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Festival Poët Poët 2022

Ce festival est né d’un pari fou entre copains amateurs de poésie il y a 16 ans. L’idée de son nom vient de la lecture d’un poème de Léon-Paul Fargue, L’Air du poète, mis en musique par Erik Satie.

En 16 ans, le festival s’est transformé. Les trois premières années, c’est par le spectacle vivant et l’art de la performance que la poésie contemporaine a circulé. Puis nous avons affiné – et affirmé – d’année en année sa direction artistique dirigée alors vers des problématiques de fond et de forme : inviter des poéte.sse.s vivant.e.s en leur donnant une fonction de parrain ou de marraine, expérimenter les dimensions livre/hors du livre, les actions in situ / ex situ, maintenir l’approche transdisciplinaire, développer les publics, affirmer la place du poète au cœur de la cité, occuper poétiquement les espaces d’un territoire hétérogène.

Les Journées Poët Poët sont le seul festival avec de telles ambitions dans les Alpes-Maritimes. Le contexte sanitaire n’a fait que confirmer notre volonté d’agir car la poésie vivante est essentielle,  et place est donnée au pouvoir fraternisant des mots. Le soutien du Centre national du livre, aux côtés des institutions fidèles depuis le début, à ce festival permet de se consacrer avec confiance et enthousiasme à de nouvelles pages à écrire.

Cette année, le thème du Printemps des poètes est “l’éphémère” : le miracle de l’instant se multiplie-t-il à l’infini ? Alors un programme éclectique nourri d’actions inédites et éphémères est proposé  : installations d’écoute poétique sur le littoral et jusque dans les vallées, lecture musicale

Réalisation Chiara Mulas.

Le Poët Burö : Morgane Attento, Christelle Ceccon, Marie-Hélène Clément, Éric Clément Demange, Olivier Debos, Murielle Gnutti, Gabriel Grossi, Hoda Hili, Frédéric Loison, Sandrine Montin, Morgane Mortelmans, Ariel Osvaldo Tonello, Sabine Venaruzzo.

Vous pourrez cette année au lever du soleil de printemps, sur la plage, découvrir une Petite Maison de Poësie itinérante, un bal éphémère, un atelier d’écriture et / ou une sieste poétique à 700 mètres d’altitude, “une table ronde qui tourne comme la terre” où dialoguent poètes et médecins, des lectures et performances, avec chaque fois la rencontre de textes, d’auteurs, d’ar- tistes.

Cette année encore, le festival Poët Poët accueille des voix nouvelles venues d’ailleurs : Laurence Vielle, poétesse et comédienne belge, qui est notre marraine*; Dimitri Porcu, poète franco-italien et musicien ; les éditions de l’Aigrette, maison indépendante ; Chiara Mulas, performeuse et plasticienne sarde, dont nous accueillons l’exposition Coronomask et sa poésie-action ; Jean-Pierre Siméon, porte-voix militant d’une poésie vivante pour tous et partout. Et, car c’est aussi une des marques de fabrique de ces manifestations, les poètes d’ailleurs ne sont pas seuls à intervenir, il est demandé à des poètes et artistes pluridisciplinaires d’ici d’intervenir de concert, d’accompagner et d’enrichir les performances.

Cette année encore les fidèles partenaires, lieux et institutions, ainsi que de nouveaux liens dans les vallées de la Tinée et l’Estéron permettrons d'enrichir les multiples manifestations proposées. C'est affirmer une fois de plus ce qui tient à cœur à tous les membres du Poët Burö  : la convivialité, la chaleur et l’amitié qui les réunit et dont ils souhaitent entourer leurs invités.

Vive la Pouasie ! Vive la Poësie ! Restons curieux et poëtons ensemble ! Bon festival !

L’affiche 2022 a été réalisée à partir d’une œuvre de Chiara Mulas.

PROGRAMME




Marie-Ange Sebasti, Le Phare inextinguible

Marie-Ange Sebasti nous a quittés hier. Née à Lyon où elle a vécu, elle était chercheuse habilitée à diriger des recherches (HDR) en lettres classiques, mais également l’auteure de publications dans le domaine de la littérature grecque de l’Antiquité tardive.

"Elle s’est toujours consacrée à l’écriture. Elle publie des poèmes, de courts récits, est accueillie dans diverses revues, des anthologies, et collabore avec d’autres artistes." On trouve ces quelques mots sur son site personnel, http://www.marieangesebasti.fr. Un lieu discret et clair, qui lui ressemble, et qui laisse tout l'espace au visiteur, au lecteur. Car elle était ainsi, elle offrait sa voix, contenue tout entière dans le poème, à ceux qui la lisaient, l'écoutaient. Membre du CA de la Maison de la Poésie Casa di à puisia de Corse, et présente dans de nombreuses manifestations où elle pouvait partager généreusement sa passion, elle laisse une œuvre importante, limpide et intense, bien au-delà de toute considération anecdotique, mais qui énonce dans chaque vers l’immense périple de l’humain, chacun, et tous. 

Entretien avec Marie-Ange Sebasti, poète. Entretien préparé et mené par Chantal Ravel pour les Coïncidences poétiques le 9 mai 2019.

Le phare inextinguible
Le sémaphore infatigable
signalant l’embellie des prochains sillages

La tour qui prévient de l’orage
et proclame les mots 
des anciens seuils

Mon nécessaire de voyage

Extrait de « Notre héritage n’est pas forteresse », Méditerranéennes 12, été 2001.

 

Marie-Ange Sebasti sur Recours au poème

Feuilletons… Rome DEGUERGUE, Marie-Ange SEBASTI, Chantal RAVEL Christophe SANCHEZ, Gérard BOCHOLIER, par Marilyne Bertoncini.

Anthologie Le Courage des vivants, par Carole Mesrobian.

Présentation de l’auteur




Jeanine Baude, Les vagues lui appartiennent

Jeanine Baude nous a quittés hier, dans le silence de cet entre deux week-ends de fêtes. Elle était poète, critique, voyageuse et femme libre et brillante comme une comète tombée sur la terre.

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J’aurai fumé beaucoup comme fait l’amour, tendu l’arc sur la dérive, les cathédrales, les concerts, suivi le marin, son rafiot. Les vagues m’appartiennent. La bonté se chante sur le noir passage, les vitraux, le vertige, le nez du vent, la couleur, la camarde observant semaine après semaine cette cadence, le paludisme peut-être ou la peste, ce fut la joie.

Le Chant de Manhattan, Seghers, Poésie, 2006

Poète et critique, née le 18 octobre 1946 à Eyguières dans les Bouches du Rhône Jeanine Baude après un D.E.A de Lettres Modernes (Aix-en-Provence U1) occupe un poste de D.R.H. dans une entreprise privée pendant plus de vingt années à Paris. Elle est originaire des Alpilles, et "a suivi la route des rocs d’est en ouest et revient depuis Saint-Rémy de Provence et Cassis, des Hautes-Tatras à la Pointe de Pern, d’Ouessant à New York sur le lieu de houle intime : le poème"1. Elle aime à dire « J’écris avec mon corps, je marche avec mon esprit » ou bien « Je commets le délit d’écriture ».

Elle laisse de magnifiques recueils comme Le Chant de Manhattan, Seghers, 2006, L’Adresse à la voix, Rougerie, 2003, Ile Corps 0céan, co-édition L’Arbre à Paroles-Écrits des Forges-Phi, (Belgique,Canada, Luxembourg) collection l’Orange Bleue, 2001, Incarnat Désir, Rougerie, 1998, Océan, Rougerie, 1995, C’était un paysage, Rougerie, 1992 (Prix Antonin Artaud 1993), Ouessanes, Sud, 1989... 

Jeanine Baude, Poème n°4,  (poème, extrait de Oui, par l'auteure) 18ème Festival DécOUVRIR, édition numérique, chaque mercredi du 3 juin au 2 septembre En partenariat avec France 3 Nouvelle Aquitaine.

Des récits et textes en prose : New York is New York, Tertium Éditions (ex Éditions du Laquet) 2006, Colette à Saint-Tropez, Langage et volupté, Images en Manœuvre Éditions, 2004, Venise Venezia Venessia, Éditions du Laquet, 2001 (Réédition en 2002) et Venise Idylle, Rapport d’étape, Venise, 2002. Ses essais comme Andrea Zanzotto, Revue H.i.e.m.s n° 9, 2002, L’insoutenable légéreté du poème, (4 poètes slovaques, Turan, Bielik, Zbrúz, Litvak) Revue L’Arbre à paroles n° 109, Belgique, 2000, Minéral Minimal, Revue Sud n° 110-111, 1995 ou Correspondance René Char - Jean Ballard 1935-1970, préfacée et annotée, Rougerie 1993 ouvrent des perspectives inédites sur le langage et sa mise en œuvre particulière chez les poètes abordés. 

A côté de livres d'artiste comme par exemple Le Fleuve trop longtemps, avec Maya Boisgallays, Éditions Transignum, 2005, Le Bol du matin, avec Serge Plagnol, Éditions Tipaza, 2003 , Omphalos, avec Dominique Romeyer, Éditions Nan’Nigi, 2002, Un Bleu d’équinoxe et Labiales, avec Michel Carlin et Jean-Paul Chague, Éditions A.B. 2001, Hiéroglyphes, avec Jacques Clauzel, Éditions À Travers, 2000, elle collabore à de nombreuses revues européennes et étrangères. 

Membre du comité d’édition de la revue Sud de 1992 à 1997, membre du comité de rédaction de la revue L’Arbre à paroles, de nombreux extraits de ses œuvres ont été traduits en anglais, italien,biélorusse et slovaque…

De nombreuses publications en revue et universitaires lui ont été consacrées : en 1995  paraît un article dans une publication de la Dalhousie University, Halifax, N.S. Canada par Michaël Bishop, Contemporary French Poets, volume II, “ from Hyvrard and Baude to Etienne and Albiach” Atlanta, Éditions Rodopi ; en 1997 une article dans P.N. Review (Manchester, Angleterre), Oceanic Feelings par Roger Little (University Trinity College, Dublin, Irlande) ; en 2006 Elle en île, dossier littéraire autour de l’œuvre de J.B., Revue Décharge n° 128, et en 2003 dans la revue Littéréalité, Toronto, Canada, paraît une interview avec John Stout (Université de Mac Master, Hamilton, Canada).

Jeanine Baude parle de son recueil Juste une pierre noire, paru aux Éditions Bruno Doucey en 2010. Editions Bruno Doucey.

Jeanine Baude sur Recours au poème

Poèmes

Le Chant de Manhattan (3 extraits)

Juste une pierre noire

Île corps océan Isla cuerpo océano

Articles

Claude Ber, Jeanine Baude, Oui

Fil de Lecture de Lucien WASSELIN : sur Jeanine BAUDE

Joëlle Gardes, Jeanine Baude : Soudain

 

Café littéraire de La Rumeur libre n°1, Jeanine Baude, Juin 2021.

Capsule du Café littéraire de La Rumeur libre, Jeanine Baude lit des extraits du recueil  Les Roses bleues de Ravensbrück, le 3 juin 2021.




Au cœur du poAime

Pour les Nuits de la lecture 2022 Recours au poème organise un florilège de lectures poétiques autour de thème de cette année, l'amour.

Ces prochaines Nuits de la lecture, organisées par le Centre national du livre sur proposition du ministère de la Culture, se tiendront du 20 au 23 janvier 2022, au cours de quatre soirées, avec un temps fort le samedi 22 janvier. Ces Nuits de la lecture sont plus que jamais nécessaires pour partir à la conquête de nouveaux lecteurs et réaffirmer la place essentielle du livre et de la lecture dans nos vies.

Du jeudi 20 au dimanche 23 janvier 2022, le public sera invité à se réunir à l’occasion de milliers d’événements physiques et numériques, autour du thème de l’amour qui épouse l’injonction de Victor Hugo : "Aimons toujours ! Aimons encore !". Les bibliothèques, les médiathèques, les librairies, mais également les musées, les théâtres, les établissements scolaires et universitaires, les structures pénitentiaires et médico-sociales, le réseau des établissements culturels français et les librairies francophones à l’étranger, seront invités à mettre à l’honneur, au cours de quatre soirées, le plaisir de lire et de partager amour des livres et livres sur l’amour !

Photo de une © mbp




Au cœur du poAime

Pour les Nuits de la lecture 2022 Recours au poème organise un florilège de lectures poétiques autour de thème de cette année, l'amour.

Ces prochaines Nuits de la lecture, organisées pour la première fois par le Centre national du livre sur proposition du ministère de la Culture, se tiendront du 20 au 23 janvier 2022, au cours de quatre soirées, avec un temps fort le samedi 22 janvier. Ces Nuits de la lecture sont plus que jamais nécessaires pour partir à la conquête de nouveaux lecteurs et réaffirmer la place essentielle du livre et de la lecture dans nos vies.

Du jeudi 20 au dimanche 23 janvier 2022, le public sera invité à se réunir à l’occasion de milliers d’événements physiques et numériques, autour du thème de l’amour qui épouse l’injonction de Victor Hugo : "Aimons toujours ! Aimons encore !". Les bibliothèques, les médiathèques, les librairies, mais également les musées, les théâtres, les établissements scolaires et universitaires, les structures pénitentiaires et médico-sociales, le réseau des établissements culturels français et les librairies francophones à l’étranger, seront invités à mettre à l’honneur, au cours de quatre soirées, le plaisir de lire et de partager amour des livres et livres sur l’amour !

Recours au poème se propose donc de participer à cette émulation pour porter le livre et la lecture, et plus encore la poésie. La rubrique Poètes et poèmes de notre revue permet de faire découvrir aux lecteurs des auteurs contemporains francophones et internationaux. Certains de ces poètes seront invités à lire des poèmes créés pour la thématique de cette nuit de la lecture 2022 qui a motivé le titre de l'événement, "Au cœur du poAime". Après une courte présentation ils seront invités à partager leurs poèmes. La francophonie sera représentée avec des participants français, québécois, belges, antillais, etc... Nous inviterons également des poètes internationaux lus dans leur langue originale et en version française.

Photo de une © mbp.




Le Prix Apollinaire 2021

Le Prix Apollinaire est sans doute le plus ancien et le plus prestigieux prix de poésie. Il fut un temps où, présidé par Jean Cocteau, sa remise constituait un événement majeur de la vie littéraire. Sous l'impulsion de Robert Sabatier, il a longtemps entretenu avec le Prix Goncourt (qui lui apporta même un temps un appui financier) des liens privilégiés, le jury se réunissant chez Drouant et comptant en son sein plusieurs jurés du Goncourt.

Forts de son histoire et de son palmarès de haute tenue qui de Seghers à Claude Roy, de Lorand Gaspar à Senghor, de Bernard Noël à Frédéric Jacques Temple ou Bernard Chambaz par exemple, a su distinguer les grandes voix contemporaines, nous œuvrons avec détermination, soutenus par des mécènes convaincus, à rendre au Prix Apollinaire un écho et un rayonnement nouveaux. Ce sera un signe parmi d'autres du retour nécessaire et urgent de la poésie dans le paysage culturel.

Jean-Pierre Siméon

Cette année, le Prix Apollinaire 2021 est attribué à André Velter 
pour son recueil Séduire l’univers précédé de À contre-peur (Ed. Gallimard).

Le Prix Apollinaire Découverte 2021 revient à Jean D’Amérique pour son recueil « Atelier du silence », publié chez Cheyne Éditeur. Ce prix couronne un jeune auteur particulièrement remarquable aux yeux des membres du jury.

Décerné aux Deux Magots depuis sa création en 2017, ce prix couronne un jeune auteur particulièrement remarquable aux yeux des membres du jury.

Photo de Une Cheyne éditeur.

Jean d'Amérique, Atelier du silence, Cheyne éditeur, 2021.

Présentation de l’auteur

Présentation de l’auteur




Sommaire du numéro 211 — dossier spécial La poésie en temps de crise

La crise sanitaire qui a secoué la planète a duré deux années. En France, comme d'ailleurs dans bien d'autres parties du monde, la pandémie due au Covid 19 a donné lieu à des mesures inédites : confinements, fermetures des lieux publics, et jauges réduites lorsqu'il a été possible de sortir à nouveau. 

L’impact de cette crise sanitaire a touché tous les acteurs qui contribuent à faire exister la poésie. De sa production à sa publication les éditeurs, majoritairement indépendants, mais aussi les imprimeurs, les poètes et les distributeurs, les acteurs et les performeurs, ont subi la fermeture puis l'accès restreint des scènes, des théâtres, et de ces lieux d’échanges que sont les Festivals, les Marchés, les rassemblements et colloques, où il est possible de rencontrer  le public. 

Comment la poésie a t-elle passé ces périodes qui ont considérablement restreint les accès qui lui étaient ouverts auparavant ? Quels impacts ont eu les fermetures et interdictions sur les acteurs de la chaîne du livre, et sur la poésie, de manière générale ? Notre dossier propose des enquêtes, des entretiens, et des articles où nous avons donné la parole à despotes  des éditeurs, des organisateurs ou des libraires, afin qu'ils partagent avec vous cette traversée du désert. 

Photo © Marilyne Bertoncini.

Annie Estèves rend compte de cette période durant laquelle La Maison de la poésie Jean Joubert et ses partenaires en période de “distanciel” ont fait face à des fermetures qui ont bouleversé leurs programmations. Un éditeur, Guillaume Basquin, nous confie les difficultés rencontrées à son échelle d'éditeur indépendant, qu'il évoque à l'occasion des quelques lignes confiées à Recours au poème, Des difficultés de l’édition indépendante en temps de syndémie Covid-19, constats que  l'enquête que Christine Durif-bruckert a menée auprès d'éditeurs et de libraires corrobore et enrichit, propos recueillis et restitués dans son article L’édition indépendante dans la tourmente du covid. Carole Mesrobian dans son édito se penche sur les résultats de plusieurs enquêtes qui rendent compte de l'impact de cette période sur les acteurs du métier du livre, et surtout sur La poésie, En ce siècle cloué au présent . Ces mêmes problématiques sont le centre de l'entretien présenté dans notre rubrique Rencontres :  Le Marché de la Poésie d’après : rencontre avec Vincent Gimeno-Pons. 

Vous pourrez également dans nos rubriques habituelles trouver en Focus un très bel entretien avec Jean-Marc Barrier, mené par Marilyne Bertoncini, La Rue infinie, la Chronique musicale de Rémy Soual, qui cette fois-ci évoque Gérard Manset, Le Voyageur solitaire, et la Chronique du veilleur n°43 consacrée à Jean-Pierre Lemaire. Des critiques et des Revues des revue, augmentées tous les quinze jours, complètent ce sommaire de fin d'année, que nous vous souhaitons paisible et riche en libertés retrouvées. Merci pour cette année 2021 auprès de Recours au poème.




La Perte du temps, Werner Lambersy

Werner LAMBERSY vient de nous quitter, le 18 octobre. Aucun mot ne suffira à dire combien est grande la perte de cet immense poète et homme, homme et poète, celui que Philippe Bouret appelait "L'orpailleur de l'ombre" et à qui il avait dédié cet article paru dans la revue A Littérature-Action. Nous le publions ici, pour rendre hommage à celui qui nous manquera irrémédiablement.

Werner Lambersy, l’orpailleur de l’ombre

Rencontrer Werner Lambersy, c’est se laisser griffer par l’écriture d’un magicien, d’un bâtisseur qui prétend que la mélancolie est son fond de commerce. L’ivresse ne se fait pas attendre, elle s’impose quand l’oreille commence à parler. Alors la voix du silence incise l’intérieur du mur de notre ignorance et vient effleurer notre désir de savoir. Lambersy ne recule pas, il cherche l’épine du bout des lèvres pour intercepter la morsure primordiale de la langue avant le phonème du premier chant. Il montre.

On a déjà tout écrit. Mais ce n’était pas moi…Et ça change tout. Alors Werner Lambersy mord la langue à pleines dents jusqu’à l’os. Au creux de son palais, dans un mélange de salive et de cailloux, cet orpailleur de l’ombre, des ténèbres même, traque la signature du réel et mâche la lettre pour en extraire la sève. « Jamais le poème n’a perdu le réel de vue »

"La déclaration", publié en avril 2018 comme Livret d'Artiste par Rougier V. éditions, accompagné des peintures de Vincent Rougier. Morceaux choisis et lus par Cathy Garcia Canalès.

Sur les Takkimes pré-achéménides - briques inscrites de Mésopotamie - une partie du texte demeure cachée au regard dans une signification qui ne se boucle pas. Le secret est emmuré. Serait-ce le lieu de « l’imprononçable » cher à Lambersy qui serait ici épinglé, celui de l’inscription dans un en-creux du corps qui reste à découvrir ou à ignorer à tout jamais ?

La beauté chez lui est insue, mais elle est supposée. Elle n’existe pas et ne se soutient que d’être la cause du désir qui la vise sans jamais l’atteindre. La beauté C’est d’abord ce qui se désire.

Dans Conversation à l’intérieur d’un mur, le poète n’est pas dupe et nous conduit vers un effacement dont la trace reste le dernier rempart contre le discours du maître. Sa découverte des pierres inscrites de Sumer oriente son écriture et la mise en page de ses textes. Werner Lambersy « écrit comme une brique » et aligne ses tristiques et ses strophes de quatre vers comme on élève une muraille. Le lecteur est prévenu.

Poèmes
Où jamais ne savoir
Ce qui vraiment est écrit
Conversation
À l’intérieur d’un mur
Pour que personne n’entende

« Les briques sont tournées, avec le secret vers l’intérieur. Le texte est dans le mur…[…] Je me suis dit qu’il serait bien de parler à quelqu’un dans le secret du mur » C’est ce que Werner Lambersy dit dans Ligne de fond et c’est à moi qu’il a choisi de s’adresser . Alors, grâce à lui, je suis entré à l’intérieur du mur.

Engagé, décidé et sans relâche, il cherche l’épine dans le roncier des âmes, il caresse d’une main ferme la morsure primordiale de la langue sur le corps, au bord de la chair muette quand n’a pas encore jailli le phonème d’avant les mots. Werner Lambersy est un homme du fragment, de la coupure, de la schise. Il est là où ça s’écrit en silence au plafond, la nuit. Qu’il s’agisse de celui de sa chambre ou de celui du monde, il est là au bon moment, il est là quand le poème arrive comme une encre blanche, comme la marque de la soie sur la peau du féminin. Et parfois non…ça n’arrive pas.

Parmi les choses..., Werner Lambersy textes lus par jlmi.

Le poème serait donc une tentative de lire ce qui est écrit à l’intérieur du mur, la conversation sans pourquoi qui pourrait advenir. Mais, le poète n’est pas dupe… Le livre... Serait une suite de pages... Blanches… même s’il parvient à nous faire croire le contraire.

Werner Lambersy est un maître de l’illusion et à partir du moment où il déclare que nous n’avons point besoin de mentir, puisque les mots le font pour nous, il nous embarque dans son oeuvre et dénonce en même temps que « l’art est une filouterie » comme disait Mallarmé. Le poète Lambersy nous mène dans un bateau qui prend l’eau, il nous le dit, il nous montre les trous dans la coque, les déchirures dans les voiles, la cale vide et cependant et nous y croyons quand même et nous montons à bord. Rares sont les poètes qui vont jusque là, au littoral abrupt des non-dupes.

Dans Conversation à l’intérieur d’un mur, d’emblée, comme un avertissement, on annonce la couleur.

Lui, le poète, qui n’a peur de rien – peut-être un peu de la psychanalyse – sait cette capacité du mot à miroiter pour l’alouette, à user du trompe l’œil pour mieux dissimuler. Lambersy ne serait-il pas lui-même cette lettre inscrite à l’intérieur du mur, à jamais dans l’ombre jusqu’à ce que le temps et la ruine laissent apparaitre quelques traces, quelques restes de la calligraphie du pauvre, une vérité pas-toute, usée par le temps. Il suit ainsi Lautréamont : « Écris, mais fais en sorte qu’on ne te retrouve jamais ».

Werner Lambersy est dans cette veine-là, et avec elle, il fait œuvre de poésie. Il indique mais ne dévoile pas. Il s’appuie sur son expérience vécue et sur l’expérience de l’écriture sans dissocier l’une de l’autre. Comme il est un corps parlant, Lambersy est un corps écrivant qui ne peut s’arrêter d’écrire sans pourquoi, laissant toujours le recours à l’artifice en suspend. Quand Mallarmé tente de descendre au plus bas du langage et taille à vif dans le corps de la phrase pour ne garder que l’indispensable, Lambersy nous entraine dans ses tours de passe-passe, soutenu par une éthique magistrale. Il s’interdit d’utiliser l’artifice du mot de manière inadaptée. Si le corps sait que les mots mentent, le poète, lui, s’impose un respect, car derrière le jeu de l’illusion il déplie page après page la grande question de l’inscription. Alors respect !

DC 10, Werner Lambersy dit par Werner Lambersy.

Déjà
Ce que j’écris
S’efface en l’écrivant
Comme une lampe
Encore chaude
Que la lumière a fui
Un phare
Qui ne sait plus
Où la mer s’est retirée
Un oiseau
Qui se retourne
Et ne voit rien du vent
Qu’il a brassé

Le rideau se lève. Apparait alors le magicien-poète qui nous fait le coup de « La femme coupée en deux », un classique. Là où Céline et Mauras nous indiqueraient que la femme peut être réellement coupée en deux, Lambersy se l’interdit, il dénonce la supercherie, il montre « y a un truc » et pourtant on y croit. C’est là tout son talent, c’est là toute son éthique :

La fine épée de l’éphémère
Tout ça, grâce à l’amour
Des océans de plumes sur
La peau enfantine
De nos âmes

Dans le recueil, le lecteur est invité à l’intérieur même du mur, car c’est avec lui et là que le poète veut avoir une conversation. Il le convoque et veut lui montrer le lieu où ça s’écrit. Là où l’illusion langagière est dénoncée dans un mi-dire du dévoilement... dans un pas-tout de la fallace.

Lambersy ouvre au lecteur les portes de lui-même où, confronté à la langue il n’a de cesse de faire l’expérience du trou, de l’imprononçable à chaque trait de plume renouvelé. « Ça ne cesse pas de ne pas s’écrire » dit Lacan.

Alors, moi, lecteur, je lis plusieurs fois, je consens à suivre le poète, mon étrange et mon semblable qui me conduit vers « Le silence du langage ». Là, il ne me laisse plus le choix, je m’engage ou je fuis. Alors je progresse avec lui vers le lieu où « Quelque chose se tait. Quelqu’un peut-être ? Quelqu’un d’autre ? Quelque chose se tue à parler.» - dit Lili Frikh - et que seule l’expérience de l’écriture permet d’atteindre, parce qu’elle est une « expérience limite ». Lambersy m’a dit un jour « La poésie est un sport extrême » et immédiatement il a disparu. À cet instant, j’ai su dans mon corps que pour lui, « Se cacher » fait œuvre de poésie. J’étais arrivé en ce lieu où la conversation à l’intérieur du mur acquière la puissance du coup de foudre. C’est alors que nous avons pu parler sans mots et à voix haute. Car c’est là que le « ciseau du souffle » opère. Le transmetteur de l’élan créateur – qui reçoit sur la tête la force d’un amour sans nom – fait à la fois œuvre de gravure et d’occultation. Il creuse son sillon hors de la vue, mais pas hors du regard de l’autre. Charge au lecteur de ne pas se retrouver à tout jamais emmuré vivant dans un éternel monologue avec la nuit.

Un jour, peut-être la brique inscrite renaîtra-t’elle de la ruine…avec obstination ?

Conversation à l’intérieur d’un mur est un tour de prestidigitation exécuté à mains nues et sans filet, là où s’abreuvent les poètes « à des sources qui ne sont pas encore accessibles à la science » disait Freud. Le psychanalyste, « Homme vulgaire » - toujours Freud - est alors saisi. Puisse- t’il demander, questionner, quémander pour obtenir quelque grain à moudre et ouvrir son moulin au champ de l’autre ; extraire le savoir léger emporté par le vent du désir et le faire sien comme un savoir nouveau.

Werner Lambersy écrit le corps défendu de la langue du père avec les mots, le désir et « la musique à bouche » de la mère, ces signifiants de la rencontre avec le réel dont le corps du poète se souvient. Car ce sont les mots de la mère qui viennent dire l’horreur.

« Même si je ne me rappelle pas le moment, je me souviens très bien de la chose…[…] c’est inscrit dans mon corps, c’est un souvenir du corps qui me permet de dire « Je me souviens » déclare t’il dans Ligne de fond. Le cri lui permettra de passer outre la question du Nom-du-Père, ce cri, qui avant toute signification, le sauve.

Lambersy montre à ciel ouvert le leurre dont il fait usage. C’est à l’intérieur du mur que ça se passe, que ça se dit, que ça se dénonce, que ça s’inscrit dans un dialogue avec l’éternité. Le lecteur ne perçoit que le souffle d’un désir d’écrivain qui lui demeure inaccessible. Consent-il à rejoindre le poète à l’intérieur du mur pour espérer, un jour lire quelques bribes de ce qui est là, inscrit ? Une errance à la Blanchot, une errance qui est erreur. C’est quand le sujet est perdu que la rigueur advient. « J’écris comme une brique » dit Lambersy. Doit-on le croire ? Pour le savoir, il faut miser.

Dans Conversation à l’intérieur d’un mur, le maître de l’illusion est aussi un homme de la colère, car il est l’enfant de la morsure, celle qui est aux fondements de l’humanité, aux prémices de sa propre humanité. Le signifiant a fait effraction dans son corps et a marqué l’enveloppe charnelle du petit enfant en uniforme noir. Confronté aux habits du père qu’il se verra offerts par le père lui-même (L’uniforme d’Officier de la Waffen SS en papier crépon et taffetas noirs) pour un carnaval macabre et mortifère, le sujet Lambersy a opéré une substitution en tissant de nouveaux vêtements avec les mots pour que le monde soit vivable. Depuis, il combat sans relâche les discours et les régimes totalitaires. Il dénonce l’usage du mot-propagande en lui opposant le mot-poème. Le versant politique est là, dans ce recueil, inscrit sur les briques, écrit par les briques. Werner Lambersy ne recule pas devant le réel, il est celui qui demeure toujours aux côtés…

Lecture confinée 11 : Werner Lambersy.

De ceux
qui avaient perdu leurs ailes
Les hommes
Dans les hachoirs à viande
De l’argent
De la guerre et du pouvoir
Faisant ce qu’ils pouvaient

Écrire, c’est sauver sa peau coûte que coûte. Pour cela il faut parier sur le désir et sur celle qui le cause : La Femme. Même si Werner Lambersy prétend que l’amour est …

Imprononçable à force
D’être lavé
Dans la machine des mots

… il écrit Pour Patricia et là, les tristiques nous happe.

Amants
Qui reculez
Dans la lumière aveugle
Comme on avance
Vers l’abîme ténébreux
du début
Soyez
L’arbre dans les quatre
Eléments la ronde
De l’aubier tendre
Sous l’écorce des nuits
Le rire aussi
De la feuille qui tremble si souvent
Et de ce trouble
Qui fouille dans l’espace

Werner Lambersy n’a jamais emboité le pas à la tragédie, jamais il n’a tenté de faire revivre au lecteur ce qu’il en est de la perte. À aucun moment de son œuvre il n’a mis en scène le tragique. Dans Conversation à l’intérieur d’un mur, le poète Lambersy n’a de cesse de jouer sa propre tragédie et d’écrire son destin. Comprenne qui pourra…

Et un jour, si vous passez près d’un mur, collez votre oreille contre les briques, vous entendrez peut-être chuchoter Flamand ciseau du souffle ou bien seul le silence vous dira sa présence.

Je dis Werner Lambersy, ALT - philippe bouret.

Présentation de l’auteur




Je hurle mais tu ne réponds pas

Lecture de poésie féminine afghane.

"Nous, femmes poètes, nous n’avons d’armes que nos mots, de moyens de résistance et de liberté de parole que par nos poèmes, le plus souvent".

Pour soutenir dans un élan solidaire les femmes afghanes qui sont, depuis longtemps déjà mais particulièrement dans le contexte actuel, réduites au silence dans leur pays, nous souhaitons faire entendre leurs voix : 

des landays de femmes pachtounes exilées ou appartenant au cercle littéraire clandestin de Kaboul, le Mirman Baheer, aux poèmes en dari de femmes souvent assassinées d’avoir écrit comme Nadia Anjuman à qui Atiq Rahimi a dédié son livre Syngué sabour. Pierre de patience. Pour que sur la scène emblématique de la Maison de la Poésie, toutes accueillies, nous puissions dire la force qui nous unit en poésie à travers le monde, un ensemble de femmes dix-huit poètes françaises s'est constitué autour d’Husnia Anwari, journaliste franco-afghane et poétesse féministe, et Belgheis Alavi, enseignante chercheuse à l’Institut national des langues et civilisations orientales, qui liront sur scène accompagnées au rubâb par le musicien Kengo Saito.

Manifestation à l’initiative de Maud Thiria, organisée avec l’aide de Séverine Daucourt, qui se déroulera à la Maison de la Poésie, le dimanche 19 septembre à 17 heures.

Et le lien vers la réservation : https://www.maisondelapoesieparis.com/events/poesie-feminine-afghane/




Sommaire du numéro 210 — dossier sur poésie et performance

Comment envisager la rentrée, après les longs mois de confinement que nous avons vécus et qui ont gelé toutes les activités en public – lectures, théâtre, concerts… sinon en vous proposant un numéro « dynamique », qui interroge le versant le plus spectaculaire du monde poétiques, en lien avec le corps et le public : la performance.

Cette pratique ancienne, comme le retrace le focus de Marilyne Bertoncini fleurit en ce premier quart du 21 ème siècle dans des directions extrêmement variées : nous avons tenté, en interrogeant les acteurs, de vous donner un panorama, nourri de vidéos et de photos, de cette pratique en lien avec la poésie. Ainsi, Bonnie Tchein, qui travaille l'art performatif comme une recherche l'équilibre entre le mouvement et le silence se confie à Carole Mesrobian, qui nous offre également un focus sur Charles Pennequin 

© Marilyne Bertoncini.

Rémy Soual analyse les ouvrages de Julien Blaine ,  Patrick Dubost répond aux questions de Christine Durif-Bruckert, Sabine Venaruzzo, la demoiselle qui prend le pouls du poème, nous confie un entretien , Stéphanie Lemonnier décrit son travail à partir de son expérience chamanique, décrite dans son livre homonyme,  et Wald - butoh dance Anem De Nit, artiste plasticien dont le travail s’inspire de l’oeuvre de Pina Bausch et May Be de Maguy Marin (Créteil ‑1981) explique son cheminement vers la performance

Outre le dossier, nous vous proposons de découvrir la poésie de Nikolai Goumilev, dans la transcription d'un débat tenu au festival Voix Vives de Sète, Alice-Catherine Carls rend hommage à Adam Zagajewski, poète polonais majeur, disparu en mars 2021,  Jean-Marcel Morlat nous permet de rencontrer l’américain Thomas Krampf

Nous vous invitons également à vous plonger dans la poésie féminine géorgienne à travers l'anthologie de Boris Chabradzé , et découvrir l’espagnol Joaquin Campos,  dans la traduction de Miguel-Angel Real . De son côté,  Martin Payette vous propose de relire la poésie de Gilbert -Lecomte 

Parmi les poètes invités de ce mois, Sabine Venaruzzo, Adam Zagajewski, qui font partie de ce dossier, mais aussi d'autres performeurs dont  Davide Napoli & Jean-Yves Bosseur  ainsi que Virginie Séba, et les poésies de Jean-Claude Meffre, Anumid Smoune, Richard Roos-Weil, Viviane Ciampi et Laurent Grison.

Vous retrouverez nos habituelles rubriques bimensuelles : revue des revues, critiques, dont la "minute lecture", et les publications sur youtube dont "li(V)re".

Nous vous souhaitons de belles lectures, et vous rappelons que les archives sont toujours consultables en passant par les onglets d’en-tête de Recours au Poème

La rédaction