à la nuit
et s’éteignent un à un

abandonnés de ce coté-ci du monde
seule la terre liquide nous accueille
elle nous prend dans sa main et nous agite en riant
pauvres rien que de nous

nous sommes sous la voix en dessous
dans la contrainte du mot
un ciel de cendres nous tient lieu d’église
où nos corps désossés flottent au vent

 

Présentation de l’auteur

Alain Brissiaud

Né à Paris en 1949. Librairie et éditeur depuis 1973. Vit entre le Vaucluse et Paris. Le temps qui lui est aujourd’hui donné est partagé entre l’écriture et la vie.

 

 

 

Alain Brissiaud

Autres lectures

Alain Brissiaud, Jusqu’au cœur

Au-delà des obédiences, des écoles et des mouvements, des mesures et des règles édictées, des discours et des gloses, existe la poésie. Elle échappe à toute tentative d’exégèse, car miraculeusement elle distend le [...]

Carole Carcillo Mesrobian, Alain Brissiaud, Octobre

« L’impossible distance irréductible de l’existence » Un échange épistolaire poétique pour dire « l’impossible distance irréductible de l’existence ». Là où des lettres de feu pourraient suffire, et les exemples sont légion [...]




Philippe Tancelin, Autre jour dans la nuit

En quel temps..me diras-tu ?

Celui très tôt dans les ruines
quand se lève de la poussière
l’infatigable soleil éclairant
les songes de notre maison

Par quelle voie..me diras-tu ?

Celle des figures  de rosée
entre les corps massifs d’oliviers
et connurent tes pas sans las
Jusques aux portes closes du désert

Comment..me diras-tu ?
Sur un air de musique
dans tes cheveux en boucles
dressés sur ton courage
à démasquer l’impasse blême
dans ses formes invisibles

Pour qui..me diras-tu ?

Toi ou ton frère tant recherché
pour son cœur brisé sans guide
ce ressentir de promesse fatiguée
en la colombe que ne délivre plus
le rêve attesté de ses ailes

Avec quoi...me diras-tu ?

Si le miroir ne reflète plus le souffle
sur la terre ouvragée des amants
et que s’exile la noce des dieux
dans les bas quartiers d’étoiles
pour ne pas voir se mourir la mer

En quelle langue..me diras-tu ?

Celle de la pierre à nu à bout de  larmes
Cette autre encore des images disparues
que prophétise la soif ouverte sur la terre
sa capture en longs cris perdus dans le lointain
le bannissement des murs adossés aux légendes

Je vais te dire..quelle heure…

Portera le sang des espoirs simples
coulés à même la corde du luth
Lancera ce fougueux pas  du danseur
sur le fil-frontière aux senteurs  d’éden

Je te dis maintenant l’autre jour dans la nuit

Celui que dresse la langue conjuguée des mémoires
leurs témoins sabliers du devenir fou des choses

Je te dirai l’extrême brisant
des mots lucides
leur lumière gravissant
ton ombre complice
Ton âme d’enfant
à sa suite impénétrable

∗∗∗

 

Rien ne sera ravi à la lumière
qui crie de Gaza
le nom retrouvé d’un enfant
de l’espoir au milieu des ruines

Nous avançons sur le fil d’histoire
avec le visage incandescent du rêve
irréductible à la douleur du jour

Poèmes extraits du dernier recueil 2023 « l’in-sûr et certain aux marges débordantes »
Col,  Poètes des 5continents l’harmattan

Déclaration-Rempart

Quand s'infinit la vague
répétée dans l'image
de son mouvement surpris
le regard rallie ses semblables
sur la crête
et les mots à l'aveugle
survolent le sens
dépouillé de la mer

Ils errent dans l'oubli
des pays intérieurs de l'écume

Ce n'est ni la nuit
ni le jour
mais leur écart de givre
une lame invisible
insomniaque
guettant l'instant
d'une pure envolée
sous l'orage
et couvre sans las la plainte
de l'espace

vois l'arbre à son faîte
ll discerne
la clairière

Vois l'abeille
Ivre de parfum
elle séduit
la fleur hésitante

N'abandonne plus la langue
sur l'épave
de ton nuage

Sous aucun mirage
ne dérobe les sables
à leur château

∗∗∗

Les Naufragés

Ils sont mille
et huit cents
partis de loin
sur des barques pourries
pour un lointain plus inhumain
que la misère qui les poursuit

Ils sont mille
et huit cents
ce jour
à ne plus respirer l'air du large
ni entendre ce qui des abîmes
les attend tous ensemble

Ils sont mille
et huit cents
abreuvant de leur rêve
l'indifférence de l'autre monde
qui s’étend invisible
à leur espoir

Ils sont mille
et huit cents
martelés par la soif
sur les miroirs brûlants
dont les flots accompagnent
leur danse à corps et cris

Ils sont mille
et huit cents
à scruter au-delà
l'horizon qui les cache
à ce côté pour eux perdu
consentant à la fatalité

Ils sont mille
et huit cents
peu à peu
peur à peur sans demain
leurs paumes serrées
contre la nuit qui s'offre
intense et éternelle

Ils sont mille
et huit cents
ni les mêmes ni autres
qu'ils voulaient devenir
une ombre dessine
en-deçà de leurs barques
leur âme vendue aux requins

Ils sont mille
et huit cents
détaché déchirés
largués en pages du naufrage
qu'écrivent à l'infini
nos rivages protégés

Ils sont mille
et huit cents
confondus sur la mer-encre
murmurant entre midi minuit
l'adieu des humbles
qui perdent en silence
la nudité de leur espoir

Ils étaient mille
et huit cents
combien seront demain après demain
dont leur mort arrime nos lits
bat nos lèvres muettes
défient les mots
accourus de l'amour

Ils sont par milliers
anonymes, interdits
sur la grève
relégués à l'écume
puis happés par les fonds
où triomphe leur supplice
entre hélices de tankers
et de bâteau-plaisance

Leur fin dernière n'annonce plus
ses chiffres d'infortune
elle suit la bourse des pertes
et profit de nos passeurs de calme
siégeant parmi les dieux nouveaux
qui les broient en toutes nos certitudes

Nous voici parvenus 
au moment extrême
de vos lambeaux de ciels
dispersés par les vents prédateurs

Quel oiseau de ses ailes translucides
réfléchira les ombres
de vos mers d'embarque?

Quel horizon sous vos doigts tendus
trace encore vos  exils
attache sur nos cils
vos mémoires
du grand large souffert !

Quelle de nos mémoires
devant vos clairs perpétuels
d'autres mondes
saura donner vos noms
de vivre aux mers étrangères !

∗∗∗

Dit de l'aimer

 

Au surgir du désir
tes courbes d'absolu
où j'aborde de mal-monde
nos temps d'innocence
croyant en l'horizon
de rêves qui ne mentiraient pas…

Au surgir de tes détresses
quand la nuit
passe à ton cou
son collier de silence
pour adoucir les larmes
de noces qui ne saigneraient plus…

 

Que voyons-nous l'inséparable
de toi
de moi
nous confier ses croquis
aux couleurs de vertiges
pour la mémoire ensemble
d'aimer sans lèvres            au rouge
de quelques braises           retournées

 

L'authentique nuit d'amour
monte à l'abordage mystérieux
des grands fonds de confiance
que ne double sur la vague
aucune ombre de formes

Aucune esquisse
d'aucune nuit
n'éclaire la chose étreinte
et le dit ne retient
que les plis en mémoire

 

Je ne crois pas l'amertume
savoir abuser la beauté
pour lui donner séjour parmi les défaits
Je sais le ressentir d'infini
consoler le cœur de ses brisures 

Je nous vois plus loin qu'à portée de poème

∗∗∗

Dit de l’incessant

Est-ce l’œuvre d’un jour
de décider si la fenêtre donnant sur le jardin
est libre de s’ouvrir
et la lumière de bercer les fleurs
les nourrir de la rosée
percer le vrai visage
qui rallierait les chants
de l’ineffable ?

Assis à ma table
qui ne dessine aucune frontière
entre la conviction et l’espoir de défier la raison
J’apprends de chaque mot
tous les matins
le grand détachement qu’ils couvent en moi
et l’inséparable brisure
de mon ombre sur les choses

Est-ce feuillet vierge battu d’un souffle d’ailes 
l’éphémère accueillant l’infini ?

                                           Je n’en ai pas fini de la ronde enfantine
maintenant mon séjour

Présentation de l’auteur

Philippe Tancelin

Philippe Tancelin est né Le 29 mars 1948 à Paris. Docteur d’Etat en Philosophie-Esthétique. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont :

  • Ecrire, ELLE 1998 ;
  • Poétique du silence, 2000 ;
  • Cet en-delà des choses, 2002 ;
  • Ces horizons qui nous précèdent, 2003 ;
  • Les fonds d’éveil, 2005 ;
  • Sur le front du jour, 2006 ;
  • Poétique de l’étonnement, 2008 ;
  • Poétique de l’Inséparable, 2009 ;
  • Le mal du pays de l'autre ;
  • L’ivre traversée de clair et d'ombre, 2011 ;
  • Au pays de l'indivis aimer (…) éd. l’Harmattan, 2011. 
  • Tiers-Idées, Hachette 1977; En collaboration avec G. Clancy ;
  • Fragments-Delits,  Seghers 1979 ;
  • L'été insoumis, 1996 ;
  • Le Bois de vivre, l'harmattan, 1996 ;
  • L'Esthétique de l'ombre, 1991 ;
  • La question aux pieds nus ;
  • En passant par Jénine, 2006 (éd. l''Harmattan) ;
  • Le Théâtre du Dehors, Recherches, 1978 ;
  • Manoel De Oliveira, Dis-voir I987 ;
  • Théâtre sur Paroles, Ether Vague 1989 ;
  • Entretiens avec Bruno Dumont, Dis-voir, 2002.

 

Philippe Tancelin

Autres lectures




Claire Lajus, Aperçus indisponibles, extraits

salle d’attente

derrière des portes vitrées

arbustes au vent ou corps convalescents ?

*

les pensées s’arrêtent

pile sur un point du lino

plus rien autour plus rien

*

dossier dossier poupées russes

coups d’œil sur des clichés

moue sourcils haussés feuilles mal classées

le docteur retarde sa parole

mais son corps a déjà tout dit

*

couloirs fléchés bandes de couleur

au sol et sur les murs

un jeu d’enfants

qui s’amuse à nous perdre ?

Sur le mont Janus, demeure secondaire du dieu des Portes, passent des silhouettes éphémères.
Ces ombres cheminent entre sapins et crevasses, à mi-corps parfois dans la blancheur muette.
Elles empruntent des sentiers défendus et des chemins gardés. Janus n’ouvre aucune porte.
Il observe. Qui pousse les portes et comment ?
La nuit tombée, les pistes abandonnées se peuplent. Ne pas se perdre ni dormir là où gèle le
sang et même le cœur. Avancer en flairant les pas de ses prédécesseurs. Franchir les distances
le souffle court, bousculer la peur qui gifle sans arrêt. Janus n’offre aucun abri. Bardé de nuit,
un long chemin reste à faire.

À l’orée de la vallée attendent accueil ou renvoi, matraque ou sourire.

 

∗∗∗

Le bitume est noir et brille de pluie, la petite route serpente légèrement ; entre deux hameaux,
un bosquet sombre. La brume a préparé la venue du crépuscule, au-dessus de la verticalité
singulière de chaque tronc, le feuillage foncé couvre le sol. Masses roussâtres, des vaches
marchent là, à pas lourds, ignorant superbement la pluie, elles s’avancent hors du bois, vers
l’herbe humide. De puissantes cornes font balancer leur front, dans leur sillage l’obscurité se
magnétise. Elles passent sur les mottes mouillées, enfoncent leurs sabots, les soulèvent, la peau
de leur cou pend et leurs cornes se balancent, ivoire-signes dans le sous-bois plein d’ombres,
leurs cornes renferment un langage. Je les observe attentive comme devant un film en langue
inuit. Elles me tiennent à distance. Brutes et sauvages.

 

∗∗∗

Imprimé dans la vase comme une patte de grue, un arbre couché à marée basse.
Jouet du fleuve et perchoir des échassiers, dans la lourdeur de la glaise, il sommeille sa mort.

Ses racines, quelque part, s’étirent
loin de lui.

La vase ne cherche pas à l’avaler, écharde échouée dans l’épaisseur de son ventre.

 

∗∗∗

La rivière coule entre ses berges étroites, à chaque coude accélère, cavale en petites cascades.
Elle chantonne et badine comme une volée de moineaux. Ses tonalités, soudain, entrechoquent
mes tripes et réveillent un chant. Je sens toutes ses notes jaillir en moi, elles sortent de leur
conque où l’âge les tenait cadenassées. Ce chant oublié dans les hautes herbes de mon enfance,
je le connaissais par cœur.
La rivière riante, aux fonds sombres, au corps brillant, m’accroche comme si j’étais toujours
l’enfant qu’elle a nourrit de ses balbutiements.
Je m’assois à son bord et

bute sur le temps comme un oiseau sur une vitre.

 

 

 

« Aperçu indisponible », c’est ce qu’indique une fenêtre sur l’ordinateur quand le système n’a pas réussi à ouvrir la photographie demandée. Je suis partie de là pour élaborer un recueil autour de l’idée de l’image.

Ce ne sont pas des images qui exigent d’apparaître. Ce sont des images qui sont chacune unique, ne peuvent être démultipliées, car elles sont chacune liées à une émotion particulière.

Ces poèmes représentent une forme de défi. Ils amènent à mettre de côté l’image hyper pixélisée, à la ringardiser par l’imaginaire personnel de chaque lecteur. Donnant à voir tout en laissant imaginer, ils accompagnent le regard, l’entraînent dans un apprentissage rebelle. Ils invitent aussi à voir l’écho de chaque image et à sentir leur pulsation, leur vie.

Par la poésie, le langage refuse ici de n’être qu’un médium, opérateur de visibilité. Le langage travaille à faire apparaître une image qui est aussi une émotion.

 Poèmes extraits d’Aperçus indisponibles, à paraitre février 2024, La Crypte.

Présentation de l’auteur

Claire Lajus

Claire Lajus est poète, traductrice du turc, créatrice et animatrice de la revue en ligne Ayna, promouvant la poésie turque contemporaine (www.revueayna.com).

Elle enseigne actuellement le français et la traductologie à l’Université d’İstanbul, Turquie.

Elle écrit essentiellement de la poésie, mais aussi des nouvelles et un roman est en cours d’écriture.

Bibliographie 

Ses poèmes ont été publiés dans diverses revues (Nouveaux Délits, Soleils&Cendre, Traction-Brabant, A L’index, La Main millénaire, Verso, In toto…). Elle a publié L’Ombre remue, recueil paru aux éditions La Crypte en 2018 ; Aux Aguets, dans la collection Levée d’ancre, L’Harmattan 2020, préface de Michel Cassir. Une Traversée, sortira chez A-Mars éditions fin 2023 et Aperçus İndisponibles, début 2024 chez les éditions La Crypte.

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