Poétique d’un désastre annoncé par un collectif d’auteurs de la revue la page blanche, d’après les discours de Greta Thunberg

Les éditeurs annoncent que « l’objectif du recueil est double : d’abord, traduire et publier les discours de Greta Thunberg pour les rendre immédiatement accessibles au public français. Mais aussi, extraire et révéler leur contenu poétique en les mettant en parallèle avec des textes – poèmes en vers ou en prose – d’auteurs de la revue de poésie La Page blanche. Un discours / un poème. L’un délivre le message, l’autre l’intègre et le reformule à travers la sensibilité du poète » ; et de conclure : « La poésie est la mieux placée pour atteindre le nœud du problème écologique : la transmission sensible d'un vivant à un autre vivant, d'un cœur à un autre, du caractère poétique et tragique du désastre qui s’annonce. »

Cet objectif est-il atteint ? Pour ce qui est de la traduction des discours, c’est certain. L’accompagnement en écho des neuf poètes de Lpb vient ponctuer cette publication. Mais personnellement je n’ai pas saisi, ni goûté, l’intérêt poétique, politique et écologique de cette entreprise. Entendons-nous, ce n’est ni l’engagement de Greta ni les poèmes publiés qui sont en cause, mais le mariage des deux. 

Expliquons-nous et d’abord levons un scrupule moral : demander à « Recours au poème » la réception d’un livre pour le chroniquer sur la simple foi d’une couverture et d’un titre, est à la foi un pari et un engagement. Un pari (à moins de connaître déjà l’auteur on ignore tout du contenu), un engagement moral à chroniquer l’ouvrage reçu, et cela va de soi de manière plutôt bienveillante, le monde de la poésie est forcément pluriel.

Je dois confesser ici ma gêne, mon embarras, mon désarroi à la découverte de l’ouvrage. Sur la foi d’un titre percutant, à la fois poétique et politique, je m’attendais à tout autre chose : de quoi est fait l’ouvrage ?

Les 9 discours de Greta de mars à septembre 2019 sont intégralement reproduits, chacun accompagné d’un poème émanant de 9 poètes différents or les deux tiers du livre (56p) sont occupés par les discours, les poètes occupent seulement 19p et une postface de 12p.

Entendons-nous ici aussi : les discours de Greta non rien de poétique ni de littéraire ; La jeune fille (16 ans en 2019) est avant tout un phénome médiatique, sympathique certes (quand d’autres le sont beaucoup moins), comme notre société sait en créer tant et les renouveler régulièrement ou les faire tourner….

Parution de Poétique d’un désastre annoncé, Les éditions Lpb, 132 pages – 15 €.

Bref, ce n’est ni le lieu ni le propos de faire une énième polémique autour de Greta, mais j’avoue ne pas saisir, comprendre, ni être sensible au contenu « poétique » de discours d’une adolescente certes sincère mais pleine d’une naïveté désarmante : « le climat et la crise écologique sont au-delà des partis politiques. », « unissons-nous derrière la science p78 [science sans conscience… [politique] n’est…], sans éviter les habituels poncifs oxymores comme « créer une croissance économique durable (p47) » ou le mythe éculé sur JF Kennedy (p90).

Évoquons aussi toutes les redites : s’il est normal de se répéter dans des discours oraux prononcés pour des publics divers aux quatre coins de la planère, le lecteur d’une publication écrite, est ennuyé d’y trouver redites et répétitions (à l’identique un paragraphe entier p74 & p 88)

Bref, malgré mes bonnes intentions et la séduction opérée par un titre magnifique, je reste très critique… à moins que l’on arrive à me convaincre du contraire… où se trouve la poésie dans la prose de GT ? À titre d’exemple, la prose des zapatistes est, elle, à la fois réellement poétique (parsemée de contes et paraboles… bref de réalisme magique?) et politique.

Heureusement, il reste le deuxième objectif du recueil : faire ressentir que « La poésie est la mieux placée pour atteindre le nœud du problème écologique : la transmission sensible d'un vivant à un autre vivant, d'un cœur à un autre, du caractère poétique et tragique du désastre qui s’annonce. ». J’ignore si la poésie est la mieux placée, mais en tout cas c’est l’un des moyens -restons modeste- pour évoquer et transmettre le « caractère tragique du désastre qui s’annonce ».

Malheureusement ces paroles poétiques sont noyées quantitativement dans ce qui est mentionné plus haut, et il manque même une table pour aller repérer directement poètes et poèmes… Dommage, que les voix poétiques soient finalement si peu présentes, nous aurions aimé entendre plus cette musique-là, comme :

Pour aller au-delà « des chiffres à ouvrir, à étaler au grand jour comme on étale une peinture » (Matthieu Lorin)

Pour « Dire le sursis planétaire et la douleur/ la douleur planétaire […] comme si les capitalistes avaient des figuiers mûrs dans leur jardin » (Anne Barbusse)

« Faut-il des ailes à nos poèmes/pour échapper/à l’aveuglement/de nos brouillards urbains /à toute la pesanteur/lancinante/de ce monde […] Les océans débordent/d’indifférence » (Christophe Candello)

Pour nous faire ressentir le désastre en cours par « les oiseaux tentant de percer de leur vol/l’abcès de chaleur » (Jean-Michel Maubert) … ou encore entendre qu’un « soleil se meurt/une rumeur d’homme à la bouche/le chaos viendra balayer la scène » (Abdellatif Laâbi).

Une parole qui nous rappelle, en poésie, « il est temps/il est temps de dire/il est temps de se dire/la vérité en face » (Patrick Podolo)

Belle initiative, mais à quand un vrai recueil collectif, uniquement ou essentiellement  poétique, fait de nombreuses variations sur la « Poétique d’un désastre annoncé » ?




Marie Alloy, Noir au fond

Avec son recueil Noir au fond, Marie Alloy nous propose un bel ouvrage associant textes et œuvres picturales (gravures et peintures), signes gravés, mots et images, avec du noir et des couleurs pour relier l’imaginaire à la réalité, l’enfance à cette vie d’aujourd’hui, le ciel à la terre si malmenée.

Il y a le noir, et puis toutes les couleurs contenues en lui. Chaque couleur de la vie, de toutes les vies, qui masque ce « noir au fond ». Marie Alloy nous livre ici sa vision de la vie, de l’enfance, la sienne et celle des enfants d’aujourd’hui, les combats menés par les migrants ou à Gaza.

Un monde en proie à la violence, un monde déréglé, et qui peut prendre sens grâce aux couleurs. C’est famine en chacun /Solitude et effroi / L’oubli indomptable

L’autrice rend ici hommage aux couleurs, en écho aux univers des artistes, peintres et sculpteurs tels Maria Héléna Vieira da Silva, Vincent van Gogh, Camille Claudel, photographes, cinéastes et poètes. Couleur des peintures, couleur des poèmes (jaune, bleue, rouge…) qui rend compte d’un monde, de son regard sur le monde.

L’autrice aime à évoquer le subtil, les nuances d’une atmosphère, la délicatesse d’un paysage, le repos d’un silence propice à la création…

Dans le silence toujours luisent / quelques poèmes prêts à naître 

Evocation de la nature et de ses lumières, grâce auxquelles nous vivons parmi les couleurs. Ces couleurs posées sur la toile, recherche possible d’une enfance disparue à jamais.

Marie Alloy – Noir au fond, Voix d’encre, 2025, 114 pages, 19 euros.

Tu veilles avec tes mains posées sur la toile / Tu veilles à poursuivre l’enfance 

L’enfance traverse le recueil. Les parents, père et mère, la solitude, la noirceur couverte des couches de peinture qui illuminent la vie.

Enfant je cueillais des bleuets dans les prés
c’était plus que du bonheur   paix et peinture
c’était dieu lui-même à la pointe des fleurs
c’était le bouquet bleu des semences du ciel 

Sous la douceur des mots et des peintures émerge un univers plus sombre, de combat et d’espérance pour un monde meilleur et apaisé. La poète s’adressant pour finir aux enfants de toutes guerres.

Que la lumière soit ton audace / et la peinture / ton Magnificat 

Un recueil qui illumine une journée, par la lumière des mots et les couleurs de l’engagement.

Présentation de l’auteur

Marie Alloy

Marie Alloy, née à Hénin-Beaumont le 2 juillet 1951, est peintre, graveur et éditeur. Elle est également l'auteur de plusieurs ouvrages ainsi que de textes publiés dans des revues.

Iris Cushing




Maria Mailat, Brancusi ad aeternitas

Douze ans après une première biographie de Constantin Brancusi (1876-1957) publiée par les Editions Transignum1, Maria Mailat nous donne une seconde étude sur le sculpteur roumain. Ce second volume vaut son pesant d’éternité par la triple ascèse du sculpteur, de l’auteure, et de l’illustratrice. 

Depuis presque un quart de siècle, Wanda Mihuleac publie des livres de bibliophilie (plus de cent cinquante à ce jour) en assurant la collaboration entre auteurs, illustrateurs, et musiciens. Evoluant du livre d’art au « livre de performance, » elle encourage les poètes à offrir leurs mots dansants à des affinités multiples. Ici il s’agit d’un livre à douze mains, commençant avec une première « traduction » de l’œuvre et de la vie de Brancusi par Maria Mailat, suivi d’une traduction du texte de Maria Mailat en roumain ; à ceci il faut ajouter la « traduction » jumelle visuelle par Natia Zhvania du texte de Maria et des sculptures de Brancusi. Il en résulte un poème récitatif accompagné d’un enregistrement sur une musique d’Alexandre Gherban, lu par Lucienne Deschamps. https://soundcloud.com/user-281565888/brancusi-ad-aeternitas-francais . Cette interpretation riche et variée sert de test décisif pour décider de la qualité poétique du texte initial/initiateur. 

Sur ce point, il n’y a aucun doute : Maria Mailat reste le maitre d’œuvre. Contrepoint des mots, observations en fugue, alternant entre détails biographiques très précis et bouleversantes confessions : l’émerveillement vient des plus humbles gestes et la fougueuse création triomphe de tous les obstacles. Brancusi, homme invisible dont les traces sur terre furent des plus modestes, légua à la France une oeuvre qui venait des « portes de l’Orient » (Bucarest) et portait le souvenir de la pauvreté et de la politique qui tuent, mais aussi des amitiés qui font vivre, telle celle qui le lia (Platon) à Erik Satie (Socrate). Maria Mailat évoque ses muses, ses échecs, et son geste « qui libère le vol de la pierre. » Elle comprend son but -- « attendre le messie, c’est le travail de l’artiste. » Le jour où l’on cesse d’être un enfant, disent Brancusi et Maria Mailat à l’unisson, on meurt. Frustré par son apparence terrienne, Brancusi fut visité par l’ange avant de s’envoler pour retrouver « le Dieu qu’ils servent. »

Tout comme le premier recueil, Brancusi ad aeternitas est guidé par la démarche artistique du sculpteur. Ce second recueil dépeint toutefois davantage l’homme d’une seule passion qui vécut en marge de toutes les conventions, et nous rappelle que le sublime requiert des sacrifices majeurs. Maria Mailat donne la parole à un artiste qui dédia toute sa vie à interroger la “forme fermée” de la pierre afin de la transcender. Elle souligne l’absolu qu’il cherchait à atteindre, souffrant dans sa chair chaque fois qu’il travaillait la pierre. Sa façon organique d’approcher la matière rappelle les murs péruviens de Sacsayhuaman et les bâtisseurs préhistoriques ; il fut, un siècle avant la lettre, un trait d’union entre les techniques architecturales ancestrales et les traditions paysannes, d’une part, et, de l’autre, la revalorisation de la nature par les écologistes et la fascination actuelle pour les civilisations anciennes. Car Brancusi considérait qu’une une œuvre était incomplète sans le travail des forces naturelles de l’eau, du vent, et du soleil. Vivant pleinement l’immensité du temps, il laissait l’eau creuser une meule – son « autel » -- au fil des jours et disait, « une goutte d’eau contient Dieu et tout l’univers ». Entouré de ses nombreux intervenants, le texte de Maria Mailat achève de libérer la poésie de Brancusi et, réussite majeure, nous cache la poète afin de mieux entendre ses mots inoubliables.

Note

  1.  Maria Maïlat, Constantin Brancusi, vu par Eva Largo. Traduit en espagnol par Natalie La Valle. Paris, Editions Transignum, 2013. 75 p. ISBN 978-2-915862-18-8.

Présentation de l’auteur

Maria Mailat

Maria Mailat, née le à Târgu Mureș en Roumanie, est une écrivaine française d'origine roumaine. Elle écrit et publie de la prose, de la poésie, des essais et des traductions de poésie du hongrois vers le français.

Bibliographie 

Romans

  • Sainte Perpétuité, ed. Julliard, 1998
  • La grâce de l'ennemi, ed. Fayard, 1999
  • Quitte-moi, ed. Fayard,
  • La cuisse de Kafka, ed. Fayard.
  • S'il est défendu de pleurer, 198 p., Éditeur Robert Laffont, 1988, (ISBN 222105430X) ; (ISBN 978-2221054307)
    • Wenn es verboten ist zu weinen (Version traduite en allemand) Verlag: Volk und Welt, 1991
    • Le roman est traduit et publié en Suède.

Poèmes

  • KLOTHO (premiul Voronca), Ed. Jacques Bremond
  • Cailles en sarcophage (Prix du Val de Seine), Ed. Editinter
  • Graines d'Antigone, ed. Editinter
  • Trans-sylvania, Ed. Signum
  • Abri/Redos, poèmes traduits en catalan par Anna-Maria Coredor, Ed. Tripod (Barcelona)
  • Constatin Brâncuși - une autobiographie, poème en prose traduit en espagnol par Natalia La Valle, édition bilingue, Ed. Transignum
  • Brâncusi ad aeternitas, poème en prose traduit en roumain par Carmen Vlad, édition bilingue, Ed. Transignum
  • Paroles de Volcan (Volcano Talk), poèmes traduits en anglais par Patrick Williams, édition bilingue, Ed. Transignum

Essais et théâtre

  • Silences de Bourgogne, ed. de l'Armançon (Bourse de littérature chez Jules Roy à Vézelay (Bourgogne))
  • Walter Benjamin et Bertold Brecht, rencontre à Port Bou, pièce de théâtre bilingue, traduite en catalan par Anna-Maria Coredor, Ed. Reremús.
  • Paul Celan rencontre Walter Benjamin, essai, postface à l'édition espagnole des poèmes de Paul Celan traduits par le poète Antonio Pous, Ed. Reremús (Spania)

Nouvelles

  • Intrare liberă, București: Cartea Românească, 1985.
  • Avant de mourir en paix, ed. Fayard, 2000.

Traductions

  • Agota Kristof, Clous: Poèmes hongrois et français, Carouge, Switzerland. Editions Zoé. 2016. 200 pages. (poèmes d'Agota Kristof traduits du hongrois au français par Maria Mailat)

Autres lectures

Maria Mailat, Brancusi ad aeternitas

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Marie Roumégas, Premiers espaces, Liliane Giraudon, Pot pourri

Marie Roumégas et le silence de l'île

Marie Romégas dépeint une île sans nom, évoquant la Crète ou la Corse. Le soleil, la terre rouge et les maisons chaulées incarnent la dureté insulaire des paysages méditerranéens à travers des scènes simples et puissantes. Bien plus que derrière un objectif photographique une telle poète interroge l’imprévisible, l’improbable activés par le double désir : voir et ne pas voir. Voir enfin ce qui ne se voit pas d’emblée, pas à pas, saisir ce qui s’organise contre ce qu’il y a d’inique sous la loi qui préside à l’absence de vie. Ici l'île devient première : y voir par où ça passe où nous croyons que le monde s’engendre.

D’où ici le commencement, le recommencement, la déliaison, le dé-lire au sein de reliefs peu à peu étrangers dans leur familiarité pour lecteurs et lectrices au prix d’une incessante variation ou fuite. Pas d’événement dans les photographies (Marie R omégas ne fait pas le coup du thème ou du motif : juste des fragments de langue, fragments compacts luttant contre la décomposition ; fragments refaits de clichés retournés, d’images reprises, de mots retenus sous occlusion intestine.

Alors, peut-on parler de déroulement, de dépliement, de levée, de sortie pour reprendre ce qu’écrivait Kafka « le lieu de ma naissance », bref à ce qui fixe, qui fait référence. Écrire revient donc à instruire son propre procès dans une suite de visions, de figures de destin et de mémoire forcée de la langue que ton l'œuvre réactive sans fin.

Écrire l'île c'et donc tenter de se déplacer, faire un pas, exister comme effet du déjà initié dès de lieu. où l'auteure reconstruit des fresques afin de savoir comment c'était avant dans une telle archéologie du savoir. Des traces vibrent d'un bourdonnement d'insectes mais d'insectes qui ne disparaîtraient pas lorsque la lampe s'éteint.

Marie Roumégas, Premiers espaces, Unes Editions, Nice, 96 p., 17 €.

L’artiste du haut de la montagne - où elle s’est sans doute retirée - cherche savoir comment c’était le passé. Elle en suit les traces, reprendre à partir de là. Voici après tout un drôle d’endroit pour une rencontre mais qu’importe. Transferts, rattachements. Mais isolations idem. Dégustation en silence de mouvements qui reviennent, liés à un essieu du temps.

Réunies en scansion les poèmes forment un tour de l'île. Ils inscrivent des légendes en nous de toute sorte de toute confluence où nous ne devenons des insectes fous emportés dans ses tourbillons farouches. Nul peut dire si nous sommes alors avant après la ruine :  nous regardons c'est tout. Mais chaque image reste imprimée sur la rétine par les mots. En conséquence les poèmes sont turbulents, flotte sur l'île. Tout semble stable mais rien ne sera stable et fixe en nous. Puisque, à l'inverse de l'île, rien ne l’a jamais été et l’être ne possède pas de fond.  Mais ici les textes multiplient les images quasi premières  et dans le genre c'est bien.

 

∗∗∗

Liliane Giraudon et son road-mots-vie

Le titre Pot-pourri  malgré son acception s’’apparente, de lie, s’agrippe au genre de la poésie et sans le moindre doute possible. Toutes les sections du livre touchent directement au poème. Er l’auteure de nous aider : « C’est quoi la poésie ? On la fait avec quoi en dehors des mots ? Ça vient d’où ? Ça traverse quel corps ? Avec des retouches, des morceaux de poèmes morts, des laissés pour compte. »

Liliane Giraudon construit une conversation avec sa poésie, son temps et en toute liberté de manœuvre. Elle revient en arrière, retrouve les traces du travail de ses poèmes – exécutions, réussites, échecs. De plus un falbala   d’archives (pages de cahiers, dessins, collages, scénarios de films non tournés, morceaux de théâtre injouables, projets abandonnés) oriente avec émotion et humour vers ses derniers travaux aboutis.

Le livre construit de fait pour Liliane Giraudon le cursus de son autobiographie et de sa poésie. Les deux sont inséparables à la question « comment habiter le monde ? ». Et ses corpus livresques deviennent le réceptacle de traces qui, écrit-elle, s’agencent, « poursuivant la traque fantôme d’une forme-mouvement appelée poème. »

Sa poétique est à l’inverse du surréalisme. Tout est, au contraire, chez elle existentialiste. Qu’importe si parfois les escaliers d’un poème  montent vers un « No Exit ». Mais ses poèmes sont plus des pièces que  des cellules d’un perpétuel huis clos . Et chez elle il n’existe personne à blâmer ( sinon elle-même avec un poil voire une coupe  de  lucidité). Son travail est donc une ascèse et son œuvre rappelle parfois la sourde menace et la vulnérabilité. Dans ce but elle a multiplié les cellules souches plus que mères pour rêver d’harmonie et de paix contre  chaos et  zizanie.

Liliane Giraudon, Pot pourri, P.O.L  éditeur, 2025,  152 p., 20 €.

Saluons aussi une de ses qualités parfois superfétatoires :  Liliane Giraudon ne joue pas les “malines”, ne reste jamais en postures figées. Elle cherche - par différents agencements, dont le dessin lui-même - libérer son esprit. Indulgente pour les Don Juan elle refuse le faux-semblant et le bellâtre. Certes pour elle le geste d’écrire ne suffit pas. Ce qui compte demeure le résultat.

Son livre rappelle enfin que créer reste un acte pas une théorie. C’est une dérive voire une « pathologie sublime » quand ses mots tatouent la béance et le plein. Le tout à la suite de son et de ses temps en ses textes pliés, dépliés, parfois troués, torturés, déchirés, tournés sur eux-mêmes en nœuds de résistance, reprise, répétition, rupture. L’objectif est de sortir parfois de tout effet de réel pour creuser l’énigme, le mystérieux.  Sa poésie est donc Road-mot-vie avec parfois une  belle complicité du mensonge mais pour refuser d’exhiber son leurre.

Reste chez elle la pulsion, la force d’affect, la fragilité des femmes spiralées. Pour Liliane Giraudon la vie est une grotte. Une telle ex-petite fille devient derviche en avers, revers, évocation plus qu’exposition là où dans ce texte, la documentation est accessible sous laquelle se cache une robe rose mais sans faire tapisserie. Une araignée dans sa tête tisse sa toile. Ici l’eau bout et l’au bout aussi chez celle qui dans son agressive douceur devient la sainte diablesse dont le bât blesse. Vampire au besoin elle ne suce pas mais crache son venin, sa puissance

Sans pathos, juste avec le symbolisme de l’élan vital jamais  faire pleurer margot elle dit adieu à la petite fille en elle et veut toujours savoir comment les choses fonctionnent. Aussi bien les étoiles que le corps. D’où son intérêt pour les particules élémentaires et leurs articulations. Afin aussi que sa curiosité vis à vis de ce qui est érotique et sexuel ce qui n’enlève rien à son intellectualisme et mécanisme d’attraction. L’œuvre est avant tout un travail de découvrement, d’investigation contre l’ignorance et la superstition.

Chez elle la poésie est donc connaissance sans parler de sublimation, qui ne reste souvent qu’une habileté. Liliane Giraudon   ne manque ni d’arrogance, ni d’ambition. Elle s’affirme indépendante et affranchie. D’un côté la sans peur, de l’autre (la coupable) qui tremble. Sans doute elle se sens très bien comme ça. D’autant qu’elle sait ce qu’elle vaut :  raisonnable   intelligente et “dérangée” (qui la rend plus riche). N’est-ce pas tout compte fait la meilleure définition de la poésie ?

Ce qui est important pour une telle auteure n’est pas l’origine de la motivation de son travail mais la façon dont elle est parvenue à vivre avec. Les deux sont inséparables. Sa tache reste de se concentrer son travail par tissage d’une toile afin d’accéder à son œuvre. Elle sait jusqu’où, à travers elle, elle on peut aller. Son travail reste guidé par une seule limite : ne pas se déposséder. Passer – au besoin – à côté de la vie mais pas à côté à côté du sujet. C’est prétentieux sans doute mais elle le sait parce qu’elle est modelée par ce qui lui résiste et aussi par ce à quoi elle résiste.

A noter :  Le Centre international de poésie Marseille (Cipm) consacre une grande exposition à Liliane Giraudon à partir du 20 septembre 2025.

Présentation de l’auteur

Marie Roumegas

Marie Roumégas est née en 2003 à Nicosie (Chypre), et a grandi entre Chypre, la Corse et la Crète. Elle poursuit des études en Arts et Littérature à l'Ecole normale supérieure, et en musicologie au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. Elle s'intéresse aux relations entre littérature et musique et travaille sur la résurgence de textes médiévaux dans l'opéra contemporain.

Bibliographie 

Premiers espaces est son premier livre.

Poèmes choisis

Autres lectures

Présentation de l’auteur

Liliane Giraudon

Liliane Giraudon est une femme de lettres française, née le . Depuis plusieurs années, elle habite à Marseille. Ses œuvres sont essentiellement composées à partir d'une écriture poétique et prosodique. Parmi elles, on trouve des lectures publiques[1], des adaptations de textes pour le théâtre, une écriture collective et de la traduction. Plus tard, elle devient co-créatrice et co-directrice de nombreuses revues poétiques. Elle développe également un attrait pour le dessin numérique.

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Bibliographie

  • Têtes ravagées : une fresque, Nîmes, La Répétition,
  • Je marche ou je m’endors, Paris, Hachette/P.O.L, , 151 p. (ISBN 978-2-01-008089-0)
  • La Réserve, Paris, P.O.L, , 154 p. (ISBN 978-2-86744-029-8)
  • Quel jour sommes-nous ?, Nœux-les-Mines, Éditions Ecbolade, , avec un polaroïd de l’auteur
  • La Nuit, Paris, P.O.L, , 80 p. (ISBN 978-2-86744-073-1)
  • V, La Souterraine, Éditions la Main courante, , 6 vignettes de N. Balestrini
  • Divagation des chiens, Paris, P.O.L, , 179 p. (ISBN 978-2-86744-123-3)
  • Pallaksch, Pallaksch, Paris, P.O.L, 1990, 123 p. (ISBN 978-2-86744-181-3), prix Maupassant 1990
  • Fur : nouvelles, Paris, P.O.L, , 106 p. (ISBN 978-2-86744-295-7)
  • Les animaux font toujours l’amour de la même manière, Paris, P.O.L, , 119 p. (ISBN 978-2-86744-469-2)
  • Parking des filles, Paris, P.O.L, , 154 p. (ISBN 978-2-86744-621-4)
  • Anne n’est pas Suzanne, La Souterraine, Éditions la Main courante, , 25 p. (ISBN 978-2-905280-83-1)
  • Homobiographie, Paris, Éditions Farrago, , 63 p. (ISBN 978-2-84490-024-1)
  • Sker : homobiographie, Paris, P.O.L, , 138 p. (ISBN 978-2-86744-888-1)
  • La Fiancée de Mahkno, Paris, P.O.L, , 160 p. (ISBN 978-2-86744-997-0)
  • L’Onanisme d’Hamlet, Clamart, France, Les Cahiers de la Seine, , 20 p.
  • Carnet de nuit à Reykjavik, Marseille, France, Éditions Fidel Anthelme X,
  • Greffe de spectres, Paris, P.O.L, , 128 p. (ISBN 978-2-84682-079-0)
  • Les talibans n'aiment pas la fiction : carnet afghan, Paris, Éditions Inventaire-Invention, , 40 p. (ISBN 978-2-914412-42-1)
  • Mes bien-aimé(e)s, Paris, dessins de Christophe Chemin, Éditions Inventaire-Invention, , 104 p. (ISBN 978-2-914412-61-2)
  • La Poétesse : homobiographie, Paris, P.O.L, , 128 p. (ISBN 978-2-84682-302-9)
  • Biogres. Montaigne, Montesquieu, Mauriac, Coutras/ Bordeaux, coéd. Permanences de la littérature/Centre François Mauriac de Malagar, , 58 p. (ISBN 978-2-9535520-0-3)
  • La Vraie Vie d'Angeline Chabert, Barjols, éditions Plaine Page, , 8 p. (ISBN 978-2-910775-23-0 et 2-910775-23-2)
  • L'Omelette rouge : mélodrame, Paris, P.O.L, , 112 p. (ISBN 978-2-8180-1361-8)
  • Les Pénétrables, Paris, P.O.L, 2012, 620 p. (ISBN 978-2-8180-1646-6)
  • Madame Himself, Paris, P.O.L, 2013, 96 p. (ISBN 978-2-8180-1906-1)
  • La sphinge mange cru, images de Fabienne Létang, Marseille, Éditions Al Dante, 2013, 43 p. (ISBN 978-2-84761-781-8)
  • Le Garçon cousu, Paris, P.O.L, 2014, 120 p. (ISBN 978-2-8180-2159-0), Prix Maïse Ploquin-Caunan 2015 de l’Académie française
  • L’amour est plus froid que le lac, Paris, P.O.L, 2016, 112 p. (ISBN 978-28180-4123-9)
  • Le Travail de la viande, Paris, P.O.L, 2019
  • Polyphonie Penthésilée, Paris, P.O.L, 2021, 114 p. (ISBN 978-2-8180-5339-3)
  • Une femme morte n'écrit pas, Les presses du réel/Al Dante, 2023

Écriture collective

  • Some postcards about C.R.J. and other cards, Marseille, avec Jean-Jacques Viton, Éditions Spectres familiers, , livret boîte à rythmes
  • Malmousque, Ivry-sur-Seine, avec Fred Deluy, Action poétique/Parcelle,
  • Benjamin/Baudelaire/Marseille, avec Jean-Jacques Ceccarelli et P. Box, Cornaway,
  • Poème pour la main gauche, La Souterraine, avec Jean-Jacques Viton, Éditions la Main courante, , 15 p.(ISBN 978-2-913919-00-6)
  • Marquise vos beaux yeux, Lyon, avec Michelle Grangaud, Josée Lapeyrère, Anne Portugal, Éditions le Bleu du ciel, , 122 p. (ISBN 978-2-915232-25-7)
  • Pour Walter Benjamin, avec Jean-Jacques Ceccarelli, in Les Yeux Fertiles, Suite Paul Eluard depuis 1989, collection du MAC/VAL Musée d'art contemporain du Val de Marne, Philippe Moncel, éditions cercle d'art, Paris, 2005
  • Vous mettrez ça sur la note, Marseille, avec Bernard Plasse et Jean-Jacques Viton, Éditions Diem Perdidi, , 85 p.(ISBN 978-2-9534544-0-6)
  • A3, Ivry-sur-Seine, avec Fred Deluy et Jean-Jacques Viton, Action poétique, , 64 p. (ISBN 978-2-85463-194-4)
  • Histoire d'ail[6], avec Xavier Girard, Paris, éditions Argol, 2013 (ISBN 978-2-915978-86-5)

Théâtre

  • ACTE Vegas, transposition de La Mouette de Tchekhov, 2010

Collectif

  • Collectif, Écrire mai 68, 2008 (ISBN 978-2-915978-36-0)

Poèmes choisis

Autres lectures




Cypris Kophidès, Ce monde en train de naître

Cypris Kophidès saisit le drame contemporain des réfugiés pour nous proposer un récit poétique sur les désastres de l’exode et les douloureuses reconstructions après les traumatismes subis. Le personnage d’Anna est ici la poignante figure de toutes ces femmes et de tous ces hommes ballottés par l’histoire. La poétesse, pour nous parler de ce drame, alterne habilement dans son récit des passages en vers et en prose.

Anna a fui son pays comme d’autres, sous d’autres cieux ou à d’autres époques, ont fui la Grèce des colonels, le Chili de Pinochet, la Syrie d’Assad, ou fuient aujourd’hui l’Afghanistan des talibans ou la Russie de Poutine. Anna fuit la guerre. La voici engagée, nous dit Cypris Kophidès, dans une « interminable marche/sous le gris cendre des nuages », dans « le fracas des bombes ». Avec, à l’horizon, « les fumées rouge et noir des incendies » et, tout près, « les aboiements des ordres criés ». Anna est une artiste. Dans son pays, elle peignait. Elle cuisinait aussi. Anna fuit. Elle se sauve. La voici enfin à l’abri. « La guerre est là-bas au loin/ mais cogne toujours dans les entrailles ». Dans sa folle traversée, un vers du poète grec Yannis Ritsos l’apaisait : « La paix est un verre de lait chaud et un livre posés devant l’enfant qui s’éveille ».

Dans ce pays où elle arrive et qui n’est pas en guerre, il y a Lucia et François qui tiennent une brasserie et qui l’accueillent. Deux bons samaritains qui « cherchent avec elle des locations ». De fil en aiguille, des liens se tissent avec des femmes qui « viennent d’ailleurs » et qui « elles aussi ont franchi des frontières ». Anna respire. Elle pourra même, bientôt, exposer des peintures. Mais peut-on vraiment se guérir du malheur ? La voici happée métaphoriquement par une forêt, « un monde aux lois obscures/ un monde surgi des profondeurs noires/de la terre ». Mais Anna surmontera l’épreuve, se libérera progressivement de ce fardeau. Le récit de Cypris Kophidès laisse entrevoir, au bout de la nuit, une forme de résilience après son « périple intérieur ». Anna se réconcilie avec le monde. Elle découvrira même l’amour.

Cypris Kophidès, Ce monde en train de naître, Diabase, 128 pages, 16 euros.

A travers ce portrait de femme, Cypris Kophidès nous parle, certes, d’une grande tragédie contemporaine et de ses impasses, mais elle laisse poindre de bout en bout, à travers son personnage, la force du désir. Tout est sans doute possible, en dépit du malheur, « tant que la poésie n’aura pas dit son dernier mot » (comme le dit Marc Baron dans son dernier livre). Et d’ailleurs la voix des poètes n’en finit pas de résonner dans son récit poétique. Elle cite Khalil Gibran : « La terre est ma patrie, l’humanité ma famille ». Ou encore le grec Odysséas Elytis : « Voilà pourquoi j’écris. Parce que la poésie commence là où la mort n’a pas le dernier mot ». Née d’un père grec et d’une mère française, Cypris Kophidès a de solides références.

Présentation de l’auteur

Cypris Kophidès

Née d’un père grec et d’une mère française à Tours, Cypris Kophidès vit son enfance dans la campagne tourangelle.

La passion de la lecture s’affirme à ses quatorze ans avec la découverte de la bibliothèque familiale – sa mère est une lectrice – et surtout de la bibliothèque du lycée, et ne la lâchera plus..

De formation psychanalytique et littéraire, elle développe très vite un vif intérêt pour le monde intérieur, sensible, « l’âme humaine ».

Elle découvre l’œuvre de Dostoïevski, Novalis et le romantisme allemand, le surréalisme et sa façon à la fois radicale, ludique et provocante de questionner le monde.

Des voyages en Scandinavie et en Islande lui font découvrir une relation plus intime à la nature.

Etudes de Lettres modernes et une thèse de doctorat sur l’image féminine, André Breton et le surréalisme.

Elle se tourne conjointement vers l’ésotérisme, étudie les processus de divination, des astres aux arcanes, et la dynamique des rêves.

Cette interrogation sur le « destin » l’entraîne vers l’étude de l’œuvre de Jung, et plus largement de la psychanalyse qu’elle exercera quelques temps.

La peinture devient un support d’expression qui demeure, plus ou moins investi, selon les périodes, tandis que l’écriture s’inscrit dans une continuité, comme une nécessité, avec ou sans publication.

Bibliographie

Elle est l’auteure de deux recueils de poèmes en prose publiés aux Editions Guy Chambelland, A Échos multiples (1979) et La Nuit traversière (1983).

Aux éditions la Tempérance, elle a écrit et édité une monographie sur l’artiste peintre Philippe Gouret, L’éternité Végétale (1993), avec Yannick Pelletier et Serge Hutin.

Éditrice chez Diabase depuis 1995 aux côtés d’Yves Bescond, elle a rédigé diverses introductions, réalisé plusieurs entretiens, avec Jocelyne Ollivier-Henry, Charles Juliet, Georges Bahgory et Yvon Le Men.

Entre 1998 et 2003, elle anime des séminaires sur l’eau, la terre, le feu et l’air, dans une perspective symbolique et analytique, et illustre chaque séance par la vie de héros de la mythologie grecque. Chiron le centaure, protagoniste de son dernier livre « Vingt-deux petits soleils » est l’un d’eux».

Dans L’Enfant de Trébizonde (2015, Diabase), elle questionne l’origine. Entre vérité et fiction, ce récit emprunte à la poésie comme au théâtre. En février 2019, L’Enfant de Trébizonde parait en langue grecque, traduit par Dimitris Daskas, aux Editions Tsoukatos. (Το παιδί από την Τραπεζούντα). Une adaptation théâtrale est en cours.

Dans Vingt-deux petits soleils (2019, Diabase), Cypris Kophidès met en scène Chiron, le docte Centaure. Proche de la mort, il raconte à un jeune enfant fuyant la guerre les moments de bascule de sa vie : La fascination de la force, la rencontre amoureuse, l’échange silencieux avec le paysage.

Auteure d’articles dans différentes revues, elle a écrit récemment « Ni plus ni moins : les Haïkus de Katina Vlachou » pour la revue belge « Traversées » et la revue grecque « Péri Ou », (octobre 2018), « Migrant » dans l’ouvrage collectif « Les Algorithmes de l’étrangéité », Collection Psychanalyse et Anthropologie du CIPA (L’Harmattan, automne 2018), et « La chose » dans l’ouvrage collectif « Fraternellement Charles Juliet » (avril 2019, Jacques André Editeur) en hommage à l’écrivain.

L’interrogation sur le destin, l’acceptation de soi, la métamorphose, la réconciliation avec les forces de la nature, la violence et la place possible de la beauté, autant de thèmes qu’elle n’a de cesse de questionner, aussi bien dans ses entretiens, que dans ses romans et ses récents articles. A chaque nouveau sujet, l’écriture propose un nouveau voyage.

Poèmes choisis

Autres lectures

Cypris Kophidès, La nuit traversière

On connaît la flûte traversière. Voici que l’on découvre la « nuit traversière ». C’est celle qu’évoque Cypris Kophidès dans un court recueil de 20 poèmes en édition bilingue (français-grec). Comment, la lisant, ne pas [...]

Cypris Kophidès, Ce monde en train de naître

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Jérémie Tholomé, Le Grand Nord

Les rats propagent la bonne parole en publipostant des alexandrins

Jérémie Tholomé est un poète-performeur belge. Son enregistrement du poème « Charleroi » mis en musique et en images est facilement accessible sur internet, de même que le poème « Blablabla » lu par Laurence Vielle. Le Grand Nord est son troisième recueil après Rouge Charbon (2019) suivi de La Fabrique à cercueils (2020) et avant Memory Babe (2022), le tout chez l’éditeur MaelstrÖm reEvolution (Bruxelles).

Le Grand Nord, lauréat en 2021 du prix Hubert Krains décerné par L’Association des Écrivains belges de langue française, se situe dans un environnement nordique, certes, avec des yourtes et des ours perdus dans la pourga (tempête de neige) mais surtout dans un futur dystopique peuplé de poules mécaniques, de corbeaux électroniques, de baleines et de morses synthétiques. Dans cet environnement naufragé où « l’oxygène s’achète en comprimés pelliculés », les champs de canne sont contaminés au chlordécone tandis que « le glyphosate préside aux destinées de l’industrie alimentaire ». Quant à la banquise, elle « connaît sa destinée » ! Et ce n’est pas « en cultivant des pensées toujours plus hallucinogènes sur la décroissance » ou en réfutant « les thèses des politiciens steampunks sur le refroidissement climatique » qu’on surmontera la crise écologique. Pas de pitié pour les petites bêtes : « les déchets d’épice industrielle détruisent l’habitat des écureuils bleus », même si « les taureaux morts donnent naissance à de nouveaux insectes ». Dans ce bestiaire cauchemardesque les chiens sont balafrés, les mouettes en carton, les poules répliquantes, les oiseaux d’acier, les coccinelles électrogènes, les moutons électriques, les sirènes narcotrafiquées, les singes se transhumanisent et « les ours polaires ont le cœur tétraplégique ».

Sous une stratosphère vacillante, les humains se débrouillent comme ils peuvent, l’amour est devenu un  sujet de récits – « on en regrette les détails dermatologiques » –, ce qui n’empêche pas de ne penser « qu’à l’argent, au sexe et à la mort parfois même dans cet ordre là ». « Les souliers s’usent à force de parcourir les mêmes névroses ». Seule l’enfance dont les rêves sont peuplés « d’images de cimetières de locomotives », pourrait garder un semblant d’innocence : « on devine un dieu rédempteur quand un enfant approche une loupe d’une fourmi ».

Jérémie Tholomé, Le Grand Nord, Bruxelles, MaelstrÖm reEvolution, coll. « Rootleg », 2022, 78 p., 8 €.

Le Grand Nord, poème apocalyptique, n’induit pas pour autant la sinistrose chez le lecteur. Car si les thèmes abordés ne prêtent pas à rire, le ton est léger, souvent absurde et les éclairs noirs de lucidité se perdent dans un ciel plutôt rose. On peut en juger par le verset suivant :

« Les canards épluchés savent pertinemment que leur problème vient des hordes de passereaux timocrates / On commandite des études sur les bienfaits indéniables du saccharose / En nettoyant nos artères avec du gaz moutarde reconditionné / Et les journées de travail se diluent dans le temps de cuisson des œufs durs »

Le texte se présente ainsi, à raison de deux versets-paragraphes par page, à peu près de cette longueur, les vers étant écrits à la suite et séparés par des /. On appréciera sur l’exemple ci-dessus le mélange d’absurdités (vers 1 et 3) et de notations pertinentes : le vers 2 dénonçant (par antiphrase) l’abus de sucre tandis que le vers 4 annonce un futur où les emplois seront de plus en plus rares.

Tout cela fait de Grand Nord un texte qui séduit par une inventivité langagière au service de certains rappels utiles à propos des menaces pesant sur l’humanité.

Présentation de l’auteur

Jérémie Tholomé

Né en 1986, Jérémie Tholomé est un poète belgo-français, vivant en Belgique, à Charleroi. Il écrit des textes adaptés à l’oralité en claquant les mots comme Charles Bronson jouait du flingue et de l’harmonica dans un western-spaghetti.

Lauréat du prix Hubert Krains 2021, il est l’auteur de plusieurs recueils et d’un roman, publiés aux éditions maelstrÖm reEvolution, maison pour laquelle il réalise également des missions de mise en page et de suivi éditorial (il a notamment collaboré aux publications de Lisa Debauche, Marine Riguet et Baptiste Pizzinat).

Depuis quelques années, il coordonne différents événements du fiEstival maelstrÖm, un festival international de poésie et de musique, ayant lieu en mai, à Bruxelles.

Friand de collaborations, on l’a vu sur scène avec les poétesses Laurence Vielle, Gioia Kayaga, Ada Mondès, Sofía Karámpali Farhat et Katerina Apostolopoulou. Il travaille également régulièrement avec la violoncelliste Amandine Flandre.

Il travaille actuellement sur deux recueils de poésie. (source : https://jeremietholome.com/blog/).

© Samir Sam’Touch pour le FiEstival maelstrÖm*14 – 2020

Bibliographie 

Rouge charbon (2019)
La Fabrique à cercueils (2020)
Le Grand Nord (2022)
Memory Babe, sur les traces de la Beat Generation (avec Ada Mondès – 2022)
L’amour n’est pas un champ de bataille (2024)
Sans kérosène fusible (bookleg hors commerce, 2024)
Clark Nova (2025)

Anthologies et publications collectives

Lieux Liens Langues // sept 2021 // éd. L’Arbre à paroles // 20€
56 descentes dans le maelstrÖm // juin 2023 // éd. maelstrÖm reEvolution // 18€
Voix Vives Anthologie Sète 2023 // août 2023 // éd. Bruno Doucey // 20€
La Plaine // février 2024 // éd. maelstrÖm reEvolution (bookleg #192) // 3€
15 – Service d’Aide aux Mots Universels // février 2025 // Anthologie du Printemps des poètes et des 15 ans des éditions Bruno Doucey // 22€

Poèmes choisis

Autres lectures

Jérémie Tholomé, Le Grand Nord

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Runes& ruines, Anthologie dirigée par Marilyne Bertoncini

Marilyne Bertoncini a choisi un très beau sujet qui a suscité de multiples poèmes et illustrations. Les mots « Runes » et « Ruines » ne sont séparés que d’une seule lettre et comme le dit la poétesse dans sa préface : « Les ruines portent en elles le mot « runes » - et avec elles la possibilité de les sauvegarder, par la poésie… ».  Se lit un grand espoir dans la « force des mots » qui pourraient « mettre en lumière » toutes les traces précieuses susceptibles de résister à la barbarie.

Runes et ruines accompagnent l'humanité aussi bien dans sa folie destructrice que dans ses merveilles. Certains poètes ont mis plutôt l'accent sur « l’enfer », l’effacement, la dévastation. « Même le soleil s’use » (Anne Soy). D'autres tentent de déchiffrer plus positivement la langue des runes et des ruines qui habitent aussi bien notre monde intime que le monde extérieur. S’exprime un grand besoin de dire, de crier, de créer pour résister aux saccages, à la guerre. Comme un pari de préserver ce qui reste à préserver. Ne pas capituler, tenter de saisir les nouvelles structures, les nouveaux mots, les nouveaux rêves. S'inscrire dans une vaste Histoire sans nier les horreurs mais faire encore confiance en l'humain que la poésie ne cesse de révéler. Ainsi, d'un temps immémorial à l’avenir, en passant par le présent, nous naviguons dans de nombreux espaces, conviés à une grande variété de sens. Cohabitent des visions terribles du réel et des ouvertures qui font du bien. La parole se déchire ou construit des liens : « Tu essaies de rendre habitable cet aujourd'hui » (Patrick Joquel). Alors faisons « taire les oiseaux de mauvais augure ». Retrouvons une respiration au lieu même de notre fragilité et de nos déchirures. « Qu’ici humanité et rêves jamais ne capitulent ! » (Béatrice Pailler)

Runes & Ruines : Anthologie Collectif dirigée par Marilyne Bertoncini pour Embarquement Poétique, 2025, 116 pages, 14 €.

Cette riche anthologie nous fait signe aussi bien dans nos failles, nos monstruosités qu’en tout ce qui nous grandit, nous dépasse dans la création. En particulier dans la poésie qui ne sauve pas mais donne des lueurs à nos ombres. Les mots : « L’embarquement poétique » sont très justes. Nous sommes absolument embarqués et partie prenante de cette grande aventure d’éveil et de lumière.

Présentation de l’auteur

Marilyne Bertoncini

Marilyne Bertoncini : poète, traductrice (anglais-italien), revuiste et critique littéraire, membre du comité de rédaction de la revue Phoenix, elle s'occupe de la rubrique Musarder sur la revue italienne Le Ortique, consacrée aux femmes invisibilisées de la littérature, et mène, avec Carole Mesrobian, la revue numérique Recours au Poème, à laquelle elle collabore depuis 2013 et qu'elle dirige depuis 2016. 

Autrice d'une thèse, La Ruse d'Isis, de la Femme dans l'oeuvre de Jean Giono, et titulaire d'un doctorat, elle a été vice-présidente de l’association I Fioretti, pour la promotion des manifestations culturelles au Monastère de Saorge (06) et membre du comité de rédaction de la Revue des Sciences Humaines, RSH (Lille III). Ses articles, essais et poèmes sont publiés dans diverses revues littéraires ou universitaires, françaises et étrangères. Parallèlement à l'écriture, elle anime des rencontres littéraires, Les Jeudis des Mots, à Nice, ou les Rencontres au Patio, avec les éditions PVST?, dans la périphérie du festival Voix Vives de Sète. Elle pratique la photographie et collabore avec des artistes, musiciens et plasticiens.

Ses poèmes sont traduits en anglais, italien, espagnol, allemand, hébreu, bengali, et chinois.

 

bibliographie

Recueils de poèmes

La Noyée d'Onagawa, éd. Jacques André, février 2020

Sable, photos et gravures de Wanda Mihuleac, éd. Bilingue français-allemand par Eva-Maria Berg, éd. Transignum, mars 2019

Memoria viva delle pieghe, ed. bilingue, trad. de l'autrice, ed. PVST. Mars 2019

Mémoire vive des replis, texte et photos de l’auteure, éd. Pourquoi viens-tu si tard – à paraître, novembre 2018

L’Anneau de Chillida, Atelier du Grand Tétras, mars 2018 (manuscrit lauréat du Prix Littéraire Naji Naaman 2017)

Le Silence tinte comme l’angélus d’un village englouti, éd. Imprévues, mars 2017

La Dernière Oeuvre de Phidias, suivi de L'Invention de l'absence, Jacques André éditeur, mars 2017.

Aeonde, éd. La Porte, mars 2017

La dernière œuvre de Phidias – 453ème Encres vives, avril 2016

Labyrinthe des Nuits, suite poétique – Recours au Poème éditeurs, mars 2015

 

Ouvrages collectifs

- Le Courage des vivants, anthologie, Jacques André éditeur, mars 2020

- Sidérer le silence, anthologie sur l’exil – éditions Henry, 5 novembre 2018

- L’Esprit des arbres, éditions « Pourquoi viens-tu si tard » - à paraître, novembre 2018

- L’eau entre nos doigts, Anthologie sur l’eau, éditions Henry, mai 2018

- Trans-Tzara-Dada – L’Homme Approximatif , 2016

- Anthologie du haiku en France, sous la direction de Jean Antonini, éditions Aleas, Lyon, 2003

Traductions de recueils de poésie

-Soleil hésitant, de Gili Haimovich, éd. Jacques André (à paraître 2021)

-Un Instant d'éternité, bilingue (traduit en italien) d'Anne-Marie Zucchelli, éd. PVST, 2020

- Labirinto delle Notti (inedito) nominé au Concorso Nazionale Luciano Serra, Italie, septembre 2019

- Tony's blues, de Barry Wallenstein, avec des gravures d'Hélène Bauttista, éd. Pourquoi viens-tu si tard ? , mars 2020

- Instantanés, d‘Eva-Maria Berg, traduit avec l’auteure, éditions Imprévues, 2018

- Ennuage-moi, a bilingual collection , de Carol Jenkins, traduction Marilyne Bertoncini, River road Poetry Series, 2016

- Early in the Morning, Tôt le matin, de Peter Boyle, Marilyne Bertoncini & alii. Recours au Poème éditions, 2015

- Livre des sept vies , Ming Di, Recours au Poème éditions, 2015

- Histoire de Famille, Ming Di, éditions Transignum, avec des illustrations de Wanda Mihuleac, juin 2015

- Rainbow Snake, Serpent Arc-en-ciel, de Martin Harrison Recours au Poème éditions, 2015

- Secanje Svile, Mémoire de Soie, de Tanja Kragujevic, édition trilingue, Beograd 2015

- Tony’s Blues de Barry Wallenstein, Recours au Poème éditions, 2014

Livres d'artistes (extraits)

Aeonde, livre unique de Marino Rossetti, 2018

Æncre de Chine, in collection Livres Ardoises de Wanda Mihuleac, 2016

Pensées d'Eurydice, avec  les dessins de Pierre Rosin :  http://www.cequireste.fr/marilyne-bertoncini-pierre-rosin/

Île, livre pauvre avec un collage de Ghislaine Lejard (2016)

Paesine, poème , sur un collage de Ghislaine Lejard (2016)

Villes en chantier, Livre unique par Anne Poupard (2015)

A Fleur d'étang, livre-objet avec Brigitte Marcerou (2015)

Genèse du langage, livre unique, avec Brigitte Marcerou (2015)

Daemon Failure delivery, Livre d’artiste, avec les burins de Dominique Crognier, artiste graveuse d’Amiens – 2013.

Collaborations artistiques visuelles ou sonores (extraits)

- Damnation Memoriae, la Damnation de l'oubli, lecture-performance mise en musique par Damien Charron, présentée le 6 mars 2020 avec le saxophoniste David di Betta, à l'ambassade de Roumanie, à Paris.

- Sable, performance, avec Wanda Mihuleac, 2019 Galerie

- L'Envers de la Riviera  mis en musique par le compositeur  Mansoor Mani Hosseini, pour FESTRAD, festival Franco-anglais de poésie juin 2016 : « The Far Side of the River »

- Performance chantée et dansée « Sodade » au printemps des poètes  Villa 111 à Ivry : sur un poème de Marilyne Bertoncini, « L’homme approximatif » , décor voile peint et dessiné,  6 x3 m par Emily Walcker  :

l’Envers de la Riviera  mis en image par la vidéaste Clémence Pogu – Festrad juin 2016 sous le titre « Proche Banlieue»

Là où tremblent encore des ombres d’un vert tendre » – Toile sonore de Sophie Brassard : http://www.toilesonore.com/#!marilyne-bertoncini/uknyf

La Rouille du temps, poèmes et tableaux textiles de Bérénice Mollet(2015) – en partie publiés sur la revue Ce qui reste : http://www.cequireste.fr/marilyne-bertoncini-berenice-mollet/

Préfaces

Appel du large par Rome Deguergue, chez Alcyone – 2016

Erratiques, d’ Angèle Casanova, éd. Pourquoi viens-tu si tard, septembre 2018

L’esprit des arbres, anthologie, éd. Pourquoi viens-tu si tard, novembre 2018

Chant de plein ciel, anthologie de poésie québécoise, PVST et Recours au Poème, 2019

Une brèche dans l'eau, d'Eva-Maria Berg, éd. PVST, 2020

 

(Site : Minotaur/A, http://minotaura.unblog.fr),

(fiche biographique complète sur le site de la MEL : http://www.m-e-l.fr/marilyne-bertoncini,ec,1301 )

Autres lectures

Marilyne Bertoncini, Aeonde

Petit livret, grand livre. Encore une fois, après La dernière œuvre de Phidias, Marilyne Bertoncini fait appel à la dimension mythique pour dire la condition humaine.

Les 101 Livres-ardoises de Wanda Mihuleac

Une épopée des rencontres heureuses des arts Artiste inventive, Wanda Mihuleac s’est proposé de produire des livres-objets, livres d’artiste, livres-surprise, de manières diverses et inédites où la poésie, le visuel, le dessin [...]

Marilyne Bertoncini, Mémoire vive des replis

Un joli format qui tient dans la poche pour ce livre précieux dans lequel Marilyne Bertoncini fait dialoguer poèmes et photographies (les siennes) pour accueillir les fragments du passé qui affleurent dans les [...]

Marilyne Bertoncini, Sable

Marilyne Bertoncini nous emmène vers la plage au sable fin, vers la mer et ses vagues qui dansent dans le vent pour un voyage tout intérieur… Elle marche dans [...]

Marilyne BERTONCINI, Mémoire vive des replis, Sable

Marilyne BERTONCINI – Mémoire vive des replis La poésie de Marilyne Bertoncini est singulière, en ce qu’elle s’appuie fréquemment sur des choses matérielles, pour prendre essor, à la façon [...]

Marilyne Bertoncini, La Noyée d’Onagawa

Chant du silence du fond de l’eau, celui où divague le corps de la femme de Yasuo Takamatsu. Flux et reflux du langage devenu poème, long discours sur le vide laissé par la [...]

Marilyne Bertoncini, La noyée d’Onagawa

Cette suite poétique, à la construction musicale, points et contrepoints, bouleverse et interroge. Inspirée d’une dépêche d’AFP, elle fait osciller le lecteur entre plusieurs réalités, temporalités et espaces. Continuité et rupture, matérialité et [...]




Sonia Elvireanu, La lumière du crépuscule / La luce del crespuscolo

La poésie de Sonia Elvireanu célèbre toujours la beauté de l’ évanescence, si précieuse dans sa fragilité. La lumière du crépuscule, fugitive par essence, en constitue le sanctuaire.

C’ est pourquoi « le crépuscule / ravive les flammes de la vie / se donne à la lumière », écrit Sonia. Sa poésie est touiours une offrande baignée d’abandon. L’ éphémère en fait le prix :  

 

Le dégel est en moi
la fonte des neiges

 

Tout est chemin qui mène à Dieu selon Sonia Elvireanu, entre ombre et lumière : la poésie en est la quintessence.

Les paysages suggérés dans ce recueil sont souvent ceux de la mythologie grecque avec «  un été brûlant », qui ramène le voyageur  - Ulysse – vers son Ithaque :

Sonia Elvireanu, La lumière du crépuscule / La luce del crespuscolo, préface et traduction en italien de Giuliano Ladolfi. Giuliano Ladolfi editore, 116 pages, 2025

 

de retour sur ton rivage aux oliviers,
tu es l’ infini,
l’ immensité de ton Ithaque.                                                                                              

Le syncrétisme au sens de fusion, règne toujours dans la poésie de Sonia Elvireanu. Le Dieu des Chrétiens et les dieux grecs cohabitent harmonieusement dans un monde rêvé, idéalisé peut-être. Tout est « luxe, calme et volupté »1 dans une invitation au voyage apaisée.

On pourrait parler de Sagesse : ce que Sonia nomme

L’ instant de grâce
un instant divin
comme une fête
traverse mon esprit

*

J’ ignore si le mot  « mystique » est adéquat pour caractériser cette belle poésie. Peut-être même est-il superflu voire erroné. Sonia sait ressusciter l’ être aimé. Avec elle , l’ amour est divin avec parfois une lune complice.

je cherche la nouvelle lune
enveloppée de nuages
le ciel où se trouve
le Poème, sa lumière

Le crépuscule, l’ ombre, la lumière venue de « la brise  sans fin du Haut, » telle est la trilogie du Divin alors seulement, nous dit-elle,

un esprit céleste
illumine l’ air
comme si un ange parlait

Ainsi le poème «  Recueillement » offre un miroir subtil de ce recueil et de son autrice :    

" je me décompose et me recompose " , dit-elle. Le poème est une empreinte, lieu de la métamorphose entre humilité et resplendissement. Il y a bien incarnation au sens fort, ontologique, dans la lumière célébrée ici. Entre rêve et réalité, la poésie est incarnée, elle se fait chair pour mieux séduire le lecteur entre mer et ciel.

Note 

  1. Charles Baudelaire L’ invitation au voyage

Présentation de l’auteur

Sonia Elvireanu

Sonia Elvireanu. Poète, romancière, critique littéraire, essayiste, traductrice, membre de l’Union des écrivains roumains. Études : Université Babeş-Bolyai de Cluj-Napoca, Faculté de lettres. Doctorat en philologie avec une thèse sur l’exil. Professeur de français associé à l’Université technique de Cluj-Napoca, Roumanie. Membre du Centre de recherche de l’imaginaire « Speculum » et du Centre de recherches philologiques pour le dialogue multiculturel, Université « 1 Decembrie 1918 », Alba Iulia, animatrice culturelle dans l’association franco-roumaine AMI, membre de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF), fondatrice du cénacle littéraire « Jacques Prévert » d’Alba Iulia.

Oeuvre : Le silence d’entre les neiges, Paris, l’Harmattan, 2018; Ion Vinea, Cent et une poésies, Bucureşti, Editura Academiei Române,2018 ; Au fil d’Ariane, Iaşi, Ars Longa,2017; Umbrele curcubeului/ Lesombres de l’arc-en-ciel, Iaşi, Ars Longa, 2016 ;Printre priviri de nuferi/ Àtravers des regards de nénuphars, Bucureşti, eLiteratura, 2015 ; Métamorphose,Iaşi, Ars Longa, 2015 ; Rodica Braga: la représentation de l’intériorité,Bucureşti, eLiteratura, 2015 ;Între Răsărit şi Apus/ Entre le Lever et le Coucher, Iaşi, Ars Longa, 2014 ; Le visage sombre de Ianus, Iaşi, Tipo Moldova,2013; Singurătatea irisului/ La solitude de l’iris, Sibiu, Imago,2013 ; Gabriel Pleşea, Une perspective sur l’exilroumain, Sibiu, Imago, 2012 ; Dincolo de lacrimi/ Au-delà des larmes, Sibiu, Imago,2011 ;Le retour de l’exildans le roman « L’Ignorance » de Milan Kundera (2011), À l’ombre des mots, Sibiu, Imago,2011; Temps pour deux, Alba Iulia, Gens latina,2010 .

Traductions: Marian Drăghici, lumière, doucement, Paris, l’Harmattan, 2018 ; José Maria Paz Gago, Manuel pour séduire les princesses, Scopje, Poetiki, 2010 ; Michel Ducobu, Siège sage. Quatrains pour la méditation/ Loc calm. Catrene pentru meditaţie, Iaşi, Ars Longa, 2015 ; Denis Emorine, De toute éternité/ Dintotdeauna, Iaşi, Ars Longa,2015.

Prix:  Prix de poésie « Aron Cotruş, Les ombres de l’arc-en-ciel(2017); Prix de traduction, Denis Emorine, De toute éternité (2016) ; Prix « Le voyageur », début en roman Métamorphose(2015) ; Prix d’essais : Rodica Braga: la représentation de l’intériorité (2016),Le visage sombre de Janus (2014); Prix de critique littéraire, À l’ombre des mots (2012) ; Premier Prix de traduction au Festival international « L. Blaga », Sebeş, 2008 ; Premier Prix de littérature comparée au concours « La Belgique romane », Bruxelles, 2006 ;  IV-e place au concours de prose « Le Tour du monde en 80 textes », Paris, 2004.

En anthologies: Liens et entrelacs. Poètes du monde, Wroclaw, 2018 ; O limbă, un neam,Târgovişte, 2018 ; Giovanni Dotoli, Encarnación  Medina Arjona, Mario Selvaggio, Entre ciel et terre, L’olivier en vers. Anthologie poétique, Roma, Edizioni Universitarie Romani, 2017; Le printemps des métaphores,Galaţi, Editura InfoRapArt, 2015;Les Anthologies de la revue Seul. Poésie,Târgovişte, Ed. Singur, 2014;Les Anthologies de la revue Seul. Prose,Târgovişte, Ed. Singur, 2014;Laurenţiu Bădicioiu, Romeo et Juliette  àMizil. Anthologie de poésie et d’épigramme, Bucureşti, RBA Media,2012;J’écris. Anthologie de vers, Alba Iulia, Gens latina, 2010.

En volumes collectifs des colloques internationaux (sélection): 

Le retour à Ithaque dans la littérature de l’exil, Annales Universitatis Apulensis , Series Philologica, 18, tom 2, 2017. Vintilă Horia, Un penseur pour le troisième millénaire (coord. Georgeta Orian, Pompiliu Crăciunescu, Eiko, 2017); Incursions dans l’imaginaire. Imaginaire, identité et altérité en littérature, vol. 8, Alba Iulia, Editura Aeternitas, 2017;Incursions dans l’imaginaire. Approches de la perspective de la littérature comparée, vol. 7, Alba Iulia, Editura Aeternitas, 2016; Incursions dans l’imaginaire. Mythe, musique, rituel. Mutations des noyaux narratifs, vol. 6, Alba Iulia, 2015; Norman Manea, Loin et près, Târgu-Mureş, Editura Arhipelag XXI, 2014; Incursions dans l’imaginaire. Imaginaire et illusion. Cahiers de l’Echinox, vol.23, Cluj-Napoca, 2012; Études humanisteset perspectives interculturelles, Târgu Mureş, Editura Universităţii “Petru Maior”, 2011; Communiquer, Échanger, Collaborer en français dans l’espace méditerranien et balkanique,Athènes, Université d’Athènes, 2011 ; Incursions dans l’imaginaire. Du corps imaginé au corps représenté, vol. IV, Alba Iulia, Editura Aeternitas, 2010;  Faire vivre les identités francophones. Actes du 12-e congrès mondial de la FIPF, Québec 2008, Krakow, Les presses de Zakład Graficzny Colonel s.c., 2009 ;  Proceeding The First International Conference on Linguistic and Intercultural Education, Alba Iulia, Editura Aeternitas, 2008; Le français, une langue qui fait la différence. Actes du premier Congrès européen de la FIPF, Vienne2006, Krakow, Les presses de Zakład Graficzny Colonel s.c., 2008; Évaluation alternative, Cluj-Napoca, Editura Dacia, 2005; Les méthodes de la pensée critique, Cluj-Napoca, Editura Dacia, 2004. 

Essais, chroniques, commmentaires critiques, poèmes, prose dans les revues: Mondes francophones, Francopolis, Traversées, Concerto pour marées et silence, Tric-trac, Rupkatha, Dialogues et cultures, Théorie et Pratique, Nouvelle Approche du français, Viaţa românească, România literară, Luceafărul de dimineaţă, Convorbiri literare, Vatra, Familia, Euphorion, Tribuna, Apostrof, Steaua, Verso, Caietele Echinox, Nord literar, Argeş, Annales Universitatis Apulensis, Boema, Baaadul literar, Gând românesc, Pietrele Doamnei, Glasul, Claviaturi, Mistral, Messager.

En dictionnaires :

Ioan Holban(coord.), Dictionnaire des écrivains roumains contemporains, Iaşi, Tipo Moldova, 2016, vol. IV.

Irina Petraş, Écrivains de la Transylvanie. Dictionnaire critique illustré, Cluj-Napoca, Editura Editura Eikon, Cluj-Napoca, 2014.

Dictionnairedes écrivains de la filiale Alba-Hunedoara de l’Union des Écrivains de Roumanie, Sebeş, Editura Emma Books, 2016.

En Histoires de la littérature roumaine:

Une autre sorte d’histoire de la littérature roumaine contemporaine, Ed. Singur, Târgovişte, 2013.

Préfaces

Denis Emorine, La mort en berne, Genève, Editions  5 sens, 2017.

Denis Emorine, De toute éternité/ Dintotdeauna, Iaşi, Ars Longa, 2015.

Gheorghe Jurcă, La captivité de la solitude, Cluj-Napoca, Grinta, 2014.

Postfaces

Marian Drăghici, lumière, doucement. Traduction en français et préface de Sonia Elvireanu, Paris, Harmattan, 2018.

Rodica Chira, Ma maison en verre, Iaşi Ars Longa, 2018.

Aurel Pantea, Blanca. Traduction en français de Marcela Hădărig, Grinta, 2017.

Anca Sas, Momentom,Alba Iulia, Altip, 2017.

Avant-propos: Michel Ducobu, Siège sage. Quatrains pour la méditation/ Loc calm. Catrene pentru meditaţie, Iaşi, Ars Longa, 2015

 

 

Autres lectures

Sonia Elvireanu, Le regard… un lever de soleil

Forte de trois recueils : Le souffle du ciel, Le chant de la mer à l'ombre du héron cendré et Ensoleillements au cœur du silence, publiés entre 2020 et 2022, l’œuvre poétique récente [...]




Claude Ber, Le Damier de vivre

Ouvrir ce beau livre de Claude Ber, auteure récemment d’Il y a des choses que non (2017), La mort d’est jamais comme (2019) et Mues 2020), c’est tout de suite tomber sous le charme, la grâce même, des cinq aquarelles de Gérald Thupinier qui accompagnent les quinze poèmes en prose de Claude Ber, splendides à leur tour, riches, intenses, vitaux dans leur rythmique souplesse.

Deux arts s’entretissant, s’honorant si finement, tout en dépliant la pleine subtilité de leur distinction esthétique, sans aucun geste d’illustration et loin de toute ekphrasis. Et puis les premiers mots de la première suite, ‘Pavé noir, pavé blanc. La marche du cheval d’échecs sur le damier de vivre’ (I), confirment le haut et dansant sérieux du poème, la puissance de son attachement à l’énigme de notre présence au monde : sa mouvance, son ‘jeu’, son incertitude, ce sentiment de hasard qui habite sa logique. Suit le début d’une longue et cascadante perspective sur l’immense, à jamais mutante gamme de notre vécu, tantôt superbement appréciée, tantôt naviguée avec difficulté ou douleur : ‘Le tragique des destins et l’éblouissement renouvelé d’exister. Les pointillés du bonheur entre les drames. Le chapeau de la cime dégringolé dans l’abîme et la main pleine au poker de la plénitude. L’hécatombe du cancer et l’apogée de la jouissance. Case blanche, case noire. La dévastation de la terre et la mansuétude de l’amour. L’inhumain de l’humain toujours recommencé et le désir dressé en oriflamme…’ (I). Tous les éléments de ce qui est et ce que nous sommes, inextricablement cousus, brodés, dans la même étoffe moirée, chatoyante, à peine crédible, mais là et partout, ‘dans, écrit Ber, l’inusable bascule des vagues rabâchant leur éternelle redite de mort et renaissance’ (I).

La deuxième suite creuse davantage cet étrange enchevêtrement de l’émerveillement et de l’horreur face à ce qui est, comprenant que ‘mathématiquement les raisons de désespérer équivalent à leur inverse sur la durée de l’éternité’, Ber soucieuse d’ajouter ‘mais qui peut compter sur l’éternité?’ (II), le mortel semblant vouloir afficher son absolutisme quand on observe, avec le poème, les infinies preuves de la non-continuité de la chair, surtout celle que l’on ne cesse de manger, ‘dorades et congres, branchies asséchées [à l’étal]’, ‘tête de veau bêl[ant] de toutes ses mâchoires mortes’, ‘graisse de cochon égorgé’ pour accompagner nos désirs de ‘paix et bienveillance’ (II). Et toute cette tensionnelle contradiction-fusionnement comprise comme si manifeste, si vieux jeu, ce qui pousse le poème à se demander ‘à quoi [la parole peut-elle] aspir[er] qui n’ait été déjà tant répété que ne reste d’elle que la carcasse?’ (II).

Et juste au moment où le poème paraît prêt à acquiescer à une condamnation de ‘l’humanité catastrophique de mon humanité [,] sa présomption et sa bêtise belliqueuse[,] son insatiable avidité et son dénuement[…,] son poids d’irrémédiable tassé au fond d’un sac biodégradable’ (II) – juste à ce moment critique, ce point de rupture irréparable, il – le poème, tout ce qu’il représente d’indicible, d’imaginable, d’improbable et de possible – replonge sa conscience dans ‘les aloès fleuris et bourdonnant d’abeilles’ de la troisième suite (III). Dans, dirais-je, un Cela, dont parlent précisément les Upanishads, et qui semble excéder même tous les signes de cette espèce de binarité, de dialectique qui persiste à vouloir dominer notre conception vécue de ce qui se passe au cœur de notre être-au-monde, ce noir-blanc, cet abîme-cime que le poème déploie. Règne ainsi cet indivisible sans nom véritable, cet infini contenant tous les noms, irréductible, car un Un au-delà de ses foisonnantes multitudes, offrant l’expérience de l’ineffable de l’amour, sans doute, pénétration dans ‘la fente de la vie même entre-baillée. Une pause de paix dans son bruyant silence. Ma main augmentée de magie caress[ant] ton visage. Son éclat rayonnant dans la bouffée solaire des mimosas. Leur poussier de clarté comme une réminiscence. Une invite à notre propre lumière aussi fragile et passagère que la leur. L’aimer, dépiauté de mainmise, la vibration le prononçant, y déclin[a}nt un absolu accessible. Intact du mot qui le désigne’ (III). Voici un passage extraordinaire, splendidement visionnaire, ouvert sur tout ce que le langage parvient à peine à murmurer, pris comme il est dans les rets paradoxaux de son besoin de dire ce que Bataille et Blanchot appelaient ‘l’impossible’, d’articuler l’indésignable.

Et tout le recueil, avec ses quinze suites et leur si serein dépliement de phrases courtes, lestes, fluides, bi- ou tri-partites, jamais gonflées ni désinvoltes car site d’un vécu intensément et pourtant généreusement caressé – tout le recueil puisant inlassablement dans un visible, un sensible, ces infinis micro-expériences de ce qui ne cesse de surgir d’un macro-phénomène où tout s’interpénètre et affiche ses interpertinences vivement senties quoique logiquement fantastiques. Le sentiment de ‘l’horreur du monde [qui] n’entame pas la magnificence de l’amour qui n’entame pas l’horreur du monde’ (V) reste le signe le plus vif de l’ubiquité d’une plénitude combinatoire de l’être. Le poème y ‘acquiesce’, semant partout dans ces riches suites ‘décrass[ées du mythique] et de [toute] prétention abusive’ (VI) les signes d’une ‘beauté’ à la fois ‘inaccessible’ et ‘évidente’ et d’une ‘bonté pour essuyer sa peine’ (VIII) au sein de ceux d’un ‘accablement de bœuf harassé’ qui risque de déborder (X). Cette totalité de ce qui est marquerait tout d’une grande intensité dans l’expérience de Claude Ber et en affirme sans cesse la haute et absolue pertinence de ‘n’importe quoi’, cette ‘certitude’ (XI) de ce que Jean-Paul Michel appelle le de notre être-là. ‘Ma vie, lit-on, toujours branchée à son voltage. Intensément puissant. Intensément intense’ (XI). Un rapport, un lien incassable, électrisant, sans fin énergisant, venant des choses qui sont et du moi qui les vit, dans, simultanément, leur nudité et leur ‘transfiguration’ (XIII). Car, comme la dernière des quinze suites nous fait comprendre, toute l’expérience que véhicule, mot sur mot, le poème, reste ‘secr[ète]’ (XV). La draper des formes mouvantes du poétique ne change rien de son caractère d’indécidabilité, de non-‘décisivité’; tout ce qui est demeure obstinément ‘obtus’ au cœur de l’intense, cette ‘confusion de broussailles et une naïveté de dormeur réveillé en sursaut’ (XV). Le poème – ce sont les derniers mots de ce si finement sculpté Damier de vivre – vécu et déroulé en tant que ‘chant [avec] sa plainte dans les tunnels du temps. Leur silence irrémédiable’ (XV).

          Un très beau livre d’une femme remarquable, juste et poétiquement sereine au cœur même des tempêtes.

Présentation de l’auteur

Claude Ber

Claude Ber est née à Nice en 1948. Après un double cursus lettres philosophie elle obtient une agrégation de lettres, et enseigne en lycée, en université, en école d'art, à sciences-po. Puis elle occupe des fonctions académiques et nationales. Elle a pendant quelque temps dirigé une collection poésie aux éditions de l'Amandier, a fait parties de plusieurs jurys et associations littéraires. Elle est vice-présidente du CIPM (Centre international de poésie de Marseille). 

Claude Ber a publié une quinzaine d'ouvrages, auxquels s’ajoutent des livres d’artistes, des publications en anthologies et en revues.

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Bibliographie

Poésie
  • Lieu des Epars, éd. Gallimard 1979.
  • Sinon la Transparence, 1996 réédition éd. de l’Amandier, 2008
  • La Mort n’est jamais comme (Prix international de poésie francophone Yvan-Goll 2004), réédition 5ème éd. Bruno Doucey 2019
  • Vues de vaches, photographies de Cyrille Derouineau, éd. de l’Amourier, 2009.
  • Epître Langue Louve, éd de l'Amandier, 2015
  • Il y a des choses que non, éd. Bruno Doucey, 2017
Théâtre
  • Indianos, éd. Cahiers de l’Égaré, 1990.
  • Monologue du preneur de son pour sept figures, éd. Via Valeriano-Léo Scheer, 2003, réédition Éditions de l'Amandier 2013.
  • Orphée Market, éd. de l’Amandier, 2005.
  • La Prima Donna suivi de L'Auteurdutexte, 1996 réédition, éd. de l’Amandier, 2006.
Recueil de conférences
  • Libres paroles, éd. Le Chèvre-Feuille Étoilée, 2003, réédition augmentée Libres paroles éd. Le Chèvre-Feuille Étoilée, 2011
  • Aux dires de l’écrit, recueil de conférences et articles sur l’écriture, Éditions Le Chèvre Feuille Etoilée 2012.
Livres d'artistes
  • Dix textes sur dix sérigraphies de Bernard Boyer Paris CREDAC 1988.
  • Pixels, Livre d’artiste, Éditions du Presse Papier - Trois Rivières, 2005.
  • Rotrouange des bien aimés, édition franco-russe, traduction Anne Arc, illustrations Serge Chamchinov, Éditions de bibliophilie contemporaine Transignum 2006.
  • Estampillé, Éditions de bibliophilie contemporaine Transignum, 2008.
  • Habits à lire, Éditions de bibliophilie contemporaine Transignum, 2010.
  • Ardoises, Éditions de bibliophilie contemporaine Transignum, 2010.
  • Billet poème, Éditions Le billet-poème 2011.
  • Boîtes Noires, Éditions de bibliophilie contemporaine Transignum, 2011.
  • Je marche, photographies d’Adrienne Arth, Éditions Les cahiers du Museur, coll À côté, 2011.
  • A l’Angle, gravures Serge Chamchinov, Éditions de bibliophilie Serge Chamchinov, 2011.
  • Ecorces, gravures de Judith Rotchild, Éditions Verdigris, 20122.
  • L’atelier de Marc Giai-Miniet, Maison de la Poésie de Saint Quentin en Yvelines, 2013.
  • Les Pourpres, Livre d’artiste texte Claude Ber, peinture Anne Slacik, Éditions AEcrages 2015.
  • Franchir,  Livre d’artiste, texte Claude Ber, peintures Robert Lobet, Éditions de la Margeride 2015.
  • Paysages de cerveau, texte Claude Ber, photographies Adrienne Arth, Éditions Fidel Anthelme 2015.
Littérature jeunesse
  • Alphabêtes, éd. Lo Pais d'Enfance, 1999.
Publications collectives
  • Superfuturs, fictions, Éditions Denoël, 1986.
  • Une œuvre de Georges Autard, essai, Éditions Muntaner, 1994.
  • La Sagesse, essai, Éditions Autrement, 2000.
  • La Langue à l'œuvre, essai, Éditions Maison des Écrivains - Presse du réel, 2001.
  • Les Écritures scéniques, essai, Éditions de l’Entretemps, 2001.
  • Couleurs Solides, fictions, Éditions Marsa, 2003.
  • Le corps met les voiles, essai, Éditions Le Chèvre Feuille Étoilée, 2003.
  • Méditerranée, d’une rive l’autre, poésie, photographies d’Adrienne Arth, Éditions de l’Amandier, 2007.
  • Aux passeurs de poèmes, essai, Éditions CNDP / Le printemps des poètes, 2009.
  • Voix de l’Autre, Actes du colloque Littératures, Université de Clermont-Ferrand Éditions PUF 2010.
  • Burqa ?, essai, Claude Ber, Wassyla Tamzali, Éditions Le Chèvre Feuille Étoilée, 2010.
  • Que peut la littérature en ces temps de détresse, Correspondances, Cahiers du Pen Club, Éditions Calliopées, 2011.
  • Style et création littéraire, Actes du colloque Université de la Sorbonne, Paris, 2011.
  • La vie, je l’agrandis avec mon stylo, Éditions Théâtrales 2012.
  • Le ventre des femmes, fictions, Éditions BSC publishing 2012.
  • La poésie comme espace méditatif, sous la direction de Béatrice Bonhomme et Gabriel Grossi, Éditions Classiques Garnier 2015
  • Genre Révolution Transgression,  sous la direction de Jacques Guilhaumou, Karine Lambert & Anne Montenach, dir.Collection : Penser le genre, Domaine Histoire générale, Presses Universitaires de Provence, Aix-Marseille Université, 2015
Anthologies
  • De Godot à Zucco, anthologie des auteurs dramatiques de langue française 1950-2000 par Michel Azama, Editions Théâtrales 2003.
  • Métamorphoses, Éditions Seghers Poésie d’abord, 2005.
  • Le Chant des Villes - Anthologie du Manoir des Poètes dirigée par Maggy de Coster, Editions Dianoïa, 2006.
  • Anthologie Amicale des Poètes des Parvis Poétiques, Éditions La Passe du vent, .
  • La poésie est dans la rue, 101 poèmes contestataires, Éditions Le Temps des cerises 2008.
  • L’Année Poétique 2008, Anthologie Seghers, Éditions Seghers, 2008.
  • Richesse du livre pauvre par Daniel Leuwers, Éditions Gallimard 2008.
  • Poésie Gratte-Monde, Revue Bacchanales, Maison de la Poésie Rhône Alpes 2009.
  • Et si le rouge n’existait pas, Éditions le Temps des cerises 2010.
  • Couleurs Femmes, - 60 femmes d'aujourd'hui, Éditions Le Castor astral 2010.
  • Anthologie 21 Québec, 2010.
  • Nous la multitude, Anthologie établie par Françoise Coulmin, Éditions le Temps des cerises 2011.
  • Anthologie BIPVAL (Biennale des poètes en Val de Marne) 2011, Action Poétique, 2011.
  • Anthologie de la poésie érotique féminine française contemporaine, Giovanni Dotoli,  Éditions Hermann 2012.
  • Enfances, anthologie Printemps des poètes 2012, Éditions Bruno Doucey, 2012.
  • Pas d’ici, pas d’ailleurs - Anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines, Editions Voix d’encre, 2012.
  • Les voix du poème, anthologie Printemps des poètes 2013, Éditions Bruno Doucey, 2013.
  • La poésie au cœur des arts, anthologie Printemps des poètes 2014, Éditions Bruno Doucey, 2014.
  • L’insurrection poétique, Manifeste pour vivre ici, Éditions Bruno Doucey, 2015. 
  • Du Feu que nous sommes, Anthologie poétique, Abordo Éditions, 2019.

Poèmes choisis

Autres lectures

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Anne Barbusse, Les mères sont très faciles à tuer

Chants pour les à mères

Cependant, méfions-nous du titre de livre d’Anne Barbusse. Et eu égard sa table des matières en quatre chapitres : « Le psychiatre parle, Le dernier jugement, Dans les villes de province, L’automne de la mère »), se déroule d’un même tonneau une histoire d’une mère, d’un fils, d’une famille mais surtout un long et envoutant poème sur la douleur et les souffrances dans divers lieux de Grèce ou de  la province française tandis que et par exemple un «vieux voisin ramasse les feuilles tombées / avant de mourir et que le village mugit son silence ».

Quant à la narratrice, elle ressemble  avec émotion aux femmes qui vivent toutes seules dans leurs maisons. Elle essaie d’avoir la triste volonté du jour mais pas besoin d’aller au bout du monde : partout il y a des arbres où pendent des nostalgies en fleur. Quant aux rivières par définition elles sont violentes surtout les pluies d’automne ou du printemps dans la fonte des neiges.

Bref qu’importe les lieux car dans leur ventre sourd s’‘entendent les moteurs des voitures souveraines mais surtout des hommes qui souffrent face au pourrissement des vignes. Mais il en est ainsi en la solitude des mères. Dans ce livre le lyrisme parfois effroyable  danse sur les plis du vent parfois il se rêve de la mer abolie d’objets inanimés sur une terrasse d’été, « de la saveur de la pastèque ».

Ici la douleur n'a pas pourelle  un seul ami dans la région. Mais Anne Barbuss  tente de la repeindre de blanc même si chez sa narratrice « mon ventre porte cicatrice sur cicatrice un soir / il me fait écouter la Chanson des vieux amants de Brel / et je pleure toute la nuit pour garder un enfant ». Vogue ainsi l’histoire où des femmes se prostituent « à la modernité visible via l'ordinateur ».

La vie tâche de tenir debout dans un village de campagne  ici ou ailleurs. Elle vit « trop de cris qu'elle soit son tombeau ». Parfois se perd l'envie du matin et ses jambes ne portent plus le poids de l’existence. Mais l’héroïne arrive à non-lieu à la terre étrange ‘sans y voir plus que de lumière tombante sur les choses » et elle devient chose parmi les choses, ses désirs éteints et tombés parmi tant d'objets.

Anne Barbusse, Les mères sont très faciles à tuer, Editions Pourquoi viens-tu si tard », Nice, 2025, 160 p., 14 €.

Si bien que chaque mère recèle quelque chose de dangereux et aussi «  Quelque chose d'une allumeuse, d'une emmerdeuse » mais comme le chanteur Arno cité en exergues, l’'amour est toujours dans « les  yeux de ma mère ».  Bref il y a des femmes très méchantes comme des mères révolues (« tu es une petite pute une petite conne ton fils t’a larguée »)près  des murs de pierres et des blocs de béton éboulés. Autant à Olympie que dans la plaine de la Crau.

Parfois la narratrice « pleure comme un homme. S’'il n'y avait eu sone voyage en Grèce tout cela ne serait pas arrivé. La vie se serait passé plus calme « sans espérance avec l'idée que la répétition ne tue personne que les moutons du berger peuvent traverser le village ». Elle déploie seulement ses agissements voire en demandant « au cinéma de lever mon corps » ou appeler  des voix inopérantes, « ne sachant prendre la mesure de mon vide ». Mais elle poursuit par son chant du salutaire, le reste en découle, les gestes se déplient avec effort. Elle  tâche de maîtriser ses absences « superbement irrationnelles » et les jours passent. Le psychiatre n’y fait pas grand-chose : « il parle dans son bureau les angoisses » mais tâche d’ouvrir une vision éclairée. Il suffit que les talus gonflent de l'herbe pluvieuse du printemps même si les enfants restent mutiques dans l’espoir  d'une seconde naissance.

L’auteure via sa narratrice « fait double deuil / je suis la veuve d'un pays et d'un enfant / je suis la veuve confuse de l'univers mêlé d'histoires ».  Elles vivent à ses côtés, vidée et reine, tenant debout à tâtons à peine fréquentant les jours creux. L objectif est d’échapper à son diable jusqu’à ce que ses  enfants du futur fassent partie d’elle.

D’une telle héroïne on  voulut  retirer la langue mais ici elle la tire comme l’escargot sort les cornes portant sa coquille. Rejaillit peu à peu une renaissance chaleur loin des erreurs de pronostic quant à sa nature. Et plus tard des mots n’habillent plus son cadavre.  Cela donne peu à peu un air de fête. Les paroles dansent sur des fils avant de s’envoler comme des anges que les oiseaux emportent.

Présentation de l’auteur

Anne Barbusse

Née le 16 décembre 1969 à Clermont-Ferrand.

L’écriture a toujours fait partie de ma vie. A 17 ans, je monte à Paris pour mes études de lettres. Après une agrégation de lettres classiques, j’enseigne quelques années la littérature latine à l’Université Paris VIII. Je quitte Paris pour un tout petit village du Gard, où je suis installée depuis 20 ans, entre Cèze et Ardèche, pour vivre plus en accord avec mes convictions écologiques. J’enseigne depuis une dizaine d’années le français langue étrangère aux adolescents migrants. En 2012, par passion, pour apprendre le grec moderne, je reprends mes études à distance à l’université Paul Valéry de Montpellier, jusqu’à un master traduction en littérature grecque moderne en 2017, où j’ai traduit, en pleine crise grecque, l’œuvre inconnue en France de Takis Kalonaros (Du bonheur d’être grec, Athènes, éditions Euclide, 1975, réponse à Du malheur d’être grec de Nikos Dimou, traduit en France en 2012 aux éditions Payot). Takis est le père du Petros, rencontré en 2010, à qui j’ai dédié le recueil dont sont extraits mes textes.

J’ai publié quelques textes dans la revue Phréatique dans les années 90, et dans la revue Arpa en 1997 et en 2006.

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