Marilyne BERTONCINI, Mémoire vive des replis, Sable

Par |2019-06-03T15:41:16+02:00 4 juin 2019|Catégories : Marilyne Bertoncini|

Mar­i­lyne BERTONCINI – Mémoire vive des replis

La poésie de Mar­i­lyne Bertonci­ni est sin­gulière, en ce qu’elle s’appuie fréquem­ment sur des choses matérielles, pour pren­dre essor, à la façon d’une nageuse qui a besoin de don­ner un coup de talon con­tre le fond pour gag­n­er la sur­face de son élé­ment, en l’occurrence la flu­id­ité de la langue. 

Cela peut engen­dr­er des poèmes issus de pein­tures, d’une sculp­ture rêvée, ou comme c’est ici le cas, de pho­tos sug­ges­tives des replis issus de la nature, veines de bois, feuil­lures, écorces, tis­sus, sédi­men­ta­tions indéfiniss­ables ou, pour l’autre vol­ume, de pages sableuses, étranges, palimpses­tes virtuels qui révè­lent une part synec­do­tique de ce qu’elles dis­simu­lent : on imag­ine un corps enfoui là où, comme rose des sables désen­lisée par le vent, transparaît sa seule main d’or.

On pour­rait voir dans ces deux recueils l’envers et l’endroit d’une parabole qui, d’une part, rêve sur le repli où se dis­simule l’énigme de l’humain ; et de l’autre sur le dépli qui offre à lire toutes sortes de traces et d’empreintes de cette énigmequi chem­ine à tra­vers les sablons du temps. Et de fait, les deux livres se com­mentent récipro­que­ment. Ain­si dans le pre­mier (Mémoire…page 23) on peut lire :

Mar­i­lyne BERTONCINI, Mémoire vive des replis, 
Ed ; « Pourquoi viens-tu si tard », Poésie N° 20.

Les mots crissent comme le sable dans l’infini du sablier
que je ren­verse en ma mémoire où bat l’aile de
l’éventail

 

                 et s’envolent mes souvenirs 
                  à l’horizon des goélands

Un hori­zon « volatile » qui présente « …l’air un peu flou d’un loin­tain paysage/dans le brouil­lard ». On sait que lorsqu’il y a du flou, c’est que le loup n’est pas loin, mais juste au-delà du vis­i­ble, tel un amer dis­simulé par le grand large ! Cepen­dant, le ques­tion­nement du poème est une façon d’interroger un « au-delà » qui n’est pas oblig­a­toire­ment religieux, mais le refuge inat­teignable de ladite énigme. Un « au-delà de la con­science ». Je ne ten­terai pas de me hiss­er au niveau des com­men­taires de la pré­face de Car­ole Mes­ro­bian, à qui notre poétesse est famil­ière. Je vois cepen­dant cette poésie moins comme fouil­lant les replis de la mémoire pour en faire sur­gir une enfance, que pour en faire sur­gir ce qui, d’une enfance, est la com­posante irré­ductible, l’étincelle insai­siss­able et inex­tin­guible qui nous intéresse lorsque les années nous ont per­mis de con­stater que son mys­tère, pour peu qu’on y prête atten­tion, est intact. C’est donc moins à l’enfance, qu’à met­tre le doigt de l’écriture, grâce à la réminis­cence, sur ce que l’enfance recèle et qui demeure jusqu’à la fin d’une vie, à quoi le poème bertoncinien s’attache. (Cfr le poème de la page 67) :

 

 

Ain­si 

 dans d’autres temps jadis
j’ai vécu d’autres vies
et c’était déjà moi
j’étais pour­tant une autre

 Je rebrousse le temps au fil de l’écriture
Le rêve me ramène au flot des leurre
où se réver­bère le monde

 Mémoire vive des replis
où se cache la vérité

 

Qui dit replis, évidem­ment dit « mer », dit dunes, dit océan, océan de sable, par ex. Sahara (cfr. Sable,p.32.) Ain­si le livre du « Sable » com­plète, du déploiement des replis, l’exposition trou­blante de l’irréductibe poé­tique dont je par­lais, qui se propage à tra­vers les mots à la façon d’une onde secrète. Évidem­ment, « mer », c’est aus­si mère, femme, engen­drement, enfance, avec tout ce que cela com­porte de fasci­nants mys­tères orig­inels, que M. Bertonci­ni a désignés du mot de « vérité ». Il n’est donc pas sur­prenant que Sable s’ouvre sur la dédi­cace :« À ma mère », celle qui a trans­mis l’onde de l’élan vital. Lorsque les mots en effet don­nent l’intuition de propager cette onde, à tra­vers le sabli­er du temps, le lan­gage n’est plus le plat trans­met­teur d’informations habituel. Un frémisse­ment secret le par­court, fait appa­raître par­fois quelque éclat doré, traduit une couleur, ostend une goutte de rosée, ou quelques traces de cet incon­nu, au plus obscur de l’être humain (ou dis­ons de l’être « human­ité »), tou­jours nou­veau, —  selon l’injonction de  la quête baude­lairi­enne – qui est à la fois le trait majeur de la poésie, et celui de la spir­i­tu­al­ité qui nous car­ac­térise, homme et femmes, en tant que mem­bres de l’Humanité.

 

 

Mar­i­lyne Bertonci­ni, Sable, poèmes en français avec 
trad. en alle­mand d’Eva Maria Berg, et Wan­da Mihuelac 
pour
 les œuvres graphiques,  Edi­tions Tran­signum, Paris, 2019.

Présentation de l’auteur

Marilyne Bertoncini

Mar­i­lyne Bertonci­ni : poète, tra­duc­trice (anglais-ital­ien), revuiste et cri­tique lit­téraire, mem­bre du comité de rédac­tion de la revue Phoenix, elle s’oc­cupe de la rubrique Musarder sur la revue ital­i­enne Le Ortique, con­sacrée aux femmes invis­i­bil­isées de la lit­téra­ture, et mène, avec Car­ole Mes­ro­bian, la revue numérique Recours au Poème, à laque­lle elle col­la­bore depuis 2013 et qu’elle dirige depuis 2016. 

Autrice d’une thèse, La Ruse d’I­sis, de la Femme dans l’oeu­vre de Jean Giono, et tit­u­laire d’un doc­tor­at, elle a été vice-prési­­dente de l’association I Fioret­ti, pour la pro­mo­tion des man­i­fes­ta­tions cul­turelles au Monastère de Saorge (06) et mem­bre du comité de rédac­tion de la Revue des Sci­ences Humaines, RSH (Lille III). Ses arti­cles, essais et poèmes sont pub­liés dans divers­es revues lit­téraires ou uni­ver­si­taires, français­es et étrangères. Par­al­lèle­ment à l’écri­t­ure, elle ani­me des ren­con­tres lit­téraires, Les Jeud­is des Mots, à Nice, ou les Ren­con­tres au Patio, avec les édi­tions PVST?, dans la périphérie du fes­ti­val Voix Vives de Sète. Elle pra­tique la pho­togra­phie et col­la­bore avec des artistes, musi­ciens et plasticiens.

Ses poèmes sont traduits en anglais, ital­ien, espag­nol, alle­mand, hébreu, ben­gali, et chinois.

 

bib­li­ogra­phie

Recueils de poèmes

La Noyée d’On­a­gawa, éd. Jacques André, févri­er 2020

Sable, pho­tos et gravures de Wan­da Mihuleac, éd. Bilingue français-alle­­mand par Eva-Maria Berg, éd. Tran­signum, mars 2019

Memo­ria viva delle pieghe, ed. bilingue, trad. de l’autrice, ed. PVST. Mars 2019

Mémoire vive des replis, texte et pho­tos de l’auteure, éd. Pourquoi viens-tu si tard – à paraître, novem­bre 2018

L’Anneau de Chill­i­da, Ate­lier du Grand Tétras, mars 2018 (man­u­scrit lau­réat du Prix Lit­téraire Naji Naa­man 2017)

Le Silence tinte comme l’angélus d’un vil­lage englouti, éd. Imprévues, mars 2017

La Dernière Oeu­vre de Phidias, suivi de L’In­ven­tion de l’ab­sence, Jacques André édi­teur, mars 2017.

Aeonde, éd. La Porte, mars 2017

La dernière œuvre de Phidias – 453ème Encres vives, avril 2016

Labyrinthe des Nuits, suite poé­tique – Recours au Poème édi­teurs, mars 2015

 

Ouvrages col­lec­tifs

- Le Courage des vivants, antholo­gie, Jacques André édi­teur, mars 2020

- Sidér­er le silence, antholo­gie sur l’exil – édi­tions Hen­ry, 5 novem­bre 2018

- L’Esprit des arbres, édi­tions « Pourquoi viens-tu si tard » — à paraître, novem­bre 2018

- L’eau entre nos doigts, Antholo­gie sur l’eau, édi­tions Hen­ry, mai 2018

- Trans-Tzara-Dada – L’Homme Approx­i­matif , 2016

- Antholo­gie du haiku en France, sous la direc­tion de Jean Antoni­ni, édi­tions Aleas, Lyon, 2003

Tra­duc­tions de recueils de poésie

-Soleil hési­tant, de Gili Haimovich, éd. Jacques André (à paraître 2021)

-Un Instant d’é­ter­nité, bilingue (traduit en ital­ien) d’Anne-Marie Zuc­chel­li, éd. PVST, 2020

- Labir­in­to delle Not­ti (ined­i­to) nom­iné au Con­cor­so Nazionale Luciano Ser­ra, Ital­ie, sep­tem­bre 2019

- Tony’s blues, de Bar­ry Wal­len­stein, avec des gravures d’Hélène Baut­tista, éd. Pourquoi viens-tu si tard ? , mars 2020

- Instan­ta­nés, d‘Eva-Maria Berg, traduit avec l’auteure, édi­tions Imprévues, 2018

- Ennu­age-moi, a bilin­gual col­lec­tion , de Car­ol Jenk­ins, tra­duc­tion Mar­i­lyne Bertonci­ni, Riv­er road Poet­ry Series, 2016

- Ear­ly in the Morn­ing, Tôt le matin, de Peter Boyle, Mar­i­lyne Bertonci­ni & alii. Recours au Poème édi­tions, 2015

- Livre des sept vies , Ming Di, Recours au Poème édi­tions, 2015

- His­toire de Famille, Ming Di, édi­tions Tran­signum, avec des illus­tra­tions de Wan­da Mihuleac, juin 2015

- Rain­bow Snake, Ser­pent Arc-en-ciel, de Mar­tin Har­ri­son Recours au Poème édi­tions, 2015

- Secan­je Svile, Mémoire de Soie, de Tan­ja Kragu­je­vic, édi­tion trilingue, Beograd 2015

- Tony’s Blues de Bar­ry Wal­len­stein, Recours au Poème édi­tions, 2014

Livres d’artistes (extraits)

Aeonde, livre unique de Mari­no Ros­set­ti, 2018

Æncre de Chine, in col­lec­tion Livres Ardois­es de Wan­da Mihuleac, 2016

Pen­sées d’Eury­dice, avec  les dessins de Pierre Rosin :  http://www.cequireste.fr/marilyne-bertoncini-pierre-rosin/

Île, livre pau­vre avec un col­lage de Ghis­laine Lejard (2016)

Pae­sine, poème , sur un col­lage de Ghis­laine Lejard (2016)

Villes en chantier, Livre unique par Anne Poupard (2015)

A Fleur d’é­tang, livre-objet avec Brigitte Marcer­ou (2015)

Genèse du lan­gage, livre unique, avec Brigitte Marcer­ou (2015)

Dae­mon Fail­ure deliv­ery, Livre d’artiste, avec les burins de Dominique Crog­nier, artiste graveuse d’Amiens – 2013.

Col­lab­o­ra­tions artis­tiques visuelles ou sonores (extraits)

- Damna­tion Memo­ri­ae, la Damna­tion de l’ou­bli, lec­­ture-per­­for­­mance mise en musique par Damien Char­ron, présen­tée le 6 mars 2020 avec le sax­o­phon­iste David di Bet­ta, à l’am­bas­sade de Roumanie, à Paris.

- Sable, per­for­mance, avec Wan­da Mihuleac, 2019 Galerie

- L’En­vers de la Riv­iera  mis en musique par le com­pos­i­teur  Man­soor Mani Hos­sei­ni, pour FESTRAD, fes­ti­val Fran­­co-anglais de poésie juin 2016 : « The Far Side of the Riv­er »

- Per­for­mance chan­tée et dan­sée « Sodade » au print­emps des poètes  Vil­la 111 à Ivry : sur un poème de Mar­i­lyne Bertonci­ni, « L’homme approx­i­matif » , décor voile peint et dess­iné,  6 x3 m par Emi­ly Walcker :

l’Envers de la Riv­iera  mis en image par la vidéaste Clé­mence Pogu – Festrad juin 2016 sous le titre « Proche Ban­lieue»

Là où trem­blent encore des ombres d’un vert ten­dre » – Toile sonore de Sophie Bras­sard : http://www.toilesonore.com/#!marilyne-bertoncini/uknyf

La Rouille du temps, poèmes et tableaux tex­tiles de Bérénice Mollet(2015) – en par­tie pub­liés sur la revue Ce qui reste : http://www.cequireste.fr/marilyne-bertoncini-berenice-mollet/

Pré­faces

Appel du large par Rome Deguer­gue, chez Alcy­one – 2016

Erra­tiques, d’ Angèle Casano­va, éd. Pourquoi viens-tu si tard, sep­tem­bre 2018

L’esprit des arbres, antholo­gie, éd. Pourquoi viens-tu si tard, novem­bre 2018

Chant de plein ciel, antholo­gie de poésie québé­coise, PVST et Recours au Poème, 2019

Une brèche dans l’eau, d’E­va-Maria Berg, éd. PVST, 2020

 

(Site : Minotaur/A, http://minotaura.unblog.fr),

(fiche biographique com­plète sur le site de la MEL : http://www.m‑e‑l.fr/marilyne-bertoncini,ec,1301 )

Autres lec­tures

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Xavier Bordes

Xavier Bor­des, né le 4 juil­let 1944, dans le vil­lage des Arcs en Provence (Var)…

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