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Jean Claude Bologne, Légendaire

Jean Claude Bologne, auteur d'une quarantaine de titres, explose les frontières des genres. Faisant preuve de finesse et d'érudition, il s'amuse à mêler fictions, poésies, essais ou dictionnaires. Alors, pourquoi ne s'attaquerait-il pas à l'apologue, un genre devenu rare désormais ?

S'attaquer à l'apologue pour le faire renaître. L'apologue n'est ni tout à fait poème, ni tout à fait nouvelle, ni tout à fait conte. Précis sans être précieux, il est tout cela ensemble. Il est à la littérature ce que l'aquarelle est à la peinture, ce que la sonate est à la symphonie. Ça tombe bien, car le lecteur désinvolte, celui qui lit sans en avoir l'air, a un faible pour la légèreté signifiante et l'apparente insouciance. Bien sûr, Jean Claude Bologne prend quelques libertés avec l'apologue tel qu'il a été composé au fil des siècles. Tranquillement, il installe le lecteur dans ses certitudes faites de constructions mentales, de fictions allégoriques ou de lointaines références bibliques. Puis, comme par hasard, il apporte un paradoxe ou une idée impossible. Et ce soudain décalage entraîne le lecteur déstabilisé dans des rêves vertigineux, parfois angoissants.

Il n'est donc pas si grave que ce monde meure ou vive, car de sa mort naîtra un nouveau monde. 

Jean Claude Bologne, Légendaire, Éd. ‎ Le Taillis Pré, 144 pages, 17 €.

Dans Légendaire, les presque contes se répondent les uns aux autres. Ils sont regroupés en trois thèmes désabusés, nostalgiques et malins. Dans une première partie, les "peuples" développent différentes gentilles monstruosités pour survivre :

Il est un peuple dont les doigts sont des couteaux et les dents des hachoirs. (...) Et quand il vous embrasse, il cicatrise les plaies à petits coups de langue.

Dans la deuxième, les "arbres" solitaires témoignent de la stupide intelligence des humains :

Il ne restait que le figuier, planté depuis la création au sommet de la montagne, mais que personne ne voyait plus, car il était maudit pour avoir vécu la nudité de l'homme. Et voilà que le figuier se dressa au milieu des arbres et que les arbres le virent. Et voilà que les arbres prirent peur, car les figues tombaient comme des pierres, et il n'y avait pas de vent. 

Enfin, dans la troisième partie, un "roi", ou un dieu ou bien les deux à la fois, construit son monde invivable avec les briques de stéréotypes ; sans doute croit-il gouverner les arbres, gouverner les humains-primates :

Le singe se haussa, se grandit, s'étira. Sa tête heurta le couvercle de bronze retenant les eaux d'en haut, ses poings frappèrent aux portes du ciel. Le firmament creva et le troisième roi était toujours plus haut. (...) Alors l'animal écartelé aux limites de l'univers se souvint d'autres mains tendues à l'autre bout de l'infini.

Comme un chat lapant une joue à coups de râpe, le peuple cicatrise les plaies qu'il inflige. Le figuier maudit, au sommet d'une montagne, abandonne ses propres fruits. Le singe, prétentieux et dérisoire, tente de dépasser le ciel, comme s'il y avait un bout à l'infini ! Et voilà, et voilà... Jean Claude Bologne joue avec les expressions et leurs télescopages. Frôlant une forme d'abstraction, il emboîte ses fables comme de poupées russes aux facettes réfléchissantes. Légendaires, avec son ambiance élégante faite d'humour grinçant mais bienveillant, fait plus penser à Paul Klee qu'à Braque, plus à Satie qu'à Prokofiev. À lire, en écoutant un prélude, un nocturne ou, mieux encore, en écoutant une gymnopédie.

"Il est un peuple, et c'est le mien, qui contient tous les autres dans sa tête. Ils chantent le jour et dansent la nuit. Ils hantent nos rêves et nos livres."

 

Présentation de l’auteur

Jean Claude Bologne

Philologue de formation (Université de Liège, 1978), critique littéraire et professeur d’iconologie médiévale, Jean Claude Bologne a publié une quarantaine de livres : romans, essais, dictionnaires d’allusions... Spécialisé dans l’histoire des sentiments et des comportements (Histoire de la pudeur, Histoire du couple, Histoire du coup de foudre, Histoire du scandale...), il s’est aussi intéressé aux spiritualités athées (Une mystique sans Dieu) et à la langue française (Voyage autour de ma langue). Il a été président de la Société des Gens de Lettres (2010-2014) et est co-délégué de l’Observatoire de la liberté de création. Il est membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. En 1989 il a reçu le Prix Rossel pour La Faute des femmes.

Bibliographie

L'âme du corbeau blanc,  maelstrÖm reEvolution (février 2019)

Le Nouvel An cannibale, maelstrÖm reEvolution (février 2021)

Légendaire, Le Taille pré, (2023)

Poèmes choisis

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Joël-Claude Meffre, Ma vie animalière suivi de Homme-père/homme de pluie et Souvenir du feu

J’ai fait ce songe. Il nous a consumés sans reliques 

St-John Perse Éloges

Une fois n’est pas coutume, commençons par la fin. Dans « Souvenir du feu », dernière section de ce recueil saisissant, nous pénétrons au cœur d’une image angoissante, celle de ce chariot qui semble aller seul, portant en lui un feu insatiable.

L’image est puissante, presque surréaliste, c’est un œil d’enfant qui l’observe, la symbolique en est fulgurante et terrible.

Il brûle par lui-même,
sans rien qui le nourrisse.
C’est le feu avivé
de mon rêve
ressurgissant dans mes nuits. 
(…)

j’ai peur que le même feu
ne consume le rêve 

Joël-Claude Meffre, Ma vie animalière suivi de Homme-père/homme de pluie et Souvenir du feu, éditions propos DEUX, 2023.

C’est que Joël-Claude Meffre, comme rarement auparavant, nous accueille chez lui, dans l’intimité de son imaginaire, mais encore dans sa famille. Son frère, son père, deux figures complexes, tutélaires et énigmatiques, deux fantômes n’ayant laissé nulle trace sauf dans le cœur de celui qui se les rappelle. Comme le dit fort justement Marilyne Bertoncini dans sa belle Préface, « Les quatre parties débordent, les souvenirs abondent -et l’organisation élémentaire se fissure laissant transparaître des éléments épars d’une biographie liée à la ruralité, aux activités mystérieuses et paradoxales, dans le monde du « comme si » de l’enfance, confrontée à la mort infligée par les adultes (…) » Ainsi, dans la section « Grives » est-il question des oiseaux, certes, mais surtout, du Grand Frère, l’oiseleur, tantôt évoqué à la troisième personne et tantôt à la deuxième, comme pour tenter un dialogue. Celui-ci a lieu, bien sûr, mais il demeure éphémère et, bientôt, s’interrompt.

L’homme-oiseau, l’oiseleur, regarde parfois
ce vide-là,
qui a le visage d’une absence (…)

Reste le chant.

Quelque part, ailleurs,
                 les hommes continuent à chanter
                 un langage de chants
                 sans qu’aucun mot ne se forme dans leur bouche (…)

Mais où est le pays de Joël-Claude Meffre ? Sans doute « Aux alentours d’un monde » comprenant le Ventoux, certes, mais, surtout, en ce chant qui « est un fleuve où les paroles communiquent avec leurs sources » selon la très belle citation de Jean Monod, insérée dans l’un des poèmes de « Grives » … D’ailleurs, dans « HOMME-PERE/HOMME DE PLUIE », il est question de « l’aval » et de « l’amont » de la « rivière », l’Ouvèze, jamais nommée. Le pays où nous nous trouvons n’en est ni la source :

dans la montagne
de la Chamouse 

ni l'embouchure

La rivière, à elle-même, elle est son propre chemin qui va
par-delà la plaine,
jusqu’au fleuve qu’elle vient rejoindre. 

Et cet entre-deux convient à l’évocation de ces figures absentes et singulièrement, celle du père :

Je pourrais peut-être retrouver l’image
                        de son visage,
                        celui de l’homme qui fait front à l’aval (…)
Je ne saurais imaginer
                        quel a pu être l’amont de sa vie,
                        l’amont le plus en amont de lui-même (…) 

Il y a, chez Joël-Claude Meffre, comme une frontière infranchissable, un au-delà, lequel pourrait bien être un en-deçà, en même temps suggéré et inaccessible. Mais n’est-ce pas le propre de la condition humaine que de nous retrouver perdus entre un amont et un aval inatteignables ?

Il faudrait beaucoup d’attention
                     pour réveiller en nous quelque mémoire
                      du chuintement de ces sources.

Cela même ne peut se dire
                    ni même sens doute se penser.

Les oiseaux seuls s’en souviennent peut-être. 

Présentation de l’auteur

Joël-Claude Meffre

Né en 1951, il est issu d’une famille de viticulteurs comtadins, il a passé son enfance en milieu rural et réside aujourd’hui près de Vaison-la-Romaine. Archéologue. Retraité. Ayant étudié la littérature et la philologie, il a aussi milité pour la reconnaissance de la langue et de la littérature occitanes. En 1978, les rencontres avec le poète Bernard Vargaftig puis, plus tard, avec Philippe Jaccottet, ont été déterminantes dans le développement de son travail d'écriture poétique.

Au début des années 1990, il découvre l'enseignement du soufisme. Il s'initie alors à la culture et la spiritualité du monde arabo-musulman. Puis il publie trois essais  : 1) sur l’enseignement  du soufisme aujourd'hui ;  2) sur le calligraphe irakien Ghani Alani ; 3) sur le saint soufi Mansur al-Hallaj. Cet engagement le conduit à des collaborations artistiques (avec Faouzi Skali), littéraires (avec Pierre Lory ) et spirituelles (avec l’islamologue Eric Geoffroy).

Il publie ses premiers livres aux Éditions Fata Morgana. Dans les années 2000, il noue des liens étroits avec des poètes et écrivains, tels que Antoine Emaz, James Sacré, Emmanuel Laugier, Hubert Haddad, Joël Vernet, Claude Louis-Combet, Jean-Baptiste Para, Michaël La Chance. Il écrit des notes de lecture pour la revue littéraire Europe. Sa démarche à la fois spirituelle et poétique le conduit à dialoguer avec les poètes tels que Jeanine Baude, Pierre-Yves Soucy, le philosophe Laurent Bove, le physicien cosmologiste Renaud Parentani, et les compositeurs suisses Christian Henking et Gérard Zinsstag.

Joël-Claude Meffre s’intéresse à la peinture et les artistes : ses complicités avec les peintres tels que Albert Woda, Michel Steiner, Jean-Gilles Badaire, Anne Slacik, Jacques Clauzel, Youl Criner, Alberto Zamboni, Catherine Bolle, Bénédicte Plumey, Sylvie Deparis, Hervé Bordas, etc..., lui ont donné l’occasion de réaliser des livres d’artistes. À ces tirages limités, accompagnés d’estampes, il faut ajouter les productions monographiques de livres manuscrits à exemplaire unique ou tirages limités avec des inclusions de métal, de verre, de fibres2.

Joël-Claude Meffre est membre de la Maison des écrivains et de la littérature (Paris) ; il contribue régulièrement dans des revues : Détours d’écriture (dirigée par Patrick Hutchinson), Europe, Revue de littérature alsacienne, N4728 (cf. les no 9, 11, 18, 19), Revue de Belles Lettres Suisses, Propos de Campagne, Revue Sorgue, Moriturus (no. 5, 2005), Autre SUD, Conférence (no. 25, automne 2007), Nunc, L'Étrangère, La revue Nu(e), Triage, L’Animal, Faire part, Le Frisson Esthétique, Lieux d’Être, Osiris.

Outre ses lectures de poésies, il manifeste un intérêt pour les groupes Protocole Meta avec Jean-Paul Thibeau.

Il est consultant pour les éditions Les Alpes de Lumière.

Directeur de publication de la revue de photographie en ligne TERRITOIRES VISUELS https://emav.fr/revue-territoires-visuels/ 

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Joël-Claude Meffre, Aux alentours d’un monde

« Je ne demeure dans aucun pays propice à la salvation ou à la sauvegarde » Divagations Les vingt-sept « Proses » que contient Aux alentours d’un monde approfondissent l’énigme d’une relation à soi-même et à [...]




Claude Minière : L’Année 2.0

Après les comptes / la poésie pour l’histoire héroïque / conquêtes, traversées /
et les histoires domestiques : / beaucoup de chattes, offrandes

Claude Minière, né en 1938, fut d’abord instituteur avant d’exercer diverses missions pour le Ministère de la Culture. Il est l’auteur de plus d’une vingtaine d’ouvrages, roman, essais et surtout poésie.

Son dernier recueil est divisé en quatre parties qu’il présente ainsi : « Durant l’année 2.0 [celle du confinement], j’ai étudié la Mésopotamie, j’ai médité sur le combat du « zéro » et j’ai passé des heures dans le jardin public où les enfants s’étonnent des statues. Puis je suis revenu à la civilisation. J’ai pensé à Orphée ».

Ses brefs poèmes se présentent comme de courtes méditations. Le poète n’est pas né d’hier, il n’écrit pas pour rien dire (Rimbaud), ses aphorismes traduisent autant l’expérience accumulée dans toute une vie (Elles sont sourdes les statues / pas plus que les hommes au front dur) qu’un étonnement toujours là face aux bizarreries de l’existence (le vieil homme sourit sur son banc / il parle avec Jésus). Mais la poésie est d’abord travail et jouissance de la langue et, de ce point de vue, le lecteur est comblé, depuis des envolées à la Perse :

Ce sont des enroulement presque inaudibles / que nous déchiffrons alors que les roues / des chars faisaient grand bruit de chair / et de sang.

Claude Minière, L’Année 2.0 , Paris, Tinbad « Poésie », 2022, 98 p., 15 €.

Jusqu’aux notations les plus énigmatiques :

Les hommes ne s’effraient plus aux solstices, / et pourtant elle tourne / on dit que dans la maladie on ne sent plus rien

Ou la citation humoristique :

Demain à l’aube je partirai / dans une barque comme tu sais

Ses vers sont irréguliers (même si les précédents sont deux ennéasyllabes) mais le poète cultive volontiers la rime :

Le sol a perdu son œil / mauvais si bien / que l’espace est / plus ouvert dés le seuil

Ou plus nettement encore :

le refoulé / le sol à grandes foulées / mais pour l’instant nous sommes ici / en Mésopotamie / à mi-chemin / sans fin / autre version de la résurrection / de l’érection

Il peut tout aussi bien multiplier les allitérations :

Et maintenant j’ouvre la fenêtre, j’aère, / la planète erre c’est l’heure de passer / aux exercices de respiration

Pour tous ceux qui na connaissent pas encore Claude Minière, L’Année 2.0 (dont on appréciera par ailleurs la maquette et la typographies soignées) ne peut que donner envie d’en découvrir davantage, les livres ou, immédiatement accessibles, les petits textes disponibles sur Sitaudis.fr.

Présentation de l’auteur

Claude Minière

Essayiste et poète, Claude Minière est né à Paris le 25 octobre 1938. Enseignant pendant quinze ans dans les École des Beaux-Arts, il est l’auteur d’un « panorama » de la création artistique en France entre 1965 et 1995 (L’art en France 1965-1995, Nouvelles éditions françaises, Paris, 1995). 

© Crédits photos (supprimer si inutile)

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Claude Minière, Un coup de dés

Ce bref essai consacré à Blaise Pascal est l’occasion, pour l’auteur, de mesurer son rapport à l’écriture — une manière de mourir dans l’Art. Meurt-on par hasard ? Minière joue un coup de dés [...]

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Valérie Canat De Chizy, La langue des oiseaux

Bel hymne à la vie, à la marche que cette "Langue des oiseaux" que la poète a perdue, devenant à quatre ans sourde.

Tout ce livre, un récit vraiment poétique, tente de circonscrire la douleur que fut cette surdité soudaine. Et le livre est aussi une belle résilience - reconstruction intime au bord des sons disparus, à l'écoute cependant de toutes les beautés du monde.

Dans une langue douce, sereine, mais qui n'isole pas les âpretés, la poète relate, réfléchit, accorde ses mots aux expériences négatives et positives de sa vie. Attribuant à la "marche", un pouvoir de réparation du réel (dans le sens anthropologique que lui offre l'essayiste Pierre Sansot), le livre dispense une vraie joie à se (re)connaître en dépit de la surdité, en dépit des affres, en dépit de tout ce qui fut perdu.

Dans un style qui donne tout son or à la description de la nature, des saisons, la poète consigne un travail de sape : elle rejoint ainsi la petite de quatre ans qui "entendait" tout; elle peut de nouveau lui tendre la main et renouer passé/présent, grâce à l'inouïe beauté des mots et des poèmes.

"Marcher, c'est ouvrir quelque chose à l'intérieur de soi", dit-elle si justement. C'est aussi initier le lecteur à autre chose, comme découvrir un nouveau pays.

Par l'expérience intime, la ferme, son chat Osiris, sa vie dans la nature, Valérie Canat de Chizy porte attention aux "manifestations du renouveau".

Valérie CANAT DE CHIZY, La langue des oiseaux, éd. Henry, coll. La main aux poètes, 2023, 48 p., 10 euros. Vignette de couverture d'Isabelle CLEMENT.

Son livre assure que la littérature est aussi un domaine du partage, celui des émotions essentielles.

Sans pathos, avec cette mise à distance indispensable, le livre nous enjoint à être proche de notre expérience, de notre vie.

Présentation de l’auteur

Valérie Canat de Chizy

Valérie Canat de Chizy est  bibliothécaire à Lyon. Ses premières publications paraissent en 2006 chez Encres vives. D’autres recueils suivront: "Entre le verre et la menthe" chez Jacques André éditeur en 2008, "Même si" au Pré # carré en 2009, "Pierre noire" aux éditions de l’Atlantique en 2010. Depuis 2005, elle assure des recensions pour la revue Verso. Elle est en outre présente dans diverses revues de poésie.
Son blog: http://verrementhe.blogspirit.com

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

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Valérie Canat de Chizy, caché dévoilé

Valérie Canat de Chizy semble écrire pour tenir ouverte la porte de ses nostalgies, pour ne  pas s’enfuir définitivement  dans les terres du passé, dans ses refuges et lieux de retraite où risquerait [...]




Claude Luezior, Au démêloir des heures

Infatigable poète, amoureux du Verbe porteur de sens et de vie, Claude Luezior ne cesse de questionner le réel, ses ténèbres, angoisses, captivités, tyrannies, mais aussi les rêves, leurs étranges visions, pour transgresser le réel, aller au-delà de la raison, s’enfouir dans l’imaginaire,  plonger dans des territoires étranges.

Il est en quête de mots et d’images à même de transcrire l’indicible, le magma intérieur, le tourbillon  de sensations qui ouvrent vers un nouveau monde que le poète saisit suivant la voie des surréalistes : « on vogue  au-delà des rêves transitoires » pour « faire grâce à cet autre moi de tous les impossibles », pour découvrir que « ce monde est aussi prodigue en dons » (Alain Breton).

À travers les ténèbres, errances et les folies de la vie, Claude Luezior va vers la lumière et la jubilation de la vie retrouvées après avoir traversé sa nuit, ses cauchemars, aux prises avec la souffrance, en marge de la folie, dans un merveilleux élan de survivre :

Fureur au démêloir du jour : convoquer l’insolence, survivre dans le sillon fertile de l’imaginaire. Ivresse au matin de la lumière.  (Liminaire)

Claude Luezior, Au démêloir des heures, Librairie-Galerie Racine, Paris, 2023, 93 pages, 15 euros.

Il se lance avec ferveur à la quête de l’indicible, dans le réel, l’onirique et l’imaginaire dans un élan  libérateur de toutes contraintes et créateur de visions poétiques, s’interrogeant aussi sur la poésie et la condition du poète :

 

La poésie est-elle oracle ou plain-chant de grands-prêtres, druides ou chamans

Leur parole cryptée, si vulnérable, serait-elle délivrance d’un état second que nous portons tous en nous ? 

 Porteurs d’inachevé, en rupture avec leurs semblables, les poètes sont-ils ces êtres  désignés  qui tentent désespérément  de traduire une langue rescapée du banissement et que nous aurions hérité  d’un inconscient originel ? 

La mouvance du poète est-elle de mettre des mots sur l’indicible, de tailler avec le burin de son verbe le magma en jachère

 

L’esprit raisonneur du poète se mêle à sa sensibilité poétique qui rayonne dans une expression poétique condensée, mais riche de sens et d’images. L’esprit d’harmonie règne dans la structuration du recueil : Liminaire, une réflexion qui éclaire la démarche du poète, ouvre le livre ; les poèmes sont groupés en séquences et précédés d’une réflexion. Ainsi, les images poétiques coulent telle l’eau de la rivière pour rendre compte  de ce que l’on ne peut pas démêler dans l’alliage de la vie et de la mort, de la raison et de la déraison, du visible et de l’invisible des choses.

Le poète semble avoir découvert un autre sens de la vie : aller vers sa lumière, sa beauté, « se gorger d’effervescences. Vivre »,  dans un élan jubilatoire qui transgresse ses noirceurs, ses saccages et ses morsures, se nourrir  de tous les instants de grâce de la vie qui font vibrer le cœur et les imprimer dans le tissu de ses poèmes.

C’est le triomphe de la lumière, sa danse, que le poète célèbre dans ce nouveau recueil, la retrouvaille du goût de la vie dans tout ce qu’elle peut offrir au-delà des déceptions, désillusions, drames et horreurs provoqués par la déraison et la folie des gens. Il faut réapprendre à goûter l’aube et non pas le crépuscule, s’ouvrir  au miracle de la nature et de l’amour, se libérer des « résilles de ladéraison » et faire place « aux rires de l’aube », reconquérir son souffle, sa lumière, sa beauté, son innocence,  laisser vibrer l’âme, remplir les mots du souffle de l’espoir, goûter sa saveur telle une pulpe rare :

 

doutes et conquêtes

ont capitulé

par usure des sabres

et s’écroulent

en ruines

 

espoirs et désirs

et leurs sœurs jumelles

se busculent dans ma rétine

 

c’est un jour de sucre

de pulpe rare et de blés

manne pour fiançailles

où jubilent

des persiennes ouvertes  (Pulpe)

 

Il suffit de « scander le malheur », nous dit le poète, il faut accueillir la lumière de la vie et s’en réjouir :

 

pour voir

au-delà

des somnolences

et de la gangue

…………………..

l’arc-en-ciel

qui se chamaille

avec l’ondée

…………………

la couleur

qui pulvérise

ses espoirs

 

les petits riens

qui butinent

leur amour

 

pour voir

ce qu’ils disent

au-delà

des indifférences

 

que l’on accueille

l’indispensable

 

que l’on aiguise

la lumière .

 

Il faut aimer la vie, malgré tout, redécouvrir l’émerveillement, ranimer en soi :

 

la part tarie

de l’accueil

se concentre

l’ivresse

des retrouvailles.    

 

Claude Luezior nous offre un beau livre, avec une belle image de couverture : un corps féminin, dans son rayonnement mystérieux, symbole de la poésie.

Présentation de l’auteur

Claude Luezior

Claude Luezior, auteur suisse d’expression française, naît à Berne en 1953. Il y passe son enfance puis étudie à Fribourg, Philadelphie, Genève, Lausanne, Rochester (Minnesota) et Boston. Médecin, spécialiste en neurologie (son nom civil est Claude-André Dessibourg), il devient chef de clinique au CHUV puis professeur titulaire à l’Université de Fribourg. Parallèlement à ses activités scientifiques, il ne cesse d’écrire depuis son jeune âge et commence à publier depuis 1995. 

Sortent dès lors une quarantaine d’ouvrages, pour la plupart à Paris : romans, nouvelles, recueils de poésie, haïkus, ouvrages d’art. Tout comme en médecine, il encourage la collaboration multidisciplinaire, donne des conférences, participe à des expositions et à des anthologies, écrit des articles dans des revues littéraires ainsi que des préfaces.

Les éditions Librairie-Galerie Racine à Paris ont publié en 2018 et 2020 trois livres de Claude Luezior : Jusqu'à la cendre (recueil de poèmes), Golgotha (poème lyrique et dessins) ainsi qu' Un Ancien Testament déluge de violence (critique humoristique et pacifiste).

Certains de ses livres sont traduits en langues étrangères et en braille.  Luezior reçoit de nombreuses distinctions dont le Prix européen ADELF-Ville de Paris au Sénat en 1995 ainsi qu’un Prix de poésie de l’Académie française en 2001. Il est nommé Chevalier de l’Ordre national des Arts et des Lettres par le Ministère français de la Culture en 2002. En 2013, le 50e prix Marie Noël, dont un ancien lauréat est Léopold Sédar Senghor, lui est remis par l’acteur Michel Galabru de la Comédie française.

www.claudeluezior.weebly.com

 

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Claude Luezior, Epître au silence

A l’origine le mot épître, issu du grec, repris en latin, désigne une simple lettre. Au fil du temps, le terme va qualifier un mode d’expression utilisé pour rédiger des traités courts, des [...]

Claude Luezior, Émeutes, vol au-dessus d’un nid de pavés

Esprit humaniste par excellence, Claude Luezior (poète, romancier, essayiste, critique littéraire, amateur d’art) ne cesse d’explorer le quotidien pour dévoiler ses multiples visages avec la même ironie et l’humour si particuliers que l'on [...]

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Jean-Pierre Boulic, Enraciné

Le titre sonne comme un défi dans une société dite fluide.  Avec ce nouveau livre, Jean-Pierre Boulic partage la lumière qui l’habite.

Quand « Ton pas s’est arrêté / Au bord de ce banc » c’est à cet instant que « La vie balbutie », que le signe devient sens. Enracinement plus dans le temps que dans le lieu, de l’ordre de la veille, titre éponyme de la première partie. La veille permet d’entendre quand tout se tait, de voir dans la nuit. La veille permet d’atteindre le cœur du vivant, soit « les profondes entrailles du cœur intime », c’est-à-dire de s’ouvrir à la compassion, ainsi
ces lignes aux accents baudelairiens : « Tu le crois volontiers / Égaré / L’oiseau chu // La blessure saigne / A son côté // Transpercé. »

Enracinement dans le temps donc puisqu’à la « Veille » succède le « Matin » puis la « Fête à venir ». Le matin est ce temps neuf qui laisse « voir les événements / sous le voile de leur mystère », épiphanie par excellence. La tendresse en ses multiples occurrences révèle l’auteur en amoureux ébloui de la Création dans ses multiples manifestations - nuages, pommiers, mésanges, ruisseaux, graminées - : « Le cœur se glisse tout bas / Entre deux lignes bleues »,
« Merveille d’être créé / Et sans cesse de le dire. »

Comme « L’oiseau entend le soir / Lesté de couleurs », Jean-Pierre Boulic nous donne à entendre une symphonie de couleurs, à voir une palette de sons et de soies en un festival kinesthésique : « Les couleurs s’harmonisent / mettant l’âme en musique ». Avec « Hymne », l’auteur invite à prendre la mesure de l’homme face à « la démesure de l’océan » quand « Le ciel tendresse et miséricorde / Est au for intérieur ».

Jean-Pierre Boulic, Enraciné, La Part commune, 14 euros.

Et si « Vivre c’est partager la lumière » abordons une « Nouvelle genèse » car « c’est bel et bon ». Oui, le partage est bel et bon, celui de la beauté, celui de la parole, celui du cœur.

Présentation de l’auteur




Narges Mohammadi remporte le prix Nobel de la paix

La militante des droits humains, journaliste et auteure iranienne, Narges Mohammadi a reçu le prix Nobel de la paix 2023 le vendredi 6 octobre, pour son combat contre l’oppression des femmes en Iran et sa lutte pour la promotion des droits humains et de la liberté d’expression pour tous.

Vice-présidente du Centre des défenseurs des droits de l’Homme fondé par Shirin Ebadi, qui avait reçu ce même prix Nobel en 2003, Narges Mohammadi a de nombreuses fois condamnée et emprisonnée depuis 25 ans.

C’est dans une geôle de la République islamique à Evin où elle est captive depuis avril 2022, que la lauréate a appris sa nomination.

Après l’attribution de cette distinction, l’ONU a demandé sa libération, mais l’Iran a dénoncé « une décision partiale et politique ». « Nous constatons que le Comité Nobel a attribué le Prix de la Paix à une personne reconnue coupable de violations répétées des lois et qui a commis des actes criminels », a réagi le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanani, dans un communiqué relayé par le journal Hamshahri.

Cette distinction du comité norvégien s’adresse aussi à un vaste mouvement de protestation déclenché par le décès le 16 septembre 2022 à Téhéran  de Mahsa Amini, il y a un peu plus d’un an.

Narges Mohammadi, © Reuters.

L’étudiante iranienne d’origine kurde de 22 ans, arrêtée par la police pour « port de vêtements inappropriés ». Plusieurs témoins accusent la police d'avoir violemment battu la jeune femme, entraînant sa mort. Des images de l'hôpital montrent en effet des blessures, et amènent une partie de la population iranienne à conclure que Mahsa Amini est morte d'une hémorragie intracérébrale causée par des violences policières. Cette version est contestée par les autorités, qui donnent deux versions, celle d'un « problème cardiaque soudain » et celle d'une maladie au cerveau.

L'annonce de son décès provoque de nombreuses manifestations, au Kurdistan iranien, mais également dans le milieu universitaire. La répression de ces manifestations est très violente et cause la mort de plusieurs centaines de personnes ainsi que l'arrestation de plusieurs dizaines de milliers.

Narges Mohammadi qui avait publié en 2022 des entretiens avec d'autres prisonnières sous le titre White Torture avait déjà reçu en janvier dernier le prix Olof-Palme pour les droits de l'homme, en même temps que Marta Chumalo et Eren Keskin.

Elle est la 19e femme à remporter le Nobel de la paix, vieux de 122 ans.

Dans une lettre écrite en juin derrière les murs de la prison d’Evin et publiée dans ces colonnes à la veille du premier anniversaire de la mort de Mahsa Amini, Narges Mohammadi en faisait le constat. « Si vous regardez attentivement la société iranienne, vous verrez que chaque individu, à tout moment de sa vie et en tout lieu, est coupable du désir de vivre » aux yeux du régime, écrivait-elle, convaincue pour autant que le combat des Iraniens pour leurs libertés ne s’éteindra pas.

Séparée de sa famille, qui est réfugiée à Paris, elle suivra la remise de son Prix de sa cellule. Espérons que l’espoir qu’offre cette distinction l’aideront à garder espoir et à avancer vers une libération que nous souhaitons imminente. Elle est une reconnaissance pour toutes celles qui luttent contre l’obscurantisme.

 




Jean-Denis Bonan, Et que chaque lame me soit un cri

La mer, l’amour dans la poésie de Jean-Denis Bonan

Il y a tant de façon de poétiser : lyrique, ironique, sauvage, vitupérante, etc. Ouvrir le recueil d’un auteur inconnu, c’est déjà le plaisir de découvrir un ton, une personnalité pour ne pas dire un style que l’on ignorait jusque-là. On aimera ou pas mais ce plaisir-là, au moins, aura existé, fût-ce brièvement.

A quoi s’ajoutera, ou pas – car tous les éditeurs ne font pas les mêmes efforts –, le plaisir d’avoir en mains un agréable objet, de tourner les pages d’un beau papier à la typographie élégante et aérée. Jean-Denis Bonan nous offre tous ces plaisirs avec, de surcroît, ce qui est quand même l’essentiel, celui d’être transporté dans un univers de phrases ciselées, souvent incantatoires (« L’oracle avait beuglé son troupeau de mots hébétés »), des figures sans cesse renouvelées et sur lesquelles on souhaite chaque fois s’arrêter.

L’auteur qui a déjà une œuvre derrière lui en tant qu’auteur, en particulier, de documentaires pour la télévision, n’a commencé à montrer sa poésie qu’en 2021 avec un premier recueil, Meutes (éd. Abstractions, 2021). Et que chaque lame soit mon cri est son deuxième recueil publié à l’initiative de l’Institut du Tout-Monde, avec en couverture un tableau de Sylvie Séma-Glissant. 

Comme le remarque Loïc Céry dans sa préface, il y a du Perse chez Bonan ; il lui a d’ailleurs consacré un documentaire dans la série « Un siècle d’écrivains » sur France 3 en 1995. On note encore une certaine parenté avec le poète Edouard Glissant (fondateur de l’Institut du Tout-Monde) auquel il a consacré également un film, Carthage Edouard Glissant (2006). Carthage, c’est la Tunisie d’où Bonan est originaire comme cela transparaît dans certains poèmes.

Jean-Denis Bonan, Et que chaque lame me soit un cri, Paris, Editions de l’Institut du Tout-Monde, 2022, 84 p., 18,50 €.

Bien que le recueil soit divisé en deux parties, « Eaux-fortes » et « Tant aimées », l’eau sera partout présente : « Je dédie ce recueil à la joie des océans, aux larmes des océans, au chant des houles », la mer est son « temple des noces et des adorations ». « Tu étais mon amour, je t’appelais ‘rivage’. Et je fus le mensonge de la mer ». Le charme de la poésie de Bonan tient à son art de jouer avec les tropes : les océans sont joyeux, la houle chante, l’aimée est rivage, lui-même n’est qu’un mensonge.

« Vos baisers sont des navires chargés de révoltes et d’or ». Ici l’image est celle des vaisseaux des conquistadors et de la traite des esclaves. Plus loin, ces mêmes baisers seront « ces grenades qui trouent la nuit » : métaphore doublée de syllepse s’il faut prendre grenade au double sens du fruit et de l’instrument de combat. Ne point trop en dire : « J’ai ligoté le dernier désir au mat du navire » ; c’est à nous de décider si nous voulons voir Ulysse comme la figure de ce désir.

Les images chez Bonan paraissent naturelles tout en échappant au cliché : « la sirène oppressée des brouillards », « les yeux vitre d’eau », « dans le brouillon du paysage, grogne le manuscrit raturé de la mer », etc. De temps en temps un terme un peu plus cru, ajoute une note de trivialité : « la mer ruant dans ses entraves crache de ses naseaux la morve de sa colère » ; « crasse de mer roulant ses déchets ».

« Eau toi, rêveuse qui sur mon front passe tes mains comme sur le visage d’un blessé, dis au troupeau dont tu es la gardienne que je suis un roi sous la tente dont tu as tissé la laine ». Réminiscence de Perse ou, plus proche, de Laurent Gaudé cette phrase qui conclut le poème « A celle qui m’aimait » ? Bonan a plus d’une corde à son arc. Il nous offre même un poème à la mère en alexandrins non rimé mais savamment construit, réminiscence, cette fois des lointains troubadours : quatre quintils, le premier constitué de cinq vers ABCDA, les trois suivants commençant et se terminant successivement par les vers B, C et D du premier.

Présentation de l’auteur

Jean-Denis Bonan

Jean-Denis Bonan est un réalisateur, plasticien et écrivain français né à Tunis en 1942.

Dès son premier film, Jean-Denis Bonan, à l'époque monteur aux Actualités françaises est violemment confronté à la Commission de contrôle des films (censure) : celle-ci interdit totalement le court métrage Tristesse des anthropophages (1966), puis limite les possibilités d'exploitation d'un autre film réalisé l'année suivante : Mathieu-fou.

Malgré ces difficultés, Jean-Denis Bonan entreprend, au printemps 1968, le tournage d'un long métrage autoproduit : La Femme-bourreau. Rapidement, le cinéaste parle de son film à Anatole Dauman. Séduit par les premiers résultats, le producteur finance l’ensemble des tirages et le premier montage. En 1969, Dauman présente une première continuité du film à plusieurs distributeurs. À sa grande surprise, aucun d’eux n’acceptera de le sortir, réduisant à néant la carrière du film.

Jean-Denis Bonan a enseigné à l’IDHEC et à l'Université de la Sorbonne Nouvelle. Membre, dès 1967, du groupe l'Atelier de Recherche Cinématographique (ARC, 1967-69), il participe à la fondation de Cinélutte en 1973, où le rejoindront Mireille Abramovici, Richard Copans, Guy-Patrick Sainderichin, François Dupeyron.

Il a créé le magazine Métropolis avec Pierre-André Boutang pour Arte. Après le décès de son créateur Gérard Follin, il a dirigé avec Daniel Edinger le magazine Aléas de France 3. Il a également initié plusieurs collections de films pour France 2 et France 3, notamment : Histoires d’Amour, Les Moments de la Folie et Traces. En 2012, il a publié un album dessiné, Vie et mort de Ballao. Il a réalisé, co-réalisé ou participé à près d'une cinquantaine de documentaire.

En mars 2015, plus de quarante-cinq ans après leur réalisation, La Femme-bourreau et Tristesse des anthropophages sortent en salles.

La Cinémathèque tunisienne lui a rendu homme en février 2020 à travers une rétrospective de ses films intitulée “Bonan Béni, Bonan Maudit”.

(Source : Wikipédia)

© Crédits photos Hevlss

Bibliographie - filmographie 

Auteur

  • 2012 : Vie et mort de Ballao, Ed. du Soupçon, roman graphique
  • 2022 : Meutes, Ed. Abstractions, Images et poèmes
  • 2022 : De Bris et de Fourrure, Ed. l'Écarlate, avec Jean Pierre Bastid
  • 2022 : Et que chaque lame me soit cri, Ed. de l'Institut du Tout-Monde, poèmes (préface de Loïc Cery)

Filmographie (partielle)

Réalisateur

  • 1962 : La Vie brève de Monsieur Meucieu, court métrage en 8mm (12 min)
  • 1966 : Tristesse des anthropophages, court métrage (23 min)
  • 1967 : Mathieu-fou, court métrage (16 min)
  • 1967 : Une saison chez les hommes, court métrage (14 min)
  • 1968 : La Femme-bourreau, long métrage (69 min)
  • 1968 : Le Joli mois de mai, moyen métrage (33 min)
  • 1968 : Cinétract, courts métrages
  • 1970 : Kimbe red pa molli !, documentaire (16 min)
  • 1973 : Jusqu'au bout !, documentaire (40 min), Cinélutte
  • 1973-1977 : Plusieurs réalisations au sein du collectif Cinélutte dont " Bonne chance la France ", 3 documentaires (100 min), Cannes 1976 (Perspectives du cinéma français)
  • 1977 : Madame la France, court métrage (17 min)
  • 1979 : L'Ecole Centrale, court métrage (26 min), Antenne 2
  • 1979 : L'Epopée postale, documentaire (2 X 26 min), Antenne 2
  • 1980 : Contrepoings, documentaire (13 min), FR3
  • 1980 : La Folie ordinaire, La Paranoïa, fiction TV + sortie salle (28 min)
  • 1980 : La Folie ordinaire, L'Obsession, fiction TV + sortie salle (26 min)
  • 1981 : La Folie ordinaire, La Perversion, fiction TV + sortie salle (28 min)
  • 1981 : La Folie ordinaire, L'Hystérie, fiction TV + sortie salle (26 min)
  • 1981 : La Fête foraine (court métrage, coréalisateur : Philippe Haudiquet)
  • 1982 : Le Séducteur, court métrage (30 min), Antenne 2
  • 1983 : Pierrot-le-Loup, téléfilm (60 min), FR3...
  • 1983 : Moravia, documentaire (15 min), TF1
  • 1983 : 9 jours ailleurs, documentaire (52 min), Antenne 2
  • 1983 : La Villa Kerylos, documentaire (15 min), TF1
  • 1983 : Deux ou trois scènes inspirées de Balthus, documentaire (15 min), TF1
  • 1983 : Autour de Manet, documentaire (13 min), TF1
  • 1984 : Les Visages d'Alice, documentaire (8 min), TF1
  • 1984 : A Propos de Bonnard, documentaire (30 min), TF1
  • 1984 : Le Temps des Usines, documentaire (2 X 52 min), Antenne 2
  • 1986 : Au Soleil de Minuit, documentaire (52 min), Antenne 2
  • 1987 : Il était une fois les colonies, documentaire (2 X 52 min), TF1 + La Sept
  • 1988 : Picasso, Genèse des Demoiselles, documentaire (30 min), FR3, Arte et divers pays
  • 1988 : Carl Gustav Jung, documentaire (52 min), FR3
  • 1988 : Le Voyage de Laure, documentaire (52 min), FR3
  • 1988 : Tinguely, documentaire (30 min), FR3 et divers pays
  • 1988 : Vyssotski, documentaire (52 min), FR3 et divers pays
  • 1989 : Zapping sur l'Europe, documentaire (55 min), Arte
  • 1990 : La Revanche de Dieu, documentaire (2 X 52 min), Antenne 2
  • 1990 : Le Rire, (soirée thématique 2h10), Arte
  • 1990 : De Gaulle : une certaine idée de la France , doc. (2 X 52 min), FR3
  • 1991 : L'amour : la Guerre !, (soirée thématique 1h40), Arte
  • 1992 : Il était une fois le travail, (soirée thématique 1h44), Arte
  • 1992 : Les derniers jours de Baudelaire, documentaire (18 min), France 3
  • 1992 : Clandestins en Chine, (soirée thématique 2h10), Arte
  • 1993 : Paysans, Le Mal de terre, (soirée thématique 1h50), Arte
  • 1993 : Malraux, documentaire (2 X 52 min), France 3
  • 1994 : Marcel Carné, (soirée thématique 1h50), Arte et divers pays
  • 1994 : J'écris ton nom, documentaire (15 min), France 3
  • 1995 : Saint-John Perse, documentaire (50 min), France 3 + RFO
  • 1995 : Le Dessin de Robert Chapsal, documentaire (26 min), France 3
  • 1995 : Herbert Zangs, documentaire (12 min), Arte
  • 1995 : Les Chemins du Limousin, documentaire (3 x 26 min), France 3
  • 1996 : Creux de Mémoire, documentaire (30 min), France 3
  • 1996 : Aïgui, poète Tchouvache , documentaire (13 min), Arte
  • 1996 : Tahiti, Voyage aux îles, documentaire (52 min), RFO
  • 1996 : Abécédaire de la langue Tahitienne, documentaire (18 min), RFO
  • 1997 : Méditerranée, miroir du monde , documentaire (80 min), Arte + divers pays
  • 1997 : Paul Gauguin, un goût barbare , documentaire (52 min), FR3, RFO et divers pays
  • 1997 : Ravaillac, l'Assassin effacé , documentaire (60 min), France 3
  • 1998 : Traces sur un mur, documentaire (15 min)
  • 1999 : Sur les traces du lion, documentaire (52 min), France 3
  • 1999 : Wanted Sherlock Holmes ! , (soirée thématique 75 min), Arte
  • 1999 : Dernière Veuve à Angoulême , documentaire (15 min), France 3...
  • 2000 : Cent ans d'Amour, documentaire (26 min), France 3
  • 2000 : Marche et Rêve ! , documentaire (75 min), Arte...
  • 2001 : Henri Rousseau : Le secret du douanier ! , documentaire (30 min), France 5...
  • 2002 : Portrait du photographe - Le Bourreau d'Alger , doc. (15 min), France 3
  • 2003 : Bécassine, l'Enfant blessée , documentaire (26 min), France 3...
  • 2006 : Un chant nègre, Léopold Sedar Senghor, documentaire (60 min), TV5Monde
  • 2006 : Carthage Edouard Glissant, documentaire (54 min)
  • 2012 : Jacques Rancourt, Corps et âme, documentaire (26 min)
  • 2017 : La Soif et le Parfum, fiction (65 min)
  • 2018 : Bleu Pâlebourg, fiction (55 min)
  • 2022 : Les Tueurs d'Ordinaire, fiction (118 min)
  • 2022 : 13 Rue Paul Cahier, fiction, en cours
  • 2022 : Maudite soit la guerre ! , en cours de réalisation

Vidéoperformances

(avec la participation de Hbyba Harrabi)

  • 2007 : Une fabrique (7 min 20 s)
  • 2007 : Cris (4 min)
  • 2009 : Nomade (12 min 10 s)
  • 2009 : En Vue de l'archipel (6 min)
  • 2009 : Vitrine (8 min 30 s)
  • 2010 : Intervention (5 min 20 s)
  • 2010 : La fabrique des mirages (5 min 20 s)

Vidéos

  • 2001 : L'Homme de la chambre (21 min)
  • 2003 : Attendre sur le quai (8 min 50 s)
  • 2007 : Elle sous la pluie d'automne (8 min 30 s)
  • 2010 : A l'Adresse du silence (4 min 30 s)
  • 2011 : Encore une fois la neige (6 min)
  • 2011 : Feu ! (7 min)
  • 2012 : Une Journée (sur un poème de Jacques Rancourt) (2 min 30 s)
  • 2013 : La Couvrir de couleurs (12 min 30 s)
  • 2013 : Opération Araignée (9 min)

Scénariste

  • 1962 : La Vie brève de Monsieur Meucieu
  • 1966 : Tristesse des anthropophages
  • 1967 : Mathieu-fou
  • 1967 : Une saison chez les hommes
  • 1968 : La Femme-bourreau
  • 1977 : Madame la France
  • 1981 : L'Étouffe grand-mère de Jean-Pierre Bastid
  • 1992 : Clandestins en Chine, documentaire
  • 2006 : Un chant nègre, Léopold Sedar Senghor, documentaire
  • 2022 : Les tueurs d'ordinaire, fiction
  • 2022 : Maudite soit la guerre ! , en cours de réalisation
  • 2022 : 13 rue Paul Cahier, en cours de réalisation

Monteur

  • 1962 : La Vie brève de Monsieur Meucieu
  • 1966 : Tristesse des anthropophages
  • 1968 : Le Viol du vampire, de Jean Rollin
  • 1972 : Les Petits Enfants d'Attila, de Jean-Pierre Bastid

Producteur

  • 1962 : La Vie brève de Monsieur Meucieu
  • 1966 : Tristesse des anthropophages
  • 1967 : Une saison chez les hommes
  • 1967 : Mathieu-fou
  • 1968 : La Femme-bourreau
  • 1977 : Madame la France
  • 2022: Les Tueurs d'ordinaire

Acteur

  • 1962 : La Vie brève de Monsieur Meucieu : Monsieur Meucieu
  • 1966 : Tristesse des anthropophages : l'homme piqué
  • 1967 : Mathieu-fou : Mathieu
  • 1968 : La Femme-bourreau : un inspecteur de police
  • 1968 : Le Viol du vampire, de Jean Rollin
  • 2022 : 13 rue Paul Cahier : Monsieur Arnaud

Réalisation de spectacles

  • 1987 : Les Écrans du réel (15 min), Cité des Sciences et de l'Industrie
  • 1990 : Jardin des Délices (2h), mise en scène théâtrale
  • 1994 : La lettre à Hélice (13 min), Futuroscope de Poitiers
  • 1996 : Les Guerres de César (30 min), Mostra de Venise

Poèmes choisis

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Annie Dana, Le deuil du chagrin

Après L’usure du chagrin paru en 2022 chez le même éditeur, en voici le deuil. On pourrait voir dans ce poème le récit d’une résolution, sachant que ce mot comporte deux versants : on dit d’une équation qu’on la résout, on dit aussi qu’on se résout à prendre une décision…

Peut-être s’agit-il dans ce poème des deux acceptions à la fois : c’est quand on se résout à perdre son illusion que l’on résout le problème qu’elle posait. Alors le deuil du chagrin deviendrait possible.

Le chagrin était l’ombre portée d’une joie perdue, fût-elle désirée autant que vécue. En lui la trace d’un bonheur subsistait, en négatif, ce qui était une façon de le faire survivre malgré tout, il a fallu le perdre aussi. 

Il en aura donc fallu
Des deuils
Des ruptures
Des rejets
Pour accepter la vie comme un fleuve

Annie Dana, Le deuil du chagrin, coll. Plis urgents, Rougier V. éd., 2023, 13 €.

 

En ce sens cette résolution par le vide est une libération. Une fois l’illusion déçue, écrit Annie Dana, « se déploie la certitude / qu’aucun destin ne nous entrave ».

 Voilà ce que je tire de mon énigmatique lecture. Car encore une fois, comme souvent avec les poèmes, j’ai le sentiment d’être face à une idiosyncrasie, une langue faite de sous-entendus que seul le poète entendrait :

Nous trichons pour ne pas avouer
Notre histoire devenue sacrilège
Si facile de la délégitimer d’un rire

Si le poète enfouit son dire personnel c’est sans doute pour l’élargir, il ne souhaite pas en rester à ses « petites histoires », on peut le comprendre. Est-ce une pudeur, un penchant pour les secrets ? Pour ma part, j’aurais plutôt tendance à penser qu’il n’y a rien de plus universel que l’intime : les questions que pose Annie Dana sont existentielles, elles impliquent tout lecteur.

Reprenons :

Hier nous avions le cœur
Comme une dent de roue
Entrainée sans fin dans un engrenage
Hier nous ignorions qu’avec la chute du désir
Se dissout l’obstination

Le désir, donc, comme une mécanique qui nous entraîne dans ses rouages, malgré nous. On pourrait voir dans le poème entier le paradoxal éloge de l’aphanisis, que les psychanalystes décrivent comme la disparition du désir sexuel, laquelle serait, plus ou autant qu’une perte, une libération. C’est dire que deux voies mèneraient à l’extase. La  Thérèse  mystique nous  a décrit la voie  positive, cataphatique, à l’extrême de son désir elle débouche sur la joie de l’indifférence, la voilà détachée d’elle-même. Annie Dana nous emmène sur la voie négative, l’apophatique : l’abolition du désir nous ouvre à l’heureuse indifférence du monde.

On se lève un matin avec la foi du charbonnier
C’est au cœur d’un hiver que l’on guette l’été
Le prévisible nous ennuie
Quand l’impossible est accueillant
… ce serait bien mais…
S’il est mortifère
D’aimer trop longtemps sans retour
Et de labourer le champ du refus
Pour mieux l’irriguer d’illusions
Papillon qui virevolte sans fin
Autour de l’ampoule

Il n’empêche :

Mais comment renoncer aux rêves
Qui dictent à l’âme son destin

Nous resterons donc dans cet entre-deux : si le chagrin a disparu nous en porterons néanmoins le deuil, une fois dénouée la mécanique du désir c’est le délice qui nous reste.

Présentation de l’auteur

Annie Dana

Exilée d’Algérie, pays qui demeure pour moi une référence majeure, j’ai entamé des études supérieures de Philosophie à la Sorbonne avant d’entreprendre une carrière de comédienne au Conservatoire National puis à la Comédie Française.
J’ai assuré régulièrement la mise en scène de spectacles et, après l’obtention du Certificat d’Aptitude à l’Enseignement de l’art Dramatique, enseigné pendant 8 ans en Conservatoire de région où j’ai préparé de nombreux élèves à l’entrée des Concours nationaux.
Entre temps, écrire s’était imposé comme une révolution, une nécessité de traverser les interdits, un questionnement permanent sur les barrières internes de l’individu et l’ambivalence des genres. Depuis plus de 20 ans, j’ai poursuivi ma recherche en expérimentant cette interrogation sous de multiples formes poétiques, romanesques ou théâtrales. Mon inspiration puise aux sources du rêve, du fantasme et de l’autobiographie. En écho à mon expérience théâtrale, la scansion et la potentialité orale d’un texte s’imposent comme un facteur déterminant, ce qui a permis à la plupart des miens d’être adaptés et diffusés sur France Culture.
Parallèlement, j’anime depuis 15 ans des Ateliers d’écriture et de lecture, avec une prédilection pour les milieux sensibles et le monde carcéral.

Bibliographie

2003 - 2004
– Ecriture d’un roman de groupe, Rouge mémoire avec Michel Host, Jean Claude Bologne, Alain Absire, Jean Luc Moreau, Denis Borel.
2001 - 2005
– Publication de nouvelles dans plusieurs revues : Nouvelle Donne, La Barbacane...
2000 - 2002
– Les contes de la rue Perraul, roman de groupe, Editions Online
1991 De Pontoise à Osny, Ecriture et tournage d’un documentaire sur le milieu pénitentiaire (Ministère de la Justice).
1986
– Odysséa, pièce de théâtre, diffusée sur France Culture au « Nouveau Répertoire Dramatique », réalisation Evelyne Fremy
1983
– L’Oracle inversé, roman (Editions Rupture) diffusé sur France Culture dans l’émission « Un livre, des voix ».
1982
– Eblouie, fiction (Editions Rupture) représentée à Théâtre Ouvert, diffusée sur France Culture dans l’émission « Ecriture de femmes ».

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Irène Dubœuf, Palpable en un baiser

Ces vers d’Irène Dubœuf sont d’une extrême élégance, avec un sens aigu de l’émotion et de la nature, dans une étroite union entre matériel et immatériel :

 

 

En retrait du monde
dans des jours indociles
que rien ne vient éteindre
pas même la nuit
chaque chose se mesure à sa lenteur.

Irène Dubœuf, Palpable en un baiser, Éditions du Cygne, 2023, 60 pages - 10,00 €.

Les trames du sensible et du mental se fondent dans des images fluides, mouvantes et contrastées prenant naissance dans la méditation et le souvenir, dans la thématique de la présence et de l’abandon, de la présence dans l’abandon.

Dans l’oratoire secret
du poème
l’air brûle en silence
pas à pas
j’écris
au plus près de toi.

Sais-tu que la peau des mots
frissonne sous mes doigts ?

La matière même de l’amour, qui apparaît en filigrane, prend une dimension métaphysique : entre visible et invisible, possession et dépossession, être et néant, caractéristique de la tradition littéraire du pays d’appartenance.

Dans nos montagnes
le printemps ne fleurit qu’en été
les jours passent
enveloppant le temps de pétales de roses.

Ici on a passé un pacte avec la terre.
En échange, elle laisse entrevoir
le visage des choses.

À la matérialité de ce qui est terrestre vient s’unir le souffle ardant du silence, comme un renouveau rilkien, des choses et de l’humain au sein même des images. De même apparaît clairement l’usage des temporalités, lesquelles, dans leur stratification, confèrent un caractère d’absolu à la pérennité des affects, une pérennité qui prend vie dans la dimension charnelle de l’image, écho, comme chez Hölderlin et chez Rilke, de la poésie comme un « dire-vrai » et le fondement de la réalité, s’opposant à la stérilité du snobisme et des on-dit. Et enfin "Vivre" :

Substantiel, le rêve,
diaphane et léger comme la brume
au bord des fleuves
dans les mains de l’hiver,
car rêver
c’est vivre sans rien posséder
aimer
dans la clameur du silence.

 

Traduction de l’italien par Irène Dubœuf.

Présentation de l’auteur

Irène Duboeuf

Textes

Irène Duboeuf, native de Saint-Etienne, vit depuis 2022 dans la Drôme, près de Valence. Elle est l’auteure des recueils Le pas de l’ombre, Encres vives, 2008, La trace silencieuse, Voix d’encre, 2010 (prix Marie Noël, Georges Riguet et Amélie Murat 2011), Triptyque de l’aube, Voix d’encre, 2013 (Grand prix de poésie de la ville de Béziers), Roma, Encres vives, 2015,  Cendre lissée de vent, Unicité, 2017 (finaliste du prix des Trouvères), Bords de Loire, livre pauvre collection Daniel Leuwers 2019, Effacement des seuils, Unicité, 2019, Volcan, livre pauvre collection Daniel Leuwers, 2019, Un rivage qui embrase le jour, éditions du Cygne, 2021, Palpable en un baiser, éditions du Cygne, 2023.

En tant que traductrice, elle a publié Neige pensée, d’Amedeo Anelli, Libreria Ticinum editore, 2020, L’Alphabet du monde d’Amedeo Anelli, Édition du Cygne, 2020, Krankenhaus suivi de Carnet hollandais et autres inédits, de Luigi Carotenuto, Éditions du Cygne 2021, Hivernales et autres températures, d’Amedeo Anelli, bilingue italien/français, Libreria Ticinum Editore, 2022, Quatuors, d’Amedeo Anelli, Libreria Ticinum Editore, 2023, Des voix entourées de silence, Le Cygne, 2023. Ses traductions de sept autres poètes italiens sont parues dans Babel, stati di alterazione, anthologie multilingue d’Enzo Campi, Bertoni Editore, 2022. Ses propres poèmes sont traduits en italien, espagnol, arabe et chinois classique.

Site de l’auteure : https://irene-duboeuf.jimdofree.com

Poèmes choisis

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