Jacques Robinet, Notes de l’heure offerte

Par |2023-02-21T07:18:42+01:00 21 février 2023|Catégories : Critiques, Jacques Robinet|

« Seule compte l’heure  offerte qui vient à ma ren­con­tre et cette branche qui trem­ble encore d’un oiseau envolé » (p.65)

Ces notes sont à la fois médi­ta­tion et dia­logue, dia­logue avec le lecteur et dia­logue avec Dieu. 

Elles sont d’ordre spir­ituel et poé­tique, elles sont aus­si let­tres d’amour, adressées à l’aimé, et aux lecteurs, des let­tres qui pro­lon­gent toute ren­con­tre par-delà la mort, « heureux ceux qui dans l’amour se sont endormis ».

Un chant à la vie (p.157)

Pour Jacques Robi­net, la psy­ch­analyse et l’écriture sont des chemins de lib­erté, la psy­ch­analyse pour mieux vivre, pour mieux aimer.

Ce jour­nal est tra­ver­sé d’une lumière, celle qui irradie la poésie de Marie Noël et c’est aus­si ce même souf­fle de paix qui habite leurs mots, il n’est pas éton­nant que deux vers de Marie Noël : « Le jardin au milieu du jour / Où l’on entend trem­bler la paix » réson­nent en lui, lui qui : «  cherche à dire : le pais­i­ble écoule­ment, l’effacement con­sen­ti, l’acquiescement »(p.97), qui : «  cherche à attein­dre dans le poème, l’éclair qui embrase brusque­ment les mots » (p.67) car, mal­gré tout ce qui pèse, essay­er de ten­dre à cette vérité de nos vies qui se man­i­feste et nous allège quand on pose les mots en signe de notre pas­sage, quand l’acte d’écrire se fait louange et  que «  vivre c’est ren­dre grâce ».

Jacques Robi­net, Notes de l’heure offerte, La Coopéra­tive, 2022, 176 pages, 21 €.

Un ouvrage qui se fait louange et action de grâce : « Mer­veille d’être au monde. Il suf­fit de cette tombée de la nuit habitée par une musique qui est louange.  Comme si quelqu’un s’éveillait et recon­nais­sait sa demeure.  La joie a pris le relais du jour qui s’en va. » (p.153)

Les mots pour dire les maux ou «  toutes les pas­sions tristes qui empoi­son­nent la vie ». Dire, pour se désen­com­br­er, s’abandonner.

Un livre essen­tiel, y chem­ine un homme qui se livre comme le fit Mon­taigne. Grâce à l’expérience per­son­nelle, la réflex­ion s’élargit sur le sens de toute vie, sur la place de l’homme au regard de cette terre habitée briève­ment. On y goûte le futile et l’important, le super­fi­ciel et l’éternel ; grâce à une obser­va­tion des élé­ments, à la lec­ture des auteurs aimés, grâce aus­si aux regards d’artistes con­nus ou anonymes qui ont su trans­met­tre le beau.

Comme pour Mon­taigne, des analy­ses psy­chologiques comme celle sur la tristesse. Le psy­ch­an­a­lyste que fut Jacques Robi­net les élar­git et les rend uni­verselles. La mort, la sienne qui approche et celle des êtres aimés, la dire et l’écrire pour se réc­on­cili­er avec cette peur et tra­vers­er de façon lumineuse cette expéri­ence intérieure. Une dif­férence cepen­dant, Mon­taigne dans ses essais ne recourt pas à la foi et éloigne l’immortalité de l’âme de sa réflex­ion. Jacques Robi­net lui, inter­prète cette expéri­ence à la lumière de sa foi chré­ti­enne. L’un et l’autre cepen­dant font, de chaque instant vécu, un éloge à la vie devant l’immanence de la mort, pour ten­ter d’être capa­ble comme le dit Mon­taigne de la « vivre à pro­pos ».

Le livre illus­tre admirable­ment cette réflex­ion de Mon­taigne que pour cha­cun notre vie soit : «  notre grand et glo­rieux chef d’œuvre ».

Toute expéri­ence, y com­pris celle de la mal­adie, peut être source de louange car toute douleur donne de l’épaisseur à chaque ren­con­tre, à chaque objet, à chaque élé­ment de la nature, à tout ce qui nous est don­né de vivre, de voir.

C’est tout un art de vivre que décline Jacques Robi­net, pour celui qui peut être capa­ble de plonger et son corps et son âme dans l’intemporalité.

Ici, pas d’exaltation, mais beau­coup de mod­éra­tion en toute expéri­ence vécue ; une excep­tion cepen­dant, une tonal­ité plus exaltée pointe, lorsque l’auteur traite du sen­ti­ment amoureux, un lien affec­tif total, vécu en plénitude.

Par­ler de soi pour une ouver­ture au monde et aux autres.

Cette atten­tion à soi est nour­rie du plaisir que pro­curent les mots, la lec­ture, les voy­ages, la con­tem­pla­tion de la beauté qui est don de la nature et don fait à cer­tains artistes touchés par la grâce.

Jacques Robi­net écrivain, est touché par cette grâce qui fait naître la lumière de l’ombre. Cette grâce qui du silence, du « silence absolu » fait jail­lir comme un point d’orgue à la fin du livre, cette prière de demande et d’intercession, quand on s’oublie et qu’il ne reste que l’amour, l’amour seul capa­ble de s’adresser à celui dont on ne peut pronon­cer le nom, à celui qui n’est que lumière et « Amour offert depuis la créa­tion du monde ».

O Vous dont je retiens le nom au bout de ma plume, tant Vous débor­dez tout ce qui Vous désigne, gardez-le ; Vous qui êtes lumière et seule­ment amour, gardez-le tou­jours en Votre paix. Qu’il ne soit jamais séparé de Vous, celui que Vous m’avez con­fié autre­fois, quand nous viv­ions tous les deux en nuit très pro­fonde, sans savoir que Vous étiez là.  (p.170)

Présentation de l’auteur

Jacques Robinet

Jacques Robi­net , né en 1937, vit à Paris. Il est psychanalyste.

Pub­li­ca­tions :  Veille le Silence (édi­tions St Ger­­main- des- Près, 1984 — épuisé)

En col­lab­o­ra­tion avec l’artiste pein­tre et graveur Renaud Alli­rand : Miroir d’om­bres (2000) et Traces (2013) —  Fron­tières de sable (2013) et Feux nomades (2015) ont été pub­liés par les Edi­tions la tête à l’en­vers à Méne­treuil ( 58330- Crux la Ville).

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Ghislaine Lejard

Ghis­laine Lejard a pub­lié plusieurs recueils de poésie, dernières paru­tions en 2015 : Si brève l’éclaircie (ed Hen­ry), en 2016 : Un mille à pas lents (ed La Porte), 2018 a col­laboré avec 25 textes au livre de Bruno Roti­val Silence et Partage (ed Medi­as­paul, 2019 Lam­beaux d’humanité en col­lab­o­ra­tion avec Pierre Rosin ( ed Zin­zo­line). . Ses poèmes sont présents dans des antholo­gies, dans de nom­breuses revues et sur des sites. Elle col­la­bore régulière­ment pour des notes de lec­ture ou des arti­cles à des revues papi­er et des revues numériques. Des plas­ti­ciens ont illus­tré de ses poèmes, des comé­di­ens les ont lus. Elle organ­ise des ren­con­tres poé­tiques. Elle a été élue mem­bre de l’Académie lit­téraire de Bre­tagne et des Pays de la Loire, en 2011. Elle est mem­bre de l’association des écrivains bre­tons ( AEB). Elle est aus­si plas­ti­ci­enne, elle réalise des col­lages. Elle a par­ticipé à des expo­si­tions col­lec­tives en France et à l’étranger et a réal­isé des expo­si­tions per­son­nelles. Ses col­lages illus­trent des recueils de poésie. Elle col­la­bore avec des poètes à la réal­i­sa­tion de livres d’artiste http://ghislainelejard.com/ https://fr.wikipedia.org/wiki/Ghislaine_Lejard Elle ani­me des ate­liers de col­lage. Elle pra­tique l’art postal, a réal­isé à Nantes et en région nan­taise des expo­si­tions d’art postal ; elle a ini­tié le con­cept de « rich­es enveloppes », asso­ciant col­lage et poésie, de nom­breux poètes y ont déjà participé.
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