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Jacques Robinet, Clartés du soir

La nuit, c'est la "mort" qui vient, c'est l'heure où "la lumière décline", alors, il faut promouvoir au mieux cette clarté, annonciatrice du jour.

Le poète oeuvre dans le feu de l'autre et du silence, à force d'images qui puissent nier l'exil, l'absence, la perte :

Une rose à la fenêtre
le gel au fond du coeur

Le chemin est un élément important de la poétique de Robinet : il inaugure "l'ouvert", engrange "l'estuaire", afin que la parole circule et vienne "le bleu du ciel".

Les poèmes, assez brefs, circonscrivent un domaine de réflexion : la présence de l'autre (ce "tu" obsédant), les impératifs dressés à soi ("reviens , n'écoute pas l'appel/ du vent"), les "traces" attendues, requises ou négligées.

Perdu sur mon chemin
j'ai tressailli à ton approche

Jacques ROBINET, Clartés du soir, unicité, 2022, 15 euros. Couverture de Renaud Allirand.

Un aller-retour désir / présence creuse les enjeux de cet intimisme brûlant : "la nuit respire/ ton silence".

On comprend l'intensité qui s'y joue et l'étonnement métaphysique "d'être là", encore, et toujours, en quête du beau, de l'impossible, de ce réel qui nous joue des tours.

"Rôdeur", témoin des "nocturnes", le poète sait "où règne la nuit/se tisse la lumière".

Lyrisme vivace, explorant les fins fonds de l'être : voilà où le poète nous mène, signe après signe, sans triche, énumérant les "passages incertains", "frottant les mots jusqu'à l'usure".

Le lexique, ainsi, ressasse les mêmes vocables, dans une volonté dense de tout dire de ce désir de "clartés".

Un beau livre.

Présentation de l’auteur

Jacques Robinet

Jacques Robinet , né en 1937, vit à Paris. Il est psychanalyste.

Publications :  Veille le Silence (éditions St Germain- des- Près, 1984 - épuisé)

En collaboration avec l'artiste peintre et graveur Renaud Allirand : Miroir d'ombres (2000) et Traces (2013) —  Frontières de sable (2013) et Feux nomades (2015) ont été publiés par les Editions la tête à l'envers à Ménetreuil ( 58330- Crux la Ville).

Poèmes choisis

Autres lectures

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« Seule compte l’heure  offerte qui vient à ma rencontre et cette branche qui tremble encore d’un oiseau envolé » (p.65) Ces notes sont à la fois méditation et dialogue, dialogue avec le lecteur et [...]

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Dès le premier poème de ce recueil, l’univers intime du poète s’offre aux lecteurs ; la communion avec les éléments de la nature : l’arbre, l’oiseau, mais aussi la nuit qui est une porte ouverte [...]

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Chronique du veilleur (53) : Jacques Robinet

Après La Monnaie des jours et Notes de l'heure offerte, Jacques Robinet nous offre des extraits de ses « notes » de l'année 2020, sous le titre L'Attente. Ce troisième volume me semble aller aussi loin qu'il est possible à un diariste en pleine maîtrise de son écriture. Il conjugue, en provoquant à chaque page une émotion rare, telle celle que l'on ressent aux confidences les plus intimes d'un ami cher, méditations et rêveries, réflexions et introspection, aveux et interrogations sur la vie et la mort.

Le croyant, le psychanalyste, le poète sont une seule et même personne, ils vivent en plus ou moins bonne intelligence, tentant de nouer une alliance qui pourrait enfin surmonter les doutes, les angoisses, les douleurs. En avouant la difficulté de les faire vivre ensemble et d'avancer sur un chemin où les pélerins ont laissé tant de traces, Jacques Robinet se montre à nous sans fard, sans recherche rhétorique, sans complaisance et souvent sans vaine pudeur.

Peut-être ne suis-je capable de prier que par inattention, par surprise, au contact de la beauté qui fait bondir mon cœur. Il en va de même en poésie où toute crispation est vaine. Prier, c'est peut-être rendre les armes, renoncer à être l'architecte de son temple, laisser s'écrouler les murs, se laisser envahir où les mots défaillent. Cette disponibilité n'est pas aisée pour l'obsessionnel tout occupé à colmater ses failles.

Jacques Robinet, L'Attente, La Coopérative, 22 euros.

C'est bien ce souci constant, souvent éprouvant, d'abolir la barrière que les mots paraissent élever contre celui qui veut se dénuder, se dévoiler en même temps, qui anime l'écrivain, toujours sur ses gardes, se défiant du langage comme de lui-même.

J'aimerais n'écrire que ce qui est essentiel, sans embellissements, sans prendre la pose, en déjouant le trop, le pas assez, le souffle du mensonge. En vieillissant, j'aimerais que tout se resserre sur le grain d'or qui brille  encore, après tant de sable secoué au tamis des années.

Longtemps, Jacques Robinet confesse avoir attendu pour prendre la plume. Parfois se permettait-il d'écrire un peu de poésie, « en fraude », la psychanalyse dévorant la majeure partie de son temps. Cette attente semble rejoindre celle, maintenant, du vieil homme malade qui ne cherche plus qu'à toucher, de tout son être, l'essentiel. Une attente qui vient de très loin, des « désirs inextricables » de l'adolescent sans doute, peut-être même de l'enfant passionnément attaché à sa mère.

L'enfant têtu demeure, ébloui et apeuré par son destin d'homme. Je ne cherche plus à le guérir, mais à retrouver la ferveur de ses commencements.

L'espérance de retrouver l'émerveillement premier, c'est sans doute, portée par un sentiment de bonheur que peut donner l'instant fugace, l'espérance confuse, plus ou moins consciente, de retrouver Celui qui est lumière et Vie. Le poète sait reconnaître et saisir ces moments précieux où le froid de la solitude est soudain réchauffé, inexplicablement.

Moments de bonheur quand, de la terrasse le soir, je regarde le jour se perdre lentement dans la nuit. Autour du jardin, la grande couronne des arbres assure le décor immuable d'un spectacle qui varie sans cesse. Jeu infini des couleurs qui effleurent ou embrasent le ciel. Oublieux de tout, je finis par me perdre à mon tour dans le grand silence de la nuit. Plus tard, montent les étoiles. Paix complice de ce brasillement.

Se perdre ainsi, ne serait-ce pas, au contraire, se sauver ? Ce que la poésie, qui fait étinceler son or secret dans tout ce livre, peut souvent approcher dans les beaux petits sentiers d' une prose magistrale, chemins buissonniers, chemins de traverse, qui fera date dans notre littérature contemporaine.

Présentation de l’auteur

Jacques Robinet

Jacques Robinet , né en 1937, vit à Paris. Il est psychanalyste.

Publications :  Veille le Silence (éditions St Germain- des- Près, 1984 - épuisé)

En collaboration avec l'artiste peintre et graveur Renaud Allirand : Miroir d'ombres (2000) et Traces (2013) —  Frontières de sable (2013) et Feux nomades (2015) ont été publiés par les Editions la tête à l'envers à Ménetreuil ( 58330- Crux la Ville).

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Jacques Robinet, Ce qui insiste

Dès le premier poème de ce recueil, l’univers intime du poète s’offre aux lecteurs ; la communion avec les éléments de la nature : l’arbre, l’oiseau, mais aussi la nuit qui est une porte ouverte sur le monde des songes et un temps plus propice aux prières. Ce poème en ouverture du recueil, est une réflexion sur la vie et la mort. La figure d’un « Lazare ébloui » qui apparaît dans le deuxième poème est emblématique de cette espérance voire de cette expérience quand la vie transcende toute mort.

Pour Jacques Robinet, la nuit n’est jamais obscure et le silence toujours habité par cette présence invisible qui habite sa vie et sa poésie.

En ce recueil aussi, une réflexion sur la parole et la création poétique qui est verbe de vie. Le poète se confie à la feuille blanche et alors : «  le silence / se prépare à chanter », il sait se mettre à l’écoute du moindre souffle, du moindre signe, il sait aussi relever « les signes éparpillés » et recoller « les tessons de la cruche brisée. »
Jacques Robinet se met à l’écoute de ce qu’il est de ce qu’il fut car «  rien ne s’égare » quand on a «  la certitude d’avoir aimé », quand on sait avoir été « l’enfant/ qui confondait anges et lumière ( qui avait ) consenti aux caprices du ciel/ sans craindre ses outrances/ (avait) écouté sans (se) lasser/ les échanges du vent des arbres… ».

Alors…on peut le temps venu, le temps vécu, accepter «  sans trop de crainte d’entrer dans ton silence. », d’entrer ébloui dans le grand SILENCE.

Jacques Robinet, ce qui insiste, Cahiers du Loup Bleu, Les Lieux-dits, 2022, 52 p., 7€.

La nuit est encore là
Nul oiseau ne chante

J’ouvre la fenêtre
laisse entrer l’air frais
son parfum d’arbres
secoués par le vent

C’est l’heure où les morts
plient bagage sans laisser
de traces sur la rosée

Le silence répand
ses prières et ses songes

Sur cette frange indécise
où tout s’inscrit
              où tout s’efface
la joie timidement s’invite

( p.5 )

Présentation de l’auteur

Jacques Robinet

Jacques Robinet , né en 1937, vit à Paris. Il est psychanalyste.

Publications :  Veille le Silence (éditions St Germain- des- Près, 1984 - épuisé)

En collaboration avec l'artiste peintre et graveur Renaud Allirand : Miroir d'ombres (2000) et Traces (2013) —  Frontières de sable (2013) et Feux nomades (2015) ont été publiés par les Editions la tête à l'envers à Ménetreuil ( 58330- Crux la Ville).

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Jacques Robinet, Ce qui insiste

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Chronique du veilleur (53) : Jacques Robinet

Après La Monnaie des jours et Notes de l'heure offerte, Jacques Robinet nous offre des extraits de ses « notes » de l'année 2020, sous le titre L'Attente. Ce troisième volume me semble aller aussi [...]

Jacques Robinet, Clartés du soir

La nuit, c'est la "mort" qui vient, c'est l'heure où "la lumière décline", alors, il faut promouvoir au mieux cette clarté, annonciatrice du jour. Le poète oeuvre dans le [...]




Jacques Robinet, Notes de l’heure offerte

« Seule compte l’heure  offerte qui vient à ma rencontre et cette branche qui tremble encore d’un oiseau envolé » (p.65)

Ces notes sont à la fois méditation et dialogue, dialogue avec le lecteur et dialogue avec Dieu.

Elles sont d’ordre spirituel et poétique, elles sont aussi lettres d’amour, adressées à l’aimé, et aux lecteurs, des lettres qui prolongent toute rencontre par-delà la mort, « heureux ceux qui dans l’amour se sont endormis ».

Un chant à la vie (p.157)

Pour Jacques Robinet, la psychanalyse et l’écriture sont des chemins de liberté, la psychanalyse pour mieux vivre, pour mieux aimer.

Ce journal est traversé d’une lumière, celle qui irradie la poésie de Marie Noël et c’est aussi ce même souffle de paix qui habite leurs mots, il n’est pas étonnant que deux vers de Marie Noël : « Le jardin au milieu du jour / Où l’on entend trembler la paix » résonnent en lui, lui qui : «  cherche à dire : le paisible écoulement, l’effacement consenti, l’acquiescement »(p.97), qui : «  cherche à atteindre dans le poème, l’éclair qui embrase brusquement les mots » (p.67) car, malgré tout ce qui pèse, essayer de tendre à cette vérité de nos vies qui se manifeste et nous allège quand on pose les mots en signe de notre passage, quand l’acte d’écrire se fait louange et  que «  vivre c’est rendre grâce ».

Jacques Robinet, Notes de l’heure offerte, La Coopérative, 2022, 176 pages, 21 €.

Un ouvrage qui se fait louange et action de grâce : « Merveille d’être au monde. Il suffit de cette tombée de la nuit habitée par une musique qui est louange.  Comme si quelqu’un s’éveillait et reconnaissait sa demeure.  La joie a pris le relais du jour qui s’en va. » (p.153)

Les mots pour dire les maux ou «  toutes les passions tristes qui empoisonnent la vie ». Dire, pour se désencombrer, s’abandonner.

Un livre essentiel, y chemine un homme qui se livre comme le fit Montaigne. Grâce à l’expérience personnelle, la réflexion s’élargit sur le sens de toute vie, sur la place de l’homme au regard de cette terre habitée brièvement. On y goûte le futile et l’important, le superficiel et l’éternel ; grâce à une observation des éléments, à la lecture des auteurs aimés, grâce aussi aux regards d’artistes connus ou anonymes qui ont su transmettre le beau.

Comme pour Montaigne, des analyses psychologiques comme celle sur la tristesse. Le psychanalyste que fut Jacques Robinet les élargit et les rend universelles. La mort, la sienne qui approche et celle des êtres aimés, la dire et l’écrire pour se réconcilier avec cette peur et traverser de façon lumineuse cette expérience intérieure. Une différence cependant, Montaigne dans ses essais ne recourt pas à la foi et éloigne l’immortalité de l’âme de sa réflexion. Jacques Robinet lui, interprète cette expérience à la lumière de sa foi chrétienne. L’un et l’autre cependant font, de chaque instant vécu, un éloge à la vie devant l’immanence de la mort, pour tenter d’être capable comme le dit Montaigne de la « vivre à propos ».

Le livre illustre admirablement cette réflexion de Montaigne que pour chacun notre vie soit : «  notre grand et glorieux chef d’œuvre ».

Toute expérience, y compris celle de la maladie, peut être source de louange car toute douleur donne de l’épaisseur à chaque rencontre, à chaque objet, à chaque élément de la nature, à tout ce qui nous est donné de vivre, de voir.

C’est tout un art de vivre que décline Jacques Robinet, pour celui qui peut être capable de plonger et son corps et son âme dans l’intemporalité.

Ici, pas d’exaltation, mais beaucoup de modération en toute expérience vécue ; une exception cependant, une tonalité plus exaltée pointe, lorsque l’auteur traite du sentiment amoureux, un lien affectif total, vécu en plénitude.

Parler de soi pour une ouverture au monde et aux autres.

Cette attention à soi est nourrie du plaisir que procurent les mots, la lecture, les voyages, la contemplation de la beauté qui est don de la nature et don fait à certains artistes touchés par la grâce.

Jacques Robinet écrivain, est touché par cette grâce qui fait naître la lumière de l’ombre. Cette grâce qui du silence, du « silence absolu » fait jaillir comme un point d’orgue à la fin du livre, cette prière de demande et d’intercession, quand on s’oublie et qu’il ne reste que l’amour, l’amour seul capable de s’adresser à celui dont on ne peut prononcer le nom, à celui qui n’est que lumière et « Amour offert depuis la création du monde ».

O Vous dont je retiens le nom au bout de ma plume, tant Vous débordez tout ce qui Vous désigne, gardez-le ; Vous qui êtes lumière et seulement amour, gardez-le toujours en Votre paix. Qu’il ne soit jamais séparé de Vous, celui que Vous m’avez confié autrefois, quand nous vivions tous les deux en nuit très profonde, sans savoir que Vous étiez là.  (p.170)

Présentation de l’auteur

Jacques Robinet

Jacques Robinet , né en 1937, vit à Paris. Il est psychanalyste.

Publications :  Veille le Silence (éditions St Germain- des- Près, 1984 - épuisé)

En collaboration avec l'artiste peintre et graveur Renaud Allirand : Miroir d'ombres (2000) et Traces (2013) —  Frontières de sable (2013) et Feux nomades (2015) ont été publiés par les Editions la tête à l'envers à Ménetreuil ( 58330- Crux la Ville).

Poèmes choisis

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Le Lieu-dit L’Ail des ours

Les éditions L'Ail des ours est un Lieu-dit. Ce qui suppose qu'il s'y déploie de multiples dimensions. Une profondeur. Une amplitude. Tout ceci naît de la rencontre, des rencontres de la poésie et de l'intensité, autre, de la représentation permise par les arts plastiques.

Ce partage d'espace entre un artiste plasticien et un poète n'est pas pour autant quelque chose de rare. Nombre de recueils proposent d'établir une dialectique entre ces deux polarité d'expression artistique. Alors il est intéressant de s'interroger sur ce qui fait la particularité de ces petits recueils publiés dans la Collection Grand ours de Michel Fiévet. Une grave et grande question...

Je crois qu'il s'agit d'abord de qualité éditoriale. Ces recueils de petit format sont imprimés sur un papier épais, doux, dont le grain légèrement palpable offre épaisseur à l'objet livre. Il y a ensuite la mise en page. Tout y est léger, c'est à dire aérien. Ceci façonne un écrin de papier qui permet de recevoir comme un cadeau à chaque fois unique le contenu de la page, poèmes centrés dont la typographie fine égraine de grandes lettres noires en police Garamond 13, 11, 10 et 8, que ponctuent des pages où des œuvres de plasticiens scandant le rythme d'apparition des poèmes. Un artiste et un poète se rencontrent.

Jacques Robinet, Brèches, L'Ail des ours, collection Grande ours / n°6, œuvres de l'artiste Renaud Allirand, La Roque d'Anthéron, 2020, 65 pages, 8€.

Pour les volumes 6, 7 et 8, respectivement Jacques Robinet et Renaud Allirand pour Brèches, Sabine Péglion auteure des poèmes et des œuvres plastiques pour Dans le vent de l'archipel, et Albertine Benedetto avec encore Renaud Allirand cette fois-ci pour des encres, réunis pour le recueil Sous le signe des oiseaux.  

Que dire de ce petit volume, Brèches, léger par la taille, mais épais, grave, grand, par le langage et les quelques œuvres qui ponctuent l'apparition des poèmes. Jacques Robinet agence les mots avec cette ambition partagée par les poètes : libérer le langage de ce carcan du sens, et ouvrir des horions. Là celui de l'existence, dans ce face à face de l'homme avec lui-même, dans une sorte de bilan, et en même temps d'étape, point d'orgue du parcours avant d'emprunter une autre route.

On consent à n'être plus
que ce voyageur épuisé
d'avoir trop confondu
ses rêves et ses captures

Sous le couvert d'un arbre
on s'abandonne
au bruissement de l'eau

Sans plus rien retenir.

Constats posés à mi chemin, et réflexions sur ce que peut être la vie, magnifiée par les mots, la poésie, écrire, qui afflue comme le sang régénère le corps.

 

La chambre s'éclaire
Pourquoi t'agites-tu 

Ecoute ton cœur qui bat

Les mots sont des colombes 
qui de l'infini s'abreuvent

Laisse-les s'ébrouer
avant qu'ils ne s'évadent
dans la clarté de l'aube

Ne dérobe pas
la poussière des songes

 

Les peintures de Renaud Allirand représentent ces strates de vie, couche après couche, l'une dévoilant l'autre, dans un magma coloré et presque organique. Fouiller l'espace, c'est ici ce que font poète et peintre, qui semblent unir leurs tentatives pour dévoiler le sens, ultime, du silence et du blanc de la page.

 

Jacques Robinet, Brèches, L'Ail des ours, collection Grande ours / n°6, œuvres de l'artiste Renaud Allirand, La Roque d'Anthéron, 2020, 65 pages, 8€, p. 19.

Le recueil de Sabine Péglion, accompagné par les œuvres plastiques de la poète, est intéressant à double titre. D'abord parce que cette poésie qui joue avec l'espace scriptural et les typographies laisse entrevoir les nuances de bleu de l'océan grâce à ces mises en scènes des textes, qui prennent pour univers référentiel la mer. Champs lexicaux et isotopies se conjuguent, et opèrent des va-et-vient entre des éléments biographiques, et des indications concernant les traversées et l'Histoire. Des noms de lieux et le métalangage de la navigation scandent les étapes topographiques, tandis que des épithètes viennent étayer une métaphore, car ce voyage est aussi celui de l'être qui avance dans les dédales de l'existence, que l'on devine parfois âcre, parfois initiatique, finalement, comme toute vie dès lors qu'elle est abordée en conscience. 

 

Du plus loin de la nuit
Eau si profonde
d'années enfouies
Blessure muette

D'autres îles d'autres terres
Dérivent au gré des vagues

Il est des lieux qui nous hantent

 

Les toiles de l'artiste sont alors une mise en abîme de ces strates de vie, de lieux, de lectures aussi, celles du poème, qui révèle sa puissance, mais jamais la même, à chaque lecture différente.

Sabine Péglion, Dans le vent de l'archipel, L'Ail des ours, collection
Grande ours / n°7, œuvres de l'artiste, La Roque d'Anthéron, 2020,
59 pages, 8€.

Sabine Péglion, Dans le vent de l'archipel, L'Ail des ours, collection
Grande ours / n°7, œuvres de l'artiste, La Roque d'Anthéron, 2020,
59 pages, 8€, p.25.

Albertine Benedetto pour le numéro 8 de ces petits volumes, place sa poésie Sous le signe des oiseaux. Une gageure, que la poète relève vaillamment tant le sujet porte de topos, tous plus usités les uns que les autres. Le plasticien qui accompagne ses textes est Renaud Allirand à nouveau. Tous deux ont choisi une littéralité qui recèle cependant bien des richesses, et bien des habiletés pour aborder cette thématique chargée de déjà bien des voix. La quatrième de couverture évoque ceci :

 

Une fois encore 
revenir longer
les souvenirs
pour allonger
le temps

une fois encore
célébrer
la fleur et l'oiseau
en épousant la terre

une fois encore
la lumière
fut ce lâcher de colombes sur la mer

 

C'est donc dans le sillage de ces prédécesseurs qu'est d'emblée placé le recueil. Le référentiel est une lignée diachronique assumée, mais jamais de manière gratuite. Le poème recèle l'énonciation de sa propre existence, et un tissu isotopique relayé par des choix paradigmatiques qui évoquent l'écriture dessine son propre reflet.

 

Dans ce qui se dit
l'ombre vacille
un peu

ainsi l'oiseau qui veille
toujours fait respirer la nuit
d'une ponctuation grave
cousant le calme
sur la risée

N'est-ce pas le poème, qui brode le silence sur le chant du langage ? De même le tracé du pinceau comme un acte de pure création est au cœur de cette mise en abyme de la création d'une création, de l'écriture d'une écriture, comme au centre d'une nature d'où tout part, et où tout revient toujours.

Dans l'arabesque
dansée à partir du poignet
par pressions du pinceau
crissant sur l'étoffe
les doigts serrent
le roseau
tracent les envols
martins-pêcheurs
le soir au bord
des rivières sans nom
tout le bleu et le vert
de leurs ailes
éclairent le trait

Pour Abdallah Akar, calligraphe

Albertine Benedetto, Sous le signe des oiseaux,
L'Ail des ours, collection Grande ours / n°8, œuvres
de l'artiste Renaud Allirand, La Roque d'Anthéron, 2021,
69 pages, 6€.

Albertine Benedetto, Sous le signe des oiseaux,
L'Ail des ours, collection Grande ours / n°8, œuvres
de l'artiste Renaud Allirand, La Roque d'Anthéron, 2021,
69 pages, 6 €, p.27.

Il se passe bien des choses dans les pages des recueils parus chez L'Ail des ours. On met les arbres, le sable et la mer dans des poèmes, on ose convoquer pour la énième fois le chant des oiseaux. Mais est-ce juste pour faire des livres ? Non, je dirai que justement, c'est en cela que L'Ail des ours est un lieu-dit. Il se passe qu'affleure la matière du poème, son origine et sa destinée, là où se conjuguent l'espace et le trait, dans ce lieu-dit, L'Ail des ours. Amplitude. Profondeur.

Présentation de l’auteur

Albertine Benedetto

Albertine Benedetto, vit et travaille à Hyères depuis 1992. Ses poèmes ont paru en revue (Friches, Aujourd’hui Poèmes, Rehauts, …). Son premier recueil, "Lustratio", a été édité en 2001 sous le pseudonyme d’Albertine Héraut. En 2018 elle reçoit le Prix Jean Follain pour son recueil Le Présent des bêtes.

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Petit livre tout de vent, d'écume, de sillage. Partir-revenir : le double voeu de ces poèmes simples, qui tracent l'errance à coup d'infinitifs du désir : « appareiller », « déposer », « découvrir ». La leçon [...]

Présentation de l’auteur

Jacques Robinet

Jacques Robinet , né en 1937, vit à Paris. Il est psychanalyste.

Publications :  Veille le Silence (éditions St Germain- des- Près, 1984 - épuisé)

En collaboration avec l'artiste peintre et graveur Renaud Allirand : Miroir d'ombres (2000) et Traces (2013) —  Frontières de sable (2013) et Feux nomades (2015) ont été publiés par les Editions la tête à l'envers à Ménetreuil ( 58330- Crux la Ville).

Poèmes choisis

Autres lectures

Chronique du veilleur (38) : Jacques Robinet

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Jacques Robinet, Ce qui insiste

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Chronique du veilleur (53) : Jacques Robinet

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Jacques Robinet, Clartés du soir

La nuit, c'est la "mort" qui vient, c'est l'heure où "la lumière décline", alors, il faut promouvoir au mieux cette clarté, annonciatrice du jour. Le poète oeuvre dans le [...]




Chronique du veilleur (38) : Jacques Robinet

 Jacques Robinet a publié plusieurs livres de poèmes aux éditions La Tête à l’envers. En 2018, les éditions La Coopérative ont fait paraître son récit autobiographique, Un si grand silence, bouleversante évocation de la figure maternelle et du parcours d’existence de ce prêtre psychanalyste, ami de Julien Green.

Les qualités de son écriture, sensible et très maîtrisée à la fois, éclataient dans ces pages de prose, d’une exigence bien rare en notre époque. Sans aucune complaisance, sans autre ligne directrice que la recherche inlassablement reprise de la vérité de l’être.

La monnaie des jours, qui vient de paraître, me semble réunir en un volume toutes ces remarquables qualités. « Un passé en forme de traces » offre d’abord, en une première partie, un ensemble de poèmes en prose, précédés d’une « lettre à mon dernier analyste ». Ce sont des rencontres, des ambiances, des songeries, qui font penser au promeneur ou au rêveur des crépuscules baudelairiens.

La partie centrale, la plus importante, rassemble des pages de journal des années 2012 à 2019. Le poète dialogue avec lui-même, le croyant s’interroge sur sa foi, sur Dieu et sur la mort. L’écriture du diariste atteint là des sommets, où le feu de l’introspection se confond avec les rougeoiements et les brûlures d’une parole  souvent confrontée au silence.

Ecrire ces choses, remâchées depuis toujours, non pour me convaincre, mais pour atteindre le silence où Son appel me convoque.

Jacques Robinet, Un si grand silence, Editions de la Coopérative, 2018, 148 pages, 18 €.

N’être plus à la fin que cette brebis pantelante qui se rend au berger qui la poursuit. Oh ! les mots, les phrases, l’enchaînement des images, tout cela usé jusqu’à la corde, cet épuisement du langage qui se hâte, honteux, vers sa source, sans jamais la reconnaître, ni renoncer pour autant à sa quête.

Si Dieu vient, que ce soit malgré cette hémorragie du langage qui est maladie humaine. Il faudrait être, à son exemple, un enfant sans paroles pour l’accueillir. Tous nos mots bafouillent, couvrent sa voix qui est silence.

 

Comment ne pas ressentir ici, profondément, cette fièvre, cette lutte avec et contre les mots, pour tâcher d’avancer sur le chemin de lumière ? Jacques Robinet aime ces mots, il avoue : « Je me grise de mots, je le sais. J’ai besoin de mots comme l’oiseau a besoin de graines. Je les rêve, les brode, les charge de mission impossible : dire à ceux que j’aime, morts ou vivants, combien ma vie est riche grâce à eux. » Mais il sait aussi, et il le prouve à chaque page, que la « source endormie » peut jaillir « au détour d’un mot ». La vie de l’âme, suivie en ses doutes, ses contradictions, ses météorologies intérieures, ne cesse d’alimenter ce journal.

 

Jacques Robinet, La Monnaie des jours, Editions de la Coopérative, 2019, 233 pages, 21 €.

Si on devait penser à l’avenir de nos pauvres écrits, nous aurions tôt fait de ramasser nos pelles et nos seaux, avant la prochaine marée. Il faut écrire comme l’enfant joue à capturer la mer, sans  y croire. Si vivre pouvait être occupation ludique, le monde serait moins sinistre. Inutile de rêver ! On écrit le plus souvent pour tenir en respect la crainte et la douleur. Toute création s’efforce de guérir la vie.

 

Le psychanalyste le sait, mais tout aussi bien le chrétien qui veut vivre dans l’amour : parler, écrire, peuvent aider, à condition que tout reste ouvert, que l’on puisse faire confiance au plus simple,  qui est souvent aussi le plus silencieux.

 

L’Inconnaissable nous frôle sans se dévoiler. Il suffit de maintenir la possibilité d’une promesse qui ne se trahit pas. Trop de discours se referment. Comment garder l’ouvert ? Dehors, le silence des arbres qui ruminent la lumière. Ne pas faire procès à Dieu de ses extravagances qui sont l’expression de ce qui déborde nos limites. Revenir à la goutte d’eau qui se perd dans la mer.

 

La dernière partie du livre, « Clartés d’avenir », tente par une autre voie, celle de l’aphorisme, d’atteindre cet « Inconnaissable », et ce sont  alors de fraîches gouttes qui semblent couler de source :

 

                  Ne retiens pas l’oiseau ou la fleur : goûte son chant et son parfum

                                                              *

                 Neige : coup d’archet du silence

                                                              *

                 Ecrire comme on plante des arbres : pour retenir la terre auprès des eaux

 

Cette belle et riche « monnaie des jours », que Jacques Robinet grappille pour nous dans l’espérance, malgré sa hantise de la mort qui vient, malgré toute la cruauté tragique de la vie, nous la recevons comme un véritable trésor, de beauté et d’humanité.




Chronique du veilleur (20) – Jacques Robinet, Feux nomades

 Jacques Robinet, parisien, né en 1937, est psychanalyste et a commencé à publier à partir de 2000 des livres illustrés par les encres de son ami Renaud Allirand. Vient de paraître aux éditions La Tête à l’envers : Feux nomades, dont la voix, entre murmure et silence bien souvent, retient immédiatement le lecteur.

Jacques Robinet écrit une poésie d’interrogations patientes : sur le passé, le deuil et les absences, sur le présent du langage poétique, sur la dernière étape du parcours de son existence qu’il lui reste à accomplir. Il lui suffit de laisser entrer toutes ces forces d’ombre qui se pressent aux lisières ou sur le seuil :

La vie frappait aux portes de ta clôture
Pourquoi n’ouvrais-tu pas ?

Tu pensais : demain je sortirai
je découvrirai le chemin des rivières
je parlerai au vent aux hommes aux oiseaux

Demain n’existe pas
pour qui dialogue avec les ombres

Jacques Robinet, Feux nomades, Editions La Tête à l’envers, 16 euros

Jacques Robinet, Feux nomades, Encres de Renaud Allirand, Éditions La Tête à l’envers, 16 euros

Mais il y a « ce qui échappe aux mots », ce « tourment d’abeilles jamais comblées / par le pillage des fleurs ». Le poète écarte la tentation du renoncement, du mutisme, du désespoir. Il ne cesse de tendre vers ce qui, dans l’invisible, lui apportera la réponse :

Passages d’eau de vent de feu
Comment parvenir au lieu secret
où tout se livre où tout se perd ?

C’est avec une foi et une espérance un peu voilées ou hésitantes, qu’il avance sur le chemin, « sans autre savoir que cette attente / qui s’amplifie / du déclin de l’ombre ». Sa poésie répond sans ambages au désir profond du cœur, elle fait confiance, malgré tout, à ce que l’homme sent en lui d’éternel :

Chacun tisse son ciel
avec quelques étoiles
Une poignée de graines
fleurissent un jardin

Nous prenons pour guides
ceux qui filtrent la parole
au tamis du silence

qui négligent le feuillage
pour surprendre le vent

Jacques Robinet a encore beaucoup de forts poèmes à écrire parce qu’il va continuer, on le pressent, jusqu’au bout, « de chimères en certitudes / sans jamais renoncer / à aborder le rivage / d’une terre inconnue. » Son engagement spirituel ne cesse de s’affirmer, l’écriture de ses poèmes en témoigne avec une belle évidence.

Chronique du veilleur

Retrouvez l'ensemble de la Chronique du veilleur, commencée en 2012 par Gérard Bocholier