Claude Minière : L’Année 2.0

Par |2023-10-21T07:32:45+02:00 20 octobre 2023|Catégories : Claude Minière, Critiques|

Après les comptes / la poésie pour l’histoire héroïque / con­quêtes, traversées /
et les his­toires domes­tiques : / beau­coup de chattes, offrandes

Claude Minière, né en 1938, fut d’abord insti­tu­teur avant d’exercer divers­es mis­sions pour le Min­istère de la Cul­ture. Il est l’auteur de plus d’une ving­taine d’ouvrages, roman, essais et surtout poésie.

Son dernier recueil est divisé en qua­tre par­ties qu’il présente ain­si : « Durant l’année 2.0 [celle du con­fine­ment], j’ai étudié la Mésopotamie, j’ai médité sur le com­bat du « zéro » et j’ai passé des heures dans le jardin pub­lic où les enfants s’étonnent des stat­ues. Puis je suis revenu à la civil­i­sa­tion. J’ai pen­sé à Orphée ».

Ses brefs poèmes se présen­tent comme de cour­tes médi­ta­tions. Le poète n’est pas né d’hier, il n’écrit pas pour rien dire (Rim­baud), ses apho­rismes traduisent autant l’expérience accu­mulée dans toute une vie (Elles sont sour­des les stat­ues / pas plus que les hommes au front dur) qu’un éton­nement tou­jours là face aux bizarreries de l’existence (le vieil homme sourit sur son banc / il par­le avec Jésus). Mais la poésie est d’abord tra­vail et jouis­sance de la langue et, de ce point de vue, le lecteur est comblé, depuis des envolées à la Perse :

Ce sont des enroule­ment presque inaudi­bles / que nous déchiffrons alors que les roues / des chars fai­saient grand bruit de chair / et de sang.

Claude Minière, L’Année 2.0 , Paris, Tin­bad « Poésie », 2022, 98 p., 15 €.

Jusqu’aux nota­tions les plus énigmatiques :

Les hommes ne s’effraient plus aux sol­stices, / et pour­tant elle tourne / on dit que dans la mal­adie on ne sent plus rien 

Ou la cita­tion humoristique :

Demain à l’aube je par­ti­rai / dans une bar­que comme tu sais

Ses vers sont irréguliers (même si les précé­dents sont deux ennéa­syl­labes) mais le poète cul­tive volon­tiers la rime :

Le sol a per­du son œil / mau­vais si bien / que l’espace est / plus ouvert dés le seuil

Ou plus net­te­ment encore :

le refoulé / le sol à grandes foulées / mais pour l’instant nous sommes ici / en Mésopotamie / à mi-chemin / sans fin / autre ver­sion de la résur­rec­tion / de l’érection

Il peut tout aus­si bien mul­ti­pli­er les allitérations :

Et main­tenant j’ouvre la fenêtre, j’aère, / la planète erre c’est l’heure de pass­er / aux exer­ci­ces de respiration

Pour tous ceux qui na con­nais­sent pas encore Claude Minière, L’Année 2.0 (dont on appréciera par ailleurs la maque­tte et la typogra­phies soignées) ne peut que don­ner envie d’en décou­vrir davan­tage, les livres ou, immé­di­ate­ment acces­si­bles, les petits textes disponibles sur Sitaudis.fr.

Présentation de l’auteur

Claude Minière

Essay­iste et poète, Claude Minière est né à Paris le 25 octo­bre 1938. Enseignant pen­dant quinze ans dans les École des Beaux-Arts, il est l’auteur d’un « panora­ma » de la créa­tion artis­tique en France entre 1965 et 1995 (L’art en France 1965–1995, Nou­velles édi­tions français­es, Paris, 1995). 

© Crédits pho­tos (sup­primer si inutile)

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Michel Herland

Michel Her­land est pro­fesseur des uni­ver­sités. En dehors de ses ouvrages et arti­cles pro­fes­sion­nels en sci­ences économiques, il est l’auteur d’un essai, Let­tres sur la jus­tice sociale à un ami de l’humanité (2006), de deux romans, L’Esclave (2014) et La Mutine (2018), de deux recueils de poésies, Haïkus-Mar­tinique (2018) et Tropiques suivi de Mis­erere (2020, éd. bilingue français-roumain), de nou­velles, d’un mono­logue, Le Dépar­leur, qu’il inter­prète lui-même au théâtre et de nom­breuses pub­li­ca­tions en revues.
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