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La Part féminine des arbres (extraits)

A travers ce dialogue, extrait d'un ouvrage commun inédit confié à Recours au Poème, c'est un double portrait amoureux, aux infinies résonances cosmiques, que nous offrent Alice Passy et Daniel Van de Velde - en miroir l'un de l'autre. Voici ce qu'en disait l'artiste :

Ce recueil, rebonds d'un texte à l'autre, Répons (au sens que Pierre Boulez donne à ce terme) transfigure l'amour (pour faire simple de Pétrarque à André Breton) pour lui donner une orientation anthropocénique. C'est-à-dire s'aimer malgré le tout d'une totalité terrestre et humaine en détresse. Apprendre et goûter la vie malgré les délabrements de nos existences en mal de redéfinition et donner une teneur cosmique à chacune de nos pulsations quand nous nous donnons l'un à l'autre. 

Vaertigo , Daniel Van de Velde

 

1

 

Les cernes des arbres s’estompent

Dans une valse lente

Je cèderai à la fascination

Derrière mes vitres étanches

Je croyais résister à la puissance de la vague

Mais tout vole en éclats

En reddition devant l’indigo

Noyée dans la gravité de ta voix,

Je succombe à l’attraction de ta forêt profonde.

 

 

Un sentiment de blancheur.

Brumes, écumes et volupté.

Quelque chose en lui n’est définitivement plus de l’ordre de la nuit.

 

2

 

Tu es le nombre d’or du désir

La résurgence jaillie de mon rocher

Le chêne sous lequel j’aimerais méditer

La voix profonde de la montagne

Tu es ma gravité

Mes premiers souvenirs

S’inscrivent dans l’argile

Je les pétris longuement

Et modèle une histoire à venir

J’inspire à déployer mes ailes

Aveugle au vide

Sourde aux réticences

Absente au visage sublime

Dans le brouillard qui m’envahit

Je fais le pari de la vie.

 

 

De retour du lac de Sainte-Croix,

La route bordée d’arbres plus élégants les uns que les autres

Je transborde continuellement ton élégance, ta beauté d’être,

En moi et hors de moi,

Comme une promesse de jouissance…

 

7

 

Tu m’apparais comme évidence

A évider les arbres

Comme si toutes les trajectoires tendaient vers toi …

 

 

J'aime les terres qui se superposent en nous, les villes, les lieux de rencontre. Mais aussi des lieux sans noms véritables pour que nous ne soyons pas réductibles aux noms que nous portons. Nous faisons alors, tous les deux, partie d'un tout. Tu as tant et tant de fois été face à des matières insécables que je les absorbe, émanant de toi. Je le fais en parlant avec toi, en marchant avec toi. En faisant l'amour avec toi. En laissant une forme particulière de silence nous traverser. Un silence fait de plusieurs expériences, la tienne, la mienne et celle de la terre. Le ciel ici ce soir, n'est pas homogène, c'est un voile. L'univers est vaste, tu es vaste. Je redeviens vaste.

 

10

 

Tu me révèles le féminin sacré des arbres

Nouveauté, mon regard sur eux

J’écarquille mes yeux dans la nuit

Pour mieux les discerner

A la lumière faible du croissant de lune

 

 

Inouïe ma vie depuis toi.

Elle devient inédite.

L’inconnu comme lien.

 

13

 

Je recueille les mots que tu sèmes

Ils germent en moi comme fractales infinies

Et font circuler une sève nouvelle dans tout mon être.

Comme une féminité retrouvée.

 

Par la force de tous les arbres que nous avons croisés ensemble depuis que nous nous connaissons, je redeviens homme pour toi. Un souffle androgyne opère qui me rend ultrasensible à toutes les formes de particules qui émanent de toi. Je me suis laissé dissoudre par la simplicité primordiale de ton existence. La part féminine des arbres que porte chacune de tes apparitions quand je me retrouve face à toi.

 

37

 

Nous avançons à tâtons, explorateurs de bonheur

Je scrute ton visage et ses marques profondes

J’y décèle la lumière, reflet de galaxies lointaines

Une caresse subtile sous la lune éclipsée

Bouleverse le rythme des particules de ma peau

Tu me vois immanence et me rends transcendance

Quand je t’offre un élan de vitalité venu des étoiles

Ensemble, nous devenons les médiateurs du cosmos

 

 

Ta présence me révèle ce que ma vie a d’unique.

Tu m'enrichis de tout ce que j'avais oublié de vivre.

Ce que j'aime en toi, je ne l'ai jamais aimé en personne d'autre.




Daniel Van de Velde : portrait en creux de l’artiste

C’est par une lecture de poésie que j’ai d’abord rencontré l’artiste, dans la pénombre balbutiante du jardin au bord de l’eau de Béatrice Machet… Il y disait un extrait de son livre, Les Transitions narratives – 160 fragments regroupés en deux parties, alternant dans chacune d’elles chronologie et souvenirs par bribes arrachés aux brumes de la mémoire, tel celui-ci :

Une chaise sans fond m’attend au fond du bois. Je l’avais trouvée non loin de là et peut-être y est-elle encore aujourd’hui que je n’y suis plus. Je m’asseyais à califourchon, les coudes en appui, le dossier anuité. Peut-être je venais là pour attendre le bus mais je n’en suis pas très sûr. Plutôt foûter la déliquescente saveur de l’abandon, ce point d’orgue d’une dérive définitive qui tout absorbe sans cesse. Je devenais vieux. Plus vieux que le monde.

 Des réflexions aussi, dont je retiens les deux fragments liminaires donnant la tonalité de l’oeuvre  :

4 - « Je vis pour que quelque chose en moi ne soit plus ma propre trace. Celle-ci vacille. Je vis pour que l’oubli redevienne la flamme d’une bougie. » (phrase qui revient comme un leitmotiv dans le livre),

160 – « Le retour ? Il n’y a pas de retour. Le point de départ ? Il n’y a pas de point de départ. Le lieu de naissance ? Il n’y a pas de lieu de naissance »

Les segments impairs, « chrono-illogiques » accompagnant ce parcours vers une aporie énoncent ce qui semble une autobiographie imaginée, au conditionnel dans la première partie, à l’imparfait dans la deuxième  : « En 1965, j’avais un an. En 1966, j’avais 2 ans… », dates égrenées comme les années dans l’œuvre de Roman Opalka, inscrivant noir sur blanc, infiniment, la trace de l’irreversibilité du temps. Mais dans le texte de Daniel Van de Velde, se prolongeant, en amont puis en aval, dans un improbable futur – « en 2363, j’aurais 399 ans »… ce qui rend bien incertain le locuteur se projetant ainsi à travers deux fois 4 siècles… tant qu’on ne connaît pas l’autre pratique artistique du poète qui est aussi « sculpteur d’arbres » dirais-je, récupérant ces géants tombés, les creusant pour les restituer à l’univers que troue leur disparition.

J’ai rencontré de nouveau Daniel Van de Velde dans l’un de ces cafés neutres et modernes où l’on vous sert boissons et bagels, et qui me servent de lieu de travail quand je souhaite ne pas être distraite par le décor ou mes livres. Je regrette de n’avoir pas alors enregistré la richesse de notre discussion, et nous avons compensé cette erreur par un échange que j’appellerai épistolaire faute de mot pour désigner la communication courrielle qui est celle de notre époque.

C’est lors de cette rencontre que Daniel m’a donné le mince recueil de poésie chromatique qui retrace l’expérience d’une poétique du « numérique a minima, à partir de la série dite fréquences d’apparition » ainsi que la décrit le préfacier, Georges K. Zenove. Œuvre dont le projet est d’incarner le toujours-déjà-disparu dans l’usage social, « ce qui fait trou dans l’homogénéité verbalisée de la communauté », selon les mots de Christian Prigent cité dans la préface, et qui est à mon avis l’essence et le devoir de la poésie.

L’expérience retracée par ce livre est celle de mots apparaissant-disparaissant par superpositions, effacement, perforations de l’espace où ils s’inscrivent, et où leur fonction n’est plus de signifier ce qu’ils représentent, mais d’être figure/trace en creux de l’absence.

Et plus qu’à Mallarmé et son coup de dés transformant la page en espace, je pense à Magritte qui aurait pu dire « ces mots ne sont pas des mots » mais des objets « creusant l’espace » comme la pluie de signes sur l'écran du générique de MATRIX, cité par Karine Vonna Zürcher à propos de ce travail. https://www.youtube.com/watch?v=qQg6Mtjd0Ok – comparaison d'autant plus juste qu'une version monumentale de ces pages a été affichée dans l'espace public, bruissant de ce silence fait de toutes les rumeurs des passants, dans l'effacement du sens.

Ces textes qui interrogent le statut du mot, qui le dématérialisent en le privant de la sève du sens, me semblent fort proches des œuvres monumentales réalisées par l’artiste dans son travail sculptural. Partant d’une stère de bois, (récupéré, le jour où je l’ai rencontré, de platanes abattus le long d’une route), Daniel Van de Velde y découpe des bûches avec lesquelles il recompose scrupuleusement la forme de l’arbre sur toute sa longueur, avant de creuser, à la tronçonneuse et à la gouge, en suivant le dessin de l’un des anneaux de croissance, le cœur de l’arbre, ne conservant que les anneaux périphériques. Les cylindres ainsi obtenus sont reliés par des vrilles de métal de façon à ménager un jeu, un léger vide, entre les segments.

Daniel Van de Velde, Le Marronnier rouge, vue en coupe

 

A première vue, ce travail évoque celui de Dennis Oppenheim, et notamment les Annual Rings (1968) travail proche du Land Art, dont les photos furent naguère exposées à Beaubourg : l’artiste y projetait sur le matériau éphémère de la neige les cercles concentriques d’un arbre transposés à échelle monumentale : ces anneaux sont coupés par la rivière-frontière entre USA et Canada, à l’intersection précise de celle-ci avec la limite de deux fuseaux horaires, reliant en une installation unique les concepts variables de lieu, et de temps, dans une volonté de « créer une relation dynamique entre le lieu et les conventions qui le régissent » (catalogue d’expo), et jouent sur le passage d’une surface à l’autre. Le travail de Daniel, lui, n’interroge pas le lieu : ses arbres, dématérialisés, déterritorialisés, sont « hors sol » au sens premier du terme, la plupart suspendus dans les airs. La surface aussi disparaît : l’arbre est comme l’écorce d’un trajet, l’amorce d’un passage… Le projet est autre.

 

La seconde référence qui vient à l’esprit est celle de Giovanni Penone, représentant de l’Arte Povera, qui creuse lui aussi les arbres. Mais le projet de Penone est à échelle humaine : c’est son propre corps qu’il insère dans les arbres qu’il travaille, pour souligner, ainsi qu’il le dit, que « l’arbre est une matière fluide qui peut être modelée » - ainsi y inscrit-il par exemple la réplique en bronze de sa main, qui contrariera la croissance ultérieure du tronc, donnant lieu à de réccurentes métamorphoses dryadiques dans une partie de son œuvre (( Giuseppe Penone, catalogue de l’exposition, Editions du Centre Pompidou, 2004)).Ou bien tente-t-il, dans une œuvre comme L’Arbre-porte de 1993 de dégager, par l’évidement d’un tronc, l’arbre plus jeune qu’il fût quelques décennies plus tôt. Dans l’œuvre de Van de Velde, au contraire, l’homme est absent, autant que l’arbre, devenu structure énigmatique et interrogeante, dans laquelle je lis, pour ma part, l’amorce d’un labyrinthe plongeant au cœur de la réflexion sur l’esseité – de l’arbre, ou de l’homme…

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Dennis Oppenheim, Annual Rings, 1968, U.S.A./Canada boundary at Fort Kent, Maine and Clair, New Brunswick. Copyright Dennis Oppenheim

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Giovanni Penone, arbre-porte, 1993

Je laisserai la parole à l’artiste qui a bien voulu répondre librement à ma question ouverte :

Peux-tu me préciser le lien que tu établirais entre ton activité poétique et ton travail de sculpture - comment la mise en page de tes mots s'articule à ta recherche - pas seulement formelle - avec les arbres ?

Daniel Van de Velde, In Kamiyama from September 18 to November 18, 2006

Chère Marilyne, 

l'évidement en poésie et en sculpture acte le fait que nous ne sommes ni au centre, ni propriétaires de ce que l'on voit. On se laisse traverser, ou bien on traverse du regard. Aimer, vivre, écrire ou déclamer, sculpter ou dessiner c'est faire acte de partage dans un univers intégralement déterritorialisé. J'erre ces derniers temps de textes en textes : Giordano Bruno, Lucrèce, Maître Eckhart, Nicolas de Cues, Carl Gustav Jung, Gilles Deleuze et Félix Guattarri. Une errance pour atteindre un niveau substantiel de l'art. Je dérive désargenté, sans horaires, un brin isolé mais j'accueille avec simplicité chaque mot, chaque branche, chaque tronc qu'il m'est offert de creuser. Ma vie devient trajectoire.

Si j'ai choisi le bois, du moins les troncs chus et les branches échues c'est que en terme de matériau, celui-ci est le juste milieu entre l'air qui est le plus léger et le plomb qui est le plus lourd. Un juste milieu dont la présence informe le mieux celle des êtres humains avec sans doute, en arrière-plan, un désir de nous ancrer dans la réalité terrestre qui nous conditionne. 

Ce serait un comble, pour quelqu'un qui ouvre, qui creuse les arbres en ne séparant pas leur contingence terrestre de la question héliocentrique d'une lumière qu'ils contiennent chacun en leurs anneaux de croissance que je mets à jour, -année de lumière fossilisée-, de t'envoyer "une réponse fermée"... Dans le foisonnement de notre première rencontre, je m'ouvre. Je m'ouvre également par les "plis et replis" de ton opus Mémoire Vive des Replis... que je ressens plus, lecture fragmentée de ma part, par une mémoire de ce que nous allons mémoriser. Genre Deleuze absorbé sous l'optique de Bergson, lui-même absorbé par le spectre substantiel de Spinoza...

Pour le fond commun poésie/sculpture – sculpture/poésie : je veux détacher de l'arbre ce que l'on y projette de bois, et détacher de la poésie ce que l'on y projette d'ontologie obsolète. Nos origines ne sont pas originelles mais trans-substantielles, ainsi que le fait supposer la théorie de la panspermie, (telle qu'expliquée dans ce passage du récit inédit intitulé Les Oscillations Incertaines Des Echelles De Temps :

Sous forme de spores, la vie se propage à travers l'univers. Une pluie sporadique et aléatoire d'acides aminés, capables de traverser les atmosphères grâce au rayonnement nucléique des étoiles. Certaines atterrirent, absorbées par la chute d'un météorite, et firent terre d'un lieu obstinément inculte et atrophié. Un vagabondage présémantique de prébiotiques dans les vides interstellaires. Et Tom de conclure :

-  Je suis un  être intercalé entre plusieurs mondes, plusieurs galaxies. En méditant, je remonte, avec lenteur, avec effroi, jusqu'à une forme de vie proche de la bactérie.

 

Pour le reste, la vie suit son cours et ce qui est œuvre dans ma trajectoire de vie transparait et rebondit constamment à travers la sphère lyrique d'un temps en spirale, éponyme de la pluralité des mondes. Je suis cyclique dans mes déplacements comme le bois ou le mot et la lettre qui ancrent chaque sculpture, chaque poème,  sont des boucles de vie qui in-déterminent la linéarité supposée de mon existence. De toute existence. Ma trajectoire d'homme, d'individu se matérialise à travers l'arbre en creux, devenu spirale de lumière échancrée,  intériorisée et extériorisée. Et, ailleurs et autrement, à travers le poème déterritorialisé. Ces deux facettes de ma  démarche éventent notre supposé sens de l'orientation qui a abouti au dérèglement climatique. A une auto-dérégulation cosmique qu'il nous faudra apprendre à gérer au point de modifier notre conditionnement psychique d'être humain. 

N'être finale
ment plus qu'
un être pour 
être un autre 
être
.

René Char demandait "Comment vivre sans inconnu devant soi?". A force d’œuvrer, je suis devenu inconnu à moi-même. Henri Chopin, dans ses investigations poétiques expérimentales rendait manifeste dans ses gargarismes "insignifiants" la force de notre souffle intérieur en le faisant fusionner avec l'externalité du vent au cours d'une tempête en Écosse. Un acte poétique fondateur, trans-générationnel et trans-moderne. Dedans dehors dehors dedans. Des reprises de vies, des débris de vies. Faire naufrage en soi et hors de soi. Paul Celan écrivait dans un magnifique poème, Tubingen, Janvier, ode à Hölderlin, que s'il nous fallait être,  nous autres poètes, chantres de l'avenir, alors il nous faudrait apprendre à bégayer. 

La roche d'Oëtre - La roche d'Oëtre - ARTerritoire (© Daniel Van de Velde

Tutoyer le vide, les interstices entre chaque mot, entre chaque lettre et absence de lettre dans la continuité obsolescente de la phrase ou du vers, pourvoyeurs de récits. Toute forme de prophétie à partir de ce poème relève du bégaiement. J'échappe à ce sens de ce qui advient, est à venir, par la trouée chromatique des mots qui organise la plupart de mes poèmes. Par mes mains, mes gestes, ma dés-appropriation du monde, je sculpte. Sculpter vient du latin scalpere qui veut dire ciseler, séparer, retirer. Je suis du côté du geste, de la geste, du gestalt. J’œuvre par l'évidement et ce faisant je reviens à la source de la sculpture qui amplifie le vide qui rend toute apparition manifeste.  J'évide les arbres chus et délaissés qui comme les poèmes, avant d'être lisibles, producteurs de sens, de communication, sont pourvoyeurs de visibilité. Ce qui équivaut chez moi à une forme immanente de pensée. Oui Stéphane Mallarmé, oui Christian Prigent. Oui Auguste Rodin, Constantin Brancusi, Carl André, Daniel Buren et Pierre Huyghes. Oui, le poème est absorption lente et parfois sporadique du sens que l'on prête aux mots. La communication est porteuse de leurres, de mal-entendus qui génèrent  des formes obsolètes d'actualisation. J'aime cette notion, chez Noam Chomsky ou bien chez Gilles Deleuze que le langage structure, avant tout, en chacun de nous, une forme inédite de pensée qui ne se résume pas à un sens commun. Le reste étant le plus souvent bavardage. Un bavardage que le corpus poétique d'Henri Michaux n'aura eu de cesse d'éventer. Pour dé-fabriquer le vivant dans lequel nous nous sommes paresseusement laissés signifier. Comme si nous étions des humains hors monde parcourant une terre inhumaine.

 J'ai adoré la banalité du lieu où nous nous sommes vus pour la seconde fois, à Nice. Un lieu non-lieu. Dire dans ce cadre relève du non-dit, étant entendu que la littérature c'est l'art de transmettre de l'indicible pour, entre autre, fortifier l'exigence quotidienne et démocratique des mots, la capacité que nous avons à travers eux de formuler, vaille que vaille. Parfois, je perfore le temps pour nous faire coïncider avec la banalité de nos vies. La banalité des gobelets en carton qui en fin de conversation ont pérennisé les traces sommaires et datées d'une caféine asséchée. Une banalité exempte de tout héroïsme. Souviens-toi des "Ailes du Désir" de Wim Wenders, ce passage où Peter Falk, comédien décalé et ex-ange dit à Bruno Ganz, ange en surpuissance : "tu ne peux pas comprendre l'être humain parce que tu ne peux pas sentir, à travers le gobelet de café, la banalité bienfaisante de l'existence. Ces mêmes gobelets que le serveur ira mettre aux ordures.
Qui, parmi la cohorte des anges .... "

 

 




Carole Carcillo Mesrobian, À part l’élan

Carole Carcillo Mesrobian, À part l’élan

Poésie vivante comme le mot vivant vacille au couchant. Carole Merosbian offre, dans cet ouvrage fugueur décousu recousu, sa vision littéraire pétrie d’analogies salvatrices. Sauver le signe dans le mot ou par les mots assemblés, rendre au signe son pouvoir créateur en oubliant au détour une syntaxe contraignante, s’emploie-t-elle.

Dans ce poème de langue signe dessin fondus ensemble, poème de tous les sangs mêlés, sang de l’écriture, sang du signe signifié et signifiant par la mise en page de l’ouvrage, sang des sentiments balancés à la ligne : « Est rouge d’antilope la cicatrice de mon passage », sang des lèvres mordues : « Vermillon ma merveille tes cheveux sont bouclés. », dans ce poème qu’aurait pu aimer Philippe Soupault inventant une nouvelle manière d’écrire, le Surréalisme, qui  s’enthousiasma et écrivit : « J’agissais comme un boulet de canon. » Dans ce poème meurt la littérature. Naît l’instance divine, la mort de la beauté, par la beauté écartelée retrouvée.

Dans la fulgurance des rapprochements inédits, À part l’élan, joue la musique heurtée de la complainte du corps perdu dans la géographie, elle-même soumise aux aléas de la friction :

Carole Carcillo Mesrobian, Jean-Jacques Tachdjian, 
A part l'élan, La Chienne éditions, Roubaix, 2019.

Plus de rivage et le frisson
Parachevé jamais ne pille
Le matin nu à la saison

 

On sent bien à la lecture du texte de Carole Merosbian tout ce qu’il doit aux surréalistes mais aussi à Marinetti (école futuriste) par le rapprochement de termes hasardeux formant une dynamique nouvelle, un horizon nouveau au phrasé : du non-sens surgit l’image surréelle qui vient impacter les certitudes. Nous sommes au cœur de l’Art poétique décalotté, destiné non à conforter, non à décrire le beau, mais à questionner la fondation. La pratique de l’analogie très lointaine vient ponctuer et remodeler la sensation battant l’intelligence ; j’emploie à dessein cette forme : la sensation battant l’intelligence ! pour effrayer le sens et battre la fondation.

Il faut sans cesse remiser (sa) la raison dans la cabane des sensations pures qu’élabore la poésie de Carole Mesrobian ; une pureté infinie en émane. Sa clarté vient paradoxalement de la construction démiurge, de cette analogie lointaine déjà notée, comme dans le poème Partir vivre comme on va mourir

 

Mes lèvres la poussière au clos de mes paupières
Et mes perles où ton ombre
Douceur démesurée comme un mot prononcé
D’un roi de sous le nombre

 

Ton ombre, douceur démesurée… Il nous faut parler aussi de l’ombre portée par la mise en pages, le dessin du poème dans la page – le dessin des idées et des sensations venant renforcer le signe brut. La distance perçue entre habillage des mots, relations entre eux, phrases, dessins, occupation de l’espace et vide ponctuant le chant produit par l’ensemble est un répond scandé, musical à la mise en écriture du verbe. Ce qui inclut pleinement le travail de Carole Merosbian dans la dynamique de la poésie visuelle et littéralement typographique avec le changement incessant de corps et de modèles des lettres utilisés. On se souvient de Mallarmé, Apollinaire, les surréalistes, Dada, précurseurs de cette manière. À part l’élan, réussit cette gageure et mène ce combat de la poésie totale sur une surface plane, la page du livre. Le regret d’en rester malgré tout à ces deux dimensions est contenu dans les pages finales nommées Introduction  (en miroir) et ne contenant rien d’autre que cela.

Résumons (c’est impossible mais…) ce texte par l’un de ses poèmes titré Asymptote, soit l’usage littéraire d’une donnée mathématique ancienne qui montre une droite se rapprochant en permanence d’une courbe mais ne pouvant jamais l’atteindre. C’est le chant déchirant de l’amour courbé hébété mal entendu pressé qui se résout dans un autre poème, Ouverte, par deux vers beaux

 

Je suis venue de lin déposer ton linceul
Sur un verbe mué 

 

Un verbe mué ! À part l’élan invente un horizon, mais derrière l’horizon quoi ? Cette courbe file plus vite que la droite lancée pourtant à vitesse prodigieuse.




Un papillon dans ma boîte aux lettres : Libelle

Un papillon dans ma boîte aux lettres : Libelle

Voici des années que Libelle arrive dans la boîte aux lettres de ses abonnés. Un petit feuillet qui publie des poèmes d’auteurs déjà lus, vus, connus, ou non. Une ambition claire et haute : porter la poésie, semer dans nos boîtes parmi des courriers souvent moins attractifs un rayon de lumière. 

Lorsque l’on reçoit ces quelques fueilles, il est nécessaire de n’envisager sa lecture que tranquille, et libre de toute contrainte sur un long moment : des découvertes, des noms, des inédits, qui jouxtent des dessins, gravures, parfois, dans une mise en page qui ne cède rien à une esthétique proche d’un panégyrique baroque foisonnant. Fondée par Bernard Rivet et Michel Prades cette revue fait désormais partie du paysage poétique francophone.

Mais aussi, ce nom, Libelle, qui désigne un petit livret de tonalité satirique, m’a souvent interpellée. Il me semble qu’il est possible de le comprendre comme désignant un acte de résistance : un libelle contre la mercantilisme, mais aussi contre une certaines conceptions de la diffusion de la poésie. 

Les textes se distribuent sur ces quelques feuillets d’impression artisanale, hors de toute contextualisation, de tout appareil critique.

Libelle, Revue de poésie, n°285,
janvier 2017, 2 €.

Ils se côtoient disposés de manière irrégulière, et le tout forme une sorte de tapisserie poétique, proche finalement des modules cubistes, allégoriques des multiples manières de percevoir ce que nous nommons le réel, représentation d’une matière dont la structure plurielle s’offre aux subjectivité. Mais ceci est également le support et la matière de toute poésie. Comment alors ne pas être sensibles à cette somme qui arrive, tous les mois, dans notre boîte aux lettres ? Sans prétention, Libelle laisse son allure modeste lui offrir la plus belle des potentialités : mettre en exergue les quelques poèmes qui s’offrent publiés, à un nombre remarquable de lecteurs, depuis tant d’années.

Michel Prades s’exprime dans la rubrique « Historique » du site de la revue (http://www.libelle-mp.fr/historique.5.html)

 

Chauqe mois près de six cents exemplaires sont expédiés aux abonnés et aux revues de poésie françaises et étrangères. libelle est unee histoire d’amlitié, d’amitiés, un cas d’écriture non installé, volontairement non installé. bine sûr, il nous faut aussi des lecteurs et nous comptons sur vous, sur le bouche-à-oreille pour amener d’autre abonnés. Nous comptons vivement sur le soutien fidèle des abonnés, unique condition de notre existence pour attaquer les années à suivre avec sérénité.

 

Libelle

Michel prades 

 

A suivre, de près, et à soutenir, pour la liberté éditoriale, pour celle de l'art.




Marzanna Bogumila Kielar

Présentation de l’oeuvre de Marzanna Bogumila Kielar

Avec Navigations, Marzenna Kielar nous donne son sixième volume de poésie, après un silence de douze ans. Son début poétique en 1992 fut couronné par lesPrix Kościelski et Kazimiera Iłłakowiczówna en 1993. Depuis, elle a été nommée et a reçu de nombreux prix internationaux et a été traduite en vingt-trois langues dont le tchèque, macédonien, hébreu, suédois, et français.

Quatre choix de poèmes ont paru sous forme de livre en allemand, bulgare, slovène, et anglais américain (Salt Monody en 2006 dans la traduction d’Elżbieta Wójcik-Leese) ; bientôt deux autres vont paraitre en Serbie et en République tchèque. Ses poèmes figurent dans quarante anthologies à travers le monde. Ses voyages et séjours littéraires aux Etats-Unis, en Scandinavie, et en Asie, sont fréquents. Formée aux humanités, elle enseigne la philosophie à Varsovie. Née à Goldap sur les terres de l’ancienne Prusse orientale, en Mazurie, pays des lacs proche de la Baltique, elle grandit dans un paysage post-allemand nordique, d’où l’échiquier de la deuxième guerre mondiale avait délogé Allemands et Mazuriens au profit des Polonais et des Ukrainiens chassés des confins de l’est. Peut-être est-ce de là que vient sa préoccupation de savoir comment habiter un espace et le faire sien? Son souci de se rapprocher de la terre dans ce qu’elle a de plus durable, sa géologie?

Marzanna Bogumiła Kielar. Nawigacje. (Navigations),
Wydawnictwo ZNAK. 2018. 48 p. ISBN 978-83-240-5359-9.

Ce court volume a la densité du basalte des terres nordiques qui sont imprimées dans l’âme de la poète. Navigations, acclamé par la critique, est sous-tendu par une méditation sur les débuts du monde et porte en lui la respiration d’un silence philosophique et visionnaire aux échos médiévaux et encore plus anciens. Remontant jusqu’à l’ère précambrienne, la poète se met à l’écoute du temps. Le présent n’intervient que dans cette lignée, discret, dépouillé de tout ce qui n’est pas symbole immémorial. Parmi les thèmes principaux apparaissent le courage du père, l’amour, un érotisme subtil, désincarné, la mort, la naissance, et l’exploration de la solitude que portent ces paysages nordiques. L’aune de notre temps est confrontée à une échelle tellement vaste que le non-essentiel s’efface. Pour cette poésie minimaliste, les mots sont choisis avec un soin extrême pour leurs nuances et leur précision ; leur poids fait qu’il faut les laisser sédimenter en soi. Dans cette poésie austère, les deux principales couleurs sont le gris (dans toutes les nuances de la pierre) et le vert (dans toutes les nuances du feuillage), avec des éclats de joie, de couleurs, et de sons qui font un contraste saisissant. Ce langage poétique pur et précis a été comparé par la critique américaine à celui de la romancière Karen Blixen, mieux connue sous son nom de plume, Isak Dinesen.

Marzanna Kielar est observatrice, tout comme Elizabeth Bishop et Julia Hartwig auxquelles elle compare souvent sa poésie – béquillage que la qualité et l’originalité de sa poésie rendent quelque peu inutile. Toutefois, sa poésie n’est pas narrative ; les scènes qu’elle décrit sont de brèves vignettes, des juxtapositions de micro-scènes vécues avec intensité et vues avec précision. Ces scènes s’inscrivent dans la généalogie du monde qui est le thème unificateur de toute sa poésie. Elle se penche particulièrement sur le mystère des choses placées entre désintégration et unification. Pour cela, elle a puisé aux sources de l’existentialisme à travers Paul Celan, Constantin Cavafy, Yehuda Amichai, Eugène Montale et Tomas Tranströmer, qu’elle considère ses mentors.

Marzanna Kielar parle de l’humain à l’écoute du minéral et du végétal. Elle juxtapose ces mondes et leurs réalités, faisant passer le lecteur d’une dimension à une autre à travers un tiret ou une virgule ; ces discontinuités existaient déjà dans la littérature polonaise d’avant-guerre, notamment la poésie d’Aleksander Wat et la prose visionnaire de Bruno Schulz. Navigations parle de paysages faits d’arbres et d’eau, de la fragilité de toute chose et de l’effacement des frontières entre humains et animaux, entre animaux et nature. Les éléments s’interpénètrent, aux corps morts poussent des racines, nous devenons tous poussière génératrice de vie nouvelle. La poète dit tout ce qui s’écoule une fois franchies les portes divisant la vie et la mort. Elle utilise un vers libre de longueur variable et des strophes inégales, comme pour mieux rythmer les consonances internes de sa pensée. La musique, référence fréquente sous forme de chants d’oiseaux et de mélodies contrapuntiques, renforce l’intensité de l’univers fermé des poèmes. Fréquemment, les poèmes s’achèvent sans ponctuation, comme  à mi-pensée ou à mi-phrase comme pour mieux laisser le lecteur aux aguets.

 

Marzanna Kielar, Salt monody, Translated by
Elzbieta Wojcik-Leese, Zephyr Press; Bilingual
edition (20 April 2006), 128 pages

Les poèmes ci-dessous sont reproduits avec la gracieuse permission de leur auteur, que nous tenons à remercier de sa générosité et sa confiance.

 

Navigations

1.

La colombe posée sur la corniche du bâtiment d’en face s’est envolée
avant que la feuille d’érable n’atterrisse sur le parapet.

La lune illumine les nuages bas, traque les tomettes
du parking,
mord le feuillage mou, les noeuds et entre-noeuds des heures.

 

2.

Les cornes de brume mugissent. La mort a déplié ses cartes
sur la table de navigation,
elle prend ses repères.

Ici, dans un détroit d’hôpital, ton corps, fragile esquif,
dépasse l’iceberg.

Tu vogues avec un compas en panne, tu te diriges
à l’aveuglette.

Des fragments d’icebergs montent de l’horizon qui hier se découpait
doucement du ciel,
son long crépuscule chatoyant sous le soleil couchant; tergiversations
de globules rouges.

La glace qui traverse l’eau et la nuit ignore notre présence.
Cela lui est égal de nous écraser ou de nous libérer.
Glace inerte venue d’autres latitudes, silencieuse, imperceptible,
accordée au pouls de la nuit qui refroidit.

Début du champ sans rivages.

S’il y avait du vent, on pourrait tenir le cap – aller avec le vent vers la rive
où fleurit la vie et où les faubourgs embaument les feuilles brûlées,
où pulse un halo de lumière.

S’il y avait du vent – divin alizé des jours ouverts –
nous irions avec son souffle,
vaillamment, tels des héros mythiques.

S’il y avait du vent
et des oiseaux et la terre ferme

 

Marée montante

Ici ne poussent ni racines d’arbre, ni couverture de saxifrages verts,
ni carapace de mousse.

Vous seules existez – altières colonnes, bastions en promontoire,
chaires de basalte brisées – roches en lutte meurtrière avec l’océan.

Vous semblez éternelles,
comme si la mort expirait en vous et à travers vous
dans les anneaux du ressac.

Comme si la mort, vorace comme le sel, ne pouvait
imposer la fugacité en choisissant à loisir d’un nid
son butin printanier: les heures où croît la lumiere, où s’ouvre le creux des vagues,
et où brillent les mots
et les poissons.

Elle se mesure à son ombre. Rapidité de coursier.
Elle se compose, se ramasse
et atteint son but. Elle s’enivre de son élan.

Elle emporte la maison et le jardin couvert de chardons duveteux, elle noie
la joie d’une hirondelle diurne. Encore, la terrasse ambrée de l’été
se couvre de chèvrefeuille. Le café fume encore et personne n’a balayé les miettes
de la nappe, et voici que tout près elle
infuse de sang le rideau de nuages et anéantit le monde
dans la ronde des cycles immémoriaux.

Son pouce tend la corde
de l’arc d’essai -- témoins indifférents: les muscles des mains et des épaules; monte
la marée rouge

 

Sonnet pour mon père

Tu baissais la poupe au ras de l’eau, dirigrant la proue de la barque
vers le goulet entre les lacs. De loin nous voyions les embarcations
y tourner en rond, ballottées par le vent.
Le canal vide brillait.

Lorsque nous arrivâmes, l’énergie du vent nous arrêta, les oiseaux et nous.
Le vent avait fait son nid ici et le défendait – il nous fouettait d’une aile d’airain
de plus en plus puissante.

Il frappait comme un noroît.

Tu négocias longuement avec le haut bouclier des vagues soumises
à son aveuglement – gagnant par virevoltes et arcs
quelques dizaines de mètres à chaque retour,
penché sur le gouvernail – à l’écoute de toi-même et des éléments.

Et le vent nous laissa passer.

Nous débouchâmes dans le lac plane.
Corniche gothique de mes jours – cette couleur dorée du ciel
crépusculaire, et l’ample calme de l’eau.

La nuit monta derrière l’écheveau des collines proches, puis sa noire froidure
mit le cap droit sur nous –

 

Exercices de non-existence

La brume arriva par vagues, ici minces, là épaisses,
jusqu’à nous couper la vue. Effacés. Le jardin partit pour plusieurs heures.
La brume ferma la porte à la réalité.

Voici, la vapeur s’éclaire et dévoile les lisses contreforts des collines
et la bourgade. Coupées de la terre, les tiges de fleurs sauvages s’alignent
sous la clôture de planches lasurées.
Des oiseaux aux ailes grises tournoient et s’appellent

sur le sarcophage marécageux de cette journée d’automne,
pleine de feuilles pourrissantes, de tiges lisses de dahlia et de tournesol.

Les routes entreccoupées reviennent. Maisons aux murs lisses sans corniches ni
détails, toitures soufflées comme des casquettes.

Rêves exhumés.
Nous aussi revenons – au même endroit – dans un présent sans fin.

 

Synchronisme

Bonne grimpeuse, agile acrobate, petit loir,
tu occupes un vieux nid d’oiseau ou d’écureuil. Astucieuse,
tu peux dans les crevasses du rocher ou dans l’arbre
t’en construire un – de mousse, de poils, et de plumes.

Adroite et rapide – petits mammifères, oisillons, lézards
sont ton festin journalier.

Avec eux et la chouette qui te regarde depuis la branche
du haut peuplier,
nous formons un systeme fermé.

Les boucles de l’heure carnassière se préparent.

La chouette s’élance, déploie ses ailes,
quelqu’un inspecte la ville comme un monticule d’herbes.

 

La matière sombre

Étoilée, elle traverse nos corps qui lui sont invisibles.
S’infiltre dans la pierre de la ville, dans
l’immobilité hivernale du ciel et les lumineuses
heures de décembre, quand tu me cueilles comme du miel d’hiver
sur la ruche du lit.

Ses rets cachés dans lesquels brillent les galaxies
sont comme un squelette d’érable effeuillé dans lequel, transis de givre,

en boule, les nids de pie
reflètent le soleil.

 

 

Post Tenebras

Dans le jardin vide, un buisson de forsythia
vorace fleurit et flambe d’un feu jaune sur le gazon grisaille
à l’orée de mars.

À l’entour, un glossaire effeuillé de vieilles plantes raidies. Muets
le sorbier et le cognassier regardent cet embrasement. Remuent en silence
les branches du prunier nu, les lèvres
du hêtre rouge –

comme si tout le langage travaillait à donner un sens
à un seul mot, quelque part

au-delà de la parole.

Décortiqué du froid matinal, le mot sorti de terre brille
d’une crinière dorée dans laquelle se nichent les moineaux.

 

 

 

X X X

Les mots du poème sont comme l’eau
qui s’épaissit en nuage, tombe en pluie, en neige,
s’élève en rosée.

Elle atteint les eaux souterraines qui alimentent les sucs de l’arbre.

Elle se vaporise sur les feuilles du vieil aulne et prolonge sa vie.

Il suffit que les mots du poème, comme l’eau, réfléchissent tout ce qui est.
Tout ce qui s’éloigne pour se transformer
en une chose plus grande.

Alors une brume légère
dévoilera les contours d’un autre continent. Le ciel propre et profond,
sans écueils ni haut-fonds, guidera vers le rivage.

Puisse-t-il y avoir dans les poèmes un peu de ressac,
des jeux de lumière et d’ombre au fond de l’eau, nos corps lumineux
nageant sous les écailles scintillantes de la baie.

À la fin, les eaux rassemblées en rivières reviendront aux mers
dont nous sommes issus.

Dont elles s’évaporèrent, laissant le sel

 

Contrepoint

Toute la matinée un merle chante la joie de sa durée

le chant saute de branche en branche, brille
sur les feuilles débarbouillées, part en pèlerinage avec l’eau du ruisseau
tel une lumière dans l’ombre froide.

Le merle chante comme s’il avait oublié qu’il chantait
comme si coulait en lui l’immensité du ciel d’orient,
tout ce qui vit, tout ce qui pousse.

Puis dans les petits muscles du larynx qui sculptent le chant
entrent d’autres registres, d’autres tons – épervier qui s’envole avec sa proie
arrachée à l’eau, madriers en dérive d’une ville engloutie.

Étagée, la mélodie de l’oiseau se penche sur un précipice.
Sur une matière en flux constant, ce qui nous rappelle
que toutes les pratiques sont éphémères.

Alors, rien ne cache le chant de l’extérieur.

 

Les amants

Côte à côte depuis des millénaires
nous croissons comme des racines de sapin, pour que se crée
un lien vivant.

Lame à double tranchant.

Enlacés l’un dans l’autre
comme ces amants néolithiques de la banlieue de Mantoue
dans l’étreinte
de leur suaire de pierre,
en terre comme au lit, quand un rayon de soleil ouvre la chambre par la fenêtre.

Nos lèvres sont dans un filet d’air.
Dans la fente où s’entr’ouvre la banquise du temps.

Nos dieux mourront.
Les chapelets de causes et d’actions issus de nos pensées se briseront.
Toutes nos oeuvres cesseront d’exister.
Les mots s’achèveront, reviendra le silence.
Le silence va parler.

Nous sommes
le vide qui a besoin de forme pour apparaitre.

Libérés de la mort, nos yeux deviendront soleil et brilleront.
Libérées de la mort, nos haleines deviendront le vent.

 

 

Présentation de l’auteur

Marzanna Bogumila Kielar

Marzanna Bogumila Kielar est une poétesse polonaise née 8 février 1963 à Goldap en Pologne. Elle a reçu le prix littéraire de la fondation Koscielski.

Poèmes choisis

Autres lectures

Marzanna Bogumila Kielar

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Raphaël Rouxeville, Dans le cœur blanc des arbres

Dans le cœur blanc des arbres

Franc-Tireur

D'une idée et d'oxygène
J'ai épaulé, contracté léger le biceps
En direction des engrenages, d'un arbre et des tableurs

J'ai senti la crosse douce à ma joue
Et le métal de la langue était tiède

Quand mon index l'a un peu pressée
J'ai créé le silence

Il ne s'est rien passé : un oiseau est tombé

L'amour nichait dans l'arbre.

 

 

 

Le cap

Et ce n'est que moi
qui dis pour moi le cap
sans père pour ressentir
que moi et le cap
sans mère par où gémir

Et ce n'est que moi
qui vis de moi sentant
un cap par où marcher
pour le jour et la nuit

Et ce n'est que moi
qui vibre hors de moi
cercle d'eau d'ondes
et traverse ce monde
de lumières de gens
Jusqu'au cap.

 

 

          La nuit sépia

La lune tourne un film aux nuages sépia.

Deux enfants veillés par l'araignée
passent derrière les arbres sur une barque.

Une brunette à couettes se tient aux murs
avant le passage des tornades.

Jeté sur le tas de pierre, mon mégot incandescent luit sous ce carton-pâte.
Il parle du soleil au ver luisant.

Moi, j’absorbe des aérolithes.
J’ai du sel de lumière sur la langue.

Toi, si tu voyais le jour
Tu ferais demi-tour et reprendrais ta place dans la nuit sépia.

 

 

 

          Les nochers

Sur quel pied tu danses ici-là ?
Parce que, quand même, qu'est-ce qu'on est bougés
Ancrés, mal arrimés à nos langues tordues
Crochetées dans du ciment mou - ça bougeait moins avant
On croyait aux pommiers

Encordés pour ne pas partir, juste remués
Et tous ces brouillards collants

Sur quelles plumes on y va
- tu y vas toi, là-haut ?
Parce que, qu'est-ce qu'on n'est pas rendus...

Les planètes, quand même, belles et calmes et fixes
Les étés parallèles, les étoiles bien rangées
C'est pas là-ici encore
Et je suis pas nocher, pas nocher ailé

D'autres sont dans des pirogues

On n'en peut plus des fois, alors on se tient aux panneaux
Aux mains des murs, avec nos bouches pliées sous le ventre
D'où tombe un gros colis de silence avalé

Après, on peut toujours presser l'encre de la peau, souvent
Et la faire dégouliner, chaque jour
Dans le coeur blanc des arbres

Et les regarder, les arbres
Pousser longtemps
Dans du ciment mou, la mer noire
Parmi les panneaux, ici-là
Longtemps et vers là-haut

Des arbres
Des arbres comme des nochers.

 

 

 

 

                    La route

Kerouacissimo
La route se déroule presque sans nous
Le ruban dénoué chemine désormais loin
Tu sais
Entre les aubes

Et au bout
Travers la lande sableuse
Au bout du soir
Tù mariposa revêt sa robe
Peinte de bleu métal

De nuit à nuit
Ma reine
Ta grâce papillon vibrionne
De mât jaune à mât jaune
Rebondit à mesure
Au-dessus des hautes herbes
Et cavale en courbes
Après le câble noir
Jusqu’au tour de le terre

Le rouleau se lit dans tous les sens

Après les monts derrière
J’aurai demain calme
Bras de chemise la mer
Le râteau du saulnier
A carreaux
Et tu danseras tes ailes autour de moi
Gardiennes de ma foudre

Pour toi
Je ferai monceaux
De coquelicots marins
Capucines cristaux blanc
Qu’emballeront brins de salicorne
Et vieux journaux
Pour la paix de ton sang
Tachetant de bleu les jachères

Pour moi
Tu feras cocons, atomes de vent
Pontes de rosée, ruisseaux
Et danses d'écume
Pour endormir mon feu
Qui incendie les bois

Kerouacissimo
Tu sais
Facile
La route se déroulera presque sans nous.

 

 

 

Présentation de l’auteur

Raphaël Rouxeville

Raphaël Rouxeville a très longtemps porté en lui un désir d’écriture. Et ce n’est qu’au milieu de la quarantaine que ce désir s’est réellement épanoui en lui, avec le choix (n’allant pas de soi) de la poésie, genre qui a trait à la foudre, par sa vitesse d’exécution (les grands jours) et par l’intensité ressentie (du moins, par celui qui l’écrit).

La poésie de Raphaël Rouxeville est jusqu’ici, sans que cela ait été décrété, souvent élégiaque (c’est ce qui apparaît au résultat). Elle évoque le manque, le désir, l’absence, la grandeur déchue. Elle est parfois marquée par le thème de l’ubiquité et très souvent par celui du reflet. Elle peut recourir aux motifs des étoiles, de la forêt ou de la mer en les traitant de manière contemporaine et surtout, s’il se peut, originale. Bien sûr, il s’agit là d’un premier constat, sachant que la poésie est un chemin qu’on empreinte, un chemin qui se subdivise, qui traverse des paysages variés ; bref, quelque chose de vivant ; de souple, d’évolutif, d’incertain et de libre.

Les premiers textes de Raphaël Rouxeville ont été publiés en revue, à partir de 2017, par Terre à Ciel, Le Capital des mots, Lichen, Décharge et La Cause Littéraire.

Autres lectures




Revue Nu(e) N°69

Revue Nu(e) N°69

La revue Nu(e) est désormais hébergée par Poezibao. Qu’est-ce à dire ? Une revue de qualité, qui propose la gratuité de ses pages, téléchargeables au format PDF, il me semble que c’est à saluer. Ce N°69, consacré à Michel Finck, déroule un sommaire impressionnant. 

Bien sûr, nous sommes habitués à des livraisons de belle tenue, mais l'accessibilité de Nu(e) n°69 ainsi que la possibilité de consulter gracieusement cette source d’articles toujours de belle qualité ne doit pas échapper à tous ceux qui suivent de près ou de loin l’actualité poétique et artistique.

Gros volume de 405 pages, Nu(e) est présenté par Patrick Née, directeur de publication, qui s’exprime en ouverture de cet impresionnant numéro. Les premières pages proposent en effet un  entretien avec ce maître d’œuvre qui évoque sa démarche, et ses choix.

Le dossier consacré à Michèle Finck est le support de diverses approches, toutes plus intéressantes les unes des autres. A commencer par un ensemble de poèmes inédits de l’auteure, Cris-femmes, recueil dans le recueil, « témoignant du dernier état de son inspiration ». 

Nu(e) n°69, consacré à Michèle Finck,
hébergé par Poezibao.

Répondent à ces inédits un ensemble de poèmes/hommages signés Pierre Dhainaut, Laurence Breysse-Chanet, Jean-Yves Masson, Patrick Quillier, puis des extraits de la correspondance de Michèle Finck avec divers destinataires, parmi lesquels des auteurs présents dans ce numéro.

Il faut saluer un appareil critique impressionnant : Fabio Scott, Claire Gheerardyn, Yves Bonnefoy,  Jean-Pierre Richard, Salah Stétié, entre autres. Leurs articles, autour de l’œuvre de Michèle Finck, et les divers éclairages que ceux-ci proposent sur les écrits de la poète offrent des pistes de réflexion diversifiées, et démontrent si besoin était que le poème est porteur de potentialités sémantiques infinies...: synchrétisme artistique, ponts entre des lectures qui interrogent la forme, les dimensions sémantiques et paradigmatiques du poème ou du recueil. Riches en pensées et en interrogations, qu’une démarche herméneutique ne manque pas de susciter, sans y apporter d’autres réponses que des éléments de compréhension, résonances, liens enrichissants en terme de compléments de lecture, qui éclairent et guident le lecteur.

 Enfin, une bibliographie de Michèle Finck clos ce dossier, impressionnante somme des différentes exégèses  à propos de son oeuvre, et une recension exhaustive de ses écrits.

Assurément, il ne faut pas manquer de visiter cette revue qui regroupe  une somme précieuse d’articles et de poèmes, à partir de l’œuvre remarquable de Michèle Finck. Hébergée par Poezibao, dont il faut saluer l'initiative, elle est accessible à tous, et gratuitement. Merci.




Marilyne BERTONCINI, Mémoire vive des replis, Sable

Marilyne BERTONCINI – Mémoire vive des replis

La poésie de Marilyne Bertoncini est singulière, en ce qu’elle s’appuie fréquemment sur des choses matérielles, pour prendre essor, à la façon d’une nageuse qui a besoin de donner un coup de talon contre le fond pour gagner la surface de son élément, en l’occurrence la fluidité de la langue. 

Cela peut engendrer des poèmes issus de peintures, d’une sculpture rêvée, ou comme c’est ici le cas, de photos suggestives des replis issus de la nature, veines de bois, feuillures, écorces, tissus, sédimentations indéfinissables ou, pour l’autre volume, de pages sableuses, étranges, palimpsestes virtuels qui révèlent une part synecdotique de ce qu’elles dissimulent : on imagine un corps enfoui là où, comme rose des sables désenlisée par le vent, transparaît sa seule main d’or.

On pourrait voir dans ces deux recueils l’envers et l’endroit d’une parabole qui, d’une part, rêve sur le repli où se dissimule l’énigme de l’humain ; et de l’autre sur le dépli qui offre à lire toutes sortes de traces et d’empreintes de cette énigmequi chemine à travers les sablons du temps. Et de fait, les deux livres se commentent réciproquement. Ainsi dans le premier (Mémoire…page 23) on peut lire :

Marilyne BERTONCINI, Mémoire vive des replis, 
Ed ; « Pourquoi viens-tu si tard », Poésie N° 20.

Les mots crissent comme le sable dans l’infini du sablier
que je renverse en ma mémoire où bat l’aile de
l’éventail

 

                 et s’envolent mes souvenirs   
                  à l’horizon des goélands

Un horizon « volatile » qui présente « ...l’air un peu flou d’un lointain paysage/dans le brouillard ». On sait que lorsqu’il y a du flou, c’est que le loup n’est pas loin, mais juste au-delà du visible, tel un amer dissimulé par le grand large ! Cependant, le questionnement du poème est une façon d’interroger un « au-delà » qui n’est pas obligatoirement religieux, mais le refuge inatteignable de ladite énigme. Un « au-delà de la conscience ». Je ne tenterai pas de me hisser au niveau des commentaires de la préface de Carole Mesrobian, à qui notre poétesse est familière. Je vois cependant cette poésie moins comme fouillant les replis de la mémoire pour en faire surgir une enfance, que pour en faire surgir ce qui, d’une enfance, est la composante irréductible, l’étincelle insaisissable et inextinguible qui nous intéresse lorsque les années nous ont permis de constater que son mystère, pour peu qu’on y prête attention, est intact. C’est donc moins à l’enfance, qu’à mettre le doigt de l’écriture, grâce à la réminiscence, sur ce que l’enfance recèle et qui demeure jusqu’à la fin d’une vie, à quoi le poème bertoncinien s’attache. (Cfr le poème de la page 67) :

 

 

Ainsi 

 dans d’autres temps   jadis
j’ai vécu d’autres vies
et c’était déjà moi
j’étais pourtant une autre

 Je rebrousse le temps au fil de l’écriture
Le rêve me ramène au flot des leurre
où se réverbère le monde

 Mémoire vive des replis
où se cache la vérité

 

Qui dit replis, évidemment dit « mer », dit dunes, dit océan, océan de sable, par ex. Sahara (cfr. Sable,p.32.) Ainsi le livre du « Sable » complète, du déploiement des replis, l’exposition troublante de l’irréductibe poétique dont je parlais, qui se propage à travers les mots à la façon d’une onde secrète. Évidemment, « mer », c’est aussi mère, femme, engendrement, enfance, avec tout ce que cela comporte de fascinants mystères originels, que M. Bertoncini a désignés du mot de « vérité ». Il n’est donc pas surprenant que Sable s’ouvre sur la dédicace :« À ma mère », celle qui a transmis l’onde de l’élan vital. Lorsque les mots en effet donnent l’intuition de propager cette onde, à travers le sablier du temps, le langage n’est plus le plat transmetteur d’informations habituel. Un frémissement secret le parcourt, fait apparaître parfois quelque éclat doré, traduit une couleur, ostend une goutte de rosée, ou quelques traces de cet inconnu, au plus obscur de l’être humain (ou disons de l’être « humanité »), toujours nouveau, -  selon l’injonction de  la quête baudelairienne – qui est à la fois le trait majeur de la poésie, et celui de la spiritualité qui nous caractérise, homme et femmes, en tant que membres de l’Humanité.

 

 

Marilyne Bertoncini, Sable, poèmes en français avec
trad. en allemand d’Eva Maria Berg, et Wanda Mihuelac
pour
 les œuvres graphiques,  Editions Transignum, Paris, 2019.

Présentation de l’auteur

Marilyne Bertoncini

Marilyne Bertoncini : poète, traductrice (anglais-italien), revuiste et critique littéraire, membre du comité de rédaction de la revue Phoenix, elle s'occupe de la rubrique Musarder sur la revue italienne Le Ortique, consacrée aux femmes invisibilisées de la littérature, et mène, avec Carole Mesrobian, la revue numérique Recours au Poème, à laquelle elle collabore depuis 2013 et qu'elle dirige depuis 2016. 

Autrice d'une thèse, La Ruse d'Isis, de la Femme dans l'oeuvre de Jean Giono, et titulaire d'un doctorat, elle a été vice-présidente de l’association I Fioretti, pour la promotion des manifestations culturelles au Monastère de Saorge (06) et membre du comité de rédaction de la Revue des Sciences Humaines, RSH (Lille III). Ses articles, essais et poèmes sont publiés dans diverses revues littéraires ou universitaires, françaises et étrangères. Parallèlement à l'écriture, elle anime des rencontres littéraires, Les Jeudis des Mots, à Nice, ou les Rencontres au Patio, avec les éditions PVST?, dans la périphérie du festival Voix Vives de Sète. Elle pratique la photographie et collabore avec des artistes, musiciens et plasticiens.

Ses poèmes sont traduits en anglais, italien, espagnol, allemand, hébreu, bengali, et chinois.

 

bibliographie

Recueils de poèmes

La Noyée d'Onagawa, éd. Jacques André, février 2020

Sable, photos et gravures de Wanda Mihuleac, éd. Bilingue français-allemand par Eva-Maria Berg, éd. Transignum, mars 2019

Memoria viva delle pieghe, ed. bilingue, trad. de l'autrice, ed. PVST. Mars 2019

Mémoire vive des replis, texte et photos de l’auteure, éd. Pourquoi viens-tu si tard – à paraître, novembre 2018

L’Anneau de Chillida, Atelier du Grand Tétras, mars 2018 (manuscrit lauréat du Prix Littéraire Naji Naaman 2017)

Le Silence tinte comme l’angélus d’un village englouti, éd. Imprévues, mars 2017

La Dernière Oeuvre de Phidias, suivi de L'Invention de l'absence, Jacques André éditeur, mars 2017.

Aeonde, éd. La Porte, mars 2017

La dernière œuvre de Phidias – 453ème Encres vives, avril 2016

Labyrinthe des Nuits, suite poétique – Recours au Poème éditeurs, mars 2015

 

Ouvrages collectifs

- Le Courage des vivants, anthologie, Jacques André éditeur, mars 2020

- Sidérer le silence, anthologie sur l’exil – éditions Henry, 5 novembre 2018

- L’Esprit des arbres, éditions « Pourquoi viens-tu si tard » - à paraître, novembre 2018

- L’eau entre nos doigts, Anthologie sur l’eau, éditions Henry, mai 2018

- Trans-Tzara-Dada – L’Homme Approximatif , 2016

- Anthologie du haiku en France, sous la direction de Jean Antonini, éditions Aleas, Lyon, 2003

Traductions de recueils de poésie

-Soleil hésitant, de Gili Haimovich, éd. Jacques André (à paraître 2021)

-Un Instant d'éternité, bilingue (traduit en italien) d'Anne-Marie Zucchelli, éd. PVST, 2020

- Labirinto delle Notti (inedito) nominé au Concorso Nazionale Luciano Serra, Italie, septembre 2019

- Tony's blues, de Barry Wallenstein, avec des gravures d'Hélène Bauttista, éd. Pourquoi viens-tu si tard ? , mars 2020

- Instantanés, d‘Eva-Maria Berg, traduit avec l’auteure, éditions Imprévues, 2018

- Ennuage-moi, a bilingual collection , de Carol Jenkins, traduction Marilyne Bertoncini, River road Poetry Series, 2016

- Early in the Morning, Tôt le matin, de Peter Boyle, Marilyne Bertoncini & alii. Recours au Poème éditions, 2015

- Livre des sept vies , Ming Di, Recours au Poème éditions, 2015

- Histoire de Famille, Ming Di, éditions Transignum, avec des illustrations de Wanda Mihuleac, juin 2015

- Rainbow Snake, Serpent Arc-en-ciel, de Martin Harrison Recours au Poème éditions, 2015

- Secanje Svile, Mémoire de Soie, de Tanja Kragujevic, édition trilingue, Beograd 2015

- Tony’s Blues de Barry Wallenstein, Recours au Poème éditions, 2014

Livres d'artistes (extraits)

Aeonde, livre unique de Marino Rossetti, 2018

Æncre de Chine, in collection Livres Ardoises de Wanda Mihuleac, 2016

Pensées d'Eurydice, avec  les dessins de Pierre Rosin :  http://www.cequireste.fr/marilyne-bertoncini-pierre-rosin/

Île, livre pauvre avec un collage de Ghislaine Lejard (2016)

Paesine, poème , sur un collage de Ghislaine Lejard (2016)

Villes en chantier, Livre unique par Anne Poupard (2015)

A Fleur d'étang, livre-objet avec Brigitte Marcerou (2015)

Genèse du langage, livre unique, avec Brigitte Marcerou (2015)

Daemon Failure delivery, Livre d’artiste, avec les burins de Dominique Crognier, artiste graveuse d’Amiens – 2013.

Collaborations artistiques visuelles ou sonores (extraits)

- Damnation Memoriae, la Damnation de l'oubli, lecture-performance mise en musique par Damien Charron, présentée le 6 mars 2020 avec le saxophoniste David di Betta, à l'ambassade de Roumanie, à Paris.

- Sable, performance, avec Wanda Mihuleac, 2019 Galerie

- L'Envers de la Riviera  mis en musique par le compositeur  Mansoor Mani Hosseini, pour FESTRAD, festival Franco-anglais de poésie juin 2016 : « The Far Side of the River »

- Performance chantée et dansée « Sodade » au printemps des poètes  Villa 111 à Ivry : sur un poème de Marilyne Bertoncini, « L’homme approximatif » , décor voile peint et dessiné,  6 x3 m par Emily Walcker  :

l’Envers de la Riviera  mis en image par la vidéaste Clémence Pogu – Festrad juin 2016 sous le titre « Proche Banlieue»

Là où tremblent encore des ombres d’un vert tendre » – Toile sonore de Sophie Brassard : http://www.toilesonore.com/#!marilyne-bertoncini/uknyf

La Rouille du temps, poèmes et tableaux textiles de Bérénice Mollet(2015) – en partie publiés sur la revue Ce qui reste : http://www.cequireste.fr/marilyne-bertoncini-berenice-mollet/

Préfaces

Appel du large par Rome Deguergue, chez Alcyone – 2016

Erratiques, d’ Angèle Casanova, éd. Pourquoi viens-tu si tard, septembre 2018

L’esprit des arbres, anthologie, éd. Pourquoi viens-tu si tard, novembre 2018

Chant de plein ciel, anthologie de poésie québécoise, PVST et Recours au Poème, 2019

Une brèche dans l'eau, d'Eva-Maria Berg, éd. PVST, 2020

 

(Site : Minotaur/A, http://minotaura.unblog.fr),

(fiche biographique complète sur le site de la MEL : http://www.m-e-l.fr/marilyne-bertoncini,ec,1301 )

Autres lectures

Marilyne Bertoncini, Aeonde

Petit livret, grand livre. Encore une fois, après La dernière œuvre de Phidias, Marilyne Bertoncini fait appel à la dimension mythique pour dire la condition humaine.

Les 101 Livres-ardoises de Wanda Mihuleac

Une épopée des rencontres heureuses des arts Artiste inventive, Wanda Mihuleac s’est proposé de produire des livres-objets, livres d’artiste, livres-surprise, de manières diverses et inédites où la poésie, le visuel, le dessin [...]

Marilyne Bertoncini, Mémoire vive des replis

Un joli format qui tient dans la poche pour ce livre précieux dans lequel Marilyne Bertoncini fait dialoguer poèmes et photographies (les siennes) pour accueillir les fragments du passé qui affleurent dans les [...]

Marilyne Bertoncini, Sable

Marilyne Bertoncini nous emmène vers la plage au sable fin, vers la mer et ses vagues qui dansent dans le vent pour un voyage tout intérieur… Elle marche dans [...]

Marilyne BERTONCINI, Mémoire vive des replis, Sable

Marilyne BERTONCINI – Mémoire vive des replis La poésie de Marilyne Bertoncini est singulière, en ce qu’elle s’appuie fréquemment sur des choses matérielles, pour prendre essor, à la façon [...]

Marilyne Bertoncini, La Noyée d’Onagawa

Chant du silence du fond de l’eau, celui où divague le corps de la femme de Yasuo Takamatsu. Flux et reflux du langage devenu poème, long discours sur le vide laissé par la [...]

Marilyne Bertoncini, La noyée d’Onagawa

Cette suite poétique, à la construction musicale, points et contrepoints, bouleverse et interroge. Inspirée d’une dépêche d’AFP, elle fait osciller le lecteur entre plusieurs réalités, temporalités et espaces. Continuité et rupture, matérialité et [...]




Aragon, La Grande Gaieté, suivi de Tout ne finit pas par des chansons, Michel Dunand, Au fil du labyrinthe ensoleillé

Aragon, La Grande Gaieté, suivi de Tout ne finit pas par des chansons

La figure du poète Aragon, si sa place dans la littérature est bien établie, demeure complexe, multiple, parfois contestée, comme son œuvre qu’on pourrait dire variable et parsemée d’écrits inattendus. C’est que le lecteur, confronté à chacun d’eux,  s’y trouve dans un moment « de l’histoire d’une vie ».

Car, selon Aragon, tout poème est de circonstance, et sur cette affirmation, au demeurant évidente, l’on a passablement glosé. Or, si la circonstance est le déclencheur, ainsi que la teneur vitale, de l’affaire poétique, de la prise de parole qui devient le dire du poème, deux éléments en modifient la nature : d’une part le texte est écrits, de l’autre le langage pour l’écrire est hors-temps ; je m’explique : malgré des blancs de page en page, des silences, des interruptions apparentes, on peut considérer que « depuis l’humanité » le langage en ses déclinaisons et colorations en langues, continue, et qu’il a toujours continué. Nous naissons au sein d’une langue maternelle reçue. Simplement, un peu comme le monstre du Loch Ness dont les anneaux de loin en loin affleurant à la surface donnent l’impression qu’il est plusieurs, le dire du poète, à cause du vécu révélateur, dû à un tempérament excessif qui force le langage à émerger de loin en loin à la surface de la page, donne un sentiment de diversité et pluralité, bref d’une hétérogénéité circonstancielle. Une fois recueillis en livre cependant, la discontinuité des textes poétiques par la lecture imaginative reforme une unité, rend sa continuité logique, émotive et sentimentale, à un parcours dont les poèmes ne sont en quelque sorte que les bornes.

Louis Aragon, La Grande Gaieté, suivi
deTout ne finit pas par des chansons, 
Editions Gallimard, collection NRF Poésie.

C’est le cas de ce recueil d’Aragon dont le titre, d’une ironie déchirante, annonce la suite des poèmes qui sont la conséquence d’amours finissantes : il s’agit de la liaison passionnée, (exacerbée par l’intensité d’un premier amour, disons, « sérieux ») avec Nancy Cunard – héritière à la fortune incommensurable -, et de la façon dont cette liaison s’est délitée, du fait que l’amoureux surréaliste « avant-gardiste » s’est découvert des ressorts psychologiques d’humain ordinaire, c’est-à-dire jaloux de la manière de vivre, des relations d’une femme sans entraves, avec laquelle de toutes façon l’arrière-plan était la pratique (pour Aragon relativement théorique après les idylles fugaces de l’effervescence surréaliste) d’une libre sexualité. Cette évolution vers une jalousie lancinante et destructrice n’est pas en soi tellement neuve, certes. En revanche, le témoignage poétique des réactions d’Aragon à cette liaison qui peu à peu le mine et l’attire vers l’autodestruction, prend le tour d’un langage où la maîtrise fait jeu égal avec sa vérité.  Le faux-semblant ici est violemment banni. La réalité matérielle des choses s’y montre sans cesser d’être poème,  - « furie / qui dépasse le but et ne l’atteint pas » dit le poète, en un exact et remarquable paradoxe. Dans ses paroxysmes, tout est laminé, néantisé : le recueil est puissamment évocateur d’une expérience que la langue poétique d’Aragon lui a permis de chevaucher, jusqu’à peut-être constituer l’inconsciente soupape de sécurité qui l’aura finalement empêché de réussir « à quitter cette vie », en dépassant fortement la dose de toxique qui eût été mortelle (comme il l’indique dans le commentaire postérieur intitulé Tout ne finit pas par des chansons » )… Le bilan en est que l’on ressort de cette suite de poèmes, à l’humour grinçant et sous-tendus par une vitalité débordante, avec le superbe « Poème à crier dans les ruines », suivi du long et conclusif « Rien ne va plus », cependant que pour la poésie, on peut dire que « tout va toujours ». Le paradoxe est une fois encore que cette audace, à la fois verbalement crue et pourtant digne, cet emportement rageur dans la ruine et la dépression laisse le lecteur – moi-même en tout cas - sur une expérience qui ragaillardit : l’expérience revigorante d’une quasi-noyade sous-tendue par l’implicite perspective (pour nous lecteurs) qu’un coup de talon salvateur contre le fond ramène à la surface. Ce qui se réalisera avec le retour à l’oxygène que sera pour Louis la rencontre, quelques temps plus tard, de la fameuse Elsa, inspiratrice des célèbres poèmes d’amour que l’on sait. En somme après le temps de Nane-Lilith, fièvre et vaccin, viendra l’Ève-Elsa baume d’une vie - qui ne tournera pas pour autant à la relation d’amour sereine et sans nuages, l’un comme l’autre étant restés malgré tout partisans d’une sexualité ambiguë. (Mais ceci, comme on dit, sera une autre histoire.)

 

Michel Dunand, Au fil du labyrinthe ensoleillé

Avec ce mince recueil au très beau titre, on fait la rencontre d’un poète discret, pétri de songeries profondes, laconique et soucieux de l’essentiel. Une heureuse influence de la pensée du Zen, que l’on sent authentique et non effet de mode plus ou moins frelaté, imprègne le fil de ces pages, qui est manifestement d’Ariane, mais dans un labyrinthe de vie à ciel ouvert, « ouvert à tout, à tous ».

Dans ces courts textes poétique - parmi lesquels je souligne que tel ou tel d’entre eux fait apparaître Ramuz, romancier poétique de la terre valaisanne au style puissant, ou Joe Bousquet, l’un des plus grands poètes (peu connus) du XXème siècle – se laisse découvrir une richesse et une diversité qui veulent être ramifications vers un vivre en joie, non en une joie exubérante et irréfléchie, mais en une sorte de fin « état de joie » pareil à celui du moine oriental quand il travaille son jardin. C’est le côté terraqué de ces notations poétiques, entremêlant géographie, culture aussi bien orientale qu’occidentale, dans une sorte de sagesse du discours qui prend dans son champ la corrélation avec la peinture (Zao Wou Ki, Gauguin, notamment), les paysages de Chine, divers auteurs, diverses époques… Ce sont des traits fugaces, des allusions d’un mot, d’initié parfois (mais aujourd’hui l’Internet renseigne sur tout ! ), toujours chargés d’un arrière-plan éthique, mais qui ne cherche pas à s’imposer.

Michel Dunand, Au fil du labyrinthe ensoleillé, 
Jacques André Editeur, collection Poesie XXI.

Michel Dunand y cueille l’instant sans arrière-pensée mais dirais-je, avec une « arrière-réflexion » qui lui fait trier, conserver les seuls et rares mots suffisants pour ancrer l’instant tout en lançant des lignes vers des « ailleurs », tableaux, paysages, poèmes anciens, noms fameux qui sont un monde à eux seuls, lignes qui pour chacun hameçonneront la part de rêve « ensoleillé » qui lui correspond, approfondiront chez le lecteur réceptif sa conscience de l’Instant éternel, si l’on me pardonne cette expression un peu grandiloquente... J’ajouterai que l’ensemble du livre est dédié à la mémoire de Jean-Vincent Verdonnet, poète considérable du lien avec les choses et la nature, décédé en 2013, qui habite les courts textes d’une présence intensément amicale. Le recueil de Michel Dunand me touche aussi par cette fidélité à un proche ; et si le volume en soi paraît mince et léger, il est d’une densité de joie et de « sentiment de la vie » qui est une belle, et réconfortante, leçon ? - non, pas leçon : disons plutôt humble et juste plaidoyer pour la face ensoleillée, secrètement émerveillée, de l’existence, laquelle en notre temps est souvent en proie à l’ombre de gros nuages orageux…




Autour de Jean-Pierre Grandebeuf, Tsvetanka Elenkova, Christine Van Acker

Jean-Pierre Gandebeuf, <em>Le visage regardé sauve son âme</em>

Quatre parties dans ce recueil de courts poèmes. La première s’intitule Pour mettre le feu à mon galetas. Les premiers mots sont un plutôt moqueurs : Il y a des textes dont on se dit qu’ils méritent un accompagnement palliatif et qu’on ira les lire dans les fjords des îles Féroé en bénissant les sternes.

Je ne suis pas dans un fjord, mais chez moi. Dehors le temps est féroïque : pluie, bourrasques froides et grises… Les mouettes et les goélands sont planqués. Le ciel est vide. Je retrouve les oiseaux, beaucoup d’oiseaux, dans cette partie, ils sont nombreux. Ce ne sont pas les seuls animaux que Jean-Pierre Gandebeuf convoque dans ses textes, quelques chevaux, un renard… De la plume et du poil. Pas de crevettes mais des grizzlis aussi traversent les circuits cérébraux de l’auteur. Chaque texte, comme une palpitation, une lueur, un pas d’ours.

Deuxième partie : On ne sale pas les violettes. On vit au jour le jour. Au petit jour. à hauteur de soi, quand on arrive à s’y tenir. Les textes jonglent avec ce questionnement : qu’est-ce que vivre ? et comment ? 

Jean-Pierre Grandebeuf, Le Visage regardé sauve son
âme, La Boucherie littéraire, collection La Feuille et
le fusil, 2018. 

Sur la balance 
de ma vie mode d’emploi

Un peu d’espoir
pas vraiment d’espérance

Avec le ciel
on n’est pas copain

 

Troisième partie : Dans la maison de Perrault.

Ce questionnement est quotidien et s’attache aux petits riens de la vie ; autrement dit au tout de nos vies. Et finalement 

 

Une vie

pas deux

il ne faut pas surcharger la nature

 et promouvoir

des milliers de gamelles sentimentales

alors

on en reste là ?

-siouplait !

 

Quatrième partie : En accord avec l’averse.

On pourrait croire à un livre difficile, gris et plombant. Pas du tout. Tout est manié avec un humour un peu British, sorte d’air de rien ludique aussi bien avec les mots, qu’avec l’imaginaire. On croise  ainsi par exemple 

Si je fais entrer 

un héron dans le texte

 

il s’offusque

 

néglige la profondeur du papier

   

demande à voir les poissons

ou bien ce prudent là

Par prudence

 

il dormait en chien de fusil

à côté de son révolver

 

Je terminerai par la fin de la 4e de couverture :

Chaque jour, j’obéis à un processus amer où le burlesque est le moins pire de ce qu’il peut advenir, sachant qu’à l’horizon du rien, dans les cartons du rêve, il y a toujours une maison dans les bois.

 

Tsvetanka Elenkova, Distorsion

Globe
Là où
sur la surface lisse et convexe>  
le reflet rencontre le reflet
se trouve la prunelle
plate comme celle de serpents
l’équateur y est aussi
et l’orgasme
et la chenille enroulée et les anémones
l’obturateur
les pluies jour et nuit
Ne me dis conc ps
qu’en bas et en haut
c’est le ciel

 

 

Tsvetanka Elenkova, Distorsion, Editions
Corps Puce, collection Liberté sur parole
(volume 54), 2018.

Ici dans les poèmes de ce livre tout se tient. Se tient et se dérobe à la fois. Le monde est un tout et les mots tournent autour, se saisissent d’un objet et rebondissent sur un autre. Le monde est un et la poète s’y promène en tentant de rassembler cette diversité, de l’unifier, de lui rendre ordre et vie. Une vie commune à partager. Se sentir unie au monde.

Cette communion est une des pistes que poursuit inlassablement et dans toutes les langues la poésie. Merci à Krassimir Kavaldjiev et aux éditions Corps Puce de nous partager les chemins de Tsvetanka Elenkova.

Christine Van Acker, <em>La Potion</em>

Huit petites feuilles volantes que l’on garde précieusement sous enveloppe et qui nous offre la recette de la potion ! La potion de Panoramix ? Celle de l’enfant du jardin ? Ou encore… 

Une bonne rasade d’enfance à vivre au présent. C’est tiré à 120 exemplaires, donc rare. Est-ce qu’il en reste encore ? Une collection à découvrir chez cet éditeur : Pousse-café.

https://www.dessertdelune.be/store/c418/Pousse-Caf%C3%A9.html

Christine Van Acker, La Dernière pierre,
Les Carnets du Désert de Lune.