Bernard Grasset , Et le vent sur la terre des hommes

Si longtemps j’avais marché
A travers la plaine des années
Quand jaillirent les flèches d’espérance

Ces vers ouvrent le recueil.

Bernard Grasset est un poète marcheur, un pèlerin des mots en quête de mystère. Comme il le disait déjà dans son recueil Brise : « partir s’arracher /… marcher ». Marcher, c’est se tenir au plus près de la nature et des lieux, c’est s’inscrire dans un espace- temps comme dans son autre recueil La Fontaine de Clairvent.

En ce nouveau recueil, troisième volet d’un triptyque de poèmes de voyage, le poète nous invite à cheminer avec lui en Italie, en Allemagne, en Ecosse, des bords de Loire à la Provence, des Vosges à la Bretagne… Ce recueil est un journal en poésie, un condensé de ce que l’on rencontre en voyage et : « Dans l’humilité du poème, le temps du voyage, ramène à l’essentiel ».

Voyager, c’est s’exiler, ne pas être touriste, mais se faire messager d’humanité : « Le poète qui voyage en quête de l’aube cachée par l’agitation du quotidien, ressemble plus à un pèlerin, messager d’humanité, qu’à un touriste, impatient de mirages. »

Comme pour Sylvain Tesson ou Arthur Rimbaud, ce marcheur éternel aux semelles de vent, la marche est source d’inspiration, de l’asphalte aux chemins de terre. La marche est un art, un art que Henry D. Thomas porta haut : « Au cours de ma vie, je n’ai rencontré qu’une ou deux personnes qui comprenaient l’art de la marche . » (Marcher), un art que vit et comprend Bernard Grasset.

Si la marche est une constance dans l’œuvre de Bernard Grasset, le vent l’est aussi comme l’indique le titre de ce dernier recueil : Et le vent sur la terre des hommes, titre qui fait écho au titre d’un autre de ses recueils : Brise. Le vent souffle de la poésie, de l’esprit poétique ; le vent messager poétique : « Sur le chemin des poètes sonne le vent. »

On est frappé en lisant ces poèmes par leur rythme, les phrases le plus souvent nominales correspondent parfaitement au rythme de la marche et de la pensée qui l’accompagne. Une pensée fragmentaire par petites touches impressionnistes, une pensée qu’éclaire tout ce que le regard embrasse.

Marcher, regarder, les sens en éveil sentir le temps qui passe quand la pensée se vit au présent. En refermant le recueil, nous vient cette expression de Lao Tseu : « Le bonheur c’est le chemin ».

Présentation de l’auteur

Bernard Grasset

Poète, penseur et traducteur, Bernard GRASSET, régulièrement publié en revues depuis 1985, est l’auteur d’une vingtaine de recueils inspirés librement de la Bible, des peintres et des musiciens ou de ses voyages. Expérimentateur d’une écriture poétique bilingue à travers des recueils écrits en hébreu – français et en grec – français, il est également le premier traducteur de la poétesse Rachel en français. Tout en poursuivant la traduction de l’œuvre de cette poétesse, il s’est tourné plus récemment vers la traduction de trois poètes grecs contemporains de la lumière.

Associant la poésie à la pensée, il a publié plusieurs essais sur la Bible et sur Pascal dont il est devenu spécialiste, ainsi que des articles philosophiques ou littéraires en France et à l’étranger.

Écrire, pour Bernard Grasset, c’est comme remonter aux sources, à travers les langues et les cultures fondatrices, pour dégager la voie d’une autre modernité, d’un nouvel humanisme.

Dernières publications : Brise, J. André, 2020 ; Ainsi parlait Blaise Pascal, Arfuyen, 2020.

 

crédit photo © Wikipedia

Poèmes choisis

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Entre Plovdiv et le monde : Rencontre avec Anton Baev

Anton Baev est l’une des voix les plus importantes de la littérature bulgare contemporaine. Poète, romancier, essayiste, il explore les passages entre mémoire individuelle et mémoire collective, entre la Bulgarie et le monde. Il est aussi un passeur, fondateur d’un festival littéraire à Plovdiv et traducteur attentif des autres.

Pour commencer, pouvez-vous nous donner une sorte de carte du territoire : à quoi ressemble aujourd’hui la littérature bulgare ? Quels en sont les grands courants, les voix qui comptent, les tensions ou les enthousiasmes ?
Sur la carte de la littérature mondiale, la Bulgarie, bien sûr, est un très petit segment, probablement passé inaperçu jusqu'à récemment - non pas à cause de la littérature elle-même et de ses principaux auteurs, mais à cause des longues années derrière le rideau de fer, dans lesquelles le pays s'est retrouvé après la Seconde Guerre mondiale. À ce jour, la littérature bulgare n'a pas eu de prix Nobel, à l'exception d'Elias Canetti, un Juif bulgare né à Roussé mais émigré enfant. Cependant, Canetti revient lui aussi à Roussé dans sa prose. Comme le dit le dicton, où que l'on aille, on rentre toujours chez soi. Mais dans la langue, ce voyage est différent, bien sûr.
Par littérature bulgare d'aujourd'hui, vous faites peut-être référence à la période postérieure à l'an 2000 ? Si oui, je dirais qu'elle est probablement en quête d'identités européennes, d'une part, et qu'elle connaît, d'autre part, une forte vague historique, un tournant vers une nouvelle lecture du passé.
Le passé qui a le plus souffert de la propagande communiste et de la censure, car il n’a pas été éclairé de manière factuelle ni enseigné de manière objective dans les écoles et les universités.
Georgi Gospodinov est l'une des voix européennes les plus reconnues de la littérature bulgare contemporaine, et se situe précisément dans le paradigme littéraire européen. La traduction est plus complexe pour les écrivains qui explorent les aspects historiques et psychologiques du folklore ; pour eux, la traduction représente un véritable défi, tant pour les traducteurs que pour les lecteurs.
Mais à mon avis, c'est là que réside la littérature authentique de chaque nation - celle qui n'est pas destinée à une lecture rapide, ni à une traduction rapide, mais à une lecture tout au long de l'histoire de l'humanité.

Entretien autour du roman roman d'Anton Baev Maria d'Ohrid, qui coïncide avec la Journée du souvenir des victimes du communisme. 

Vous écrivez à la fois de la poésie, des romans, des essais. Pourquoi ce besoin de traverser les genres ? Qu’est-ce que cela vous permet d’explorer différemment ?
Question intéressante. Elle est liée à la genèse des genres, je pense. Pourquoi écrivons-nous de la poésie ? Ma réponse est : pour préserver l’instant, l’émotion. Pouvons-nous écrire le même poème aujourd’hui et dans une semaine, un mois, un an, des années ? Non, bien sûr que non. Nous pouvons écrire mieux ou moins bien, mais jamais pareil.
Avec la prose – la nouvelle, la nouvelle, le roman – c'est différent. La plus courte des nouvelles peut contenir même la vie la plus longue. Le roman le plus long peut réduire le temps à une journée ou même à une heure.
Mais quel est l'essentiel pour qu'elles se produisent ? À mon avis, construire un monde possible mais imaginaire, un monde qui nous attire, ne serait-ce que le temps de la lecture, qui nous arrache à l'ici et maintenant, sans attaquer directement le cœur, à mon avis, le but principal de la poésie.
En ce qui concerne les essais, ce sont des tentatives de lecture, c'est l'écrivain qui a chaussé les lunettes du lecteur, changé d'optique, essayant d'expliquer ce que la poésie capture dans l'instant et ce que le roman construit comme monde réfléchi.
À mon avis, un écrivain sérieux doit souvent franchir cette ligne : écrivain/lecteur.
Et bien sûr, est-il nécessaire de citer des exemples ? De Baudelaire à Eliot, de Flaubert à Fowles, si l'on se limite au sud et au nord de la Manche. À la naissance de la littérature mondiale se trouvent des poètes-philosophes tels que Lao Tseu, Confucius en Orient, le Pentateuque et les tragédiens grecs, sans qui, me semble-t-il, la littérature européenne ne serait pas ce qu'elle est.
Mes intérêts pour les études littéraires et, plus généralement, pour les sciences humaines, sont, je dirais, professionnels, même s'ils n'en sont jamais devenus une profession. Mais il arrive parfois dans la vie que la profession s'écarte des objectifs professionnels.

Anton Baev présente son nouveau roman.

Dans vos livres, on sent souvent une attention à la mémoire, à la ville, au mythe, au sacré. Quelles sont, selon vous, les grandes thématiques qui traversent votre œuvre ?
Merci pour votre observation extrêmement précise. En écrivant, nous ne nous faisons probablement pas une idée précise de la force centrifuge de notre écriture. C'est pourquoi je disais il y a un instant qu'il est bon pour l'écrivain de se mettre à la place du lecteur, de changer de perspective. Si je peux recommander quelque chose au jeune écrivain, c’est de passer plus de temps à lire ses propres écrits qu’à les écrire. Ce franchissement du seuil d’un côté à l’autre n’est pas seulement disciplinant, il m’a aidé à comprendre ce qui me manque, ce que je ressens mais que je ne peux pas encore exprimer. Bien sûr, il existe des auteurs bien plus importants qui peuvent vous raconter quelque chose de complètement différent. Je partage ici mon expérience. Au fait, j'envie le lecteur, pas l'écrivain. Le lecteur est la figure pure de la littérature. L'écrivain est celui qui est le plus inventé, le plus fabriqué, le plus médiatisé, etc. Je me considère comme un lecteur intelligent et doué. C'est pourquoi j'écris des essais, des articles, des études et des monographies littéraires. Et peut-être parce qu'il n'y a personne pour les écrire (rires). Cela demande une préparation bien plus sérieuse que d'écrire un best-seller.
Je ne suis pas sûr qu’une poésie significative puisse naître sans mythe et légende, mais je suis sûr que sans mythe et légende il n’y a pas de poète significatif.
Ce sont deux choses différentes. Vibrer autour du mythe, de la légende, de l'historique dans les textes poétiques, et créer un mythe et une légende sur soi-même. C'est difficile à expliquer dans une interview ; j'ai consacré une monographie entière à ce sujet. Mais en résumé, la formation romantique se fonde sur la grande poésie et la figure mémorable du poète. En fin de compte, nous nous souvenons de deux types de poètes : les prophétiques et les romantiques. Mais bien sûr, vous pouvez me réfuter.
En ce sens, la mémoire est importante, non pas comme souvenir fugace, mais comme fusion, comme saut dans le temps. Dans nos rêves (d'ailleurs, le sommeil le plus long dure entre 5 et 8 minutes), nous faisons exactement cela : nous nous libérons du temporaire, du temps linéaire. Ce transfert/saut n’est possible que dans les rêves et dans la poésie, plus généralement dans l’art, bien sûr. Mais de la même manière, le mythe ne se réfère pas à une époque spécifique, la légende non plus, même si elle est historiquement fondée. Et tout ce qui n’est pas quotidien est sacré, c’est en quelque sorte au-delà et a décidé de nous toucher à travers ce livre, à travers cette peinture, cette pièce, cette musique, cette danse. Il s’agit d’ailleurs d’une sublimation de notre instinct suicidaire, mais j’ai essayé de l’expliquer en détail dans une autre de mes monographies. Il me semble que, pour l'instant, cet instinct est établi chez les humains et les dauphins. Il nous reste à découvrir l'art des dauphins pour confirmer cette thèse.
Quant à la ville, vous le dites parfaitement, mais j'aimerais ajouter quelque chose. Je m'intéresse à la ville non pas en tant que géographie, mais en tant qu'êtres humains, en tant que citoyens, et il me semble qu'ils sont très différents dans chaque ville. C'est pourquoi j'utilise beaucoup de villes dans ma prose. Dans ma poésie, les villes sont plutôt des symboles.
Mais la ville est mouvement, la ville est mouvement – ​​y compris d'une ville à l'autre, changeant d'histoires, de cultures, de personnages. Dans un de mes romans, l'action se déroule dans la ville natale de mon père, Yambol. Je n'ai pas mentionné le nom complet de la ville, seulement sa première lettre – Ya. C'est aussi la dernière lettre de l'alphabet bulgare. Voici comment fonctionne le symbole, par exemple.

 

Festival international de poésie « ORPHEUS » – PLOVDIV 2025, et son directeur Anton Baev. https://orpheus-plovdiv.eu/about/?lang=en

Quel rôle la poésie joue-t-elle aujourd’hui dans le paysage littéraire bulgare ?
Minime, je dirais, si l'on en croit la diffusion des recueils de poésie. Et énorme, si l'on en croit les tentatives de poésie sur les réseaux sociaux. Et c'est le plus étrange. Des centaines de personnes qui ne lisent pas de poésie, même de la bonne poésie, essaient d'écrire de la poésie, de la mauvaise poésie, bien sûr, pas de poésie du tout. Pourquoi le font-ils ? Probablement pour s'exprimer à un moment précis. L'instant – c'est l'aimant de la poésie, il peut vous tuer, en fait, il vous tue, mais dans un cas, il vous tue, et dans le meilleur des cas, plus lentement, vous laissant l'espoir d'une suite. Et peut-être que je vais me répéter, mais je vais souligner que l'auteur doit aussi être un lecteur, ce n'est qu'alors qu'il trouvera la bonne dioptrie dans l'écriture. La situation en Bulgarie en matière de prose n'est pas différente. Nombre de livres sont morts-nés. Mais si l'on établit un parallèle avec le romantisme en Angleterre, par exemple, un mouvement entier est identifiable grâce à six ou sept auteurs et une quarantaine d'ouvrages, parmi des centaines d'autres tombés dans l'oubli. Sans compter que certains emblèmes n'ont pas été émis du vivant de leurs auteurs. Rien de nouveau donc.
C'est comme si la poésie d'aujourd'hui (à un moment donné) n'avait d'importance que pour les générations suivantes, elles la découvrent.
Qu’est-ce que la poésie vous permet de dire que la prose ne permet pas?
Je crois avoir partiellement répondu à cette question. Mais je le dirai brièvement : la prose ne peut sauver l'instant, ni le sentiment. Seule la poésie le peut.

Vous êtes aussi l’un des organisateurs d’un festival littéraire. Pouvez-vous nous en parler ?
C'est avec grand plaisir que je l'ai créé il y a neuf ans, mon épouse Elka Dimitrova, directrice de l'Institut de Littérature de l'Académie bulgare des sciences, et moi-même. Nous avons créé le Festival international de poésie « Orphée ». À ce jour, il a réuni exactement 100 participants venus de plus de 30 pays. Nous avons choisi le nom d'Orphée - un roi thrace légendaire, poète et chanteur, tué, selon la légende, par les Bacchantes, selon l'histoire, par les Grecs, en tant que figure culturelle mondialement reconnaissable de l'Antiquité. Le festival publie chaque année deux livres multilingues : l'un avec de la poésie et l'autre avec des essais des participants, dans leur langue maternelle et traduits en anglais et en bulgare. Le festival décerne également plusieurs prix dans différentes catégories, annoncés à l'avance sur le site www.orpheus-plovdiv.eu
Si vous me permettez de souligner que les participantes à la première édition du festival en 2017 étaient les poétesses françaises Nicole Barrière et Laure Cambeau, félicitations à elles! J'ai vraiment envie de continuer avec les participations françaises, la France, surtout depuis la modernité, a été un phare dans la poésie européenne. Personnellement, j'ai toujours vu ce phare.
Les portes d'Orphée sont grandes ouvertes, mais chaque année, douze poètes de différents pays y participent. Les douze apôtres de la poésie, pas besoin d'exagérer leur nombre, n'est-ce pas?
Quelle est votre vision du rôle d’un festival aujourd’hui : promouvoir la littérature nationale, créer des ponts, inventer des formes de rencontre?
À vrai dire, les efforts déployés pour créer et maintenir un festival international de poésie sans interruption sont considérables, du moins pour la Bulgarie. Notre équipe se compose de quatre personnes. Je n'inclus pas les traducteurs, bien sûr.
Et puisque je suis le père d'« Orphée », je me permets de l'admettre : l'objectif est de réunir en un même lieu, dans une même ville historique et à une même époque, des poètes qui sont aux mains de l'histoire. Ce que sera leur histoire dépend de l'histoire elle-même, y compris de la petite histoire du festival, je l'espère.
Mais surtout - de nouvelles amitiés, écouter de la poésie, car la poésie est avant tout rythme, musique, la première métaphore est la danse du sauvage, ainsi que la peinture rupestre, donc la poésie est possible non seulement dans n'importe quelle langue, mais même sans traduction, si l'interprète est bon. Contacts continus, traductions, publications dans des revues étrangères, livres, et qui sait ce que la vie nous réserve encore... Mais si je dois être précis, je ne souhaite en aucun cas promouvoir une littérature nationale. C'est pourquoi les participants bulgares à chaque édition de mon festival sont au maximum deux. En Bulgarie, nous avons pour tradition de valoriser nos invités plus que nous-mêmes tant qu’ils sont nos invités.
Vos œuvres ont été traduites dans plusieurs langues. Qu’est-ce que cela représente pour vous, être traduit ?
Tout d'abord, permettez-moi de remercier mes traducteurs. Sans eux, nous restons enfermés dans nos propres langues, et le bulgare est l'une de ces langues marginales. La traduction est un pont vers un autre rivage, vers une personne qui ne connaît pas votre langue, une tentative de franchir une frontière en général. Mais le plus important, tant dans l'original que dans la traduction – du moins en poésie – est de toucher un cœur. Que Dieu y pénètre, s'il l'a dit. Tout le reste n'est que tentative d'atteindre quelqu'un que nous ne connaissons pas, mais dont nous espérons qu'il nous aimera. Heureux les traducteurs! Ils essaient de préserver notre moment pour d’autres époques et d’autres régions du monde.
La traduction est-elle une forme de recréation ?
Je ne pense pas. Je pense que c'est une question d'empathie, s'il s'agit d'un texte poétique.
Quelle est, selon vous, la responsabilité d’un écrivain contemporain ?
Le rôle de l'écrivain dans la société s'amenuise hélas. Les auteurs à succès n'ont aucune influence, et même une influence inverse : ils minimisent l'écrivain, l'ostracisent.
C'est pour cela qu'on a inventé le best-seller, les charts, le happy end. Il n'y a pas de fin heureuse dans la vie, c'est évident. Et c'est là, me semble-t-il, la tâche de l'écrivain : dégriser, poser, opprimer, si vous voulez. L'écrivain européen, me semble-t-il, devrait se lancer dans le journalisme, le publicisme. Oubliez l'opposition de Goethe selon laquelle le journaliste est un chien. Qu'il soit un chien, mais qu'il aboie. Il ne veut pas rester dans sa tour d'ivoire. Il y est probablement plus à l'aise, il n'y perdra pas les lecteurs qui ne partagent pas ses positions politiques et sociales. Mais les temps ont changé. Ce n'est plus l'époque de Goethe.
Nous sommes dans un nouveau 1968. Et nous avons besoin d’écrivains à suivre, pas seulement à lire au lit le soir.
Que voudriez-vous que le lecteur garde, en refermant vos livres ?
L'émotion, l'univers dans lequel je les ai transportés. Et si le livre est bon, il sera relu. C'est un test infaillible pour savoir si c'est un bon livre.
Au fait, il y a deux autres tests : le livre doit être adapté à la lecture rapide et lente.
Merci pour ces questions intéressantes !
Recours au poème vous remercie cher Anton Baev.

Présentation de l’auteur

Anton Baev

Anton Baev (1963) est né à Plovdiv, en Bulgarie. Il est l'auteur de 24 ouvrages publiés (poésie, romans, nouvelles, monographies scientifiques).
Il est titulaire d'un doctorat en littérature bulgare de l'Institut de littérature de l'Académie bulgare des sciences (2009). Il s'est spécialisé en journalisme régional dans le cadre d'un programme de l'Iowa State University et de l'Agence d'information des États-Unis (1994) aux États-Unis.

Ses livres et ses œuvres individuelles ont été traduits en anglais, allemand, français, turc, italien, espagnol, grec, roumain, danois, tchèque, slovaque, serbe, macédonien, hébreu, albanais et russe.

Bibliographie

Plusieurs de ses livres sont publiés à l'étranger. Parmi eux : Dunya Nimetleri. Istanbul : Yasakmeyve, 2011) ; Victor Bulgari. Traeumen in Berlin. Roman. Berlin : Anthea, 2017 ; Holy Blood. Skopje : Antolog, 2018 ; The Gifts of the World. Skopje : Ziga Zaga Books, 2018 ; Mary from Ohrid and the Holy Conception. Bitola : Vostok, 2021 ; Babam ve Ben. Istanbul : Ben8isu, 2025.

Lauréat de nombreux prix littéraires nationaux et internationaux.

Anton Baev vit à Plovdiv et a travaillé comme bibliothécaire, critique, reporter, chroniqueur, observateur de la politique étrangère et éditeur. Il est directeur du Festival international de poésie ORPHEUS depuis sa création en 2017, le plus grand festival de Bulgarie. Il gère également quatre sites d'information régionaux en Bulgarie et un site littéraire multilingue, www.plovdivlit.com .
Pour le contacter : baev_a@hotmail.com

 

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Archéologie du présent : entretien avec Guillaume Métayer

Guillaume Métayer, poète et traducteur, nourrit son écriture d’un dialogue constant avec les voix du passé et les présences qui nous accompagnent. Amis devenus explorait la manière dont l’amitié, la mémoire et la lecture façonnent une sensibilité et une langue. Avec Dinosaulyre, son nouveau livre, il poursuit cette réflexion en jouant sur les temps, les rythmes, les survivances, et sur ce que la poésie peut encore dire dans notre époque. Nous allons évoquer ensemble ce lien entre héritage et invention, entre fidélité et métamorphose, au cœur de son travail poétique.

Votre nouveau recueil Amis devenus se compose de deux parties — Mes amis devenus (40 poèmes) et Mains négatives (75 poèmes) — : pouvez-vous nous dire comment ce double mouvement est né ? 
Je commencerai par le second mouvement, « mains négatives », qui est une forme de réponse et de continuation de mon recueil précédent, Mains positives (Rumeur libre, 2024). Il s’agit toujours de carrés de prose, qui cherchent à explorer les traces à la fois primaires et artistiques qui sont en nous, d’où la référence aux traces de mains préhistoriques et rupestres éternisées et stylisées par la peinture. Cette fois, ce sont comme les négatifs du premier recueil (quand on trace le contour de la main au lieu de couvrir la paume de peinture). Ces textes sont souvent plus ténus, moins comprimés, parfois plus narratifs aussi, occasionnellement plus longs. Il y est question de tous les sujets qui nous occupent : l’amour, l’amitié, le rêve, mais aussi beaucoup le temps révolu, en une sorte d’ajointement constant entre l’aujourd’hui et l’hier. C’est dans ce contexte que sont nés les portraits du Fayoum, si je puis dire, qui ouvrent le recueil. Ils forment une introduction exotérique à une recherche plus ésotérique, plus intime encore, en seconde partie. Ce sont les visages sur le tombeau.
Le titre Amis devenus évoque à la fois l’amitié et sa mutation : qu’est-ce qui vous intéressait dans ce sujet ?
Ce titre est ambigu, en effet. D’un côté il renvoie à une nostalgie à plusieurs étages, pour la chanson de Léo Ferré, inspirée de la complainte Rutebeuf (« Que sont mes amis devenus / Que j’avais de si près tenus / Et tant aimés… »), à l’enfance où j’ai entendu cette chanson qui m’a fait tellement impression, et à mes amis d’enfance et d’adolescence eux-mêmes, dont je me demande bien ce qu’ils sont devenus, pas concrètement en allant sur Internet, mais d’une autre manière : ce qu’il en est advenu de toutes les promesses qu’ils portaient, des mondes possibles dont ils étaient les indices discrets, les suggestions modestes. Et en même temps, tel quel, sans déterminant, sans question sur le « où sont » ou « que sont », l’expression « Amis devenus » ouvre sur l’avenir. Le processus de remémoration les fait peut-être devenir plus amis encore qu’ils n'étaient, les voilà « devenus amis », quand il est trop tard…

Guillaume Métayer, Amis devenus, La Rumeur libre, 2025, 144 pages, 18 €.

Dans ce recueil, comment travaillez-vous le langage : la poésie en prose, la simplicité, la précision ?
Je vous remercie de cette question car c’est précisément le grand problème que je me suis posé : comment serait-il possible de faire un poème à partir de ce qui devient contradictoire dans nos souvenirs : d’un côté, ils sont d’une intensité folle, ils ont été au fondement d’énormément de positions dans la vie, ils nous reviennent, en tant que tels, à tous les coins de rue ; de l’autre, ils sont anciens, usés, et leurs traits mémorisés sont en nombre excessivement limité… Est-il possible de trouver une langue pour dire une force première dont il ne reste que des bribes ? Souvent, j’ai opté pour une certaine simplicité mais j’ai tout de même tenté de formaliser le souvenir : j’ai cherché un biais pour formuler, ne pas rester terre-à-terre, essayer de retrouver la part d’imaginaire que nous mettons dans toute chose, de suivre sa suggestion. Cela n’a pas été facile. Sans doute n’y ai-je pas toujours réussi.
Vous êtes également traducteur. En quoi cette pratique de la traduction influence-t-elle votre écriture poétique dans Amis devenus ?
Un spécialiste de traduction, Charles Le Blanc je crois, a dit que la traduction était de l’ordre de la vérité et l’écriture, elle, de celui de la liberté. Cela me semble très juste. En même temps, j’imite la fidélité que j’essaye d’avoir envers un texte pour trouver une langue pour un sentiment, une émotion, et en ce sens il y a vérité et pas seulement liberté. J’ai vraiment l’impression qu’il s’agit de prendre le vent, ou une vague. Il faut trouver la bonne posture et ensuite, vogue le texte. C’est un peu comme un rythme, un ton en musique. Une fois qu’ils sont trouvés, les choses se déroulent naturellement, aussi bien dans la traduction que dans l’écriture.
Vous avez aussi écrit de la poésie pour enfants (Le Dinosaulyre suivi de L’Étymosaure). Par rapport à une poésie qui s’adresse à des adultes, avez-vous senti un autre rapport au langage ?
Je n’essaie pas de simplifier à l’extrême. Je suis assez hostile à cette tendance assez répandue chez nombre d’intermédiaires (éditeurs, journalistes, programmateurs, professeurs) à prendre les gens pour moins intelligents qu’ils ne sont. Mes poèmes en prose ne sont pas toujours spécialement simples et je n’ai pas non plus cherché à faire un livre jeunesse bêtifiant. Le Dinosaulyre, tout en étant humoristique et ludique, a un aspect pédagogique. Il y a des jeux pour apprendre à construire (avec les racines latines et grecques) de nouveaux dinosaures, des frises chronologiques, on s’y initie à la poésie autant qu’à la paléontologie. Surtout, le langage y joue un rôle très important, notamment les mots à rallonge que sont les noms des dinosaures. Les enfants les adorent et ni les mots ni les dinos ne leur font peur. Un gamin est capable d’apprendre « Thylacosmilus atrox » comme une sorte de formule magique. 

Guillaume Métayer, Le Dinosaulyre suivi de L'Étymosaure, 2025, Les Belles Lettres, 96 pages, 11 €.

En plus, ces animaux ont existé avant les parents, les grands-parents, ils ont des formes et des noms pas possibles, on peut les invoquer, les faire revenir en disant leur nom et invoquer une puissance supérieure, à la fois réelle et presque imaginaire, du fait de leur ancienneté perdue dans un temps immémorial. On peut dire Anatosaure, Plésiosaure… avec le plaisir de sembler dire faux et pourtant de formuler quelque chose qui a existé et qui, de surcroît, est un animal et un animal géant… C’est un peu comme la poésie. Un pas, et on entre dans « aboli bibelot d’inanité sonore » (j’ai failli écrire « nosaure » » ; un autre pas, et on se met à apprendre les mots grecs qui composent ces monstres, comme des legos. …
Existe-t-il, selon vous, une « poésie pour enfants » qui diffère de ce que vous faites ici ? Qu’est-ce qui la distingue (vocabulaire, rythme, jeu, simplicité) ?
Oui, tout est permis dans la poésie, pour les enfants ou pour les grands, et c’est très bien qu’il y ait des façons de faire différentes. J’ai, pour ma part, beaucoup aimé jouer sur les rimes, les changements de rythmes, les télescopages de lexique (anglais, français, argot…). Mais à la lecture, je crois que le livre n’est pas compliqué car il est, en fait, très parlé. À lire avec un adulte sans doute mais les premiers échos que j’en ai m’ont rassuré !
Dans Amis devenus, le choix de mots, de silences, de titres (« le nom de l’ami(e) ») crée un certain effet de proximité ou d’intimité. Comment évoqueriez-vous ce rapport au lecteur ?
Je me suis beaucoup amusé à changer les noms des amis, à trouver des équivalents aux résonances qu’ils évoquaient en moi. Je ne sais pas du tout si le lecteur reconnaîtra ses propres émotions dans ces brefs portraits. J’imagine et espère que ce sera parfois le cas. Il est difficile de savoir ce qui nous touche dans sa singularité et ce qui peut gagner une plus grande forme de généralité, ce qui est partageable dans le particulier.
La poésie que vous adressez à un public adulte, par rapport à celle adressée aux enfants, change-t-elle votre liberté formelle ou vous impose-t-elle des contraintes particulières ?
Je pratique également le vers compté et la poésie rimée pour les adultes, depuis mon premier recueil, Fugues(Aumage, 2002), partiellement en vers libre et avec des échos de formes plus régulières. Mon recueil Libre jeu(Caractères, 2017), était un recueil de sonnets sur des sujets contemporains, presque tous réguliers dans leur forme. Je viens de terminer un recueil de rondels consacré au sport, un sujet qui m’intéresse aussi – d’ailleurs il y a un match de football entre les mammifères et les dinosaures, « le derby de la préhistoire » dans le Dinosaulyre. Inversement j’ai aussi écrit des récits pour enfants, notamment autour de compositeurs, avec mon camarade Karol Beffa. Ce n’est donc pas la question forme classique / prose qui pourrait apporter une réponse à cette question. La différence réside sans doute plutôt dans le destinataire. Les poèmes du Dinosaulyre sont adressés à des enfants, réels ou imaginaires – réels à l’origine mais rendus plus abstraits, voire très différents dans l’adresse fictive du poème (par exemple une fille est devenue un garçon !). On le voit dans les textes qui sont souvent des dialogues entre un père et un enfant, en particulier le texte qui propose une litanie d’hypothèses sur la disparition des dinosaures ou encore le premier poème, sur l’Iguanodon, le « like-osaure » avec son pouce tendu.
Quel a été l’effet de ce nouveau recueil sur votre propre pratique : a-t-il renouvelé votre manière d’écrire, de traduire, d’interroger le langage ?
Dans le cas d’Amis devenus comme du Dinosaulyre, toutes choses égales d’ailleurs, j’ai l’impression d’ouvrir ma langue, de déplier des virtualités longtemps comprimées notamment par la traduction ou l’écriture académique. Les repères formels ne sont pas de vraies « contraintes », ce sont plutôt des boussoles pour m’orienter dans ces territoires nouveaux.
Quel message ou quelle émotion souhaiteriez-vous que le lecteur emporte d’Amis devenus ? Et avez-vous déjà des retours ?
Ce qui me plairait, c’est que les lecteurs d’Amis devenus se redisent à quel point, dans l’enfance, nous avons aimé les autres de manière hébétée, incrédule et indiscutable, comme ils sont et pas de manière abstraite et générale, et que ce don ne doit pas disparaître avec l’âge mûr. En revenant à la mémoire, je souhaiterais que les amis d’hier nous apprennent à mieux aimer ceux d’aujourd’hui. Quant aux dinosaures, je voudrais bien que mes petits lecteurs et mes petites lectrices se mettent, à leur tour, à jouer aux osselets et à jongler avec les mots et avec le temps. Au fond, dans les deux cas, je me place sous l’invocation de l’esprit d’enfance.

Présentation de l’auteur

Guillaume Métayer

Né à Paris en 1972, Guillaume Métayer est chercheur au CNRS, traducteur et poète. À côté de poèmes (notamment Libre jeu, Caractères, 2017, préface de Michel Deguy), et d’essais critiques (tels que Nietzsche et Voltaire, Flammarion, 2011 ; ou, sur la traduction, A comme Babel, préface de Marc de Launay, La Rumeur libre, 2020), il traduit du hongrois, tant les poètes et écrivains contemporains (István Kemény, Krisztina Tóth…) que modernes et romantiques (Gyula Krúdy, Attila József, Sándor Petőfi…), ainsi que de l’allemand (Poèmes complets de Nietzsche, Les Belles lettres, 2019 ; Kafka ; poésie contemporaine autrichienne) et du slovène (Aleš Šteger). Il est membre du comité de rédaction des revues Po&Sie et Place de la Sorbonne et anime un atelier d'écriture poétique à Sorbonne université.

Photo © Gyula Czimbal.

Bibliographie

Poésie

  • Fugues, Aumage, 2002.
  • Libre jeu, préface de Michel Deguy, Caractères, 2017.
  • Mains positivesLa rumeur libre Éditions, 2024.
  • Amis devenusLa rumeur libre Éditions, 2025.
  • Le Dinosaulyre. Suivi de l’Étymosaure, Les Belles Lettres, 2025.

essais

  • Nietzsche et Voltaire. De la liberté de l’esprit et de la civilisation, préface de Marc Fumaroli, Flammarion, 2011.
  • Anatole France et le nationalisme littéraire. Scepticisme et tradition, Le Félin, 2011.
  • A comme Babel. Traduction, poétique, préface de Marc de Launay, La rumeur libre Éditions, 2020.
  • À la recherche d’un polymathe oublié, Camille Benoit (1851-1923),  La rumeur libre Éditions, 2024.

choix de traductions

du hongrois

  • István Kemény, Deux fois deux, Caractères, 2008.
  • Attila József, Ni père ni mère, Sillage, 2010.
  • Sándor Petőfi, Nuages, Sillage, 2013.
  • Gyula Krúdy, Le Coq de Madame Cléophas, avec Paul-Victor Desarbres, Circé, 2013.
  • Krisztina Tóth, Code-barres, Gallimard, “Du monde entier”, 2014.
  • Budapest 1956. La révolution vue par les écrivains hongrois (dir.), Le Félin, 2016.
  • János Garay, Háry János, le vétéran, préface de Karol Beffa, Le Félin, 2018.
  • István Kemény, Nil et autres poèmes, La rumeur libre Éditions, 2022.

de l’allemand

  • Franz Kafka, Le Verdict, Sillage, 2011.
  • Friedrich Nietzsche, Poèmes complets, Les Belles lettres, 2019.
  • Andreas Unterweger, Poèmes, avec Laurent Cassagnau, Printemps des poètes & La Traductière, 2019.
  • Ágnes Heller, La Valeur du hasard. Ma vie, éd. G. Hauptfeld, Rivages, 2020.

du slovène

  • Aleš Šteger, Le Livre des choses, avec Mathias Rambaud, Circé, 2017.
  • Aleš Šteger, Au-delà du ciel sous la terre, Gallimard, 2024.

Autres lectures

A comme Babel

A comme Babel est un ouvrage tout à fait réjouissant, par la profondeur de sa réflexion à la liberté rhizomique, qui nous mène comme son titre l’indique d’une lettre de l’alphabet, en l’occurrence celle [...]

Guillaume Métayer, Mains positives

Mains positives  est un livre de poésie et de délicatesse. L’auteur, Guillaume Métayer, est un traducteur prolixe et polyglotte. On lui doit entre autres la traduction complète des poèmes de Nietzsche, du  Verdict [...]




Quand on me pose la question : entretien avec Ghislaine Lejard

Ghislaine Lejard est poète. Elle tisse des trames de sens non seulement avec les mots, mais aussi grâce à son travail unique et puissant sur l'image, les images, la forme, les couleurs. Bribes de mots, et de dessins, ou photographies, de couleurs, de formes, qui laissent émerger des univers inédits et fertiles. Collages, paroles tracées au coeur de pages bien souvent uniques, je fais référence à ses productions magistrales de Livres pauvres, nous lui devons aussi un engagement au service de la littérature, vecteur de fraternité et témoin de nos histoires, de notre Histoire. Elle a accepté de répondre à nos questions. 

  1. Pourquoi le collage ? Comment es-tu venue à cette discipline artistique ? 
Quand on me pose la question de l’origine de mes collages, j’éprouve beaucoup de difficulté à répondre, car la genèse en reste mystérieuse ; mais elle a très certainement son origine dans l’enfance. Je garde un très net souvenir de mon intérêt pour le papier et les images que je collectionnais. Les mots et les couleurs dans les revues retenaient mon attention, j’aimais en découper les pages. Et puis, je suis de la génération qui recevait en récompense à l’école des bons points, ceux-ci étaient souvent des images… La rencontre avec l’œuvre du collagiste tchèque Jiri Kolar a été déterminante, en la découvrant, j’ai eu envie d’expérimenter et d’approfondir dans ce domaine.

Ghislaine Lejard, leporello réalisé en 15 exemplaires signés numérotés, avec Jacques Robinet, Béni sois-tu.

2. Qu'est-ce qui t'attire dans ce moyen d'expression ? Son côté fragmentaire, la liberté, le hasard ? 
Ce moyen d’expression permet une très grande liberté, Jiri Kolar disait : « La liberté est collage ». Le collage n’enferme pas, il ouvre sur des champs nouveaux, il n’est pas étonnant que Picasso et Braque en aient réalisés au tout début du XXème siècle. Le collage est l’art du lâcher-prise et est l’illustration parfaite de cette phrase de Stéphane Mallarmé : «  Un coup de dés jamais n’abolira le hasard. »
3. Quels matériaux aimes-tu privilégier ? 
Mon matériau est le papier récupéré dans des revues, des livres anciens, des publicités, des affiches, avec parfois des textes ; il m’est arrivé aussi de récupérer des objets comme des bois flottés, du sable, des verres polis ou des canettes usées et écrasées. J’ai réalisé, il y a quelques années déjà, une série de collages avec des affiches déchirées et des canettes.
4. Tu parles souvent du collage comme d'un langage. Qu'exprime-t-il de plus que les mots ne peuvent dire ? 

Le collage est tout autant composition plastique qu’écriture visuelle ou poésie visuelle. Il est un langage au même titre que la musique ou la danse. Plus que la peinture, il est proche de l’écriture poétique, il en est une forme aboutie et c’est sans doute ce qu’a vécu Jiri Kolar qui a cessé d’écrire de la poésie pour ne s’exprimer poétiquement que par le collage, abandonnant définitivement l’écriture de poèmes.

Traits et couleurs Michel Bohbot- Ghislaine Lejard, livre pauvre réalisé pour Daniel Lewers en 4 exemplaires.

5. Le fragment, la coupe, le montage, sont-ils une manière de traduire la discontinuité du monde ou au contraire de réinventer une cohérence ?
Le collage est déconstruction et reconstruction ; déconstruire une image   en déchirant ou en découpant des éléments puis ensuite avec divers éléments collectés, recomposer, réinventer une image qui nait de la tension entre le chaos des fragments et l’harmonie de la composition.
6. Tu as collaboré avec de nombreux poètes. Comment se noue le dialogue entre leurs mots et tes images ? 
Le collage depuis l’origine est traversé par l’écriture, rappelons-nous certains collages de Braque avec des fragments de journaux…Certains de mes collages intègrent des références culturelles qui interrogent le rapport au passé et au langage, il ne s’agit pas de raconter mais de laisser advenir  une résonance, le collage n’impose pas de sens mais demande plutôt un temps de pause et de contemplation, un temps qui convoque l’imaginaire et le sensible.
7. Est-ce le texte qui appelle l'image, ou bien l'image qui motive le texte ? 
J’écris de la poésie et je réalise des collages, tout naturellement j’aime associer ces deux formes d’expression. Il y a eu dans l’histoire du collage, dès le début, des liens étroits entre ces modes d’expression ce que j’explique dans un article publié dans la revue Saisons de culture au titre emprunté à Jiri Kolar : « le collage est poésie ».
Dans des livres d’artiste, mes collages entrent en résonance avec les mots de poètes ami(e)s, ces livres en duo prolongent mon travail de collagiste.  Tantôt le texte appelle l’image, tantôt l’image appelle les mots. Chaque collaboration est unique et me touche, et si il faut en partager une, je pense au livre réalisé avec Jacques Robinet alors qu’il était en soin palliatif et me touche tout particulièrement le poème offert, un hommage lumineux à la vie comme un magnifique «  testament » poétique, je le relis toujours avec une grande émotion.
8. Tu as participé ou es à l'origine de nombreux Livres pauvres. Peux-tu expliquer ce qu'est ce concept et ce qu'il représente pour toi ? 
J’ai eu la grande chance de découvrir le livre pauvre, un concept artistique généreux, initié par Daniel Leuwers, cette découverte a été essentielle, j’ai pu rencontrer Daniel Leuwers et  créer avec lui et d’autres écrivains ou artistes pour ses collections. Daniel est un extraordinaire «  passeur », sans la rencontre avec le livre pauvre, je n’aurai sans doute pas réalisé des livres d’artiste.
9. Quelle est, selon toi, la force de ces objets, uniques et hors du marché, dans un monde saturé d'images, une société de consommation ? 
Les livres pauvres  sont des livres objets, fragiles qui témoignent d’un besoin absolument nécessaire d’échanges; Ils manifestent la force des rencontres et de la création, de son origine sacrée comme fondement incontournable de vie en société. Un sacré hors du religieux, mais offrande et expérience créative essentielle. L’artiste est le témoin, dans un monde désacralisé, d’une réalité qui le dépasse. Il est celui qui offre, partage, qui transforme, qui ouvre au sentiment du merveilleux.
10. Tu es très active dans le monde de la poésie et de l'art. Qu'est-ce qui nourrit et motive tes nombreux engagements ? 
L’artiste est un passeur, il ne cesse de s’interroger et donc il interroge.
Ce qui motive mes engagements c’est essentiellement le besoin d’échange, de partage. La création est toujours un vecteur de rencontres et certaines furent essentielles dans ma vie.
11. Quels conseils donnerais-tu à quelqu'un qui voudrait se lancer dans le collage comme pratique artistique et poétique ? 
Je lui recommanderai de regarder toutes sortes d’images, de collecter celles qui le touchent, de se laisser porter par leurs formes, leurs couleurs, de les fragmenter puis, en se laissant guider par son intuition et dans un lâcher prise associer des fragments de façon aléatoire pour faire naître une nouvelle image.
 En pensant à Jacques Prévert qui fut poète et collagiste, à la façon de son poème Pour faire le portrait d’un oiseau, je pourrai dire :
Pour réaliser un collage
collecte des fragments de papier
des jolis des simples des beaux
colle- les  sur un papier un carton ou une toile
ne rien dire ne rien vouloir
attendre se laisser guider
ne pas se décourager
la vitesse et la lenteur
n’ayant aucun rapport avec la réussite du collage
observer attendre que le collage se décide à être
si il étonne et émerveille le collagiste
c’est bon signe
signe que tu peux signer
et écrire ton nom dans un coin du collage.

 

Course des étoiles, Ghislaine Lejard et Michel Bohbot, exemplaire unique.

Image de Une © Yvon Kervinio.

Présentation de l’auteur

Ghislaine Lejard

Ghislaine Lejard a publié plusieurs recueils de poésie, dernières parutions en 2015 : Si brève l’éclaircie (ed Henry), en 2016 : Un mille à pas lents (ed La Porte), 2018 a collaboré avec 25 textes au livre de Bruno Rotival Silence et Partage (ed Mediaspaul, 2019 Lambeaux d’humanité en collaboration avec Pierre Rosin ( ed Zinzoline). . Ses poèmes sont présents dans des anthologies, dans de nombreuses revues et sur des sites. Elle collabore régulièrement pour des notes de lecture ou des articles à des revues papier et des revues numériques. Des plasticiens ont illustré de ses poèmes, des comédiens les ont lus. Elle organise des rencontres poétiques.
Elle a été élue membre de l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire, en 2011.
Elle est membre de l’association des écrivains bretons ( AEB).
Elle est aussi plasticienne, elle réalise des collages. Elle a participé à des expositions collectives en France et à l’étranger et a réalisé des expositions personnelles. Ses collages illustrent des recueils de poésie. Elle collabore avec des poètes à la réalisation de livres d’artiste
http://ghislainelejard.com/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ghislaine_Lejard
Elle anime des ateliers de collage.
Elle pratique l’art postal, a réalisé à Nantes et en région nantaise des expositions d’art postal ; elle a initié le concept de « riches enveloppes », associant collage et poésie, de nombreux poètes y ont déjà participé.

Ghislaine Lejard

Autres lectures




Philippe Tancelin, Ces mots sans chair

Déplacement...déplacement...déplacement… !
L'expérience tragique de la première et la seconde Guerre mondiales semble bien ne pas avoir fait leçon de sorte que l’on continue à ne pas mesurer la signification profonde et réelle de ce qu’implique humainement le terme « déplacement ». Il atténue jusqu’à leur banalisation les actes d’expulsion, d’expatriation, de déportation objectivement contraintes et forcées du peuple Gazaoui, comme nous assistons depuis des mois à la normalisation du meurtre de dizaines de milliers de civils dont femmes et enfants, sur la terre de leur patrie.

La 4e Convention de Genève de 1949, (article 49), pose les interdictions qui limitent tout déplacement contraint. Elle précise que « les transferts forcés en masse ou encore individuels ainsi que les déportations de personnes protégées, hors du territoire occupé, dans le territoire de la puissance occupante ou dans celui de tout autre État occupé ou non, sont interdits quel qu'en soit le motif... »

Aujourd’hui, glissant au plan mondial de la référence au droit, à celle des  rapports de forces, la situation d'occupation meurtrière de Gaza et le projet d’expatriation des Gazaouis vers l'hypothétique Égypte ou quelque autre refuge, voudraient apparaître comme une simple modalité de règlement de conflit.

Les femmes, les enfants, les hommes de tout un peuple ont encore le droit (internationalement reconnu) d'exiger qu'on entende leur voix, leur cri articulant clairement qu'ils ne sont pas des choses, de vulgaires objets qu'on déplace, dont on se débarrasse selon le bon vouloir des acteurs du remplacement, opéré par une occupation illégale autant que illégitime.

Quel est donc ce monde prétendument libre et qui n'a retenu des déportations génocidaires du passé que des conventions, des principes, qu’il laisse à sa libre transgression. De quoi les mots sont-ils faits ? Que véhicule le langage ? De quelle perte souffre ce jour le vocabulaire des Hommes, sinon du sens de la chair qu’il n’habite plus jusqu’à se poser la question : a-t-il seulement jamais laissé la chair l’habiter ?

Plus encore qu’un exil forcé, le « déplacement » massif, contraint par la force militaire écrasante de l’occupant colonial,  renvoie à un  impérialisme et ses diktats qui en la circonstance précise, bénéficient du sourd consensus d’une part criminelle de la communauté internationale.

Déplacement…déplacement… doit être entendu dans toute l'acception de ce terme c'est-à-dire, d'arrachement à la terre, à la patrie, à la mémoire des ancêtres et oblitère toute perspective d’un retour  des Palestiniens à Gaza. (sauf renversement des rapports de force internationaux).

Qu'advient-il du sujet humain une fois qu’il est arraché à tout ce qui l’a édifié comme personne singulière dans et avec sa communauté d'origine ?

Que  devra-t-il souffrir dans sa chair pour se reconstruire avec ses congénères, lorsque de sa terre, de sa patrie qui sont culturellement son métier à tisser les relations humaines, il est dépossédé ?

Quel devenir quand les cinq sens de tout Homme sont soudain privés, séparés du jardin qui les a cultivés, et que les morts enterrés dans ce jardin du pays d’origine, sont eux-mêmes effacés par la cruauté de l'occupant ?

Vieux-nouveau monde : de quelle amnésie l'envahisseur s’est-il frappé lui-même, jusqu’à nier en l'autre ce qu'on a jadis nié en lui d'appartenance à une humanité sensible et son verbe : ce verbe qui de toute histoire de civilisation, ne saurait être dissocié de la chair qu'il imprègne autant qu'elle l’abrite pour construire langage entre les hommes ?

Jour comme nuit
l’histoire met à la gorge du palestinien
un collier de serrage bigarré
Soir et Matin  la sagesse de l’oiseau chante
à chacun chacune le pays de sa naissance
jusque parmi les astres

Quand le colon met entre les yeux de sa victime
l'occupation de l'horizon
Lorsqu’il veut que son prochain soit disparu de sa vue
Il lui faut faire savoir qu'il ne pourra dérober
ni effacer la mémoire des enfants de la terre
qu’il ne parviendra jamais à anéantir la clarté de la source
ni à posséder la chaleur d'un rayon de soleil
ni à dissuader un carré de ciel bleu
de réchauffer toujours le pourchassé

Toutes choses sont liées
Les cendres en lesquelles l'occupant veut réduire la terre
sont celles de toutes et tous mêlés à travers les temps

Sans la mémoire des uns comme des autres
ces cendres inséparables ne peuvent que mourir de solitude 

L'humus charrie les souvenirs des Palestiniens
il féconde l'herbe sauvage qui lève entre les pierres
sur la route de décennies de non reconnaissance

Puisse un jour le pourchassé
respirer dans les fleurs du jasmin
l’ivresse d’un matin libéré

Sache un jour l'oiseau
voir dans les yeux de l'arbre abattu
l'ombre de son vol préservé

Entende un jour chacun
crier les mots d'amour qui ne se perdent pas
goûter le calme du baume
enveloppant le rêve qui n'a pas fui

Cherchons le visage d'antan éclairer demain
Entendons l'appel montant des puits de l’abandon
Regardons par des yeux de voyants
Touchons par des doigts de chair
Réalisons que ce qui devrait être dit
sera scellé
que ce qui voudrait être tu
sera proclamé

Toute conscience historique détourne la censure du temps
Entre les pages d’énigmes elle pressent la saison de printemps
que dresse son verbe  dans la traversée de l’infini à la chair
tandis que la parole dessine la porte qui ouvre
sur le site du sens
d’un radical surgir

Présentation de l’auteur

Philippe Tancelin

Philippe Tancelin est né Le 29 mars 1948 à Paris. Docteur d’Etat en Philosophie-Esthétique. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont :

  • Ecrire, ELLE 1998 ;
  • Poétique du silence, 2000 ;
  • Cet en-delà des choses, 2002 ;
  • Ces horizons qui nous précèdent, 2003 ;
  • Les fonds d’éveil, 2005 ;
  • Sur le front du jour, 2006 ;
  • Poétique de l’étonnement, 2008 ;
  • Poétique de l’Inséparable, 2009 ;
  • Le mal du pays de l'autre ;
  • L’ivre traversée de clair et d'ombre, 2011 ;
  • Au pays de l'indivis aimer (…) éd. l’Harmattan, 2011. 
  • Tiers-Idées, Hachette 1977; En collaboration avec G. Clancy ;
  • Fragments-Delits,  Seghers 1979 ;
  • L'été insoumis, 1996 ;
  • Le Bois de vivre, l'harmattan, 1996 ;
  • L'Esthétique de l'ombre, 1991 ;
  • La question aux pieds nus ;
  • En passant par Jénine, 2006 (éd. l''Harmattan) ;
  • Le Théâtre du Dehors, Recherches, 1978 ;
  • Manoel De Oliveira, Dis-voir I987 ;
  • Théâtre sur Paroles, Ether Vague 1989 ;
  • Entretiens avec Bruno Dumont, Dis-voir, 2002.

 

Philippe Tancelin

Autres lectures




Jean-Paul Gavard-Perret, Peau d’Anne

Un certain « nous » existe en ce « je-tu ». Il soulève du au féminin au masculin l'histoire du labyrinthe de deux êtres. S'y perdre est à la fois un plaisir et une angoisse et accepter le risque dans la proximité troublante de nos mots juste au-dessus d’une ligne de flottaison. Avançons à tâtons, surnageons. Je deviens le berger de ton cosmos et souffle dans la corne d'ivoire et ta clochette rose blanches pour titiller tes nuits. Et quand je prends mon bain avec toi tu brilles en pépite dans l'eau bleue, en feu blanc d'étoile.  Tu n »as plus peur de notre parcours labyrinthique. 

Nous y sommes engagés ?  Sois Ariane et moi Thésée. Il faut avancer car nous allons vers le mystère. D’abord j’ai imaginé avec ce que j’ose t’enlever. J’hiberne loin de ta robe et de ton chemisier.  Tu es comme dans un hôtel couchée dans toutes les chambres et tu possèdes le sens de la connivence jusqu’au moment où le jour se lève. Nos moiteurs remuent dans nos moussons du cœur. Que l'urgence nous dépêche afin que nous voulions la lenteur. 

Tu n'es pas là. Tu es toujours là. J'ai voyagé avec toi. Loin de toi. Sache que les heures opalines ne parlent qu'aux oiseaux de tes lagunes. Je rejoins ton royaume retranché dans quelques creux de sable et de rochers. Tu es Calypso nymphe et reine d'Ogygie. Tout 'amour tu le tiens dans tes rets. Et tu tires le présent le passé. Et lorsque les arbres cherchent leur ombre, tu ouvres l’espoir de nous rencontrer. Attends de mes mots ce qu’ils ignorent de ton énigme. Mais je m’y engouffre et ne garde plus le silence. Va désormais jusque-là où tu te retenais d'aller. Nos secrets font des jardins d’Eden. Sa houle porte jusqu’à ton écume ? 

Qu’est-ce qui a commencé ? Quand as-tu commencé ? L’un est prisonnier aveugle, l’autre, mains liées dans le dos. Mais tu es à nouveau plus libre que la mer.  Imagine la carte du ciel avec dans la tête des oies sauvages. Plus proche de toi ma pensée te touche. Elle est douce, émerge de la nuit. Le dedans est dehors. Le dehors est dedans.

Photo de Robert Mappelthorpe.

Présentation de l’auteur

Jean-Paul Gavard-Perret

Né en 1947 à Chambéry, Jean-Paul Gavard-Perret poursuit une recherche et une réflexion littéraires ponctuées d'une vingtaine de livres de textes brefs - dont « La mariée était en rouge » (éditions du Cygne), Cyclope (Editions de L'atlantique) - ou d'essais dont "Samuel Beckett, l'imaginaire paradoxal et la création absolue", (Minard).

© Crédit photo Bissey

Bibliographie

Fictions et textes brefs

  • Toile Peinte, Argo, Lausanne, 1976, (Sous le pseudonyme d'Annie Renaud).
  • Dans ses gestes, l'Attente, L'Incertain, Paris, 1991.
  • La Partition, Garenne, Lyon, 1991.
  • La Répétition, La Demeure, Courtaud, La Souterraine, 1992.
  • Ici en l'obscur, Ecbolade, Nœux, 1993.
  • Comme un voyage, Édition Philippe Morice, 1° édition 1993, 2e édition revue, 1994.
  • Le jour où j'ai tué Papa, Exquis-Cadavres, Virgin-Calman-Lévy. Paris, 1995.
  • L'Œil du Cyclope, en collaboration avec le graveur Marc Pessin, La Main Courante, La Souterraine, 1995.
  • Le jardin des délices, Le flâneur des deux rives, Juvinas, 1996.
  • Art, Légende, Réalité, Barré-Dayez, Paris, 1996.
  • Douce, techniquement. en collaboration avec le peintre Marcel Warmenhoven, Ecbolade, Nœux, 1996.
  • Le froid, Éditions La Dérive, Verviers, 1996.
  • Nécessaire sacrifice aux étoiles, Éditions le Givre de l'Éclair, Troyes, 1998.
  • Généalogie vénitienne, Rafael de Surtis, Chèvres, 1998.
  • L'Araignée de feu, Éditions du Non Verbal, Bordeaux, 1998.
  • Drawing by embers, La Main Courante, La Souterraine, 1998.
  • Trois faces du nom, L'Harmattan, Paris, 1999.
  • Venise, Éditions de L’Heure, Pry, Belgique, 1999.
  • Le cycle des vanités, Éditions Pierron, Sarreguemines, 1999.
  • Passager de sa pluie, Éditions de l’Heure, Pry-lez-Walcourt (Belgique), 2000.
  • Demain, hier, Éditions on @ faim, Saint Étienne de Rouvray, 2001.
  • Cielle, Éditions Clapas, Aguessac, 2001.
  • La maison de l’être, Éditions Clapas, Aguessac, 2001.
  • Soul-Eyes, Éditions à Demeure, Vals, 2001.
  • La descente ; absence et crue, Éditions à Demeure, Vals, 2001.
  • Une manière noire - fragments sur Jeanne, in «Cuisine et cuisines», Éditions La Dérive, Verviers, 2001. Premier Prix Georges Simenon 2001
  • K, Véronique Van Mol éditeur; Orgeo (Belgique), 2001.
  • Soir (de Paris), Atelier-Éditions Vincent Rougier, Port de Couze, 2002
  • Chants de déclin et de l’abandon, Éditions Pierron, Sarreguemines, 2003.
  • Neige suivi de l’immobile, coll. Ficelle, Atelier Vicent Rougier, Port de Couze Lalinde, 2005.
  • L'image est une chienne, l'Ane qui Butine, Belgique, 2005.
  • Fil rouge, éditions Regard; Petite revue d’Art, Le Grand Abergement, 2005.
  • Porc épique, éditions du Petit Véhicule, Nantes, 2006.
  • A perte de vue : Manhattan Transfert, coll. Pamphlet, Éditions L'Âne qui butine, Mouscron (Belgique), 2007.
  • Mon ex a épousé un Schtroumpf (sous pseudonyme de Garr Gammel), Éditions Chloé des Lys, Barry (Belgique) 2008.
  • E muet, éditions du Trident Neuf, photographie de Marie Bauthias, Toulouse, 2008
  • La jeune femme qui descend l'escalier, Éditions du Cygne, Paris, 2008.
  • La mariée était en rouge, Éditions du Cygne, Paris, 2008.
  • L'appel de la forêt, avec des peintures de Jacques Barry, Éditions Jean Villevieille, Saint Étienne, 2010.
  • Je veux, La dictée-poésie sans faute, 60e "ficelle", Atelier d'art Vicent Rougier, .
  • Dissemblance et figuration, avec une intervention plastique de Mariette, Éditions Le verbe et l'empreinte, Saint Laurent du Pont, 2011.
  • Portraits Singuliers avec et pour les peintures de Claudine Loquen, Éditions Lelivredart, Paris 2011.
  • Cyclope, Éditions de L'Atlantique, Saintes, 2011.
  • Eugène Leroy ou les apparitions, Almagra Éditions, Nantes, 2011.
  • Labyrinthes, éditions Marie Delarbre, Grignan, .
  • 25 courts textes dans le recueil de photographie de Nath-Sakura Fatales, Éditions Victoria.

Autres recueils de textes brefs :

    • Another – Hormoz photographies, Corridor Elephant Editions, Paris, 2016.
    • "Le Faubourg" avec encres de Danielle Berthet, Voix Editions, Richard Meier, 2019.
    • Fluidification des éc(r)oulements, Editions Furtives, Besançon, 2019.
    • Fornikatord, Editions Furtives, Besançon, 2019.
    • La lettre d'amour qui ne s'écrit pas, Editions Furtives, Besançon, 2019.
    • Le bal des mots dits, Editions Furtives, Besançon, 2019.
    • Le boxon de X, Z4 Editions, 2019.
    • Univercités, Editions Jacques Flament,  2020.
    • Patience dans la boîte noire - Jean- François Dalle-Rive, avec M-P Deloche, Folazil, Grenoble, 2020.
    • Joguet, Joguette, Z4 Editions, 2020.
    • Phare d'eau, éditions Constellations, octobre 2022
    • Toussa pour ça & Firmaman, éditions Constellations, décembre 2022
    • Pro Loques, éditions Constellations, février 2023
    • Région humaine suivi de Zébulon Comète et sa maîtresse, éditions Constellations, mai 2023

Poésie

  • Corps de Pierre, Le Pont de l'Épée, Paris, 1976.
  • Elle, Écrite, Hautécriture, Nouaillé, 1990.
  • La main le Désert, Vague Verte., Wagnarue, 1991.
  • Le délit d'Absolu, L'Arbre à Paroles, Amay-Bruxelles, 1991.
  • L'effacement, L'Arbre à Paroles, Amay-Bruxelles, 1992.
  • Suite intempestive, en collaboration avec René Quinon, Le Flâneur des deux rives, 1996.
  • Ibériques, Interéditions, Paris, 1996. (Grand Prix de poésie du Val de Seine).
  • Avalée, Avalanche, Le Chant de l'Aleph, Paris, 1997.
  • Fermeture en fondu sur la lumière du soir, "Conduite forcée", (Éditions à tirage limité, Eric Coisel Éditeur, Paris, 1998.
  • Arachnéenne, Éditions de L'Agly, Saint Paul de Fenouillet, 1998.
  • Pêcheur d'Islande, (Grand Prix de poésie de la Ville de Dunkerque)
  • Verbes suivi de Anglaises, Éditions Clapas, Aguessac, 1998.
  • Bonjour Monsieur le Facteur, sur des collages de Éric Coisel; Éric Coisel Éditeur, Paris, 1999.
  • Visages, en collaboration avec la plasticienne Charlette Morel-Sauphar, Éditions Passage d’Encres, Romainville, 1999.
  • Noire sœur, écrit et illustré en hommage à S. Beckett, Vincent Courtois éd., 1999.
  • Clé de l’abyme, Le scarabée d’or, en collaboration avec le plasticienne Charlette Morel-Sauphar, Passage d’encres, Romainville, 2000
  • Incisions de lumière, en collaboration avec la plasticienne Charlette Morel-Sauphar, Passage d’encres, Romainville, 2000.
  • Primitives du futur, Éditions de La Porte, Laon, 2000.
  • Final Cut & Survivance, en collaboration avec la plasticienne Ch. Morel-Sauphar, Gech Mosa éditions d’art, Mâcon, 2001.
  • L’Injonction, en collaboration avec Annie Frédéric, coll. Tête-à-tête, Éditions Alain Benoît, Rocheford du Gard, 2001.
  • Les carrés de Charlette, coll. Encres Blanches, Éditions Encres Vives, Colomiers, 2001.
  • Rouge Sang, Charlette Morel-Sauphar ed., Bussières-Macon, 2002.
  • Dons de Mélancolie – A l’épreuve du temps, avec des photographies de Georgette Glodek, Éditions Dumerchez, Creil, 2003.
  • Déchirures, avec des peintures de Bernard Quesniaux, Éric Coisel éditeur, coll. “ Mémoires ”, Paris, 2004.
  • Ethernitée, avec des dessins de Mylène Besson, coll. “à la Main”, édition l’Attentive, Paris, 2004.
  • Araba, Éditions du Contentieux, Toulouse, 2004.
  • Donner ainsi l’espace, Éditions La Sétérée, Crest, 2005.
  • Les blés d’or, Aquarelles de Nicole Pessin, coll. Le fil à retordre, Atelier Marc Pessin, Saint Laurent du Pont, 2006.
  • Voyages immobiles, avec des peintures de Chantal Brischoff et des photographies de René Auger, RC Création, Thorissey.
  • Les paroles de neige, Aquarelles de Nicole Pessin, coll. Le fil à retordre, Atelier Marc Pessin, Saint Laurent du Pont, 2007.
  • Gisante, Eden et après, avec des illustrations de Mylène Besson, Éditions Chloé des Lys, Barry (Belgique), 2007
  • Le voyage, avec une intervention originale de Alain Quercia, Jean Pierre Huguet Éditeur, Saint Julien Molin Molette, 2007.
  • Vertical Duo, avec Marie Bauthias, Éditions du Trident Neuf, Toulouse, 2008.
  • Sillage de Lumière, avec des dessins de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2009.
  • Faire parler le jour, avec des dessins de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2009.
  • Odyssée, Raymond Chabert entrée en matière, avec des peintures de Raymond Chabert, photographies de René Auger, RC Création, Thorissey, 2009.
  • Stations christiques, avec des encres de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2009.
  • & - livret 19, avec les photos d'EOle, EOle éditions, La Batie Montgascon, 2009.
  • Miss Fitts et autres Histoires Ceintes, avec des dessins de Jean-Marc Scanreigh, Éditions Atelier Vincent Rougier, Soligny la Trappe, 2010.
  • L'alphabet des primitifs du retour, avec des aquarelles de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2010.
  • Les boîtes à A, coll Matchboox, Éditions Voix, Elne, 2010.
  • Le Dictionnaire des Âmes, avec des aquarelles de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2010.
  • Musikâa, éditions Marie Delarbre, Malissard, 2010.
  • Les enfants de la mer, avec des Aquarelles de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2011.
  • Noël en alphabet, avec des Aquarelles de Nicole Pessin, Le Fil à retordre, Saint Laurent du Pont, 2012.
  • Les Seins d’Abeille , Editions Jean-Pierre Huguet, St Julien Molin Molette, 2014.
  • "Autre huche" Coll. Apostille Danielle Berthet, Aix Les Bains 2016
  • "Chéri( e)s ou le sexe se met en dernier", coll. Apostilles, Danielle Berthet, Aix Les Bains, 2017.
  • Chambéry en alphabet dessins de Nicole Pessin, Edition Varia Poetica, Saint Laurent duPont,2017
  • "Clavecin des brumes" avec des peintures originales de Andelu, Editions du Geste, 2016.
  • Tu me vois - Sylvie Aflalo-Haberberg", Paris, Sylvie Aflalo-Haberberg, 2019.
  • "Cui cuit" Coll. Apostilles Danielle Berthet, Aix Les Bains, 2018
  • "Lionne va", avec encres Danielle Berthet Le Livre Pauvre, Daniel Leuwers, 2019.
  • "Anna-Base", Editions Furtives, Besançon, 2019.
  • "Pâle haie des spores", coll. Apostilles, Danielle Berthet, Aix Les Bains, 2019.
  • "Le retour sans l'aller", Editions Furtives, Besançon, 2019.
  • "La maison de ma mère" livre d'artiste dessins Danielle BERTHET, 2022
  • "LICHENS sur la neige" livre d'artiste encres et gravures Danielle Berthet, 2022

Essais et Catalogues

  • La Pop-music, Édition Bibliothèque de Travail, Paris.1978.
  • Jean-Luc Favre ( Reymond) : la scène primitive et l'obstination compulsive, S.G.E. Genève. 1995.
  • Jean Jacques Rousseau et retour - Catalogue du sculpteur Marcel Warmenhoven, Den Haag, 1996.
  • 91 apparitions de Marie-Madeleine, (sur les Photographies de Véronique Sablery), Centre d'Art Contemporain, Hôtel Saint-Simon, Angoulême, 1996.
  • Burroughs, le fil(s) perdu, de l'autobiographie à la scriptographie, Éditions Derrière la salle de bains, Rouen, 1996.
  • René Quinon : l'écriture & le silence, Éditions le flâneur des deux rives, Juvinas, 1997
  • Postface à La disparition Fellini de Jacques Kober, Rafael de Surtis Éditeur, La Touche, 1998.
  • Eugène Leroy ou les apparitions, Patin et Coufin, Marseille, 1998
  • La didactique du français dans l'enseignement supérieur : Bricolage ou rénovation?, coll. Sémantiques, L'Harmattan, Paris, 1998.
  • Josef Ciesla : les portes du silence ou le chant des signes, coll. les Sept Collines, Jean Pierre Huguet Éditeur, St. Julien Molin Molette, 1999.
  • Hypothèse du tableau comme clandestinité - propositions pour Gérard Gasiorowski, Éditions Patin et Couffin, Marseille, 1999.
  • Jacques Simonomis, en collaboration avec Jean Rousselot, Éditions de La Lucarne Ovale, Paris, 1999.
  • Evelyn Gerbaud, Éditions Passage d’Encres, Romainville, 1999.
  • Visages - l’œuvre de Charlette Morel Sauphar, Éditions Passage d’Encres, Romainville, 1999.
  • Filigranes-Passages, Catalogue de la plasticienne Charlette Morel Sauphar, Macon, 2000.
  • Les oubliés magnifiques, Éditions Librairie Bleue, Troyes, 2000.
  • Samuel Beckett : l’Imaginaire paradoxal ou la création absolue, Paris, Minard, 2001.
  • Nécessaire défaut de la réalité ou la lettre d’amour qui ne s’écrit pas, in «De tous les jours, photographies de J-Claude Bélégou», Éditions Photographies & Co, Sausseuzemare, 2001.
  • Suites, séries, variations. Catalogue du peintre Joel Leick, in «Suites et Séries», Éditions L’Harmattan et Tour Carrée, Paris, 2001.
  • Beckett et la poésie : la disparition des images, Éditions le Manuscrit, 2001.
  • Drawing by Embers ou la poétique du silence & Du Paradis in «Du Vide au Silence : La Poésie», Éditions Vermillon, Ottawa (Canada), 2002.
  • Théo Crassas : Songs for Distingué Lovers, Éditions Encres Vives, Colomier, 2002.
  • Catalogue de Véronique Sablery pour l'installation "L'Apparition", Salle Royale, Église de la Madeleine, Paris (Avril, mai ).
  • Thierry Tillier : Lieux et dérives du corps, Éditions de l’Heure, Charleroi, 2003.
  • Un monde toujours nouveau, CD-Rom des œuvres de Charlette Morel-Sauphar, réalisé par Ch. Baudrion, CRDP de Bourgogne & CDDP de Saône et Loire, 2003, Dijon.
  • Catalogue de l’exposition Jean Gaudaire-Thor, Bridgette Mayer gallery, 209 Walnut street, Philadelphie, USA. (sous pseudonyme).
  • Hommage à Blanchot, collection Signes, Éditions Aleph, Malissart, 2003.
  • Marcel Rist, l’étreinte ou l’épreuve des traces, Éditions Anonyme, Auvers Saint Georges, 2004.
  • Le chant des mots et la forêt des signes Préface de «Livres à l’envi - livres d’artistes et affiches de J-M Scanreigh» de Jean Paul Laroche, Éditions Mémoire Active, 2004, Lyon.
  • Catalogue Michel Butor et les peintres, Musée Faure, Aix Les Bains, février-.
  • François Bidault : le surface impossible ou le tableau qui pense in «Jeux de surface», coll. Écriture et Représentation, LLS, Éditions Université de Savoie, 2006.
  • Marie Morel, Éditions anonyme, Chambéry, 2006.
  • Ankh : sculptures et gravures, Chapelle de la Visitation, Thonon les Bains, - .
  • Franchir la frontière ou la poésie comme manuel de félixité et Théâtre de la poésie, poésie de la langue, in «Constantin Frosin, francophile roumain» sous la direction de Laurent Fels, coll. Essais/recherche, Éditions Poiêtês, Orthez, 2008.
  • Cool Memories", catalogue de l'Exposition de Véronique Sablery, «Tentation du visible», Abbaye Saint martin de Mondaye, juin-.
  • Une traversée du siècle : arts, littérature, philosophie : hommages à Jean Burgos, avec Barbara Meazzi et J-Pol Madou, Presse de l'Université de Savoie, Chambéry, 2008
  • Martine Quès : Petits bassins d'eau salée, Photographies, Ateliers des Arts Mêlés, Gargas, 2008
  • Martine Quès : Photographier les rochers, Ateliers des Arts Mêlés, Gargas, 2008
  • Il y a du froissé dans l'air, n° froissé, catalogue pour l'exposition de Vincent Rougier à L'Apostrophe - Théâtre des Louvrais Pontoise, Éditions Atelier Vivent Rougier, Soligny la Trappe, 2009.
  • La cécité n'a pas gelé mon corps il l'était avant, in «Au nom de la fragilité, des mots d'écrivains» sous la direction de Charles Gardou, Éditions Erès, Paris. 2009.
  • Jouve, la vision de la femme, in «Jouve poète européen», Cahiers P-J Jouve, no 1, Éditions Calliopée, 2009.
  • Loques et interloques : la vie dans les plis in «La surface : accidents et altérations», coll. Écriture et Représentation, LLS, Éditions Université de Savoie, 2010.
  • Mylène et Pierre in catalogue «Pierre Leloup - Mylène Besson, Face à Face», Musée Faure, Aix les Bains. Publication de la société d'art et d'histoire d'Aix les Bains, no 62, ..
  • Voies de passage et Petit dialogue intempestif in catalogue « Courto, fragments tatouant », Éditions Musées de la ville de Chambéry, 2011.
  • Miroir du déserteur, littérature, psychanalyse, miroir de l'autre in «Polars En quête de… l'Autre», collectif sous la direction de P-L Savouret, coll. "Écriture et représentation", Éditions LLLS, Université de Savoie, 2011.
  • Eugène Leroy ou les Apparitions, nouvelle version, 2011, Almagra Éditions, Nantes, 2011.
  • Nicole Valentin et la chair-voyance, catalogue de l'exposition "Autour du feu" de Nicole Valentin, espace Autour du feu, 24 rue Durantin, Paris 18e, .

Ouvrages

  • "Si j'étais moi", dans la revue d'art TROU no. XX, 2009
  • La Mariée était en rouge, Éditions du Cygne, Le Chant du cygne, 2009.
  • La Jeune Femme qui descend l'escalier, Éditions du Cygne, Le Chant du cygne, 2008.
  • À perte de vue : Manhattan Transfert, L'Âne qui butine (Belgique), 2007.
  • Les Impudiques : cratères littéraires, Éditions du Cygne, Le Chant du cygne, 2007.
  • Le Voyage, avec une intervention originale de Alain Quercia, Jean-Pierre Huguet éditeur, 2007.
  • L'Homme et l'espace, Atelier Andelu, 2007.
  • Porc épique, Éditions du Petit Véhicule, 2006.
  • Les Blés d'or, aquarelles de Nicole Pessin, Marc Pessin, 2006.
  • Donner ainsi l'espace, La Sétérée, 2005.
  • Thierry Tillier : lieux et dérives du corps, Éditions de l'Heure, 2003.
  • Dons de Mélancolie - à l'épreuve du temps, avec des photographies de Georgette Glodek, Dumerchez, 2003.
  • Chants de déclin et de l'abandon, Éditions Pierron, 2003.
  • Samuel Beckett : l'Imaginaire paradoxal ou la création absolue, Minard, 2001.
  • Le Silence de l'Ile, peint par Tony Soulier, Éric Coisel, 2001.
  • Beckett et la poésie : la disparition des images, Éditions Le Manuscrit, 2001.
  • Évelyn Gerbaud, Éditions Passage d'Encres, 1999.
  • Trois Faces du nom, L'Harmattan, 1999.
  • Le Cycle des vanités, Éditions Pierron, 1999.
  • Josef Ciesla : les portes du silence ou le chant des signes, Jean-Pierre Huguet éditeur, Les Sept Collines, 1999.
  • Hypothèse du tableau comme clandestinité - propositions pour Gérard Gasiorowski, Éditions Patin et Couffin, 1999.
  • L'Araignée de feu, Éditions du Noroît (Canada), 1998.
  • Généalogie vénitienne, Rafael de Surtis, 1998.
  • Eugène Leroy ou les apparitions, Éditions Patin et Couffin, 1998.
  • Drawing by embers, La Main courante, 1998.
  • Arachnéenne, Éditions de L'Agly, 1998.
  • Ibériques, Éditinter, 1996.
  • Burroughs : le fil(s) perdu, de l'autobiographie à la scriptographie, Éditions Derrière la salle de bains, 1996.
  • Le Jour où j'ai tué papa, Virgin-Calmann-Lévy, 1995.
  • L'œil du cyclope (en collaboration avec Marc Pessin), La Main courante, 1995.
  • Jean-Luc Favre : la scène primitive et l'obstination compulsive, SGE (Suisse), 1995.
  • Ici en l'obscur, Ecbolade, 1993.
  • L'Effacement, L'Arbre à paroles (Belgique), 1992.
  • La Main, le désert, Vague verte, 1991.
  • Elle, Écrite, Hautécriture, 1990.
  • La Pop music, Éditions Bibliothèque de Travail, 1978.
  • Corps de pierre, Le Pont de l'Épée, 1976.

Autres lectures

Jean-Paul Gavard-Perret, Joguet, Joguette

Jeux de maux d’amour   Nous parvient la nouvelle « Diagonale de l’écrivain », collection que dirige de main de maître Philippe Thireau, lui-même écrivain, et dans laquelle il convie ses auteurs à s’extriper du [...]




Ce qui reste, le ressac numérique d’une poésie en partage

Fondée par Vincent Motard‑Avargues et aujourd’hui co‑éditée par Cécile A. Holdban et Sébastien de Cornuaud‑Marcheteau, la revue en ligne Ce qui reste s’est donné pour mission de « reprendre sa respiration avec l’inspiration des autres » : chaque semaine, un poète et un artiste visuel se répondent dans un cahier numérique publié en libre accès. Ce rythme court, allié à un parti‑pris de lenteur revendiqué dans l’éditorial récurrent « Ralentir », installe un tempo singulier au sein de la constellation des revues francophones.

Dès la page d’accueil, trois onglets suffisent — Librairie, À propos, Archives — auxquels s’ajoute un discret appel au don : la navigation dépouillée fait la part belle à la page pleine, où le texte se détache sur un fond monochrome accordé aux œuvres graphiques. Ici, pas de dispersion : la lecture à l’écran mime la page du livre, tandis qu’un simple clic conduit vers la version feuilletable sur Calaméo ou Issuu, voire vers une souscription papier chez l’éditeur ami, Écheveaux éditions. 

Chaque numéro se présente comme un dossier monographique : une courte note éditoriale rappelle la raison d’être de la revue ; le bloc de poèmes alterne avec une galerie d’images ; une mention « Pour souscrire au livre papier » prolonge l’expérience hors‑ligne ; les mentions légales (ISSN 2497‑2363) ferment la marche.

La rubrique Archives regroupe à ce jour près de 400 dossiers classés par auteur, consultables directement ou via Calaméo. La Librairie propose les tirages papier les plus demandés — signe qu’un lectorat fidèle accompagne la revue du pixel au papier.

Le dernier numéro, de février 2025, offre une thématique déjà éminemment poétique, La Mer entre les Terres. Il réunit la poète anglo‑israélienne Jennie Feldman (extraits de No Cherry Time, Arc Publications, 2022) traduite par Gilles Ortlieb, et les peintures atmosphériques du photographe‑peintre Jacques Bibonne. Entre l’anglais et le français circule une mémoire de la Méditerranée : ports, plages, stations ferroviaires deviennent autant de seuils où « la déferlante » menace mais n’engloutit jamais. Le cahier (26 pages) ménage de larges respirations visuelles ; une typographie à chasse élargie épouse les aplats minéraux des toiles, tandis qu’une palette de gris bleutés évoque l’écume. La notice finale annonce une version imprimée, confirmant la stratégie de la revue : tester le poème en ligne avant de le confier au papier.

À l’heure où la profusion numérique menace la lisibilité, Ce qui reste choisit le ralentissement et le cadre serré : un poète, un artiste, un cahier. Rien de plus — et c’est assez pour que le lecteur avance sans bruit « vers ce qui restera lorsque toutes les revues se seront tues ». Une promesse de durée inscrite dès le titre ; une esthétique de la parcimonie qui fait mouche ; un modèle hybride (web + papier) qui pourrait bien tracer un sillon durable dans le paysage mouvant des revues de poésie contemporaines.




Terre à ciel : constellations pour une poésie d’aujourd’hui

Fondée en 2005 par la poète et passeuse Cécile Guivarch, Terre à ciel s’est rapidement muée d’un carnet personnel en une revue collective ; aujourd’hui, elle est animée par une équipe élargie : Françoise Delorme, Clara Regy, Sabine Dewulf, Isabelle Lévesque, Florence Saint-Roch, et Olivier Vossot... tout en gardant son principe d’"hospitalité artisanale". La devise qui barre sa page d’accueil — « Poésie d’aujourd’hui » — dit bien son ambition : refléter, chaque semaine, la pluralité des voix contemporaines, qu’elles viennent du terroir francophone ou du vaste « voix du monde ».

L’interface privilégie la lisibilité : menu latéral fixe, police sans‑sérif claire, et rubriques hiérarchisées comme autant de portes d’entrée - Un ange à notre table : publication de poèmes inédits d’un auteur invité, souvent accompagné d’un bref autoportrait, Terre à ciel des poètes : fiches bio‑bibliographiques fouillées, nourries d’entretiens, Voix du monde : traductions inédites, parfois multilingues, L’arbre à parole : focus sur l’oralité (lectures, vidéos, podcasts), Hep ! Lectures fraîches ! – chroniques critiques courtes, attentives aux parutions discrètes (rubrique apparue en 2023), Paysages, Bonnes feuilles, Mille‑feuilles, À l’écoute ... autant de ramifications qui organisent la revue comme un herbier vivant plutôt qu’un sommaire figé.

Chaque page s’achève sur un bloc Terre à ciel a reçu, véritable liste de dépôts en librairie qui tient lieu de veille bibliographique.

Depuis 2019, l’équipe publie, en marge du flux continu, des dossiers thématiques numérotés. Les plus récents donnent une belle image de ce travail remarquable : La poésie ne fait pas genre (avril 2024), Le poème nous fait signe (juillet 2024), Pour que la vie jaillisse (décembre 2024).

Ces dossiers servent d’instantanés critiques : un éditorial, une brassée de textes, un bouquet d’articles critiques et d’entretiens. Le n° 21, dont le titre emprunte à René‑Guy Cadou, s’ouvre sur une méditation : « Quoi de plus intense, de plus secrètement vivant ? » avant de convoquer Ron Rash, Fabienne Ronce, Sabine Dewulf et une sélection d’éco‑poètes autour de la question du souffle vital. Le sommaire, volontairement foisonnant mais lisible grâce aux ancres internes, alterne poèmes, notes de lecture, et Lignes d’écoute — rubrique où Sabine Dewulf fait dialoguer un livre et une œuvre d’art sonore.

Enfin, et pour rendre compte de la spécificité de cette belle revue, Terreàciel se définit d’abord comme une revue‑site : son architecture arborescente privilégie la circulation par rubriques, ce qui autorise des mises à jour constantes et l’ajout d’entrées au fil de l’eau. Sa temporalité combine un flux hebdomadaire de publications (lectures fraîches, inédits, entretiens) et des dossiers numérotés paraissant deux fois par an — les n° 19 à 21 ont jalonné la période 2024‑2025. A cette richesse de contenu s'ajoute une ouverture manifeste : la rubrique Voix du monde  multiplie les traductions inédites tandis que Un ange à notre table accueille de jeunes auteurs francophones, créant un dialogue constant entre horizons linguistiques et générations. Pilotée par une équipe collégiale et bénévole, chaque section porte la signature d’un responsable (critique, traducteur, artiste sonore), gage d’expertise et de diversité de points de vue. 

Polyphonie donc (centaines d’auteurs indexés), porosité des genres (poème, essai, image, son),  chronique de l’actualité éditoriale et aventure d’un laboratoire poétique permanent : Terre à ciel compose une géographie sensible où le lecteur circule, non pas de numéro en numéro, mais « de la terre au ciel » — c’est‑à‑dire de la rumeur du monde au battement intime du poème.




Francopolis : la poésie en archipel

Créée en 2002 par un collectif international (Québec, France, Belgique, Suisse), Francopolis s’est d’emblée voulue « site de la poésie francophone » : un carrefour où se croisent écritures, arts visuels, sons et traductions, dans l’esprit d’appeler toutes les francophonies. Plus de vingt ans plus tard, la revue tient toujours ce pari d’hospitalité, portée par un comité collégial (Dana Shishmanian, Éric Chassefière, Dominique Zinenberg, François Minod, Mireille Diaz-Florian, Eliette Vialle, etc.) qui orchestre une quinzaine de rubriques foisonnantes.

Le n° 184, paru au printemps 2025, déploie un sommaire à la fois ample et équilibré : il s’ouvre sur un Salon de lecture où Gilles Lades, interrogé par Catherine Bruneau, orchestre un bouquet de poèmes en dialogue avec un entretien fouillé ; la rubrique Lectures/Chroniques consacre ensuite un dossier critique à Attentive, éperdument d’Ida Jaroschek, confirmant l’attention de la revue aux voix singulières de l’heure. Dans Créaphonie, poèmes et peintures de Catherine Bruneau et François Teyssandier explorent la fusion image‑verbe, tandis que Une vie, un poète rend un hommage sensible à Fernando Pessoa, "l'innombrable". La polyphonie s’élargit avec D’une langue à l’autre, qui propose un poème inédit de Daniel Martinez, avec traduction en italien, quatre poètes italiens contemporains, et des poèmes bilingues (persan/français) de Saghi Farahmandpour ; puis Franco‑semailles offre des poèmes inédits d'Anne Barbusse, Richard Taillefer, Patrick Joquel, etc., alors que Vue de francophonie nous propose des inédits de Flavia Cosma (Québec) et Victor Saudan (Suisse). Un Coup de cœur met en avant l'œuvre de Patrick Quiller.

Pour la diversité de ses entrées (du haïku filmé à l’essai érudit), pour sa mémoire vivante (des centaines de dossiers disponibles en ligne), et pour cette façon singulière de tisser sans hiérarchie la poésie et les arts, la création contemporaine et la redécouverte patrimoniale. Francopolis incarne, en somme, une francophonie poétique connectée, polyphonique et généreuse — un archipel que l’on explore à la manière d’un atlas hypertexte, en se laissant guider par la houle des liens.




La passe-frontière des étoiles : Rencontre avec Cécile Oumhani

Née à Namur d’une mère écossaise et d’un père français, longtemps partagée entre la France et la Tunisie, Cécile Oumhani a fait du franchissement des frontières – géographiques, culturelles et intimes – la matière vive de son écriture. Poète, romancière, nouvelliste, elle a reçu le Prix européen francophone Virgile en 2014 pour l’ensemble de son œuvre après avoir été distinguée, entre autres, par le Prix littéraire européen de l’ADELF pour Le Café d’Yllka (2009). Ses textes, nourris d’errance, d’exil et de métissage, circulent aujourd’hui dans plus d’une vingtaine de pays, portés par des traductions, des résidences littéraires et de nombreuses lectures publiques. 

Après le recueil de poèmes La ronde des nuages – finaliste du Festival de la poésie de Montréal 2023 – elle a publié en 2024 le roman Les tigres ne mangent pas les étoiles (Élyzad) et le recueil bilingue de nouvelles Like Birds in the Sky(Red River Press, Delhi), confirmant sa manière singulière de donner voix aux silences de l’histoire et aux identités plurielles.

Nous la rencontrons aujourd’hui pour explorer son art du tissage entre mémoire et imaginaire, sa place de « passe-frontières » dans la littérature francophone et anglophone, et la façon dont ses engagements – qu’il s’agisse de traduire la poésie afghane interdite ou de faire dialoguer les rives de la Méditerranée – nourrissent son travail. Avec Cécile Oumhani, chaque page devient un pas vers l’autre ; cet entretien est l’occasion de comprendre comment se construit, livre après livre, cette géographie sensible où les voix des migrants, des femmes et des oubliés résonnent comme un chant de résistance.

Tu écris indifféremment de la prose, et de la poésie. Indifféremment ? Ou bien est-ce que ces deux modalités de mise en œuvre du langage correspondent à des nécessités ?
 L’écriture nous traverse. Elle vient de très loin et implique des territoires de nous-mêmes sur lesquels nous n’avons pas toujours prise. Il y a ces paroles et ces silences qui ont franchi des générations pour arriver jusqu’à nous, sans que nous en soyons conscients. Leurs échos nous remuent, même à notre insu. D’une certaine façon, je crois que nous portons tous l’histoire de l’humanité, ses peurs, ses espérances. Tout cela s’entremêle en nous avec ce qui nous a touchés, heurtés, nourris. C’est comme si nous nous penchions au-dessus d’une rivière, captés par ces reflets mouvants, qui surgissent de très loin ou en quelques heures. C’est la profondeur de ce lit que nous ne comprenons pas toujours, parce que tant de choses d’ici et d’ailleurs, d’hier et d’aujourd’hui s’y mélangent. Tout cela pousse à tenter d’élucider, de faire résonner les mots, d’explorer leur mélodie secrète.
Oui, dans mon cas, il y a alternance de la poésie et du roman. Cela tient aux expériences que je viens d’évoquer. L’une ou l’autre m’appelle, me surprend avec ce que ce mystère a de séduisant, de puissant.
Le roman peut rejoindre par instants la densité, l’intensité du poème. Mais l’un et l’autre se déploient selon des temporalités différentes. Le poème existe selon une fulgurance qui lui est particulière. Mais l’écriture d’une manière générale n’est-elle pas vouée à déplacer ses propres frontières pour explorer plus loin de nouveaux espaces où tout se redéfinit ?

Cécile Oumhani, Les Tigres ne mangent pas les étoiles, Elyzad, 2024, 160 pages, 16€50.

Ton engagement humaniste t’a conduite à venir en aide à des auteur-e-s en danger, à porter leur voix, à veiller à ce que leur vie soit sauve. Est-ce que pour toi cet engagement va de pair avec l’écriture ? Est-ce qu’écrire c’est combattre ? Comment t’a-t-il été possible de prendre position et de lutter ?
Écrire un poème ou un roman, ce n’est pas écrire un manifeste ou un pamphlet. La part de l’imaginaire et sa liberté échappent au raisonnement, à la prise de position délibérée. Elle est plus vaste, voire insaisissable. 
Alors où intervient l’engagement, le cri de protestation ? J’écris aussi parce que je suis interpellée, bouleversée par des personnes, par les situations qui leur sont faites. Ce sont des moments spécifiques sur mon chemin d’écriture.
Être écrivaine, poète ne signifie en aucun cas que je ne suis pas aussi une citoyenne, une citoyenne du monde. Être lu donne potentiellement un poids aux mots que nous écrivons. Nous avons une responsabilité, une place à donner à ces mots-là. Oui, ils peuvent avoir leur effet. Sinon pourquoi tant d’écrivains, de poètes seraient-ils depuis toujours et un peu partout empêchés, réduits au silence, voire emprisonnés ? C’est donc que les mots que l’on écrit peuvent dire, voire changer les situations. Ils ont en tout cas le pouvoir de rendre une visibilité à celles et ceux que l’on voudrait effacer.
Peux-tu évoquer ton dernier roman, Les Tigres ne mangent pas les étoiles ? Quelle place occupe-t-il dans ton œuvre ?
Il s’agit de deux femmes, qui a priori n’avaient pas de raison de se rencontrer. La narratrice européenne est en route vers l’Inde, où son père, récemment décédé, a passé les premières années de sa vie, pendant le Raj britannique. Elle rate sa correspondance au Moyen-Orient et croise par hasard une Afghane, exilée en Allemagne, en chemin vers Kaboul, pour voir son père malade. C’est une rencontre entre les langues et les lieux. L’une et l’autre sont assombries, mais parvenir à se parler va les aider à traverser les ombres.
Ce roman est né de la conviction que cette humanité qui est la nôtre peut nous rapprocher, parfois dans les circonstances les plus inattendues. J’ai délibérément donné une place à la poésie en ponctuant les chapitres de citations de poètes du monde entier. L’Irakien Es-Sayyâb, l’Afghan Majrouh, Rose Ausländer, Rabindranath Tagore… Est-ce dans la mélodie secrète de la poésie que se rejoignent les imaginaires ? J’ai été souvent étonnée de constater dans les festivals internationaux que j’étais touchée par des poèmes dits dans des langues que je ne parle pas, mais dont la musique portée par une voix me touchait.
J’évoque aussi Berlin, à l’époque du Mur qui séparait la ville en deux. Le roman paraît bientôt en allemand et ce que m’ont dit ma traductrice et mon éditeur de cette partie allemande du livre m’émeut beaucoup. J’ai ressenti en écrivant l’urgence de faire vivre ces bribes gardées  de mes fréquents séjours à Berlin dans les années 1980.
Penses-tu que la parole romanesque touche plus que la parole poétique ? Ou bien est-ce différent, et en quoi ?
Je ne dirais pas que l’une touche plus que l’autre. Elles le font différemment et chacune dans la temporalité qui lui est propre. Ce qui prime, c’est le rapport à l’écriture, l’incandescence que l’on cherche à donner aux mots, les variations d’intensité que l’on cherche. De plus, les frontières entre l’une et l’autre sont en constante redéfinition. L’écriture est aussi une expérimentation avec les mots que l’on fait bouger, migrer,  pour qu’ils vivent, pour en explorer les zones inconnues.
Penses-tu que la littérature permette de fédérer, de former une communauté planétaire capable de lutter contre les injustices criantes et les exactions commises dans de trop nombreux pays aujourd’hui ?
Merci !
La littérature nous rapproche. Les mots ont le pouvoir de franchir les frontières. Leur souffle nous ouvre sur ce que nous ignorions, au-delà de nos indifférences, de nos aveuglements. On rejoint ici à nouveau l’intimité que les mots créent avec des expériences que nous n’avons pas vécues directement. Un poème, un roman ont parfois la force de pulvériser les cloisons qui nous séparent les uns des autres. Oui, en ce sens, la littérature peut changer le monde et c’est pourquoi elle fait peur. C’est pourquoi des livres ont été brûlés, interdits et le sont encore, avec des écoles, des bibliothèques, où des titres sont bannis du jour au lendemain.
Écrire, lire sont des espaces de liberté irremplaçables, à défendre coûte que coûte.

Présentation de l’auteur

Cécile Oumhani

Poète et romancière, Cécile Oumhani a grandi entre l’anglais et le français. Auteure d’une thèse de doctorat en littérature britannique consacrée à Lawrence Durrell, elle a été enseignant-chercheur à l’Université de Paris-Est Créteil. Son écriture aime à investir des lieux et des cultures autres. Elle participe à de nombreuses rencontres et festivals en France et à l’étranger. Elle est membre du comité de rédaction de la revue « Apulée ».

Parmi ses recueils de poèmes : Passeurs de rives, Mémoires inconnues et le dernier, La ronde des nuages, paru chez La Tête à l’Envers en 2022.  Elle collabore aussi avec des artistes, comme Maria Desmée, Wanda Mihuelac, ou encore Daphné Bitchatch, pour des ouvrages en tirage limité, dont des livres pauvres chez Daniel Leuwers.

Parmi ses romans : Une odeur de henné, Les racines du mandarinier ou encore Tunisian Yankee chez Elyzad.

Elle a reçu le Prix européen francophone Virgile 2014 pour l’ensemble de son œuvre.

Parfois traductrice, elle a récemment traduit une partie des poèmes de l’anthologie réunie par la poète afghane Somaia Ramish, protestation poétique de poètes issus de nombreux pays, contre l’interdiction de la poésie et des arts en Afghanistan. À paraître prochainement aux édition Oxybia.

@Thierry Hensgen/Institut français

Bibliographie 

Poésies
1995 : A l’abside des hêtres, Centre Froissart, Paris
1996 : Loin de l’envol de la palombe, La Bartavelle
1997 : Vers Lisbonne, promenade déclive, Encres Vives
1998 : Des sentiers pour l’absence, Le Bruit des Autres
2003 : Chant d’herbe vive, poèmes, avec des dessins de Liliane-Eve Brendel, Voix d’Encre
2005 : Demeures de mots et de nuit, Voix d’Encre
Automne 2008 : Chant d'herbe vive et Demeures de mots et de nuit, traduction en russe par Elena Tounitskaïa, aux Editions Kommentarii à Moscou.
2008 : Au miroir de nos pas, Encres Vives
2009 : Jeune femme à la terrasse, prose poétique, bilingue anglais-français, livre d'artiste avec trois originaux de Julius Balthasar, Al Manar
2009 : Temps solaire, avec des peintures de Myoung-Nam Kim, Voix d'encre
2009 : Los instantes silenciosos, traduction espagnole de Rodolfo Hasler, Pen Press, Ediciones, New-York/Buenos Aires
2011 : Cités d'oiseaux, accompagné des monotypes de Luce Guilbaud, La Lune bleue
2013 : La nudité des pierres, Al Manar
2015 : Passeurs de rives, La tête à l'envers (2ème édition en 2017)
2018 : Marcher loin sous les nuages, éditions APIC, Alger

Obtention du Prix Naji Naaman 2012, Liban, (poésie)

Nouvelles
1995 : Fibules sur fond de pourpre, Le Bruit des Autres
2008 : La transe et autres nouvelles, Collection Bleu Orient, Éditions Jean-Pierre Huguet

Romans
1999 : Une odeur de henné, Paris-Méditerranée (Paris) et Alif (Tunis)
2001 : Les racines du mandarinier, Paris-Méditerranée
2003 : Un jardin à La Marsa, Paris-Méditerranée
2007 : Les racines du mandarinier, traduction en croate de Mihaela Vekaric, Éditions Lvejak à Zagreb (Croatie)
2007 : Plus loin que la nuit, Éditions de l’Aube
2008 : Le Café d'Yllka, éditions Elyzad (Prix littéraire auropéen de l'ADELF 2009)
2009 : Koreni Mandarine, traduction serbe des Racines du Mandarinier par Olivera Jezdimirović, Stylos Art, Novi Sad
2010 : Il caffe di Yllka, traduction italienne de Francesca Martino, Barbes Editore, Florence.
2011 : Plus loin que la nuit, collection poche, Chèvre-Feuille Etoilée
2012 : Une odeur de henné, collection poche, Elyzad, (Prix Grain de Sel 2012)
2012 : L’atelier des Strésor, Elyzad, (Mention spéciale du Prix franco-indien Gitanjali, Prix de la Bastide 2013)
2013 : Café d’Yllka, traduction grecque par Barbara Papastavrou, Koukkida, Athènes
2013 :Tunisie carnets d’incertitude, Elyzad
2016 : Tunisian Yankee, Elyzad
2017 : Prix Maghreb-Afrique Méditerranéenne de l'ADELF pour "Tunisian Yankee"
2017 : Tunisian Yankee, finaliste du Prix Joseph Kessel
2018 : parution d'une traduction allemande de "Tunisian Yankee" par Regina Keil-Sagawe chez Osburg Verlag

Essais
2004 : À fleur de mots : la passion de l’écriture, Chèvre-Feuille Étoilée

Collectif
2007 : À cinq mains, nouvelles, avec Emna Belhaj Yahya, Rajae Benchemsi, Maïssa Bey et Leïla Sebbar, Éditions Elyzad (Tunis).

Prix
Prix européen francophone Virgile 2014 décerné pour l’ensemble de son œuvre.

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