Victor Malzac, Vacance

Uppercut littéraire

 

J’abonde, bouge, avance un peu trop vite, je démarre

des moteurs, des danses, des envies se font en

moi sans gêne, sur la plage ou dans le jardin de

mes parents qui brûle…/…

Victor Malzac : Victor comme Hugo, Malzac comme Balzac, on dirait un pseudo à la Patrick Bruel. Pour l’heure inclassable/insaisissable pour cause de jeunesse, difficile à cerner…( à palper, écrirait-il), malgré ce qu’il écrit et ce qu’on a déjà écrit sur lui ; en dépit de sadite jeunesse.

Le clavier de Victor Malzac est en surface au moins un mix de La Fureur de vivre et de Soudain l’été dernier sans la victimisation. En aussi percutant, quoique en poésie sur le papier et pas en chair et en os à l’écran.

En 1871, les Vilains Bonhommes ont dû ressentir quelque chose d’approchant en entendant Rimbaud lire Le Bateau ivre.

Pas souvent là où on l’attend, Malzac. 

Au fait, où en est-il, aujourd’hui ? Le recueil Vacance remonte à fin 2022. Depuis, vite, en 2024, il y a eu le roman, Créatine, dans une veine voisine, à ce que j’en devine des critiques que je feuillette - mais je préfère ne pas le lire avant d’avoir rédigé ceci. Avant de me jeter dessus après.

Très chic, Vacance, l’objet, dans la collection grise de Cheyne en Ardèche. Très fin, le rouge sous le gris comme une semelle Louboutin.

Moins chic, moins fin, Sète, là où ça se passe, quoique en métamorphose de nos jours, comme Arles et La Ciotat, les vieux bastions communistes maritimes du Midi la rouille, le métal, les pneus, badigeonnés soudain d’investissements libéraux. Car ils ont en fond ce Midi-là le sable et les palmiers du grand renversement, les mots du petit jeune, ou de la petite jeunette - on s’en fiche -, à scooter ou en skate - on s’en fiche.

Victor Malzac, Vacance, Cheyne, 2022.

On s’en fiche parce qu’au-delà de ce qui forcément passera, sera trop marqué par son temps, genre, etc., début des années 2020, il y a son uppercut littéraire.

 

et les disputes et les combats c’est beau et les gens qui

se collent et se battent par terre et les cris et le cri du

perdant c’est beau

 

Le temps de me ramasser, k.o., au bout du bout les grues les chantiers, des étoiles vrillent pêle-mêle, dans mon crâne : Vathek, Forgetting Elena,Cobra, Héliogabale [Beckford, Edmund White, Severo Sarduy, Alberto Arbasino] Pourquoi ces titres-là ? Peut-être parce que je suis, par cette lecture, sonné et brutalement renvoyé à mes amours de jeunesse. A en croire l’éditeur : « La poésie de Victor Malzac chahute les lecteurs. Elle leur fait ressentir à nouveau ce qu’est la vie quand celle-ci n’est encore qu’une promesse qui pointe » ; ou, à en croire la préfacière : « C’est le pari de Victor Malzac : nous donner dix-huit ans à nouveau et le sentiment d’urgence collé au corps comme un maillot mouillé. »

Espérons que la promesse et l’urgence demeureront, pourquoi pas, même après que la vie aura pointé, atteint son zénith et commencé à décliner. Avec une légère dérive style Les Vacances de Monsieur Hulot, sans doute.Espérons que Victor conservera sa promesse, son urgence (… il écrirait : son « muscle »). Souhaitons qu’il continuera à mouiller le maillot. Mais ne le limitons pas à sa jeunesse. Ecoutons, d’ailleurs, son narrateur :

 

je veux qu’on me laisse à tous les corps, les corps

adolescents ou non, les corps neufs et les corps

abîmés, …/…

 

Quoi qu’il en soit, ce n’est pas ça l’important. L’important, c’est son uppercut littéraire.

Un pavé par page [non, pavé n’est pas le mot : la justification est en drapeau droit], absence de majuscule pour faire poésie, un point, un seul, au bout de chaque page, un point c’est tout.  Pas de fer à droite justification forcée, rien de forcé dans sa prose… poésie… rien de rigide, le drapeau oscille gentiment tel le fanion vert de la p.l.age de Palavas-les-Flots les jours sans coup.e.s de vent. Une p.l.age mi-raide mi-élastique comme la démarche de Monsieur Hulot.

On pourrait penser, jusqu’à un certain point [… « jusqu’à un certain point », répéterait un psychanalyste en ménageant un long silence avant de congédier son patient, avant de partir en vacance.s au bout du bout], qu’on aurait pu appeler cela « vacances » avec un « s ».

Le décor, en effet, est planté sauf que.

 

la mer, la plage sale, ce qu’on voit à la télé, les

reportages, les documentaires, le Crau du Roi le

Cap d’Agde Carnon, Sète, l’étang de l’Or, l’étang de

Thau, les familles, la police municipale qui tourne

en voiture, les sauveteurs, les corps qui gisent, les

noyades, les serviettes…/…

 

La vacance au singulier rôde bel et bien au sein des vacances - témoin l’intrusion du reportage télévisé dans le jour ensoleillé, de la présence ou de l’absence de virgules, qui tournent dans les énumérations comme la police municipale au bord de mer -, vacance du narrateur face à une surcharge d’informations visuelles, auditives, olfactives, sociales.

 

…/… les flamants roses

dans la boue, sur la digue, à l’abreuvoir et dans les

vignes, j’aime ça, c’est moi complètement, c’est moi,

c’est moi aussi le mort dans les sacs en plastique et

dans le sable et dans les ventres, le mortier, dans

 

… vacance ou trop-plein du monde au repos repus à la plage ou du monde actif pas à la plage qui n’en oppresse pas moins le lycéen sur le sable

 

                                                                         …/… je ne

veux pas mes notes, mes contrôles, non, je ne veux

pas de la cantine à midi, du cordon bleu épinards

pâtes carottes pauvres en sel, je ne veux pas de la

pornographie pour compenser.

 

Nous, c’est exactement ce que nous voulons, exactement  ça : je ne veux pas de la

 

pornographie pour compenser.

son uppercut littéraire

dans les salles de sport, dans les jardins publics,

dans le garage ou dans ma chambre, les tractions,

les machines, les haltères, la fonte, je me muscle, je

 

nous voulons son coup bien envoyé qui, dissimulé jusqu’au dernier moment, touche fort au menton.

Dans une énumération qui (pubis, seins, poils) tient de l’enchaînement de boxe, un crochet, d’abord : dans «ses bras vitaux ; puis l’uppercut : ses bras qui me concernent [mes gras].

Certains mots, souvent adjectifs, mais pas seulement, tranchent dans la logorrhée, antithétiques, et pas seulement parce que déchets, plastique et bactéries côtoient la mer et les vagues .

Dans l’énumération qui suit, le premier et le dernier terme sont sémantiquement proches de ceux qu’ils enserrent mais leur léger bond de côté, leur esquive fait des merveilles : je suis proche des bêtes, ça veut dire, des monstres, des juments, des ânes, des poulains, des taureaux, des chiens, des flamants roses, des saillies…[mes gras] Ailleurs, on note : les museauxdes gens. Qui n’est pas une métaphore ou pas tout à fait.

Malzac ne donne pas « tout à fait » dans les figures de style même si, à l’occasion, il joue avec la métonymie comme un chat narquois avec une souris grise prise

 

…/… je remplis

des seaux, je peux rouler des pelles, je peux détruire

des châteaux de sable

 

Il crée, dans une sorte de non sequitur perpétuel qui n’est pas tout à fait un non sequitur, une écriture qui tient la dragée haute aux amateurs de poésie.

Ces « pas-tout-à-fait », et ces « sorte de » font la hardiesse et la réussite de cette langue-là, qui transforme ses ruptures en tremplins de sa récitation.

Je porte ma tenue, mes fringues toutes neuves, découvertes au printemps, je m’embellis de jour en jour sans crainte, je n’abîme rien, sur la plage tout le monde veut mon bien, mon style et mon immense feu de paille, et tout le monde est sans colère, les garçons et les filles s’abandonnent à moi, sans âge, tout le monde court me sauver depuis la cabine, je nage avec tendresse et grande facilité, dans le miroir je me regarde le matin, mes abdos sont tendres, mes mains sont tendres, mes cheveux sont lavés, je m’épie, je me parle, je m’enlève le poids d’un navire en parlant… [mes gras]

Les mots d’une énumération qui va toute à peu près dans un sens se révèlent tout à coup n’avoir que servi de prétexte au poète, qui, pendant ce temps, mesurait son allonge : ses mots n’avaient fléchi les jambes que pour mieux nous porter un coup à distance : un mot qui n’appartient pas à la liste, une idée qui dévie. Ces coups à distance remplacent les rimes d’autrefois, renvoient instantanément la poésie de papa dans les cordes.

Le lecteur est embarqué par le flot vers une métaphore (là on peut sans doute parler de métaphore : « le poids d’un navire »), mais avant cela il est ballotté, cahoté, incapable de lâcher le bordé. L’avancée est rythmée, ô combien rythmée, à en être déclamée sur scène par un Fabrice Lucchini qui ne vous laisse pas un instant de répit.

 

…/… le môle et le théâtre

de la mer, tout m’appartient,…/…

 

Seul le point au bout de chaque page nous permet de reprendre le souffle du narrateur et de rythmer notre lecture.

Et puis comme un cheveu sur la soupe comme il se doit et là est le génie, vient un autre uppercut : mon docteur longtemps. Complément dej’attends ? Le corps d’un autre.

mon docteur longtemps est un coup puissant qui fait des dégâts chez le lecteur la lectrice. Dur à parer. Puissant à quel point, il.elle ne s’en apercevra que plus tard. Allez donc y voir. Allez donc y lire.

 

je suis dans mon corps comme dans un justaucorps.

                            *

ce que j’ai vu ça m’a tué, c’est là, c’est ma demeure,

mon remède, je suis prophète en mon pays, la

Méditerranée c’est le feu, la dinguerie, le territoire

brûle et pleure en pleine canicule, c’est le lieu d’une

maladie grave, d’un aveu, ça vaut bien mon déluge,

mon navire, ma barque et mon école en sacrifice,

et tout le reste est noir …/…  

Tout cela, au fond du fond, est d’un grand, d’un vénérable classicisme. Comme un match de boxe bien mené. Rien de honteux là-dedans. Un grandiose uppercut littéraire. Ca valait la peine, finalement, Victor, d’user tes fonds de  culotte sur les bancs d’école.

 

Présentation de l’auteur

Victor Malzac

Né en 1997, venu du Languedoc, Victor Malzac lit fort, parle bas, ronge ses ongles, marche vite. Il est peut-être drôle. Il codirige une revue de création (L'écharde), fait une thèse sur les animaux et crée des textes sur n’importe quoi. Il a également codirigé la revue Point de chute jusqu'en 2023.

Son premier texte, respire, a paru aux éditions de la Crypte en 2020. Chez Cheyne éditeur, il a publié Dans l’herbe (2021, prix de la Vocation) et Vacance (2022, finaliste du Prix Jean-Follain, du prix René-Leynaud de la Ville de Lyon, du prix Apollinaire-Découverte et du Prix Ganzo-Révélation) ; son prochain texte paraît chez Gallimard en janvier 2024.

© Eloi Céleste

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Esther Tellermann, Choix de poèmes, Annie Dana, Tremblement des jours

L’exigence poétique d’Esther Tellermann

Esther Tellermann est la maîtresse en poésie d’un imaginaire particulier. Il mêle les éléments de la psyché personnelle de la créatrice à divers symboles en un long poème qui n’a plus rien à voir avec un brouet dispendieux qui ramènerait le texte à une autofiction. Se pénètre un monde labyrinthique et gnomique fait d’un langage abrupt et sans concession. Ce long poème réunit le chant et ses fractions au sein d’une voix intérieure qui semble toujours sur le point de se casser. La poétesse évite tous les effets là où l’ésotérisme donne à l’intimité une face nouvelle. A travers elle Esther Tellermann ouvre des interrogations là où elle feint d’offrir que des états de constatation.

Dans cette « anthologie » chronologique, elle se nourrit de l’instant de l’écriture fondé sur un passé présent et collectif. Elle lorgne vers un incessant avenir dans lequel la question de l’identité reste une énigme. Cet advenir demeure avant tout spirituel : l’âge venant la poétesse trouve une sagesse et un pardon. Les échanges de l’altérité pousse à un nouvel accord. Le corps, la terre n’y sont pas oubliés, mais les deux deviennent en connexions avec un monde de la « differance » (comme écrivait Derrida).

Sortant du contexte de la quotidienneté ses livres dans sa propension onirique deviennent une variété de spéculation. Ils permettent de retrouver l’être profond voué à un non-savoir et une attente perpétuelle. La poésie est une manière de casser l’attente, elle se revendique  comme action et propédeutique : « écoutez / ce qui vibre / et gagne / altère / la race / rallie / la horde / dérobe la / réponse / et nous / suspend / à l’air". Preuve que cette action n’est pas simple et que le lieu de poème demeure une incitation au retour à soi dans l’appel à l’autre comme complément de son identité.

Esther Tellermann, Choix de poèmes, Editions Unes  2025. 120 pages, 13 €.

Ce choix de poèmes par Esther Tellermann défend une poésie qui n’a rien de routinière ou d’arbitrairement « imageante ». Et ce livre impressionne par sa rigueur et sa richesse gnomique. Sa force parle au plus profond au sein même d’un onirisme doux. La poétesse ne se refuse pas aux éruptions de l’affect mais ne s’y limite pas. Existe  une distorsion capitale : l'œuvre s'arrache à une forme d'émotion

Diverses organisations se relayent et s'opposent au sein de ce livre.  Des séries de variations  et d’adjonctions dérangent les  repères cérébraux. La forme est intériorisée au moment même où elle gicle de manière "physique". Elle  dément l'ordre des choses mais aussi le chaos, l'organise pour lui donner un sens. En résumé , Esther Tellermann sait que le monde ne s’adapte pas au poème pas plus que ce dernier se laisse couler dans les choses  vues. La créatrice ne cherche jamais à rassurer par une simple harmonie. Son esthétique et éthique répand une poétique habitée inédite. Et une telle créatrice métamorphose tout ce qu’elle saisit.

∗∗∗

Annie Dana et la force qui va

Annie Dana  est de celles qui tirent les rideaux mais non les grossières ficelles.  Son monde se réconforte dans une étrangeté qui le sépare de celui qu’on nomme vraisemblable ou réalité. Elle gratte les données, revient  vers l’enfance où « innocence et cruauté sont inséparables » mais nous rappellent «qu’il faut grandir / Dans la violence écarlate / Pour savoir enfin renoncer ». 

Une telle poétesse fondée sur son expérience et sa quête initiatique affronte des falaises, lancent ses échos mais sans qu’elles ou ils  débaroulent sur elle.  De l’existence, Annie Dana déplie des raisons : en véritable poétesse dont le sens ne tourne jamais tel un moulin et pour rien.  

A sa manière Annie elle  ne redoute pas le tonnerre. Elle ouvre son univers sans se préoccuper du reste. Il faut y entrer non sur la pointe des pieds pour ne rien déranger.  En conséquence un tel travail poétique réveille non les morts mais les vivants. Elle se donne du courage mais aussi aux astres sans forcément dégrafer son corsage.

Sa silhouette peut traversent en robe légère l’été avant que tout sombre dans la grisaille sous un dédale nocturne où certains corps sont meurtris. Mais nul n’en saura plus. Reste la source du premier vertige.  Seule l’eau en connait les secrets. Les enfants étaient ce qu’ils étaient mais ont-ils  déjà  tout vu, tout entendu, tout subi maintenant ? Et est-il terminé de tous les contes de fées ? 

Comment savoir désormais qui est qui ? Qui voit ?  Qui est là ? Où sont les autres ?  Un diable a fait l’affaire peut-être. Mais la créatrice s’en soucie. Et ses mots le démasquent. Elle déplie encore son secret par déboîtement mais pas de sornettes. 

Annie Dana, Tremblement des jours, coll. Ficelle & Plis Urgents, Editions Vincent Rougier, 2025, 48 p., 13 €.

Existe là un monde tellurique. Les ombres rebondissent. On croît pouvoir leur donner des ordres.  Mais si les fantômes ne changent pas une telle femme se prend en main,  elle aise au besoin les autres pour leur indiquer où aller.

Une telle poésie insurgée habite non seulement le monde mais le cosmos. Si l’angoisse nourrit sa douve, la semence du ciel devient une haie vive. Parfois une poupée y  joue. Le doigt d'une fée y décrit son cercle.

Présentation de l’auteur

Esther Tellermann

Textes

Esther Tellermann est une poètesse et psychanalyste française.  Elle reçoit le Grand prix de poésie de l'Académie française pour Première apparition avec épaisseur en 1986, le prix François-Coppée de l'Académie française pour Guerre extrême en 2000 et le prix Max-Jacob pour Sous votre nom en 2016.

© Crédits photos La pierre et le sel.

Bibliographie 

Poésie

  • Première apparition avec épaisseur, Flammarion, 1986, rééd. 2007, Grand prix de poésie de l'Académie française (1986).
  • Trois plans inhumains, Flammarion, 1989.
  • Distance de fuite, Flammarion, 1993.
  • Pangéia, Flammarion, 1996.
  • États d'urgence, ill. de Jean-Claude Le Gouic, Area 1999.
  • Guerre extrême, Flammarion, 1999, prix François-Coppée de l’Académie française (2000).
  • Du Dit jamais, Les Cahiers de la Seine, 2002.
  • Mental ground, traduit du français par Keith Waldrop, Burning Deck, Providence, 2002.
  • Encre plus rouge, Flammarion, 2003.
  • Une odeur humaine, Farrago/Léo Scheer, 2004 (récit).
  • Terre exacte, Flammarion, 2007.
  • Voix à rayures, Poliphile, 2009.
  • J'étais pleine d'espoir..., Fissile, 2010.
  • Contre l'épisode, Flammarion, 2011.
  • Le Troisième, Éditions Unes, 2013.
  • Carnets à bruire, Editions de La lettre volée,2014.
  • Nous ne sommes jamais assez poète, Editions de la lettre volée, 2014 (essai).
  • Avant la règle, Fissile, 2014.
  • Un point fixe, Fissile, 2014.
  • Sous votre nom, Flammarion, 2015, prix Max Jacob (2016).
  • Racine, ill. de Jean-Gilles Badaire, Éditions Unes, 2015.
  • Éternité à coudre, Éditions Unes, 2016.
  • Première version du monde, Éditions Unes, 2018 (récit).
  • Un versant l'autre, Flammarion, 2019.
  • Corps rassemblé, Éditions Unes, 2020.

Livres d'artistes

  • État d'urgence, avec trois peintures originales de Jean-Claude Le Gouic, Néo/Aréa-Alain Avila, 1999.
  • Du dit jamais, avec une encre originale de Philippe Hélénon, Les Cahiers de la Seine, 2002.
  • Naggarkot, œuvre d'art rassemblant des extraits de Guerre extrême d'Esther Tellermann et des travaux de Béatrice Casadesus, série des Livres Uniques, exposée à la galerie Romagny (Paris IVe), en mai 1997, puis à la rétrospective « Béatrice Casadesus », Maison des Arts de Malakoff, en 2002.
  • Épissure, Esther Tellermann et Béatrice Casadesus, Le Livre pauvre, Daniel Leuwers.
  • Un monde double, livre d'artiste (en collaboration avec Marie-Claude Bugeaud et Thierry Le Saëc), éditions de La Canopée, 2019.

Livres collectifs sous la direction d’Esther Tellermann

  • La Passion Artaud, (La Célibataire, numéro 29, EDP Sciences, 2015).
  • Michel Deguy, Exercices de contrariété, (éditions Hermann, 2017).
  • Bernard Noël, L'expérience extérieure, (éditions Hermann, 2018).
  • François Rouan, Les cahiers de Laversine, (éditions Hermann, 2020).

Poèmes choisis

Autres lectures

Présentation de l’auteur

Annie Dana

Exilée d’Algérie, pays qui demeure pour moi une référence majeure, j’ai entamé des études supérieures de Philosophie à la Sorbonne avant d’entreprendre une carrière de comédienne au Conservatoire National puis à la Comédie Française.
J’ai assuré régulièrement la mise en scène de spectacles et, après l’obtention du Certificat d’Aptitude à l’Enseignement de l’art Dramatique, enseigné pendant 8 ans en Conservatoire de région où j’ai préparé de nombreux élèves à l’entrée des Concours nationaux.
Entre temps, écrire s’était imposé comme une révolution, une nécessité de traverser les interdits, un questionnement permanent sur les barrières internes de l’individu et l’ambivalence des genres. Depuis plus de 20 ans, j’ai poursuivi ma recherche en expérimentant cette interrogation sous de multiples formes poétiques, romanesques ou théâtrales. Mon inspiration puise aux sources du rêve, du fantasme et de l’autobiographie. En écho à mon expérience théâtrale, la scansion et la potentialité orale d’un texte s’imposent comme un facteur déterminant, ce qui a permis à la plupart des miens d’être adaptés et diffusés sur France Culture.
Parallèlement, j’anime depuis 15 ans des Ateliers d’écriture et de lecture, avec une prédilection pour les milieux sensibles et le monde carcéral.

Bibliographie

2003 - 2004
– Ecriture d’un roman de groupe, Rouge mémoire avec Michel Host, Jean Claude Bologne, Alain Absire, Jean Luc Moreau, Denis Borel.
2001 - 2005
– Publication de nouvelles dans plusieurs revues : Nouvelle Donne, La Barbacane...
2000 - 2002
– Les contes de la rue Perraul, roman de groupe, Editions Online
1991 De Pontoise à Osny, Ecriture et tournage d’un documentaire sur le milieu pénitentiaire (Ministère de la Justice).
1986
– Odysséa, pièce de théâtre, diffusée sur France Culture au « Nouveau Répertoire Dramatique », réalisation Evelyne Fremy
1983
– L’Oracle inversé, roman (Editions Rupture) diffusé sur France Culture dans l’émission « Un livre, des voix ».
1982
– Eblouie, fiction (Editions Rupture) représentée à Théâtre Ouvert, diffusée sur France Culture dans l’émission « Ecriture de femmes ».

Poèmes choisis

Autres lectures

Annie Dana, Le deuil du chagrin

Après L’usure du chagrin paru en 2022 chez le même éditeur, en voici le deuil. On pourrait voir dans ce poème le récit d’une résolution, sachant que ce mot comporte deux versants : on [...]




Gérard Leyzieux, Tout en tremble

Le livre s’ouvre avec ce premier mot : TOUT. Que j’ai tendance à considérer comme un mot valise pour l’ensemble du poème, lequel nous décrirait une ouverture vers la liberté de s’inventer.

Car le poème entier est une manière de dialogue intérieur à nous adressé, où il s’agit de tracer les chemins de notre vie, comme de reconnaitre ceux que l’on a déjà empruntés.

Tu es dépositaire de tout l’univers
Il suffit d’entrer en toi pour l’explorer
Voyage silencieux
                      voyage lent au-delà des cieux
                                 En deçà de la terre
                                         par-delà ton apparence

 Gérard Leyzieux, Tout en tremble, éd. Tarmac, 2024, 130 pages, 18 €.

Le poème nous inviterait donc à découvrir notre vérité, en ce sens il est écrit sous le signe de Sophia, il est philosophique. Ce qui est plutôt rare par les temps qui courent, et même galopent à l’aveugle…

On pense aux philosophes antiques chez qui la question-clé était de vivre, et comment. Avec les risques que comportent de partir à la découverte à partir de rien, une fois détruites les habituelles certitudes. Au risque de

Te perdre en tes explications incompréhensibles
Te noyer en ce flot d’illusions insaisissables

Je disais un dialogue, c’est aussi un journal de voyage intérieur où le poète, car c’en est un, rencontre désarmé, à nu, la part obscure de lui-même :

Dessous sans dessus vers l’envers des sens
Le dessus finit par s’abattre et tu reprends le dessous
Que te fait-il, que te fais-tu non plus ?

Ce voyage intérieur ne peut s’opérer qu’en s’immergeant dans le monde, sensuellement. Le poète, dit-il, s’abîme « en la pérennité des émotions de l’être ». Rien d’aride dans cette écriture, comme pourrait le laisser entendre le mot de philosophie. S’il s’agit de chercher une sagesse, ce serait par l’ouverture de tous les sens à ce qui vient de la terre et du ciel, toujours inattendu :

Un nouveau paysage se dévoile
Un nouveau décor s’écrit
Un nouveau, un différent, un autre, un mutant

Le livre se termine par une série de manières de haïkus qui lui donnent son titre, presque : « tremblement ».  Il n’y a pas que la terre pour trembler, l’être aussi ; délicieusement.

Chaque nouveau pas porte son lot d’aventures
Fragile équilibre de soupirs
Et regard empli d’absences
Suspendu à la réponse du monde environnant

Suite à Impression vide devant en 2022 et Passage en 2023, Tout en tremble est le troisième titre de Gérard Leyzieux publié aux éditions Tarmac, soit cent trente pages en format à l’italienne, sur un beau papier vergé. On en salue l’originalité !

 

Présentation de l’auteur

Gérard Leyzieux

Gérard Leyzieux écrit principalement de la poésie mais il écrit aussi de la prose. Ses textes poétiques ont été publiés dans des revues papier en France ainsi qu’à l’étranger (Canada, Roumanie, Belgique). Il publie également régulièrement ses mots modelés à l’émotion dans diverses revues électroniques.

Bibliographie 

 

  1. Aux éditions Stellamaris :

  • Et langue disparaît, poésie, 2018

  • Gestuaire, poésie, 2019

  • Et l’attente attend, poésie, 2019

  • L’Européelle, roman, 2020

  • Tes mots dits et tu/s, poésie, 2020

  • …À distance, roman, 2021

  • Basile le bienheureux, roman, 2022

  • Décortiqué, poésie, 2022

  • Basile n’est pas heureux, roman, 2023

  1. Aux éditions Tarmac :

  • Impression vide devant, poésie, 2022

  • Passage, poésie, 2023

  • Aux éditions Z4 :

  • Qu’en flue l’incertitude…, poésie, 2023

Autres lectures

Gérard Leyzieux, Tout en tremble

Le livre s’ouvre avec ce premier mot : TOUT. Que j’ai tendance à considérer comme un mot valise pour l’ensemble du poème, lequel nous décrirait une ouverture vers la liberté de s’inventer. [...]




Valérie Rouzeau, La Petite dame

Avec ses deux dédicaces, sa petite préface et les quelques notes qui suivent cette longue suite de poèmes, déjà on pénètre dans l’énergie qui propulse toute l’œuvre de Valéry Rouzeau : une générosité, une bonté, une gratitude qui vont dans tous les sens, et ceci malgré fatigue, perte, anxiété, doute.

Il s’agit d’une force résiduelle, résolue et déterminante qui excède tous les critères strictement esthétiques comme tous les jugements ou théories socio-politiques ou philosophiques. Si elle peut parler d’un ‘esprit d’enfance’ où puiser, se régénérer, si elle rêve d’un ‘roman en vers’ à la Queneau, mais, ajoute-t-elle, ‘façon puzzle’ (12) et si elle parle d’une dette au ‘nonsense’ de Lear et Carroll et d’autres encore (12), ce serait, me semble-t-il, et toujours, la force de ‘l’amour et [d’un] humour’ (12) portant la signature très particulière de Rouzeau qui dominerait, et ceci sans présomption, sans dérision, sans ce soubassement de haute mais prétentieuse ambition littéraire qui peut pervertir, miner l’essentiel d’une vie humaine. Partout, une espèce de minimum suffit pour parer les insuffisances de nos catégorisations, nos scisssions, nos mathématisations. Partout un refus de tout chronologiser, situer historiquement. Une petite trace anecdotique ou fantaisie remplace le grand événement, en assume la pertinence, fait basculer nos façons de mesurer, juger le poids des choses qui sont, des instants qui constituent une existence. La forme poétique ne choisit pas non plus le grandiose, la fioriture, l’effet visuel, se contentant d’inversions, de petits liens qui étonnent, de sautillements, de délicats jonglages, de compactages, de brefs rassemblements de quelques flashes, quelques éclats d’esprit qui exigent qu’on prenne garde au ‘vide / Entre le quai et le marchepied please mind the gap’ – celui qui surgit entre signe A et signe B.

 Valérie Rouzeau. La Petite dame, La Table Ronde, 2025. 101 pages. 15 euros.

Le poème rouzaldien s’inspire spontanément de presque n’importe quoi, des banalités du quotidien, banalités qui inexistent, bien sûr, des instants-phénomènes qui ne font qu’attendre un geste, une geste, puisant dans ce qui s’oublie si  facilement : le fonctionnement d’un esprit prêt à jongler, jouer, avec tout ce qui reste finalement tout à fait extraordinaire au sein des choses et des mots. Un poème : ‘La petite dame voit régulièrement / Une infirmière psychiatrique / La moindre panne de courant / Et elle pense mettre fin à ses nuits / La petite dame est sans appui’ (31). S’entretissent souplement une touchante vulnérabilité, une touche de dépréciation de soi ou serait-ce un besoin de dire vrai, d’avouer l’inavouable, le génie des compressions (électricité et nervosité, suicide et cécité sans canne) et d’un scénario qui se dédouble, tout comme Valérie devenue dans le miroir déformant-réformant des mots la ‘petite dame’.

Charme et naturel qui brillent et ce qui peut parfois les sous-tendre, un subtil récit plutôt grisâtre, refoulé mais perçant. Un autre poème, si splendidement jaillie de l’enchevêtrement de quelques syllabes spontanément recombinées : ‘Après l’hiver persévérance / La fleur perce et révérence’ (37). Inutile ici de souligner la grâce et l’enchantement de cette performance digne de l’avant-scène de la Comédie Française. Et un troisième : ‘Elle tremblait en plein cauchemar / Endettée jusqu’’aux oreilles / Coupable en tranches comme une brioche / Un jambon un ananas une vie / Tout au fond de son lit / Quelle chance d’avoir un lit / Rondelles et rondeaux ridelles et rideaux / Voleuse de pataquès de cheminots ? Quand elle se réveilla sur la bonne voie / Alors un jour nouveau démarra’ (38). Changement de ton ici et pourtant d’incessants jeux de mots jonchant partout la scène du poème qui flotte librement sur son erre, jonglant entre rêve et réalité, auto-accusation enjouée de vol-fraude-contrefaçon, tissant finement tous les glissements entre les éléments-termes spontanément surgissant du récit, le poème corrigeant d’un dernier rebondissement dans le réel tout malentendu concevable quant à ce qu’il aurait pu offrir de strictement non-poétique, non-inventif, non-souriant.

 Se déroulant ainsi ‘de distraction en distraction’ (40), comme écrit Rouzeau, son poème persistera toujours à rester joueur, quoique parfois ‘triste au point d’éclater de rire’ (77); et là on voit clairement cet instinct qui ne cesse de pousser le poème à déplacer son centre, de bouger, tournoyer, sans chercher à accumuler les éléments d’un argument, d’une intensité ou focus lyrique, affectif même. Plutôt le poème s’accomplit au moyen d’une petite ou grande multiplication ou foisonnement des plis de l’esprit et du cœur, de leur clignotement, leur scintillation. On a l’impression non pas d’une orchestration raisonnée mais d’un crépitement spontané, intuitif dégageant des étincelles de couleurs différentes, de petites beautés jetables, throw-away, mues par une certaine désinvolture, une simple légèreté, une aisance ou sans-façon. Que ne démentiraient nullement les quelques touches plus sobres, latentes, souvent presque effacées par l’insistance ludique, la magnanimité, l’affabilité qui restent essentielles à la vision distinctive de ce poïein : réenchantement, réimagination de son faire, repoétisation de ‘l’ordinaire’, ce partage qui s’avère un être-avec et -parmi, une amitié qui veut ‘prendre des choses [non pas de travers mais] de trouvère’ (51). À titre d’exemple, ‘l’accident de vélo à huit neuf ans avec son frère cadet / Ça c’est du pour jamais du pur toujours’ (54). Une poésie qui embrasse, donne des bises, sororale et fraternelle, ‘ram[ant / …] ne sa[chant] quand ni pélican / Ni comment ni cormoran / […] / Joyeuserie drôlerie’ (52) On ne demande pas mieux.

Présentation de l’auteur

Valérie Rouzeau

Valérie Rouzeau est une poétesse française. Elle est également traductrice, et la traductrice officielle de Sylvia Plath.

Après diverses publications dans des revues, ses deux premiers recueils édités ont été très remarqués (Pas revoir en 1999 et Neige rien en 2000).

Elle exerce parallèlement des petits boulots de vendeuse avant de reprendre ses études, abandonnées après le bac, en littérature anglaise.Elle n'exerce aucune activité salariée et tâche de "vivre en poésie" via la traduction, les lectures publiques, les ateliers dans les classes, etc.

Elle remporte en 2012 le Prix Apollinaire, considéré comme le "Goncourt de la poésie", pour son dernier recueil, "Vrouz" paru aux Editions de La Table Ronde.

Parolière pour le groupe Indochine en participation sur deux textes : Ladyboy et Talulla à la demande de Nicola Sirkis.

Bibliographie

Poésie

Revues littéraires

  • 1991 : « À cause de l'automne », revue Décharge, supplément Polder no 62.

Recueils

  • 1989 :
    • Je trouverai le titre après, Le Pont sous l'Eau.
    • À tire d'elle, La Bartavelle Éditeur.
  • 1991 : Petits poèmes sans gravité, La Crypte (rééd. 2024) - Prix de la Crypte 1991.
  • 1992 : Chantier d'enfance, La Bartavelle Éditeur et Le Noroît (éd. franco-québécoise), Charlieu / Montréal.
  • 1994 : Patiences, Albatroz et Le Manège du Cochon Seul, coll. « La palme et le groin ».
  • 1995 : Ce n'est pas le printemps, Traumfabrik, coll. « De bouche à oreille », 19 pages.
  • 1999 : Pas revoir, Le Dé bleu () rééd. 2000, 2002, 2003 et 2006 - Prix des Découvreurs 2000.
    • traduit en allemand par Rüdiger Fischer, Nicht Wiedersehen, Pop Lyrik, 2006.
    • traduit en anglais par Susan Wicks (en), avec une introduction de Stephen Romer (en), Cold Spring in Winter, Arc Publishers, 2009 – nommé au Griffin Poetry Prize (en), Toronto 2010, Prix Scott-Moncrieff 2010.
    • traduit en slovène par Mateja Bizjak-Petit, Ne naslednjic, Poetikonove Lire, 2014.
  • 2000 : Neige rien, Unes, Nice.
  • 2001 : Une foule en terre foulée / A crowd of beaten earth, édition bilingue, traduction des poèmes en anglais par Richard Cooper, illustré par Michel Nedjar, Travioles, 79 pages.
  • 2002 :
    • Va où, Le Temps qu'il fait, Mazères.
      • réédition La Table Ronde, coll. « La petite vermillon », 2015.
    • L'Arsimplaucoulis, douceur des Carpathes, en collaboration avec Éric Dussert, Fornax éditeur, coll. « La cuisine au Fourneau », n° 4, 20 pages.
  • 2003 : Valérie Rouzeau lit ses poètes, Le Temps qu'il fait, Mazères
  • 2004 :
    • Kékszakállú, Les Faunes.
    • Le Monde immodérément, en collaboration avec Lambert Schlechter, Éditions la nuit myrtide, Lille, 44 pages.
  • 2005 : Récipients d'air, avec Vincent Vergone, Le Temps qu'il fait, Mazères
  • 2007 :
    • Apothicaria, Wigwam éditions - Prix des Explorateurs 2009 décerné par des collégiens des Yvelines, ex-aequo avec Joséphine et Robert de Christiane Veschambre.
    • Gue digue don (petite suite télégraphique), illustré par Claude Stassart-Springer, éd. de la Goulotte, Vézelay, 16 pages.
  • 2009 : Quand je me deux, Le Temps qu'il fait, Mazères.
  • 2010 :
    • Je comme, ill. de Claude Stassart-Springer, éd. de la Goulotte.
    • Pas revoir suivi de Neige rien, coll. « La petite vermillon », La Table Ronde, Paris.
  • 2012 :
    • Vrouz, La Table Ronde, Paris.
      • (de) choix de poèmes, in Den gegenwärtigen Zustand der Dinge festhalten. Zeitgenössische Literatur aus Frankreich.Magazine Die Horen, 62, 267, automne 2017, Wallstein, Göttingen.
      • (en) Talking Vrouz, choix de poèmes de Quand je me deux et de Vrouz établi et traduit par Susan Wicks, Arc Publishers, 2013 - Prix Oxford-Weidenfeld 2014 pour la traduction.
    • Ma ténèbre - En vingt-deux éclats, éditions Contre-Allées, Montluçon, 30 pages.
  • 2014 : Télescopages, Éditions Invenit / Musée des Confluences, 2014, Lille / Lyon, 64 pages.
  • 2018 :
    • Sens averse, La Table Ronde, Paris.
    • Vincent, Faï fioc, coll. « Les Cahiers », Céret (édition épuisée).
  • 2019 : Colibri si, Le Petit Flou, Corrèze.
  • 2020 : Ephéméride, La Table Ronde, Paris.
  • 2022 :
    • Mon Œil, L'Atelier des Noyers, avec les œuvres plastiques de l'artiste Bobi+Bobi, coll. « Récits de vie », Perrigny-lès-Dijon.
    • Pas revoir ainsi que Va où et Quand je me deux sont réédités dans la coll. « La petite vermillon » de La Table Ronde, avec des oiseaux de Jochen Gerner en couverture.

Livre d'artistes

  • 2006 : Eden, deux, trois émoi, illustré par Daphné Corregan, Éditions Unes, édition limitée en 33 exemplaires sur vélin d'Arches (épuisée).

Poésie jeunesse

  • 2008 : Mange-Matin, illustré par Valérie Linder, L'Idée Bleue, coll. « Le farfadet bleu », 57 pages.

Poésie pour le théâtre

  • 2014 : Qu'on vive, Compagnie de théâtre Chiloé, Lyon, 2014.

Anthologies

  • 2010 : 60 femmes poètes d'aujourd'hui, Couleurs femmes, Le Castor astral, coll. « Le Nouvel Athanor », Bègles, 152 pages.
  • 2021 : 92 poètes d'aujourd'hui, Le désir en nous comme un défi au monde, Le Castor astral, Bègles, 424 pages.
  • 2022 : 108 poètes d'aujourd'hui, Là où dansent les éphémères, Le Castor astral, Bègles, 464 pages.

Essai

  • 2003 : Sylvia Plath : un galop infatigable, Éditions Jean-Michel Place, 122 pages.

Biographie

  • 2023 : Nina Simone (Eunice Waymon), illustré par le plasticien Florent Chopin, La Philharmonie de Paris, coll. « Supersoniques », Paris, 64 pages.

Traductions

Poésie

  • 1999 :
    • La Traversée, dans Arbres d'hiver, Sylvia Plath, Poésie/Gallimard, Paris.
    • Électre sur le chemin des azalées, Sylvia Plath, Unes, Nice.
  • 2000 :
    • Je voulais écrire un poème, William Carlos Williams, Unes, Nice.
    • Le Printemps et le Reste, William Carlos Williams, Unes, Nice.
  • 2003 : Sylvia Plath : un galop infatigable, Valérie Rouzeau, sélection de poèmes de Sylvia Plath, Éditions Jean-Michel Place, 122 pages.
  • 2008 : What I Wrote / Ce que j'ai écrit, Duane Michals, éd. Robert Delpire, coll. « Des images et des mots », 2008, 164 pages.
  • 2009 :
    • Ariel, Sylvia Plath, Gallimard, Paris.
    • Poèmes (1957-1994), Ted Hughes, traduit avec Jacques Darras, Gallimard, Paris.
  • 2023 :
    • Fauverie, Pascale Petit (en), Le Castor Astral, Cenon.
    • Je souhaite seulement que tu fasses quelque chose de toi, Hollie McNish, avec Frédéric Brument, Le Castor Astral, Cenon, 478 pages.

Biographie

  • 2006 : Son mari : Ted Hughes & Sylvia Plath, l'histoire d'un mariage, Diane Middlebrook, Phébus, 390 pages.

Livres illustrés et beaux-livres

  • 2011 : Georgie, R. O. Blechman (en), Robert Delpire, 2011, 116 pages.
  • 2016 : Dessins, Sylvia Plath, La Table Ronde, 2016.

Poésie jeunesse

  • 2010 : Animaux à mimer de Sergueï Trétiakov, illustré par Alexandre Rodtchenko, avec Odile Belkeddar, MeMo, 2010.
  • 2012 : Les Plus Belles Berceuses jazz, 15 berceuses sélectionnées par Misja Fitzgerald Michel, illustrations d’Ilya Green, Didier Jeunesse, 2012.
  • 2015 : Jazz sous la lune, berceuses et standards jazz sélectionnés par Misja Fitzgerald Michel, illustrations d'Ilya Green, Didier jeunesse.

Prix littéraires

  • 1991 : Prix de La Crypte, Hagetmau.
  • 2000 : Prix des Découvreurs de Boulogne-sur-Mer pour Pas revoir.
  • 2002 : Prix Tristan-Tzara décerné par Juliette Darle et André Darle pour Va où.
  • 2012 : Prix Guillaume-Apollinaire 2012 pour Vrouz.
  • 2015 :
    • Prix Robert Ganzo 2015 pour l'ensemble de son œuvre et son ouvrage Va Où.
    • Prix Loin du marketing, pour l’ensemble de son œuvre, décerné par Gérard Lambert-Ullmann.
  • 2019 : Prix Méditerranée pour son recueil Sens averse.

Bibliographie

  • Entretien de Thierry Guichard avec Valérie Rouzeau, Le Matricule des Anges, no 131, , p. 21.
  • Valentina Gosetti, Andrea Bedeschi, Adriano Marchetti (dir.). Donne. Poeti di Francia e Oltre. Dal Romanticismo a Oggi. 2017. Giuliano Ladolfi Editore. 

Poèmes choisis

Autres lectures

Valérie Rouzeau, La Petite dame

Avec ses deux dédicaces, sa petite préface et les quelques notes qui suivent cette longue suite de poèmes, déjà on pénètre dans l’énergie qui propulse toute l’œuvre de Valéry Rouzeau : une générosité, une [...]




Lucie Grall, C’est toi qui mènes la danse

Elle est une mère « brisée » comme le sont toutes les mères qui perdent un enfant. Lucie Grall raconte dans un livre émouvant la disparition de son fils aîné, décédé à l’âge de 25 ans. Poèmes de l’absence et de la douleur d’une « âme navrée » et au « cœur déchiré ».

Il s’appelait Tanguy et mordait la vie à pleines dents. Rebelle, « anar », il voulait connaître le monde sous toutes ses coutures. « Ton appétit de vivre toutes les fraternités/dans l’ivresse des fêtes et des joies de l’été ». Voilà un  jeune homme qui était « parti chercher la promesse de la vie (…) vers « les rimes du soleil et de l’olivier ». Mais la camarde rôde. C’en est très vite fini pour ce « guerrier forcené ». S’engagent alors trois années de combat contre la maladie.

Pour parler de la perte, Lucie Grall rameute les souvenirs. D’abord celui de l’enfant que fut Tanguy (« tes petits pieds chauds de bébé sur ma peau »). Car c’est bien cet enfant-là qui s’en va et qui fait d’elle cette maman en détresse tentant de barrer la route à l’inéluctable. « Mon grand, mon tout petit/ne t’en va pas/agrippe-toi aux grelots de ma voix ». Mais le fils s’en va. A l’hôpital, à son chevet, la mère compte « ces heures perdues dans les couloirs glacés ».

 Très peu d’années après, elle affronte avec ses mots l’heure fatidique du départ. Et même cette stupeur muette au sein de la chambre mortuaire. « Pas un cri, pas un sanglot/pas même un chuchotement/dans le silence nu et glacé ». Des obsèques, elle dit qu’il fut « une jour si lourd de douleur/tissé au point de croix/à l’écheveau des peines ».

La mort de Tanguy frappe de stupeur les amis, la parentèle. Quand au père, Youn, il masque son chagrin dans le labeur/ « Remuer la terre/semer pailler moissonner/il a tant à faire/pour tenter de tarir cette douleur ».

  

Lucie Grall, C’est toi qui mènes la danse, La Part Commune, 65 pages, 13,90 euros.

Ecrivant ce livre, Lucie Grall retrouve parfois les accents des poèmes de son père Xavier. Car bon sang ne saurait mentir. On trouve ainsi dans ses textes fiévreux cette forme d’exaltation qui exprime la présence éternelle d’un disparu. « Tu vis au bord de mes rêves » (…) « Ta voix console et murmure » (…) « Mais d’où vient-elle cette voix ? ». Lucie Grall  formule au passage  le vœu que son fils ait retrouvé son grand père. « Je veux croire que vous êtes aujourd’hui l’un près de l’autre. Le cœur à l’unisson, le cœur en paix ».

Dans l’instant, il y a aussi ces signes mystérieux d’un contact avec l’au-delà. Ainsi cette complicité étonnante avec le chant d’un oiseau, « solitaire passereau/à gorge coquelicot/qui ravigote et console ». Comme si le fils interpellait sa mère par un chant.

Présentation de l’auteur

Lucie Grall

Lucie Grall est auteure et poète.

© Crédits photos KÉVIN GUYOT, OUEST-FRANCE

Poèmes choisis

Autres lectures

Lucie Grall, C’est toi qui mènes la danse

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Xavier Makowski, Chasse-Ténèbres

Voici un livre à apprivoiser ! Plein de mots à découvrir, mots du terroir, mots érudits, surprenants, déroutants, intimidants. Insolites. Tout un décodage du Verbe, que Xavier Makowski appelle « des mots à épingler comme des espèces rares et à libérer dans cette polyphonie, cette cacophonie de chasses-ténèbres. » Les mots pour le dire, les mots pour chasser les ténèbres, d’où le titre du livre, qui fait référence à une ancienne pratique paysanne musicale pour chasser les mauvais esprits de l’hiver avec des instruments qui peut-être furent tout d’abord des flûtes, sifflets, et râcleurs puis sans doute plus tard des mandores, galoubets, ou busines, sans oublier la toutouro dont une note à la fin du livre dit qu’elle était la trompette d’Aubagne ou de la Saint Jean. Trompettes en terre cuite trouvées sur le Mont Ventoux et ténèbres terriennes : nous voici au cœur du livre.

 

Pour comprendre ce long poème publié dans un format carnet d’écolier ou journal de bord, il faut tout d’abord pénétrer dans l’intimité des ténèbres qui ont entouré Xavier Makowski à l’été 2022. Une intimité dont il n’est pas coutumier, car il n’aime ni se vanter ni se plaindre, ainsi que le montrent ses œuvres plastiques https://www.xaviermakowski.com/ tout imprégnées de philosophie et d’anthropologie. Mais, telles les Parques, trois fatalités se sont abattues sur lui. En parallèle, la maladie d’Alzheimer qui fait perdre l’usage de la parole rationnelle et laleucémie lymphoïde chronique. La mort a pris la mère et menace le fils, cette menace se doublant d’un désastre écologique, soit les incendies de l’été 2022 ou « tout a brûlé » en Provence.  

Trois destins divisés en sept histoires dont la narration est un tissage entrecroisé dès le début et dont les acteurs se retrouvent ci-dessous, ci-dessus la trame, depuis la première partie intitulée « Annonce » jusqu’à la dernière partie intitulée « Terrienne. » Il y a aussi une mise en déséquilibre entre la caillasse de Sisyphe qu’il faut conquérir comme le fit Tom Simpson, le cycliste britannique mort en 1967 au sommet du Mont Ventoux et la sensation de tomber dans un « creux » qui suit un cauchemar souvent hypnopompique.

Xavier Makowski. Chasse-Ténèbres. Saint Pierre : Le corridor Bleu, 2025. 142 p. ISBN 9782493214065.

Ces drames en forme de miroir nous emmènent dans la danse des mots. Certains ont surgi de l’enfance normande de la mère, juste avant que la maladie ne la prive de l’usage de la parole, rappelant de delicieuses evocations culinaires ou visuelles (clopoing, berne, mucre, tue-vaque, teurgoule). D'autres sont liés aux thérapies du cancer (Gümprecht, Vénétoclax, Gazyvaro) ou viennent d’erreurs syntaxiques, orthographiques ou typographiques (bien malgré que, languécrasénoire, lanima, Voisincollabo). D’autres encore procèdent par onomatopées ou allitérations. Les langues ainsi inventées se brouillent tout autant que les lieux confondent le réel (Provence, Normandie, hôpital) avec les lieux imaginaires d’un personnage fantoche, l’apprenti-plaquiste.

Écrit en une nuit de canicule et d’insomnie, dans un état hypnagogique jumeau de l’intuition créatrice, ce long poème forme un récit « bricolé » qui se décompose au gré des pages, tel une bande dessinée, en pellicules individuelles. Il s’y mêle les souvenirs personnels de l’auteur, les souvenirs racontés par sa mère, des rêves, et des réalités intérieures et extérieures. Le rythme de ces narrations est aéré mais, passant d’une réflexion à une autre, constitue un continu narratif où s’entrechoquent personnages, endroits, et événements qui jouent à cache-cache au fil des pages. Ce continu force le lecteur à concevoir la vastitude du récit, tout en notant les pensées individuelles, réflexions sur l’art, vignettes prises sur le vif, ou observations du quotidien qui découpent l’action et forcent le lecteur à changer de vitesse. Le tout est de ne pas perdre le fil directeur.

L’ironie est une technique importante pour Xavier Makowski. Le trickster (tricheur, filou, coquin, bouffon) des tribus natives d’Amérique du Nord, le Brer Rabbit des griots africains et des récits afro-américains n’ont pas de secret pour lui. L’ironie ainsi comprise n’est pas l’ironie occidentale directe, parfois cinglante, toujours amusante, toujours rapide. Elle n’est ni la raillerie ni le sous-entendu. L’ironie chez Xavier Makowski est indirecte, distante, elle est une forme de résistance à l’adversité, comme l’ont si bien dit les écrivains de l’Europe de l’Est pendant la guerre froide. Et si elle fait contrepoint à la gravité du sujet, c’est pour amener le lecteur à une vision philosophique et apaisée. Ainsi l’énigmatique apprenti plaquiste qui intervient de temps en temps dans les histoires vécues, fournit-il des digressions amusantes tout en définissant le contrepoint entre continu et séparation et en renforçant l’effet de miroir des sept histoires. Même la danse des mots est un clin d’œil au langage, une forme d’ironie subtile vis-à-vis de la réalité, un signal que le lecteur ignorerait à son détriment et qu’il doit commencer par apprivoiser afin de comprendre comment le « chasse-ténèbres » exorcise tout ce qui fait mal et qui grince.

∗∗∗

Chasse-Ténèbres - Xavier Makowski extrait 1/2 - (p.93)

 

ce serait ici
au point le plus haut
qu’on déciderait de construire
un observatoire météorologique
ce serait en fouillant ici
pour faire les fondations qu’on découvrirait
les fragments de trompettes en terre cuite
le poète y verrait un nid de rapaces enfoui
et ce serait sur ce lieu rituel qu’on érigerait
une station d’outils complexes
pour prendre toutes sortes de mesures
des mesures climatiques pour mesurer
mesurer par exemple la force du vent

 

Chasse-Ténèbres - Xavier Makowski extrait 2/2 - (p.106)

ça fait des groupes de mots
coiffés de sombreros
des chasse-ténèbres
au carnaval de jour
comme pour renverser la nuit
ce petit orchestre mariachi
à l’ombre des platanes malades
et l’apprenti plaquiste
qui ricane de sa trouvaille
entonne son petit vacarme
griffu

                               Ay, ay, ay, ay
                               Canta y no llores

Présentation de l’auteur

Xavier Makowski

Né en 1976, Xavier Makowski grandit dans le Vaucluse dans un environnement dit “rurbain”, agricole et touristique. Environnement qui s'impose rapidement comme territoire d'observation, mêlant nature et consumérisme. Avec cet arrière-plan, il développe un travail plastique prenant sens dans des installations recourant à divers médiums (objets, photographies, aquarelles, textes, …).

Bibliographie

Expositions personnelles

Otium Collecte, Musée Gallo-Romain Villa Loupian, Loupian (34), JUIN > SEPTEMBRE  2020

Indulgere Genio, Espace o25rjj, Loupian (34), JUIN > SEPTEMBRE  2020

Petit outillage de printemps, Librairie Lettres Vives, Tarascon (13), AVRIL 2018

Cabanon Grands Plantiers, Intervention dans un cabanon de vignes , Sainte Cécile les vignes (84), JUIN 2018

Furtivement My art goes boom - Latelier, Sète (34), FÉVRIER 2018

Omnia hec pulcra exuntia , Maison des Jeunes et de la Culture, Carpentras (84), 2007

Petit bonjour de Sainte Cécile, Musée Louis Gauthier - Sainte Cécile les vignes (84), 2006

Intervention au sein de la collection entomologique Louis Gauthier, 2006

Expositions collectives

My art goes boom, Villa Dutoit - Genève (Suisse), 2017

Chantier Interdit au public, avec Renaud Bargues, Thibault Franc, Xavier Makowski, Antoine Picard, Espace E3 galerie collective - Arles (13), 2016  

Kitsch Art, Musée Louis Gauthier, Sainte Cécile les vignes (84), 2014

Les Nouveaux ruralistes, avec Aurélie Peyron, Ateliers de la faculté d’Arts Plastiques, Aix-en-Provence (13), 2001

Publications revues

• Les Carnets du Ventoux (poésie)

• Doc(k)s numéro « Nature - de l’imitation au clonage » (Aquarelles de la série paysage)

• D’ici là (poésie)

• Diérèse (poésie)

• Catastrophes (poésie)

Poèmes choisis

Autres lectures

Xavier Makowski, Chasse-Ténèbres

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Sophie Loizeau, Les Moines de la pluie, Tom Buron, Les cinquantièmes hurlants

Faces, pièges voire attrape-nigauds par Sophie Loizeau

D’un oiseau l’autre, d’une poésie à la narration, le « Je » de Sophie Loizeau - la si bien nommée - se métamorphose – par exemple – en effraie : « J’enfile une tunique alourdie de mousses, de lierre, de fleurs, et un loup en plumes blanches et or. Le costume en soi ressemble à un amoncellement de déchets verts – pas comme le loup qui est luxueux. Le masque du printemps dans toute son ambiguïté ».

Et c’est ainsi qu’entre récits, contes, poèmes toute une volière humaine mélange ce qui s’agite en érotisme, fantasmagorie, un peu d’horreur et beaucoup de magie (verbale – mais pas seulement). Entre une « Vieille femme dans le berceau » et « Vulves » tout vagabonde d’un château l’autre comme écrivait Céline. Mais de tels édifices vont bien ici. Tout se répond dans ce monde forestier : mouettes, biches, renardes, moines de la pluie permettent (même si ce ne sont pas les seuls permettent des rencontres même si elles n’ont pas lieu face-à-face merveilleux mais des miracles renaissent.

Sophie Loizeau puise dans l’ici comme dans les mythes une manière ludique e(t humoristique pour entrer en  esprit d’animaux plus ou moins grâce à la densité d’une langue qui va sa liberté dans ce livre présenté habilement en chapitres.

Out va au lecteur qui voyage entre diverses tensions et tentations là où la poésie donne au besoin des frictions à la fiction. Mais le tout reste homogène sans oublier les plaisirs de la mise en abime du réel que celui de la langue. Et qu’importe les mares où elles s’ébroue pour invoquer au besoin disparu(e ) ou fantômes allongés (parfois sur la narratrice-auteure) ou debout. Parfois le jeu des corps fonctionne, parfois – évrit l’auteure – « la synchronisation déconne ».

Certes ici la vie est un ensemble de gains et de pertes sans que le lecteur s’en plaigne. Il souffre au besoin d’un pil, mais le plaisir imbibe son cerveau par les massages mentaux et stylistiques d’une telle fée des songes.

Sophie Loizeau, Les Moines de la pluie, Éditions Le Pommier, 2024, 213 p., 18 €.

Chacun d’un texte à l’autre espère sa venue même si parfois (telle une séditieuse) abuse de l’ellipse. Mais comment lui pardonner et qu’importe les dénouements d’une telle créatrice manipulatrice parfois jusqu’à l’hurluberlu. Nous rêvons de roder autour d’elle maitresse femme accomplie nous en sommes aussi d’un autre genre qu’elle : l’hurluberlué.

∗∗∗

Aux sandales du voyant

Tom Buron creuse une place pour le silence intérieur puisqu’en chacun de nous veille l’enfant à la langue tue. L’enfant à qui - afin qu’il ne voit pas la souffrance - on a toujours si mal bandé les yeux. L’auteurs à l’inverse reste le voyant.

Dès lors pas besoin de prendre la pause en un  tel livre. Laissons-nous aller. Le monde éclate il n’a pas de frontière : mais se barattent les ténèbres. Toutefois pour Buron  ce qui ne pouvait s’accepter mais qui demeure et ne finit pas. Le monde avait donc perdu sa mesure même si l’enfant rêvait de s’arracher au temps.

Chaque lecteur veut toutefois les mots, on espère jusqu’à la prochaine émotion – joie ou douleur, jusqu’au prochain silence même si l’écriture qui n’accomplit jamais mais elle a besoin d’espérance sauf retourner jamais

Demeure l’inconnu. Il permet de révéler l'obscur noyau d'un secret  Nous n’en saurons ne saura rien sinon quelques indices, quelques traces. Comprendre simplement que les corps ne font plus corps Mais Buron les remet en cause parce qu'il demeure la chair de l’être en exhiber les stigmates, les énigmes -  matière inavouée dans ses points de fuite.

Il faut donc la laisser parler sa langue obscure. Elle joue toujours à l'extrémité d'une représentation qui avance à tâtons dans l'inconnu loin du poids immense des livres, des Talmud et des Bible et même de Blake.

Cette aube-crépuscule appelle sans cesse  ce que les mots repousse en croyant la parler. Impossible de penser la poésie autrement là où elle est arrosée par le sang du mystère  qui en nous privant parfoi  de repères nous offre un nécessaire saut dans le vide. 

Tom Buron, Les cinquantièmes hurlants, Collection Blanche, Gallimard, 2025, 17 €.

Nous pouvons le comprendre au mieux on peut entendre ses échos.  La carapace de l’être éclate. Quelque chose peut surgir : de l'ordre de la joie, une dernière attente : “ qu’en sera-t-il de nous ? ”  reste une question ouverte.

Et la poésie  demeure la sentinelle égarée qui tente chaque fois le saut dans l’impossible. Ombre et lumière se mangent là où ne subsiste que la folie du croire, du croire voir. Folie de la couleur parcimonieuse aux échancrures de noir.

 

Présentation de l’auteur

Sophie Loizeau

Née en 1970, Sophie Loizeau est poète, elle écrit également des récits. Elle vit à Versailles.

Ses trois premiers livres, écrits entre 1998 et 2004 (Le Corps saisonnier, La Nue-bête, Environs du bouc) sont marqués par la présence de la nature. Une nature qui fraye avec le fantastique et le mythologique, avec le désir et la sexualité. Les livres suivants (La femme lit, Le roman de Diane, Caudal), écrits entre 2004 et 2013, forment une trilogie autour du mythe de Diane et tentent une féminisation systématique et radicale de la langue.

© Crédits photos Adrienne Arth

Bibliographie

  • Le Corps saisonnier, Chaillé-sous-les-Ormeaux, Le Dé bleu, (BNF 37711847), édition bibliophilique numérotée enrichie de lithographies de Jacques Vimard, Éditions Barbova, 2009.
  • La Nue-bête, Chambéry, Comp'Act,
    Prix Georges Perros 2006.
  • Environs du bouc, Chambéry, Comp'Act,
    Avec une quatrième de couverture de Bernard Noël. Réédition en 2011 aux Éditions de L'Amandier, Paris, augmenté d'un entretien avec Pascal Quignard paru en octobre 2008 dans le n°5-6 de la revue Passages à l'Act (BNF 42606899). Prix Yvan Goll en 2005.
  • George Sand, Daniel Arsand (suite), Céline Minard (suite) et Sophie Loizeau (suite), Albine Fiori : roman inachevé de George Sand ; avec trois suites de Daniel Arsand, Céline Minard, Sophie Loizeau, Chambéry, Éditions Comp’Act,
    Roman inachevé de George Sand avec 3 « suites ».
  • Sophie Loizeau et Claude Panier (frontispice), Anima mundi, Clamart, Les Cahiers de la Seine,
  • Bergamonstres, Chambéry, L’Act Mem,
    Nouvelle édition réunissant La Nue-bête et Environs du bouc.
  • La Femme lit, Paris, Flammarion,
    Ce livre a bénéficié d’une bourse du CNL en 2005.
  • Son appendice, caudal, Montluçon, Contre-allées,
    Réalisé dans le cadre du 6e festival de poésie contemporaine Poètes au potager.
  • Caudal, Paris, Flammarion, Ce livre a été publié avec une aide de 900 € du Centre national du livre.
  • Lys, Fissile 2014 avec des dessins de Bernard Noël.
  • Ma maîtresse forme : Naturewriting, Champ Vallon, 2017.
  • La chambre sous le saule, PU Rouen, 2017.
  • Les Loups, José Corti, 2019.
  • Les Épines rouges, Le Castor Astral, 2022.

En anthologies

Des œuvres de Sophie Loizeau figurent également dans plusieurs anthologies, dont :

  • Passeur de mémoire, collection Poésie / Gallimard, 2005,
  • Couleur femme, Castor Astral, Le Printemps des poètes, 2010,
  • La poésie à plusieurs voix, Armand Colin, 2010,
  • Éros émerveillé, collection Poésie / Gallimard, 2012.

Participations

  • « Originaire », Regards croisés sur la carrière Chéret, Conservatoire d'espaces naturels, 2011. 

Théâtre et performances

  • Un spectacle poétique : Le plus clair du temps je suis nue, mis en scène par Claude Guerre, créé à La Comédie de Reims en 2005 et repris à la Maison de la Poésie de Paris en 2008.
  • Écriture et chorégraphie : Pleine peau, textes écrits à partir d’un travail chorégraphique de Maria Donata d’Urso, créée au Cent Quatre à Paris en 2010.
  • Des lectures-performances à la Maison de la poésie de Paris, Arkhéon, mai 2011. Conception : Wilfried Wendling / mise en scène : Sophie Loizeau.

Poèmes choisis

Autres lectures

Présentation de l’auteur

Tom Buron

Tom Buron est né en 1992 en banlieue parisienne. 
Auteur de poèmes et de nouvelles, il se taille tout d’abord une réputation dans l'underground littéraire parisien par les lectures publiques de son poème-fleuve souterrain et convulsif Le Blues du 21e Siècle dont une première version est publiée en 2015 dans la revue Le Cafard Hérétique. Le webzine Bookalicious salue alors « la musicalité et le rythme » du texte : « un voleur de feu qui préserve la flamme de la poésie ».

Dans le même temps, il commet quelques traductions de textes courts d’auteurs anglophones pour des revues et publie quelques uns de ses poèmes traduits dans de nombreux fanzines en Angleterre et en Irlande, tout en réalisant quelques piges sous son nom et sous pseudonymes. En 2016, il préface l’édition britannique du roman initiatique Blossoms and Blood de l’écrivain américain Mark SaFranko dont il est la voix française lors de sa tournée dans l’hexagone un an plus tard.
En 2017 paraît son deuxième ouvrage, Nostaljukebox, imprégné de jazz et dont les poèmes s’articulent autour d’un chant central, oscillant entre la bourlingue des bas-fonds urbains et la quête spirituelle. Dans sa préface, le poète beat Jack Hirschman ne tarit pas d’éloges : « Buron représente la contemporanéité de demain, ce par quoi nous serons tous saisis dans les jours à venir de la poésie ». Il est à cette occasion sélectionné parmi les jeunes poètes prometteurs lors de la Nuit des Nouvelles Ecritures de la Biennale Internationale de Poésie du Val de Marne. L’ouvrage est salué par la revue culte Les Lettres Françaises, par le quotidien belge Le Soir, et le comédien Jacques Bonnaffé en lit un extrait sur France Culture.

Début 2018, lors de sa résidence d’auteur à Metz proposée par L’Atteinte et dont France 3 tire un reportage, il réalise un spectacle musical autour de Nostaljukebox avec le musicien Jean Sébastien Grunfelder.

Bibliographie 

NOSTALJUKEBOX (préface de Jack Hirschman), bookleg #135, Editions MaelstrÖm, 2017
LE BLUES DU 21e SIECLE, bookleg #124, Editions MaelstrÖm, 2016

Participations aux revues & magazines : Souffles, Le Cafard Hérétique (original), Traversées, Les Nouveaux Délits, Comme en Poésie, Microbe, Festival Permanent des Mots, On Peut Se Permettre, Schnaps, Le Zaporogue, Paper & Ink, Mange Monde, Spered Gouez, etc.

Participations aux anthologies : Dehors (Editions Janus – Prix Ribot 2016), Revolutionary Poets Brigade (#3 & #4), 50 Poètes Sémaphoristes (Maison de la Poésie de Quimperlé, 2017), L’Arcane de la Force (MaelstrÖm, 2017), zOOdiac Cosmosophies (MaelstrÖm, 2018), etc.

Trois de ses poèmes ont également été publiés sous forme de petits livres conceptuels par la micro-édition californienne PoemsForAll : Sinkin Ship (#1368) en 2015, 100mph (#1451) en 2016 puis Rehabilitation of the Sun (#1823) en 2018, ainsi que sa traduction en anglais d’un extrait du « Hie » d’Arthur Cravan (#1450).

Poèmes choisis

Autres lectures




Domi Bergougnoux, La chanson à deux bouches

C'est avec beaucoup de lyrisme que la poète célèbre les amants. Le titre gémellaire vient du texte "bouche à bouche/ les amants".

Nombre de textes honorent cette sensualité palpable, ce désir, l'extase des moments vécus.

Sans jamais quitter le terrain de l'authenticité, Domi Bergougnoux exalte les accords des corps, leur fusion idéale, des images denses "hors du temps" de "coeurs sans parole", "à l'abri des saisons".

Quatre sections équilibrent le livre entre "nuit", "mer", contrées", "pénombres".

Le temps ainsi d'asseoir des évidences, des miracles, tout ce qui peut échapper à la banalité.

Mais à ces assauts d'assurances répondent d'autres instants, tissés de "chagrins", d'absence et de manque.

Chaque texte recèle "une trace indécise au ciel de la mémoire" et offre au lecteur son "territoire à frissons".

C'est dire la sensualité qui émane de ces poèmes intimes.

Domi Bergougnoux, La chanson à deux bouches, Ed. du Cygne, 2025, 96 p., 15 euros.

"La chair est passerelle"

ou

"J'ai rencontré cet amour singulier / dans une salle d'ombre".

Ce catalogue des "amours "déferlantes" trouve aisément son chemin dans l'ourlet des poèmes.

Présentation de l’auteur

Dominique Bergougnoux

Domi Bergougnoux a toujours lu et écrit de la poésie.

Enfant, elle avait écumé tout le rayon poésie de sa bibliothèque municipale en région parisienne, des classiques jusqu’aux traductions de poètes du monde entier.

Elle a exercé plusieurs métiers, dont celui de professeur de lettres. Après des années consacrées au théâtre et au chant, elle est revenue à l’écriture pour tenir debout pendant l’hospitalisation de son fils en psychiatrie.

De cette période est né un premier recueil « Où sont les pas dansants » en 2017, auquel la revue Possibles a consacré un article en mars 2018.

Depuis 2016, ses textes sont publiés régulièrement dans des revues et des blogs : Lichen, 17 secondes, Le Capital des Mots, Recours au poème, L'Ardent Pays, Ornato, Dix Vins blog, Poésie Première... Elle a participé à des ouvrages collectifs de l'atelier de François Bon aux éditions Tiers Livre : « Dans les maisons inconnues » en 2016 et « La nuit » en 2018, de haïkus aux éditions Graine de Vent « L’Herbier » (2017) et « Empreintes » (2018) et plus récemment « Dans la clarté sombre des réverbères » aux éditions Jacques Flament.

Elle a publié en février 2020 un recueil « Dans la tempe du jour » aux éditions Alcyone.

Un livre d’artiste « Il faut apprendre à voler » a été imprimé par les éditions Al Manar au printemps 2020, en collaboration avec le cinéaste et plasticien Jean-Denis Bonan qui a réalisé des peintures découpées en lien avec des poèmes extraits d’un recueil à paraître en 2021.

 

 

 

Dominique Bergougnoux




Tatsuo Hori, Le vent se lève

Dès les premières pages du Prologue la fluidité du style alliée aux descriptions de la nature et à la délicatesse implicite des sentiments du narrateur est frappante et donne une impression de simplicité rassurante. Quand on sait que Hori a été traducteur on comprend mieux à la fois la précision et. la clarté de son écriture. Puis la maladie de sa fiancée Setsuko apporte du corps au récit et provoque l'attente, grand thème de la première partie du roman. Le lecteur est ainsi doublement désireux de tourner les pages pour en savoir plus. Comment les choses vont-elles advenir ? C'est la question qui reste importante pour lui puisque la 4° de couverture l'a averti de la suite fatale.

La nature et le décor, à la limite insolites, participent de l'ambiance inquiétante. Le fait qu'il y ait de la neige au printemps accentue le sentiment de solitude des deux personnages. Et la description elle-même du paysage, qui occupe une place importante, est un modèle du genre. Mais la nature et le cycle des saisons, si elles symbolisent le destin en train de frapper, sont aussi une compagnie adjuvante qui rythme les journées des deux protagonistes.

Le lecteur, soumis à une tension, est paradoxalement sous le charme de la douceur qui règne, entre eux et pour eux, jusqu'au sentiment de bonheur.
Avec la fin de l'été, le mauvais temps et le vent qui "se lève" obligent à"tenter de vivre" et à feindre l'ignorance. Le récit alors continue à avancer par petites touches fines, comme impressionnistes. Autant sur le plan de la psychologie que sur celui encore du paysage et du temps et de plus en plus entre espoir et désespérance. Il y a dans ces pages une belle et originale présentation du partage et de la complicité jusqu'au sacrifice face à l'inéluctable.

Comment celui-ci pourra-t-il se gérer ? C'est toujours la même question. Comme dans un Requiem le chant des mots nous envahit peu à peu. La mise en abyme d'un roman soudain à écrire par le narrateur, qui donnera vie à son histoire avec l'aimée, est-il le dernier sursaut de l'espoir ? Pour Hori l'amour n'a besoin d'aucune technique compliquée, l'écriture suffit presqu' à elle-même à lui rendre hommage en couronnant les sentiments mutuels du couple et en rendant heureuse la malade. Deux pages admirables sur les pensées et l'évolution du créateur forcent ainsi l'admiration.

Tatsuo Hori, Le vent se lève, Collection L’Arpenteur, Gallimard, 1993.

Pour le lecteur écrivain il s'agit bien d'une œuvre complète. Comme l'est un opéra pour un mélomane. Cette première moitié du livre permet déjà de le classer parmi les plus beaux romans d'amour de la littérature mondiale.

La suite semble varier sur les mêmes thèmes avec certainement un crescendo quand, par exemple, la lumière est considérée comme la figure du bonheur vécu malgré l' épreuve. Nous sommes à l'automne 1935 et le narrateur, partagé entre la paix que lui apporte l'extérieur et l'angoisse qui monte, continue de nourrir son récit en cours entre réel et imaginaire. Le temps, dans ses deux acceptions, est la source des réflexions du narrateur qui confond passé et présent vécu dans la rigueur de l'hiver arrivant au milieu de la solitude des montagnes. C'est la magie de la neige à l'extérieur mais surtout le feu de cheminée qui brillent pour les amoureux. Alors le silence bientôt l'emporte et seul l'échange de regards compte peut-être vraiment le plus.

Le récit du narrateur va-t-il avoir comme fin la situation présente ou faudra-t-il attendre la suite des évènements pour s'en servir ? Une double attente, avec celle de la fin du roman, définit le charme habile de cette œuvre très dense et maîtrisée.

La fiction et la réalité sont en rivalité mais cette dernière est plus difficile à "vivre" et la question de la fragilité du bonheur se fait sentir de plus en plus. Le monologue intérieur nous en rend compte qui alterne avec des passages de dialogues. Ceux-ci existent toujours et marquent depuis le début la qualité de l'écriture. Au mauvais temps soudain correspond la faiblesse accrue de la malade. Mais il s'agit de comprendre que persiste dans la réalité le sentiment de bonheur décrit dans la fiction.

Puis le passage entre le dernier chapitre et le précédent qui s'achève de façon pathétique forme un hiatus frappant car nous n' assistons pas au départ de Setsuko avant le retour de son fiancé pour le village de K. après presque trois ans.

On peut dire à ce stade du livre que le thème de la neige associé à celui de l'écriture qui reprend donne au livre, malgré le deuil, toute son unité. Le cycle vertueux des journées contredira-t-il le titre final "Vallée dans l'ombre de la mort" ? Et que signifie donc la présence là encore du vent ?

Par la mémoire analogique, grâce encore à la neige et au feu de cheminée et à la manière de Proust, revivent les souvenirs des derniers moments vécus avec la jeune femme morte. Le décor naturel ainsi que les chalets et les oiseaux, par exemple, dans des descriptions aussi fines que magnifiques, font revivre plus encore celle-ci. C'est un enchantement pour le lecteur que ces variations sur les mêmes thèmes comme dans une œuvre musicale le sont les leitmotivs. Il s'agit bien d'un final ici en forme de "Requiem" à la manière de celui de Rilke. Celui qui, le calme revenu quand le vent est tombé, chante superbement l'amour inconditionnel et la nostalgie qui définitivement lui est lié.

 

Présentation de l’auteur

Tatsuo Hori

Né à Tôkyô, Tatsuo Hori (1904-1953) est très tôt attiré par l'Europe. Disciple d'Akutagawa Ryûnosuke et ami de nombreux écrivains et poètes, il traduit Apollinaire et Cocteau, lit et fait connaître Gide, Proust, Rilke et Mauriac. Comme celle de ses contemporains européens, son œuvre se caractérise par la place importante qu'y occupent les thèmes autobiographiques. Mais Hori est aussi aux sources de la littérature classique du Japon.

Bibliographie 

Œuvres

  • Sei Kazoku (''La sainte famille (聖家族?), 1932)
  • Utsukushii Mura (Beau Village (美しい村?), 1933)
  • Kaze Tachinu (Le vent se lève (風立ちぬ?), 1936–37) Gallimard 1993
  • Kagerou no Nikki ((かげろふの日記?), 1937)
  • Naoko (Naoko (菜穂子?), 1941)
  • Arano (Arano (曠野?), 1941)
  • Younen Jidai (Enfance (幼年時代?), 1942)

Bibliographie

  • Kojin, Karatani. Origins of Modern Japanese Literature. Duke University Press (1993). 

Poèmes choisis

Autres lectures

Tatsuo Hori, Le vent se lève

Dès les premières pages du Prologue la fluidité du style alliée aux descriptions de la nature et à la délicatesse implicite des sentiments du narrateur est frappante et donne une impression de simplicité [...]




Gwen Garnier-Duguy, Le Scribe en marche, Lire Marc Alyn

Gwen Garnier-Duguy consacre à Marc Alyn un essai très attendu, intitulé Le Scribe en marche. Même si quelques éléments biographiques apparaissent ça et là, comme les séjours du poète à Venise ou, plus tard, dans les ruines de Byblos, l’essai s’intéresse plutôt à suivre une trajectoire, la marche poétique, celle que l’on gravit ou que l’on descend, comme la nouvelle octave d’une incantation.

Marc Alyn est désigné comme le Scribe (ce titre est revendiqué dans le recueil Le Scribe Errant). Plutôt que voleur de feu prométhéen, le poète est d’abord celui qui agence les signes, « administrateur d’un territoire poétique », à la recherche du Verbe et des archétypes de « l’archi mémoire » conservés dans les sites disparus de l’Orient. Cette démarche renvoie à des savoirs cachés comme l’alchimie ou la psychologie des profondeurs chère à Jung. La poésie de Marc Alyn nous convie à un voyage intérieur, où Gwen Garnier-Duguy, lui aussi poète, auteur d’un recueil d’inspiration alchimique intitulé Livre d’Or (éditions de l’Atelier du grand Tétras) se retrouve pleinement. Dans la poésie de Marc Alyn, les éléments naturels sont abordés comme des éléments de langage. « La mer est une écriture », et ce jusqu’aux formes singulières de coquillages, qui en tracent, comme le bestiaire (lézard, scarabée ou huppe), la calligraphie, la « Cursive » mystérieuse. De la même manière est établie l’unité profonde du poème et du poète dans un « tissage énonciatif », comme le disent magnifiquement ces vers de La parole planète :

Dans les ténèbres les rouleaux lovés sur leur secret
virent les hautes calligraphies lumineuses
dont le songe inspiré fait tourner la planète

 Gwen Garnier-Duguy, Le Scribe en marche, Lire Marc Alyn, La rumeur libre, mars 2025.

La Nature coule donc dans le sang du poète. La poésie, comme l’alchimie, dissout et coagule le monde à la manière d’un langage. On retiendra aussi les pages marquantes où Gwen Garnier-Duguy commente le passage par la Nuit des peurs, de la mort, « nuit de l’âme » dont parlent les mystiques,  Graal immortel du poète. La nuit initiatique est donc labyrinthe où l’on doit se garder de triompher du Minotaure, sans veiller à « l’harmonisation des forces en présence nous animant ».

À partir de cette nuit d’épreuves, Gwen Garnier-Duguy explore l’ambivalence du symbole alchimique du Feu chez Marc Alyn. Le symbole s’inverse même dans la « brûlure du feu tragique » : le feu brûlé alchimiquement cesse d’être destructeur et anime mystiquement le poète, par un effet comparable à la conversion des terreurs de la nuit métaphysique, nuit de « l’Histoire sans étoiles », en Nuit mystique. La « nuit produit sa flamme », et le poète, doit « faire feu », il devient Tireur isolé, tireur d’élite, Sniper et sans peur, pour assurer sa marche et vaincre les pièges de l’Histoire

En se coulant dans « l’aventure intime et mystérieuse » de Marc Alyn, Gwen Garnier-Duguy ne cherche pas à en épuiser le sens, mais lui donne un éclairage très personnel, qui en explore les symboles profonds, en prenant le temps de les expliquer à un lecteur non averti, l’invitant à la redécouverte d’une œuvre qui ne cesse pas d’exercer son pouvoir de fascination.

Présentation de l’auteur