Voici donc un récent recueil de notre nou­veau col­lab­o­ra­teur à Tra­ver­sées, Gwen Gar­nier-Duguy. Sous son titre quelque peu énig­ma­tique, on devine un pro­pos très sérieux, une sorte d’invite à un recense­ment cos­mique, à une sorte d’examen de la sit­u­a­tion des humains en ce vingt-et-unième siè­cle, assor­ti d’une poé­tique inter­ro­ga­tion sur la direc­tion qu’il sem­ble pren­dre, sur ce que le lan­gage implique à l’égard de son fonc­tion­nement, aus­si bien que sur l’écrit lui-même. Le poète, depuis sa sit­u­a­tion d’étranger, regarde les choses, les éprou­ve, y réflé­chit avec un cer­tain recul et un regard par­fois sur­plom­bant et prophé­tique. Ain­si l’interrogation immé­mo­ri­ale, qu’on trou­ve page 52, d’un poème titré Xenos, par­ti­c­ulière­ment solaire, dont voici quelques ver­sets car­ac­téris­tiques du ton du livre :

Gwen Gar­nier-Duguy – Alphabé­tique d’aujourd’hui – (Avec cou­ver­ture de Rober­to Mangù) Coll. Glyphes — Ed. L’Atelier du grand Tétras 25210 Mont-de Laval.

             Com­ment a pu venir l’idée de la créa­tion et cette archi­tec­tonique pen­sée au quart de souf­fle, comment

            l’ordre alphabé­tique, avec les let­tres arrachées au néant, a‑t-il trou­vé la pesan­teur céleste, une volon­té de s’extraire du silence ?

L’on sen­ti­ra bien que par leur nature-même, toutes ces ques­tions ont pour ter­reau l’âme d’un homme de foi, une dimen­sion spir­ituelle, que du reste avoue le poème titré Uni­corne, ce qui est la fig­ure de Kylin, celle de l’animal mythique – la licorne — qui guérit les maux dont leur vie afflige les êtres :

            J’aimerais pass­er une fois dans ma vie une journée par­faite, une journée san mau­vaise pen­sée, sans paroles mal­in­ten­tion­nées, parfaite,

            non dans le sens où tout s’enchaîne par­faite­ment au niveau des plaisirs, mais par­faite dans le sens où Jésus dit J’ai vain­cu le monde

Ain­si la poésie de Gwen Gar­nier-Duguy se présente comme une sorte de recueil de poèmes guéris­seurs, une quête de lumière human­iste au plus beau sens du terme, et méta­physique. Une parole har­monieuse­ment songeuse et opti­misante, médi­ta­tive et d’une limpi­de pro­fondeur. Non pas cepen­dant une parole naïve ni de « grenouille de béni­ti­er », ras­surons-nous. Plutôt réal­iste, bien­veil­lante, toute­fois lucide sur la sit­u­a­tion con­tepo­raine. Ce qui fait de ce petit livre d’une fort belle présen­ta­tion matérielle un vrai petit brévi­aire éthique, à relire sou­vent pour habiter notre Terre de la bonne façon, c’est-à-dire en har­monie avec les êtres et les choses, une hamonie moins religieuse que, surtout, raison­née et scan­dée grâce à de beaux rythmes et de fortes images. Dernier pas­sage typ­ique, que je cite en con­clu­sion, extrait du beau poème Joie :

 Tou­jours ce désir d’épouser la langue, de la danser, de s’y con­fron­ter au point de se dis­soudre dans le poème, d’y renaître épuré.           

Et notre poète, à la fois ter­raqué et quelque peu mys­tique, con­clut son livre par ces vers d’une for­mu­la­tion frap­pée comme pour une médaille, dont il offre l’image méta­physique au lecteur méditatif :

            Nous sommes l’encre et l’encre
            est l’ombre portée du Verbe.

 

                                                                            

 

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Xavier Bordes

Xavier Bor­des, né le 4 juil­let 1944, dans le vil­lage des Arcs en Provence (Var)…

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