Gras­set, un nom bien con­nu en poésie, dans la famille Gras­set, il y a Bernard le frère de Jean-Luc qui a pré­facé ce recueil. Un recueil qui paraît après une vie de silence et d’écriture secrète, des mots qu’il a su « garder dans la braise » pour enfin partager ce : « chant de lumière, chant d’amour et indis­sol­uble­ment aus­si chant de vie » (Bernard Gras­set préface)

Au cœur de l’écriture, la fragilité ; les mots pour la retenir et le regard pour en capter les instants de lumière. Le lan­gage comme une source qui ne cesse de nous met­tre au monde :

Tu cries entre les mots

Le pas­sage libre

D’une eau qui chante

Rien ne l’arrêtera

Et sa voix continue

Nous met encore au monde 

 

Jean-Luc Gras­set, Le dit des jours, ed Des Sources et des Livres

Au fil des poèmes se déploie une médi­ta­tion sur le temps, l’amour, la vie qui tente de dire le «  sim­ple mir­a­cle d’être », car la vie est comme « une prière con­tin­ue », la vie à la lumière du partage : « Des vies partagées / les hôtes de passage/sèment de douces lumières ».

En ce recueil, la vie dans sa sim­plic­ité, la vie hum­ble, vécue dans le silence, un silence qui nour­rit la terre quand elle est vie des innocents…

Il nous faut : « Tenir debout / faible et libre » à l’image de ce

… Dieu errant

Et pau­vre et faible

Qui cherche un toit

Par­mi les hommes

Une épaule où pos­er 

Sa tête blessée. 

Il y a tant de blessures faites à Dieu, aux hommes, au monde :

Nous avons cassé le monde

Le vase était si frag­ile entre nos mains

Saurons-nous sur­vivre ? 

De nos blessures, de nos peines, tout cueil­lir car tout est promesse et du fond de la nuit ne cesse de briller la lumière pure des étoiles.

La lumière est récur­rente dans ce recueil, jusqu’ « au fond des tiroirs », la lumière qui irradie l’instant même de la mort.

En la demeure du poète s’invite le mes­sager du ciel, l’ange est à la table du poète, il séjourne la semaine en la mai­son sereine.

La dernière par­tie du recueil est un hymne à l’amour, des poèmes plus amples, car cet amour du cou­ple dépasse les murs de la mai­son ; cet amour « est à tous » :

… cet amour si mûr qui nous dépasse

Et nous con­sole des années où nous étions si seuls

C’est bien le nôtre mais il est à tous. 

L’amour com­mu­nie avec les élé­ments, s’inscrit au cœur même de la nature tra­ver­sée par cette lumière «  où s’enfante tout amour », une lumière qui irradie beau­coup des poèmes de cette par­tie, «Une lumière que rien n’arrête», plusieurs titres de poèmes y font référence, Ray­on – Soleil d’hiver- Lumières…

Un titre résume l’esprit de ce recueil : voy­age intérieur. En ce recueil, le poète est bien cet infati­ga­ble pèlerin du jour et de la nuit : « veilleur du monde/qui nous est confié »

Jean-Luc Gras­set porte un regard con­tem­platif sur ce qui l’entoure et tout est objet d’émerveillement, le monde est bien un don reçu qu’il nous revient de cul­tiv­er, pour partager le bon­heur de le con­tem­pler, le bon­heur d’être là mal­gré les tem­pêtes, la nuit et les blessures et pou­voir peut-être : «  Dans la détresse du monde…/ don­ner suite au miracle ».

Avec des mots dépouil­lés de toute emphase pour être au plus près de l’humilité et de la fragilité, ces poèmes sou­vent con­cis sont des ful­gu­rances de lumière ils captent l’essentiel quand on sait devenir pau­vre pour accueillir,recueillir les dons que nous offre la vie.

L’encre de  Flo­re Angèle sur la pre­mière de cou­ver­ture, entre ombre et lumière sait nous dire que la nature accueille au cœur même de la nuit une coulée de lumière ; belle métaphore visuelle de ce que le poète va déclin­er tout au long de son recueil.

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Ghislaine Lejard

Ghis­laine Lejard a pub­lié plusieurs recueils de poésie, dernières paru­tions en 2015 : Si brève l’éclaircie (ed Hen­ry), en 2016 : Un mille à pas lents (ed La Porte), 2018 a col­laboré avec 25 textes au livre de Bruno Roti­val Silence et Partage (ed Medi­as­paul, 2019 Lam­beaux d’humanité en col­lab­o­ra­tion avec Pierre Rosin ( ed Zin­zo­line). . Ses poèmes sont présents dans des antholo­gies, dans de nom­breuses revues et sur des sites. Elle col­la­bore régulière­ment pour des notes de lec­ture ou des arti­cles à des revues papi­er et des revues numériques. Des plas­ti­ciens ont illus­tré de ses poèmes, des comé­di­ens les ont lus. Elle organ­ise des ren­con­tres poé­tiques. Elle a été élue mem­bre de l’Académie lit­téraire de Bre­tagne et des Pays de la Loire, en 2011. Elle est mem­bre de l’association des écrivains bre­tons ( AEB). Elle est aus­si plas­ti­ci­enne, elle réalise des col­lages. Elle a par­ticipé à des expo­si­tions col­lec­tives en France et à l’étranger et a réal­isé des expo­si­tions per­son­nelles. Ses col­lages illus­trent des recueils de poésie. Elle col­la­bore avec des poètes à la réal­i­sa­tion de livres d’artiste http://ghislainelejard.com/ https://fr.wikipedia.org/wiki/Ghislaine_Lejard Elle ani­me des ate­liers de col­lage. Elle pra­tique l’art postal, a réal­isé à Nantes et en région nan­taise des expo­si­tions d’art postal ; elle a ini­tié le con­cept de « rich­es enveloppes », asso­ciant col­lage et poésie, de nom­breux poètes y ont déjà participé.