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Chronique du veilleur (53) : Jacques Robinet

Après La Monnaie des jours et Notes de l'heure offerte, Jacques Robinet nous offre des extraits de ses « notes » de l'année 2020, sous le titre L'Attente. Ce troisième volume me semble aller aussi loin qu'il est possible à un diariste en pleine maîtrise de son écriture. Il conjugue, en provoquant à chaque page une émotion rare, telle celle que l'on ressent aux confidences les plus intimes d'un ami cher, méditations et rêveries, réflexions et introspection, aveux et interrogations sur la vie et la mort.

Le croyant, le psychanalyste, le poète sont une seule et même personne, ils vivent en plus ou moins bonne intelligence, tentant de nouer une alliance qui pourrait enfin surmonter les doutes, les angoisses, les douleurs. En avouant la difficulté de les faire vivre ensemble et d'avancer sur un chemin où les pélerins ont laissé tant de traces, Jacques Robinet se montre à nous sans fard, sans recherche rhétorique, sans complaisance et souvent sans vaine pudeur.

Peut-être ne suis-je capable de prier que par inattention, par surprise, au contact de la beauté qui fait bondir mon cœur. Il en va de même en poésie où toute crispation est vaine. Prier, c'est peut-être rendre les armes, renoncer à être l'architecte de son temple, laisser s'écrouler les murs, se laisser envahir où les mots défaillent. Cette disponibilité n'est pas aisée pour l'obsessionnel tout occupé à colmater ses failles.

Jacques Robinet, L'Attente, La Coopérative, 22 euros.

C'est bien ce souci constant, souvent éprouvant, d'abolir la barrière que les mots paraissent élever contre celui qui veut se dénuder, se dévoiler en même temps, qui anime l'écrivain, toujours sur ses gardes, se défiant du langage comme de lui-même.

J'aimerais n'écrire que ce qui est essentiel, sans embellissements, sans prendre la pose, en déjouant le trop, le pas assez, le souffle du mensonge. En vieillissant, j'aimerais que tout se resserre sur le grain d'or qui brille  encore, après tant de sable secoué au tamis des années.

Longtemps, Jacques Robinet confesse avoir attendu pour prendre la plume. Parfois se permettait-il d'écrire un peu de poésie, « en fraude », la psychanalyse dévorant la majeure partie de son temps. Cette attente semble rejoindre celle, maintenant, du vieil homme malade qui ne cherche plus qu'à toucher, de tout son être, l'essentiel. Une attente qui vient de très loin, des « désirs inextricables » de l'adolescent sans doute, peut-être même de l'enfant passionnément attaché à sa mère.

L'enfant têtu demeure, ébloui et apeuré par son destin d'homme. Je ne cherche plus à le guérir, mais à retrouver la ferveur de ses commencements.

L'espérance de retrouver l'émerveillement premier, c'est sans doute, portée par un sentiment de bonheur que peut donner l'instant fugace, l'espérance confuse, plus ou moins consciente, de retrouver Celui qui est lumière et Vie. Le poète sait reconnaître et saisir ces moments précieux où le froid de la solitude est soudain réchauffé, inexplicablement.

Moments de bonheur quand, de la terrasse le soir, je regarde le jour se perdre lentement dans la nuit. Autour du jardin, la grande couronne des arbres assure le décor immuable d'un spectacle qui varie sans cesse. Jeu infini des couleurs qui effleurent ou embrasent le ciel. Oublieux de tout, je finis par me perdre à mon tour dans le grand silence de la nuit. Plus tard, montent les étoiles. Paix complice de ce brasillement.

Se perdre ainsi, ne serait-ce pas, au contraire, se sauver ? Ce que la poésie, qui fait étinceler son or secret dans tout ce livre, peut souvent approcher dans les beaux petits sentiers d' une prose magistrale, chemins buissonniers, chemins de traverse, qui fera date dans notre littérature contemporaine.

Présentation de l’auteur

Jacques Robinet

Jacques Robinet , né en 1937, vit à Paris. Il est psychanalyste.

Publications :  Veille le Silence (éditions St Germain- des- Près, 1984 - épuisé)

En collaboration avec l'artiste peintre et graveur Renaud Allirand : Miroir d'ombres (2000) et Traces (2013) —  Frontières de sable (2013) et Feux nomades (2015) ont été publiés par les Editions la tête à l'envers à Ménetreuil ( 58330- Crux la Ville).

Poèmes choisis

Autres lectures

Chronique du veilleur (38) : Jacques Robinet

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Le Lieu-dit L’Ail des ours

Les éditions L'Ail des ours est un Lieu-dit. Ce qui suppose qu'il s'y déploie de multiples dimensions. Une profondeur. Une amplitude. Tout ceci naît de la rencontre, des rencontres de la poésie et [...]

Jacques Robinet, Notes de l’heure offerte

« Seule compte l’heure  offerte qui vient à ma rencontre et cette branche qui tremble encore d’un oiseau envolé » (p.65) Ces notes sont à la fois méditation et dialogue, dialogue avec le lecteur et [...]

Jacques Robinet, Ce qui insiste

Dès le premier poème de ce recueil, l’univers intime du poète s’offre aux lecteurs ; la communion avec les éléments de la nature : l’arbre, l’oiseau, mais aussi la nuit qui est une porte ouverte [...]

Chronique du veilleur (53) : Jacques Robinet

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Jacques Robinet, Clartés du soir

La nuit, c'est la "mort" qui vient, c'est l'heure où "la lumière décline", alors, il faut promouvoir au mieux cette clarté, annonciatrice du jour. Le poète oeuvre dans le [...]




Chronique du veilleur (52) : Gilles Baudry

Gilles Baudry nous invite à le rejoindre sur « l'île secrète ou le pays de l'être / pour se rapatrier / son enfance pérenne / inaliénable. »  C'est  un univers très proche, « enfance à venir », qu'il faut aborder avec le silence recueilli que permet parfois le « soir de toute vie. »

                  Source et Foyer
                  de l'instant éternel
                 au retour imminent
                  et toujours différé

Le poète, en son abbaye de Landévennec, peut dire avec O.V. De L. Milosz, qu'il a choisi de mettre en exergue de ce livre : « Je suis éternellement enfant du Bénédicité de l'aube. »  Ce sont des regards d'aube, en effet, qu'il recueille et nous transmet, ces regards lavés d'une eau pure, ouverts sur les dons gratuits et merveilleux de la grâce.

Gilles Baudry, Cette enfance à venir, dessins de Nathalie Fréour, L'Enfance des Arbres, 2023, 80 pages, 15 €. 

Il les enserre sur la page blanche, accompagné des dessins blancs sur papier noir de Nathalie Fréour, qui sont de véritables méditations graphiques, des aperçus de l'au-delà, des appels de l'Ange :

 

                  Ouvrez à l'ange
                  qui frappe à la fenêtre
                 et vous aurez cette intuition
                           native
                  d'un monde autre que ce qu'il est

L'essentiel nous apparaît, dans ces brefs poèmes, nimbé d'une paisible confiance, où la grâce divine est à l'oeuvre. Chaque mot, chaque syllabe pèse le poids insaisissable d'une nuée, d'une clarté.

 

                  Le fond de l'être
                  est tout amour

                  Le feu limpide du silence
                           brûle le cœur

                           et tout se tait

 

Une leçon d'espérance et de patience nous est donnée, pas à pas, avec des mots que le  poète qualifie de « titubants », écrits sur un carnet de veilles, sans doute,

 « en souveraine humilité ». Il suffit d'être « là seulement / intensément ». On l'écoute avec gratitude et émotion,  comme la voix d'un parent ou d'un ami proche, revenu du Royaume invisible, nous révéler

                           le point nodal
                  où le visible et l'invisible

                  le ciel et la pensée
                           se touchent

Présentation de l’auteur

Gilles Baudry

 

Gilles Baudry est moine et poète. Son œuvre est publiée aux éditions Rougerie et Ad Solem.

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Chronique du veilleur (51) : Olivier Noria

Né à Bruxelles en 1980, Olivier Noria publie son premier livre de poésie : Rendre grâce. D'emblée, on perçoit plus qu'une voix de talent et une écriture très maîtrisée : une présence d'âme qui ne s'encombre d'aucun artifice rhétorique, d'aucune mode. « Le mystère s'enfante  / Et toi l'enfant-passeur tu t'enchantes, chemin faisant. » Il s'agit bien là en effet d'une âme restée ouverte à tous les émerveillements, d'une âme de veilleur qui retient, sur ce qui va peut-être devenir œuvre poétique, l'informulable, qui prend « le pouls de l'Ouvert », « le pas de la clarté. »

« Ecriture franche », selon l'expression de l'auteur. Ecriture recueillie sur « le cœur du cœur blotti en son secret. » Le poète, qui est par ailleurs musicien, saisit les accords rayonnants, offre sa meilleure écoute à ce que le tumulte de notre monde ne cesse d'étouffer.

 

Tout au bercement du feuillage est souffle ordonnant

Tout se courbe pour mieux écouter

Olivier Noria, Rendre grâce, Le Taillis Pré, 14 euros.

Alors, peuvent s'élever, « musique d'entre toutes  / les musiques », les « battements intimes  / de l'irrévélé » .

Ce sont des fragments, presque silencieux, d'un secret,que le lecteur reçoit à chaque pas, à chaque page. Et le sentiment profondément émouvant d'un partage, à la fois poétique et spirituel, se fait jour, en une rencontre inestimable et inoubliable (« L'inoubliable seul est la rencontre »). Le lien est ainsi tissé et noué dans l'invisible, par un « long fil d'or », celui-là même qui nous relie à la divinité.

                

Nous ne pouvons véritablement aimer qu'en lien

Nous ne pouvons nous reconnaître
que dans la certitude d'être veillés, bordés
par la profondeur insondable d'un ciel constellé

Nous ne sommes pas seuls
Nous sommes unis -et la solitude nous révèle

On est heureux de découvrir ici un vrai poète, animé d'une soif d'absolu et d'amour, qu'il traduit avec humilité, profonde sincérité. On est touché par cette voix qui se confie au lecteur, tout en « rendant grâce » à ce qui lui donne force et beauté :

 

Désormais,

 je ne m'encombre plus d'un stylo
sinon pour éclaircir ce qui tient dans la paume
du silence

Olivier Noria, Instantané Instrumental, Prière Contemplative, 1er Mai 2022.

Présentation de l’auteur

Olivier Noria

Né à Bruxelles en 1980, Olivier Noria est musicien et poète. Indissociable de son inspiration, sa vie se conjugue au fil des rencontres, au pas à pas, de lieux en lien. Il partage son art sous la forme de concerts et d’accompagnements dédiés. Rendre Grâce est son premier recueil publié.

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Bibliographie 

Rendre grâce, Le Taillis Pré, 2022.

Poèmes choisis

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Chronique du veilleur (50) : Gérard Pfister

C'est un trésor dans lequel on puise et  dont on dirait qu'on n'atteindra jamais le fond. C'est Le Livre, que Gérard Pfister compose en 500 fragments, écrits dans une forme unique, des tercets dont le troisième vers semble faire toujours appel à un au-delà, à une autre vision ou révélation. Il y a là comme dans une sédimentation lyrique, un catalogue radieux, tout ce que le livre comporte de richesses et de puissances : la lecture, d'abord, l'écriture et sa soif d'inconnu et d'absolu ensuite.

Le livre
n'est là
que pour nous accorder

Ce terme est musical, bien sûr. Il dit le chant où « chaque mot  / vibre / à la juste fréquence. »  Les accords qu'il nous fait entendre nous lient au monde et aux hommes, à l'invisible qui nous hante et nous hèle. Et c'est alors le prodige :

Le livre
n'est là
que pour nous délivrer

Gérard Pfister, Le Livre, Arfuyen, 17 euros.

Quel grand amour que celui du lecteur, devenu poète et éditeur de poètes ! Il éclate ici à chaque page, avec une exigence admirable, qui est une véritable quête spirituelle.

                  Il faudrait
                  que le livre ne soit
                 que cette vibration

Le fragment suivant éclaire ce vœu, cette recherche obstinée qui pousse Gérard Pfister à poursuivre sa méditation et la mise en mots de ses ardentes variations.

                  Le murmure
                  d'une source
                  entre la mousse et l'herbe

C'est bien dans l'ordre du murmure ou du tremblement qu'a lieu « l'expérience des mots ». Tremblement de l'inconnu « dans chaque silence », « lieu du possible » ou peut-être « un rêve »... Le lecteur attentif a pu, par bonheur, percevoir une « inflexion / dans la ligne mélodique du texte. » C'est bien ce que l'on appelle aussi le timbre, la couleur, ou ce que Proust analyse comme « le vernis des maîtres ». Gérard Pfister a cette oreille absolue qui lui fait choisir les manuscrits pour Arfuyen. Elle est sensible à l'indéfinissable, à ce qui est l'empreinte secrète de chaque vrai poète.

Le titre de ce livre dit bien ce qui sera toujours heureusement le grand mystère poétique :

                  Chaque mot
                  est magie
                  chaque livre est sacré

Au moment où le numérique envahit tout, et jusqu'à la création, Gérard Pfister nous assure, dans cette œuvre magistrale, que rien ne pourra évincer le livre et nous rend confiance : « Chaque texte, aussi bref, aussi simple soit-il, est une fenêtre qui s'ouvre sur l'infini du ciel. »

 

Présentation de l’auteur




Chronique du veilleur (49) : Anne Goyen

La voix d'Anne Goyen coule de source. Cette source a la limpidité d'une prière parfois, d'un émerveillement candide devant la beauté du monde. Après Arbres,soyez (2013) et Paroles données (2016), ce troisième volume de vers révèle un dépouillement que le titre même suggère d'entrée : Le souffle et la sève.

La voix du poète semble ici passer comme un souffle, nourrie par la sève  qu'elle sent courir des racines jusqu'aux étoiles. Le paysage contemplé ne garde que sa trame la plus fragile, la plus ténue, pour ne laisser apparaître que l'essentiel :

                  Au tomber du soir
                  La pluie a lustré
                  Le paysage
                  Ouvert comme une paume
                  Que lisse le vent. 

Anne Goyen, Le souffle et la sève, Editions Ad Solem, 2023, 96 pages, 15 €.

L'invisible se rend proche dans une parole de vent et d'arbres, de bêtes et d'astres. Anne Goyen en ressent la présence fraternelle. Terre et ciel sont en relations continuelles, leurs ondes circulent autour de nous et en nous-même.

                  J'écoute parler
                  Montagnes et fleurs
                  Rêves et sources
                  D'aube en aube
                  Je renais

                   Quel Dieu discret
                 A mes côtés chemine ?

Musicienne, Anne Goyen l'est restée dans son écriture, sans rien qui pèse ou qui pose, comme disait Verlaine. Ce sont des suggestions en quelques syllabes à chaque poème bref, qui disent beaucoup plus que de savantes et verbeuses constructions formelles. Suggérer pour faire pressentir, pour donner suffisamment d'air à une parole humble qui ne demande qu'à rejoindre l'autre, à s'offrir pour transmettre la bonté du vivant.

                  Entendre murmurer 
                  La parole neuve
                  Dans le dialogue
                  De la terre et du vent
                  Deviner
                  Sous l'écorce saisonnière
                  Le visage en creux
                  Du divin
                  Qui attend l'heure
                  De notre désir.

Le plus pur du livre éclate dans l'accomplissement final, « Rosa mystica ». La pensée franciscaine imprègne ces pages, pour notre plus grand bonheur.

                  Sur la tige
                  Tout grand s'ouvre
                  La fleur

                   Au risque
                  D'en mourir

                  De  joie.

 

Présentation de l’auteur

Anne Goyen

Anne Goyen a longtemps enseigné la littérature française. Elle partage aujourd'hui sa vie entre la poésie, le dessin et la musique. Les arbres ont toujours été pour elle l'axe privilégié de sa contemplation.

Bibliographie

Arbres, Soyez, Ad Solem, 2013.

Paroles données, Ad Solem, 2016.

Poèmes choisis

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Chronique du veilleur (48) : Gustave Roud

Les œuvres complètes de Gustave Roud paraissent enfin aux éditions Zoé, en 4 volumes réunissant les 10 livres d'oeuvres poétiques, les traductions, le journal et tous les textes de critique. Les français vont-ils enfin découvrir un de nos plus grands écrivains lyriques du XX ème siècle ?

Depuis longtemps, Gustave Roud est honoré à sa juste dimension dans son pays, la Suisse romande. Né en 1897, il est très vite devenu un acteur culturel helvétique majeur. Installé avec ses parents dans une ferme de Carrouge, il n'a jamais quitté sa maison, arpentant la contrée, participant aux travaux des champs, photographiant ses amis paysans. Dès 1915, ses premiers poèmes ont dit son incurable solitude. « Je serai celui qui va seul au crépuscule / seul -en pleurant, par les routes du crépuscule... » « Seul à tout jamais », dans la souffrance d'une homosexualité impossible à vivre pleinement.

Mais cette solitude, nous dit-il, lui « rendait le monde ». Adieu, le premier livre paru en 1927, célébrait avec une ferveur intense, les villages, les champs, les paysages du Haut Jorat, où chaque marche lui offrait de goûter une véritable communion. Les notes, consignées au fil des promenades et des saisons dans de petits carnets, recopiées dans le Journal (1916-1976), reprises souvent dans les livres achevés, regorgent de sursauts, de rencontres, d'admirations. Et c'est d'abord avec la terre et les plantes que se passe la communion :

Aux haltes, meilleure que l'herbe fraîche à nos pieds en sang, plus douce que l'ombre où l'on s'allonge, nous buvions la couleur des feuillages, comme iune gorgée d'eau ce vert profond (…) Communion, échange, mots insuffisants, c'est incorporation qu'il faudrait dire... (Feuillets)

Gustave Roud, Oeuvres complètes, Editions ZOE, 4 volumes, 5056 pages, 85 euros.

Les corps des jeunes paysans s'accordent au paysage contemplé. Le Journal abonde en désirs inassouvis et en tentations. Le désir est comme transcendé par « l'innocence sublime parce qu'éternelle » que Roud perçoit en chacun. Pour un moissonneur, en 1941, célèbre « les moissonneurs pris dans leur toile blanche comme de grands anges maladroits :

Tu ne disais rien, les lèvres seulement entrouvertes sous le dur crin d'or, une main dans la mienne, l'autre enroulée au manche de ta faux. 

Le poète est ainsi hanté par ces présences frôlées, ces témoins d'un « Paradis dispersé » selon la vision de Novalis, que Roud étudiait et traduisait. Ces présences devenues avec le temps de doux fantômes, dont la vie n'est pas moins proche et sensible :

                  Où es-tu ?

                   Est-ce que tu ne peux plus entendre ce cri ? Est-ce que tu ne peux me dire si tu respires encore, si ton cœur bat, si cette épaule où poser ma main, une seule fois encore, m'est refusée ?

                  Le jour où je n'en pourrai plus d'attendre, je retournerai vers l'oiseau et cette fois, je l'appellerai comme ce soir je t'appelle. Son cœur est plein de pitié (…) Il m'écoutera. Il écoute ce que les morts lui disent, toutes les paroles des voix sans lèvres. Il porte aux vivants les messages des morts. Il écoutera tout ce que je pourrai lui dire et il s'envolera vers toi. 

Ce sont des instants d'éternité que saisit Gustave Roud, il accède alors, par eux, à une « vie profonde et pure », grâce à l'intercession de ceux qu'il désire. Il les réunit tous en quelque sorte sous le nom d'Aimé, à la fois « homme de chair » et créature « d'une transparence de cristal. » Ils appartiennent à  un monde voué à la disparition, à une Campagne perdue, comme l'évoque le dernier livre paru en 1972, 4 ans avant la mort de Roud. C'était un monde de lenteur et de cadences paisibles, où le poète avait le sentiment de toucher là à la « vraie vie ».

Monde défunt, que le regard intérieur, aidé par la mémoire, retient dans ce qu'il a d'essentiel et d'éternel. Rien n'est perdu, quand la Poésie vient sauver l'éphémère, l'instant suprême qu'un certain état extrême de l'âme et du corps a pu connaître. C'est là toute la foi « terrestre » de Gustave Roud, qui nous confie dans Requiem, son livre le plus composé (1967), le plus émouvant sans doute :

Oui, j'ai été cet homme traversé. Les doigts noués au mince tronc d'un frêne adolescent (j'en sens encore la lisse fraîcheur à mes paumes), j'ai soutenu de tout mon corps l'irruption de l'éternel, j'ai subi l'assaut de l'ineffable, j'ai vu la vraie lumière, la même, baigner toutes ces choses périssables autour de moi, leur infuser une splendeur de symphonie. 

Présentation de l’auteur

Gustave Roud

Gustave Roud est un poète et un photographe suisse romand né le 20 avril 1897 à Saint-Légier en canton de Vaud et mort le 10 novembre 1976 à l'hôpital de Moudon. Il a entretenu de nombreuses amitiés avec des artistes, des poètes, des hommes de lettres: Charles Ferdinand Ramuz, Ernest Ansermet et René Auberjonois

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Poèmes choisis

Autres lectures

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Gustave Roud, Œuvres complètes

Un coffret de 4 volumes, 5120 pages, 88 photos couleurs et de très nombreuses illustrations en noir et blanc (car Gustave Roud était aussi photographe). Les œuvres complètes du grand poète suisse, décédé [...]




Chronique du veilleur (47) : Jean-François Mathé

« Les mots, souvent, sont des yeux fermés / qui regardent la nuit en eux », écrivait Jean-François Mathé dans son très beau petit livre : Vu, vécu, approuvé, paru en 2019 aux éditions Le Silence qui roule. C'est dans cette nuit que le poète s'aventure, en appréhendant la nuit du dernier soir, celle qui clôt les paupières pour toujours.

Ainsi va est écrit dans la même tonalité. Le regret traverse les jours qui restent, avec le consentement que le titre même évoque. Ce sont, dit le poète, « les jours de rien », « de rien sans l’amour qui naguère ouvrait au matin fenêtres, volets, paupières, pour que puisse entrer plus d’amour encore. »

Mais le poète ne reste pas refermé sur lui-même. Il embrasse cette humanité qui l’entoure et qui vit, comme lui, comme nous, la soif de l’inconnu ou de l’invisible. A l’intersection « de tous les chemins », se tient l’auberge du poète et sa table ouverte, « rendez-vous des vagabonds, des égarés, des errants. »

Agrandissement des détails (extraits), recueil de poèmes de Jean-François Mathé publié aux éditions Rougerie (2007). Textes lus par Guy Allix.

Ils disent que tout est du vent, tout est changeant, qu’après les ruelles vient la plaine où l’on peut marcher en dormant avec les rêves de la nuit d’avant, qu’on est plus rêvé que vivant et qu’un jour, tout un chacun s’efface de la vitre où une main lasse esquisse un adieu sans émoi.

Mais il y a des « miettes de mystères et d’évidences », titre de l’avant-dernière partie, à recueillir encore. Jean-François Mathé aime cette heure où la nuit n’est  pas encore tout à fait noire, ce « gué » où il faut se risquer chaque soir. Sa poésie suggère une atmosphère d’attente et d’imminence avec les mots les plus simples, une retenue qui  frôle des présences sans pouvoir les cerner vraiment.

                 Chaque soir est un gué entre une berge abandonnée
                 une autre qui attend.
                 Au milieu du gué  on rassemble les ombres
                 en un seul vêtement dont il faut s’habiller
                 pour épouser la nuit,

                  puis on avance
                  comme si c’était soi qu’on allait quitter.

« Le seuil, on y est seul », dit un émouvant poème du début du livre. C’est la solitude devenue chant secret, parfois presque étouffé, que nous entendons dans cette voix. Elle résonne gravement, mais elle a cette chaleur, cette ardeur contenue, qui sont le signe du poète frère de tous.

Attendez, dit-on sur le seuil. Mais on voit que ce n’est qu’au soleil qu’on a parlé, à lui qui a fermé à clé sa porte sur les départs puis la rouvre sur les absences. Le seuil, on y est moins seul.

La poésie crépusculaire de Jean-François Mathé nous  accueille sur ce beau seuil et accomplit le miracle dont seul le véritable poète est capable : nous faire entrer dans le partage, souvent poignant, du plus libre et du plus lumineux, malgré la nuit.

                                                              

                 Jean-François Mathé, Ainsi va, 
                 Rougerie, 2022, 13 euros.

Présentation de l’auteur

Jean-François Mathé

Né en 1950, il a été professeur agrégé de lettres en lycée. L’essentiel de sa bibliographie poétique est constitué de 15 recueils parus et d’un à paraître aux éditions Rougerie dont certains ont reçu divers prix (Prix Antonin Artaud en 1988, Prix du livre en Poitou-Charentes en 1999, Prix Kowalski de la ville de Lyon en 2002). Contributions à de nombreuses revues, poèmes traduits en espagnol, allemand, tchèque. Membre du comité de la revue Friches. Il a reçu en 2013 le Grand Prix International de Poésie Guillevic-Ville de Saint-Malo pour l’ensemble de son œuvre. Il vit dans un village du Poitou.

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Chronique du veilleur (46) : Paul de Roux

Il faut lire et relire Paul de Roux. « Je n'écris pas pour m'apporter des réponses mais pour être un peu moins mort par les questions que je me pose. », écrit-il en 1991 dans un de ses carnets.

Oui, ce sont des questions sans cesse reprises que les 5 volumes de carnets, les livres de poèmes, nous font entendre sur le ton inimitable d'une âme inquiète, sensible aux moindres variations de temps, aux froissements des feuillages, aux effleurements de la lumière. « Que cherchez-vous, ô mes inquiets  / battements de cœur ? » La réponse n'est qu'une nouvelle question, discrète, « entre deux mots » :

Tous les pas dans la rue
 pour les battements de cœur que l'on n'entend pas
-peut-être les aveugles entendent-ils avec les pas
de surprenantes expressions de ces passants inconnus
que nous non plus nous ne voyons pas
-assis à nos tables, buvant du thé, du vin
et de temps à autre, sur l'asphalte, un pas
fait reposer la tasse, le verre plus doucement peut-être
avec un silence entre deux mots.

 

 

Nul doute : Paul de Roux est le poète de l'impondérable, d'une solitude fragile, sensible à la voix presque inaudible de la terre, des heures de crépuscule, avec cette « lumière mouillée » qui semble les sertir miraculeusement, les rapprocher des peintures tant aimées du poète. Paul de Roux est un contemplatif toujours en alerte, « un homme perclus d'hésitations ». Mais ces hésitations se traduisent, et peut-être se conjurent, en des poèmes d'un long murmure, souvent d'une phrase unique.

Paul de Roux, Les Pas, Le Silence qui roule, 16 euros.

 

 Et leur chant s'insinue en nous, avec le sentiment que le tragique de cette vie bouge doucement sous la surface, parfois grise et dure, des saisons et des heures.

Ce nuage qui passait, il n'attendait pas
que tu sortes du bureau pour que tu lui accordes
un regard attentif, et les mains de cet homme
qui frémissaient sur la table bientôt seraient rigides
-tu ne pourrais les saisir qu'en vain, ces mains
qui n'avaient pas peut-être besoin d'être serrées
mais de s'ouvrir pour te remettre un gage
-le nuage n'avait pas besoin de toi, mais toi
tu aurais eu besoin de retrouver la ville
avec des yeux rafraîchis par un nuage.

Une toile impressionniste, peut-être, continuellement tissée, sans couture, allant des notes de journal intime aux poèmes composés avec un sens de la pure harmonie... Il faut tout lire, autant dire aller à la rencontre d'un poète qui se retrancha peu à peu, par la maladie, de notre monde, avant de le quitter tout à fait en 2016. Il faut saluer la réédition de ce livre par Le Silence qui roule. Et partir à la découverte de tous les autres livres ! Le poème se pose sur la page comme un pétale de rose, délicat, translucide, prêt à s'échapper, « au milieu de la journée », et c'est merveille.

 

Soudain, au milieu de la journée
la lumière baisse, et jusqu'au point où indistincts
et fantasmagoriques les objets se confondent
et cette lumière si basse est jaune, comme soufrée
bien que venue d'un ciel où les nuages, du gris au bleuté
ne laissent à leur lisière qu'une roseur infime
-elle semble plus livide ainsi que le serait toute blancheur
et tout ce ciel sur la ville forme une grande rose :
la rose de l'orage qui ne veut pas distendre ses pétales
puis insensiblement l'ardoise des toits se raie :
il pleut et aucune goutte n'est perceptible encore.




Chronique du veilleur (45) : René Guy Cadou

D'où vient ce charme très singulier qui envahit le lecteur, dès qu'il ouvre un livre de poèmes de René Guy Cadou ? C'est un chant d'une couleur très rare, souvent mélancolique, sur un timbre un peu voilé, mais c'est aussi une force de vie qui circule, force d'amour pour Hélène, la muse, l'épouse, qui s'étend à toute l'humanité.

Il y avait encore quelques inédits du poète, disparu en 1951, à l'âge de 31 ans. Bruno Doucey nous donne la joie de les découvrir et c'est un véritable événement. Double événement, puisqu'un livre d'inédits d'Hélène Cadou paraît en même temps ( J'ai le soleil à vivre).

Plus de quarante poèmes de René Guy Cadou, réunis sous le titre Et le ciel m'est rendu. Tous les thèmes de son œuvre sont présents : le sens profond de la terre et de la nature, l'attachement à l'enfance, le lien mystérieux du poète et de la poésie, l'amour pour Hélène, qui lui inspire un lyrisme puissant, à l'orée de la légende du parfait amour.

Elle est là mon enfant fragile mon aimée
Toujours penchée vers moi et n'osant pas nommer
L'épaule qui la suit chaque jour dans son rêve
Hélène je dis toi et je pense à des sèves
Printanières à des gazons
Aux passereaux qui font de l'arbre une saison
A la chanson des lavandières
Hélène
On ne peut plus douter de la lumière.

 

René Guy Cadou, Et le ciel m'est rendu, Editions Bruno Doucey, 14 euros.

Mais n'est-ce pas la solitude, dans laquelle le poète médite, écrit, parle à son Dieu, qui est essentiellement à l'origine du charme de cette oeuvre qui paraît naturellement s'écouler du cœur ? On ne sent qu'une sorte d'innocence préservée, une proximité avec les êtres souffrants et la campagne de la Brière où il enseigne, l'atmosphère la plus simple et la plus touchante qui soit.

                 

A la petite porte qui donne sur les champs
Là-bas tout au bout de l'allée
Derrière les ifs
Au fond de la propriété
-La clé en est perdue depuis combien d'années-
Tu m'attendras

 

Et quand il s'agit de regarder vers le ciel, les prières que Cadou adresse à Dieu s'élèvent avec une force mêlée d'intime faiblesse. Le croyant ose écrire, dans le secret, ce qui est déjà une véritable profession de foi, humble et confiante.

 

Que m'importe après tout le sort que vous me réservez
O mon Dieu si je vous ai gauchement aimé
Ne voyez là que  la malfaçon de l'Homme et du Poète
Mais ne doutez plus de ce cœur qui voltige du monde à
Vous comme une alouette.

 

Cette frêle alouette, c'était l'âme de René Guy Cadou, qui heureusement ne nous a jamais quittés, d'une éternelle jeunesse.

 

 

 

Présentation de l’auteur

René Guy Cadou

Fils d’instituteurs, né en 1920 en Loire-Atlantique, René Guy Cadou envoie, dès l’âge de 17 ans, ses poèmes à Max Jacob qui reconnaît aussitôt en lui un poète. Réformé pour cause de santé, il devient instituteur et rencontre Hélène, le grand amour de sa vie, inspiratrice de nombreux recueils. Durant l’Occupation allemande, il ne s’engage pas de façon militante mais ses écrits, notamment le recueil Pleine poitrine,témoignent de son soutien à la Résistance et de son désir de dénoncer la barbarie nazie, par exemple dans les poèmes« Ravensbrück » et « Les Fusillés de Châteaubriant ».

Sa sensibilité littéraire le rapproche de Michel Manoll, Guy Bigot, Jean Bouhier, poètes de « l’École de Rochefort » – dès 1941, divers auteurs se regroupent, en réaction contre la poésie nationale imposée par le Régime de Vichy. Puis, pendant près de vingt ans, quelques 147 ouvrages sont publiés par une trentaine d’écrivains, dont Maurice Fombeure, Jean Follain, Eugène Guillevic. Avec humour, Cadou écrit qu’il s’agit plus d’« une cour de récréation » que d’une école littéraire au sens strict du terme. L’amitié du groupe l’emporte sur les préceptes. Ceux-ci font d’ailleurs la part belle à la liberté de chaque créateur. Pour preuve, la formule de Jean Bouhier, qui résume l’état d’esprit de ces poètes : « Dire leurs poèmes à la face du monde, les mêler aux rythmes de la nature, au bruit des arbres, de l’eau, les mêler à la vie. »

Jusqu’en 1951, année de sa mort prématurée, René Guy Cadou écrit de très nombreux poèmes. Michel Manoll, dans sa belle préface aux Œuvres poétiques complètes de son ami Cadou (éditions Seghers, 1973), en exprime la force sensible : « René Guy Cadou s’est voué à donner voix à tout ce qui participe au concert terrestre, sans en exclure la plus humble psalmodie ou le chuchotement le plus discret. […] En détachant la poésie de toute formule d’école, il l’a ramenée à sa vocation naturelle, qui est celle du chant et de l’effusion. »

Un des vers de René Guy Cadou pourrait être le doux reflet de toute son œuvre : « Le temps qui m’est donné que l’amour le prolonge. » (https://www.reseau-canope.fr/poetes-en-resistance/poetes/rene-guy-cadou/)

© Causeur, Le poète René-Guy Cadou. Capture d'écran Youtube.

Bibliographie

Poésie

  • Brancardiers de l'aube, Les feuillets de l'Ilôt, 1936
  • Forges du vent (Sagesse - 1938)
  • Retour de flamme (Les Cahiers de la Pipe en écume - 1940)
  • Années-lumière (Cahiers de Rochefort - 1941)
  • Morte-saison, René Debresse Éditeur, Paris, 1941
  • Porte d'écume (Proses - Cahiers de Rochefort - 1941)
  • Bruits du cœur (Les Amis de Rochefort - 1942)
  • Lilas du soir (Les Amis de Rochefort - 1942)
  • Amis les Anges (Cahiers de Rochefort - 1943)
  • Grand élan (Les Amis de Rochefort - 1943)
  • La Vie rêvée (Robert Laffont 1944)
  • Les fusillés de Châteaubriant (Seghers 1946)
  • Pleine poitrine (P. Fanlac - 1946)
  • Les Visages de solitude (Les Amis de Rochefort - 1947)
  • Lettre à Jules Supervielle, Éditions Sylvain Chiffoleau, Nantes, 1947)
  • Quatre poèmes d'amour à Hélène (Les Bibliophiles alésiens - 1948)
  • Saint-Antoine et Cie, Éditions Sylvain Chiffoleau, Nantes, 1948)
  • Le Miroir d'Orphée (Gallimard - 1948)
  • Les sept péchés capitaux (1949)
  • Roger Toulouse (P.A.B Alès - 1949)
  • Automne 1957
  • Guy Bigot, Éditions Sylvain Chiffoleau, Nantes, 1949)
  • Art poétique, Éditions Sylvain Chiffoleau, Nantes, 1949)
  • Le Diable et son train (Chez l'auteur - 1949)
  • Cornet d'adieu, Éditions Sylvain Chiffoleau, Nantes, 1949)
  • Moineaux de l'an 1920, Éditions Sylvain Chiffoleau, Nantes, 1950)
  • Avant-printemps (P.A.B. Alès - janvier 1951)
  • Les Biens de ce monde (Pierre Seghers - février 1951)
  • Usage interne (Les Amis de Rochefort - 1951)
  • Hélène ou le Règne Végétal (Pierre Seghers - février 1951)
  • Le Cœur au bond gravure de Roger Toulouse (Jean-Jacques Sergent - 1971)
  • Les Amis d'enfance 1973
  • Ravensbrück (Éditions Seghers - 1973)
  • Hélène (1944)
  • Et le ciel m'est rendu, Inédits, Éditions Bruno Doucey 2022

Anthologies

  • Poèmes choisis 1949-1950, Éditions Sylvain Chiffoleau, Nantes, 1950)
  • Comme un oiseau dans la tête, poèmes choisis de René Guy Cadou, préface inédite de Philippe Delerm, édition établie par Jean-François Jacques et Alain Germain, Éditions Points, 2011.

Œuvre complète

  • Poésie, la vie entière, éditions Seghers, 1976, rééd.2001 : intégralité de l'œuvre poétique de René Guy Cadou, avec une préface de Michel Manoll
  • Poésie la vie entière est disponible sur KOBO : https://www.kobo.com/fr/fr/ebook/poesie-la-vie-entiere [archive]

Prose

  • Mon enfance est à tout le monde, Éditions Jean Munier.
  • La Maison d'été, son unique roman, a été publié pour la première fois en 1955 par les Nouvelles éditions Debresse et réédité par la suite au Castor Astral.
  • Testament d'Apollinaire, René Debresse Éditeur, Paris, 1945)
  • Guillaume Apollinaire ou l'artilleur de Metz, Éditions Sylvain Chiffoleau, Nantes, 1948)
    Il s'agit de deux essais sur la vie et l'œuvre de Guillaume Apollinaire.
  • Monts et Merveilles, Nouvelles fraîches, avant-propos de Philippe Delerm. Éditions du Rocher, 1997.
    Ce recueil contient cinq nouvelles inédites : Le Blé de mai, Liarn, A la poursuite de la mer, La Prairie, Les Pas dans le ciel.

Radio

En 1949 et 1950, René Guy Cadou a également fait des émissions radiophoniques sur différents écrivains : Max Jacob, Saint-Pol-Roux, Guillaume Apollinaire (1949), Tristan Corbière, Robert Desnos (1950). Sa dernière émission, le , est consacrée à Nantes, cité d'Orphée.

Poèmes choisis

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Chronique du veilleur (44) : Max Alhau

Au soir de sa vie, Max Alhau sait que « l'absence n'est qu'un mot superflu », que « les mots demeurent même faussés / par la mémoire. » Cependant, « une lumière évadée de la nuit » brille encore, et le poète en saisit les fulgurances, les éclairs qui ne cessent de traverser son espace intérieur.

Des pas sous le sable, tel est le titre qu'il choisit pour nous dire combien son œuvre de guetteur, à l'écoute du plus secret, voire du plus étouffé, lui importe encore, malgré tout. Les interrogations le harcèlent, les réponses incertaines qu’il leur apporte sont déjà une forme de dépassement dans le doute et l'inquiétude :

Peut-être faut-il emprunter des chemins
loin des itinéraires, avancer à l'aveugle
pour y voir plus clair et retrouver enfin
les traces d'un passage sur ces mêmes lieux
que l'on décèle enfin avant leur reconquête.

Max Alhau, Des pas sous le sable,Voix d'encre, 10 euros.

Il écoute, il s'écoute, et parfois semble s'obstiner dans les mêmes questions, comme s'il voulait forcer une porte qui résiste. Les vers, les phrases de prose sont autant de coups frappés sur la paroi, contre un horizon qui se rapproche et menace. Il se dit à lui-même :

 

Reste les traces, les mots, les paroles
qui t'incitent à poursuivre ce voyage
aux haltes incertaines, aux départs différés,
tout ce que l'on croit posséder
et que le vent dissout.

 

 

Le poème est la trace la plus vraie et la plus profonde que l'homme puisse laisser ici, sur le chemin. Il est aussi le viatique le plus secourable possible, pour aller encore plus loin, vers cet inaccessible but qui a été, tout au long de l'existence, la raison d'écrire et, peut-être, d'espérer.

 

                                   Au terme du chemin, tu contemples la vallée:ce n'est pas le vertige qui te saisit mais le désir d'aller plus loin.

 

C'est une voix libre, assoiffée de paix, qui s'élève, d'étape en étape, dans cet itinéraire intérieur. Nous en mesurons la sincérité qui, souvent, mêlée à un tremblement pudique et maîtrisé, émeut le lecteur, jusqu'à ces dernières phrases qui résonnent enfin, presque comme un soulagement :

 

                                   Les neiges, les débâcles, tout n'est plus que souvenir. Maintenant, tu as cessé de t'attendre et tes mots n'ont de poids que celui du silence.

 

Heureux silence que celui que Max Alhau nous offre ici, animé par un appel irrésistible d'infini !

 

Poème de Max Alhau sur une musique de Jean-Christophe Rosaz pour voix et saxophone.

Présentation de l’auteur