Les années Covid ont entrainé des fer­me­tures et des restric­tions qui ont con­cerné des lieux où les édi­teurs de poésie avaient l’oc­ca­sion de présen­ter leurs livres et de les ven­dre. Librairies, fes­ti­vals, lieux où des lec­tures étaient organ­isées, tout a été fer­mé, reporté, empêché. Les con­séquences sont lour­des, et ceux qui con­sacrent leur vie à l’édi­tion et à la pro­mo­tion de la poésie en ont fait les frais, mal­gré les aides du gou­verne­ment. Aujour­d’hui ils sur­vivent, mais devront affron­ter une crise économique qui ne man­quera pas de faire suite à la crise san­i­taire. Nous leur avons demandé com­ment ils ont vécu, survécu à cette défer­lante de ces­sa­tions. Guil­laume Basquin con­seiller édi­to­r­i­al et co-fon­da­teur des édi­tions Tin­bad nous a répondu.

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La pre­mière dif­fi­culté pour l’édition, inimag­in­able aupar­a­vant pour tout esprit équili­bré et rationnel, fut la fer­me­ture du dépôt légal des livres pen­dant plus de 3 mois, et alors que led­it dépôt se fait par envoi postal. 

Je ne suis pas sûr qu’une telle fer­me­ture arri­va pen­dant la Sec­onde Guerre mon­di­ale. Qu’on y réfléchisse bien : cela veut donc dire que pen­dant 3 mois, on n’a pas pu pub­li­er de livres en France, hormis sous le man­teau, ni créer de nou­velle revue…

La sec­onde dif­fi­culté fut la fer­me­ture des librairies, con­sid­érées lors des 2 pre­miers con­fine­ments comme com­merces non-essen­tiels (pour qui ?), et alors même que les librairies sont des lieux de faible fréquen­ta­tion, où les inter­ac­tions sociales sont très mod­érées, voire inexistantes.

La troisième dif­fi­culté fut l’annulation de tous les salons du livre en 2020, puis au pre­mier semes­tre 2021, et alors que ces salons entrent pour une part impor­tante des ren­trées finan­cières de la petite édi­tion (bien plus impor­tante, en pour­cent­age, que pour la grande et moyenne édition).

La qua­trième dif­fi­culté fut l’imposition du masque oblig­a­toire dans tous les lieux clos, sans lim­ite de temps jusqu’à présent, et sans même que cette mesure ait fait ses preuves (pas d’étude probante, ni en lab­o­ra­toire, ni in vivo (étude danoise), ni par com­para­i­son (par exem­ple avec la Suède, ou entre États améri­cains voisins). 

Une par­tie de l’équipe rédac­tion­nelle du numéro 5 de la revue “Les Cahiers de Tin­bad” présente ce numéro, en com­pag­nie de Jules Vipal­do, qui venait de pub­li­er son “Ban­quet de pla­fond” aux édi­tions Tin­bad. Voici la pre­mière par­tie de la ren­con­tre, con­sacrée aux Cahiers de Tin­bad, avec Chris­telle Merci­er, Claire Fouri­er, Gilbert Bour­son, Jacques Cau­da et Claude-Raphaël Samama.

Pour les édi­tions Tin­bad, cela nous a décidés à annuler toute ren­con­tre en librairie, par désac­cord fon­da­men­tal avec cette poli­tique de Ter­reur (une librairie n’étant pas le métro aux heures de pointe, le SARS-CoV­‑2 n’étant cer­taine­ment pas la choléra ou la peste) : accepter le masque en ren­con­tre lit­téraire, c’est accepter la Ter­reur… Roland Barthes l’avait dit, « le vrai fas­cisme ce n’est pas de forcer à faire, mais de forcer à dire »… Con­crète­ment, la dernière ren­con­tre en librairie pour avec l’un quel­conque de nos auteurs remonte à févri­er 2020… La vis­i­bil­ité en librairie s’en trou­ve dras­tique­ment dimin­uée, ain­si que le chiffre d’affaires annuel. La con­séquence directe été la diminu­tion des tirages moyens, passés de 300 à 200.

La cinquième et dernière dif­fi­culté aura été l’imposition du « pass ‘san­i­taire’ » dans les salons, y com­pris au Marché de la poésie 2021 ; en accord avec les idées de « désobéis­sance civile » rap­portées dans l’Appel Antigone lancé ini­tiale­ment par l’écrivain, cri­tique et poète Philippe Thireau sur un blog Médi­a­part, et parce que cette ségré­ga­tion « san­i­taire », en vérité un tri biopoli­tique, n’est aucune­ment en accord avec nos valeurs ou notre idée de l’homme libre en pays de droit, Tin­bad a décidé de ne pas y par­ticiper, pas plus qu’à ceux de la revue ou de « l’autre LIVRE »… Vive­ment 2022 !…

Pour les 2 pre­miers con­fine­ments, l’honnêteté requiert de soulign­er que les aides de la Région Île de France, basées sur la perte de Chiffre d’affaires, ont per­mis aux édi­tions Tin­bad de pass­er l’année 2020 sans trop d’encombres au niveau des comptes, car nous avons eu peu de frais d’imprimerie (seule­ment 3 livres sont sor­tis) ; mais tout ceci est pure­ment virtuel : l’économie de la petite édi­tion, comme celle de la France entière, est sous per­fu­sion totale ; en un mot, tout est devenu virtuel, l’économie y compris.

Espace l’autre LIVRE, en 2020 dans le cadre de La Nuit de la lec­ture, Guil­laume Basquin a lu un extrait de son ouvrage (L)ivre de papi­er, paru aux édi­tions Tinbad.

Con­cer­nant les lecteurs, on aurait pu s’attendre à un rebond de la lec­ture, compte tenu de la fer­me­ture de toutes les autres activ­ités cul­turelles ; ce n’est pas, mal­heureuse­ment, ce qu’ont con­staté les édi­tions Tin­bad : dans l’ensemble, la vente réelle des livres a chuté, faute de ren­con­tres réelles et de salons. La petite édi­tion indépen­dante ne vit pas de com­mu­niqués de presse !… Il sem­blerait que la pop­u­la­tion française vit de plus en plus les yeux rivés à ses écrans, et à ses réseaux soci­aux — qui ont pris la plus grande place dans les activ­ités de « lec­ture » des citoyens. Qui lit encore la cri­tique lit­téraire ? Com­bi­en sommes-nous ? On attend avec impa­tience que les jour­naux nous par­lent d’autre chose que du SARS-CoV­‑2…

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Guillaume Basquin

Guil­laume Basquin est né en 1969.

Il pub­lie son pre­mier livre, Fon­du au noir : le film à l’heure de sa repro­duc­tion numérisée, chez Paris Expéri­men­tal en 2013. 
Plusieurs de ses textes sont pub­liés en revues (L’In­fi­ni, La Règle du Jeu, Traf­ic, Art­press, Nioques).
Devant la dif­fi­culté de faire pub­li­er des essais cri­tiques sur des auteurs vivants ou des livres expéri­men­taux dans le monde édi­to­r­i­al en place, il co-fonde avec sa com­pagne Chris­telle Merci­er les édi­tions Tin­bad en mars 2015, où il pub­lie deux ouvrages :
Jacques Hen­ric entre image et texte (2015) et (L)ivre de papi­er (2016).
Puis, aidé de Jean Durançon, il co-fonde une revue lit­téraire bi-annuelle de créa­tion lit­téraire et de cri­tique d’art, Les Cahiers de Tin­bad, dont le numéro 1 paraît en jan­vi­er 2016. 
Cette revue laisse une assez grande place à la poésie et aux expéri­men­ta­tions textuelles.

Tin­bad prévoit d’éditer une demi-douzaine d’ou­vrages par an, dont de la poésie mod­erne et expérimentale.

En sep­tem­bre 2016, il pub­lie chez Hon­oré Cham­pi­on la pre­mière étude com­plète sur l’écrivain Jean-Jacques Schuhl : Jean-Jacques Schuhl, du dandysme en lit­téra­ture. (pho­to Eric Rondepierre).