Chronique du veilleur (49) : Anne Goyen

Par |2023-03-06T08:33:05+01:00 1 mars 2023|Catégories : Anne Goyen, Essais & Chroniques|

La voix d’Anne Goyen coule de source. Cette source a la lim­pid­ité d’une prière par­fois, d’un émer­veille­ment can­dide devant la beauté du monde. Après Arbres,soyez (2013) et Paroles don­nées (2016), ce troisième vol­ume de vers révèle un dépouille­ment que le titre même sug­gère d’en­trée : Le souf­fle et la sève. 

La voix du poète sem­ble ici pass­er comme un souf­fle, nour­rie par la sève  qu’elle sent courir des racines jusqu’aux étoiles. Le paysage con­tem­plé ne garde que sa trame la plus frag­ile, la plus ténue, pour ne laiss­er appa­raître que l’essentiel :

                  Au tomber du soir
                  La pluie a lustré
                  Le paysage
                  Ouvert comme une paume
                  Que lisse le vent. 

Anne Goyen, Le souf­fle et la sève, Edi­tions Ad Solem, 2023, 96 pages, 15 €.

L’in­vis­i­ble se rend proche dans une parole de vent et d’ar­bres, de bêtes et d’as­tres. Anne Goyen en ressent la présence frater­nelle. Terre et ciel sont en rela­tions con­tin­uelles, leurs ondes cir­cu­lent autour de nous et en nous-même.

                  J’é­coute parler
                  Mon­tagnes et fleurs
                  Rêves et sources
                  D’aube en aube 
                  Je renais

                   Quel Dieu discret 
                 A mes côtés chemine ?

Musi­ci­enne, Anne Goyen l’est restée dans son écri­t­ure, sans rien qui pèse ou qui pose, comme dis­ait Ver­laine. Ce sont des sug­ges­tions en quelques syl­labes à chaque poème bref, qui dis­ent beau­coup plus que de savantes et ver­beuses con­struc­tions formelles. Sug­gér­er pour faire pressen­tir, pour don­ner suff­isam­ment d’air à une parole hum­ble qui ne demande qu’à rejoin­dre l’autre, à s’of­frir pour trans­met­tre la bon­té du vivant.

                  Enten­dre murmurer 
                  La parole neuve
                  Dans le dialogue
                  De la terre et du vent
                  Devin­er
                  Sous l’é­corce saisonnière
                  Le vis­age en creux 
                  Du divin
                  Qui attend l’heure
                  De notre désir.

Le plus pur du livre éclate dans l’ac­com­plisse­ment final, « Rosa mys­ti­ca ». La pen­sée fran­cis­caine imprègne ces pages, pour notre plus grand bonheur.

                  Sur la tige
                  Tout grand s’ouvre
                  La fleur

                   Au risque
                  D’en mourir

                  De  joie.

 

Présentation de l’auteur

Anne Goyen

Anne Goyen a longtemps enseigné la lit­téra­ture française. Elle partage aujour­d’hui sa vie entre la poésie, le dessin et la musique. Les arbres ont tou­jours été pour elle l’axe priv­ilégié de sa contemplation. 

Bibliographie

Arbres, Soyez, Ad Solem, 2013.

Paroles don­nées, Ad Solem, 2016.

Poèmes choi­sis

Autres lec­tures

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Gérard Bocholier

Gérard Bocholi­er est né le 8 sep­tem­bre 1947 à Cler­mont-Fer­rand (France). Il a fait ses études sec­ondaires et supérieures dans cette ville, y a ensuite enseigné la lit­téra­ture française et les let­tres clas­siques en classe de let­tres supérieures. Orig­i­naire d’une famille de vignerons de la plaine de Limagne, il est franc-com­tois par sa famille mater­nelle, à la fron­tière du pays de Vaud en Suisse. Il a passé son enfance et sa jeunesse dans le vil­lage pater­nel de Mon­ton, au sud de Cler­mont-Fer­rand, que les poèmes en prose du Vil­lage et les ombresévo­quent avec ses habi­tants. La lec­ture de Pierre Reverdy, à qui il con­sacre un essai en 1984, Pierre Reverdy lephare obscur,déter­mine en grande par­tie sa voca­tion de poète. En 1971, Mar­cel Arland, directeur de la NRF, lui remet à Paris le prix Paul Valéry, réservé à un jeune poète étu­di­ant.  Son pre­mier grand livre, L’Ordre du silence, est pub­lié en 1975.  En 1976, il par­ticipe à la fon­da­tion de la revue de poésieArpa, avec d’autres poètes auvergnats et bour­bon­nais, dont Pierre Delisle, qui fut un de ses plus proches amis. D’autres ren­con­tres éclairent sa route : celle de Jean Gros­jean à la NRF, puis celle de Jacques Réda, qui lui con­fie une chronique régulière de poésie dans les pages de la célèbre revue à par­tir des années 90, mais aus­si l’amitié affectueuse du poète de Suisse romande, Anne Per­ri­er, dont il pré­face les œuvres com­plètes en 1996. Son activ­ité de cri­tique de poésie ne cesse de se dévelop­per au fil des années, il col­la­bore  au fil des années à de nom­breuses revues, notam­ment à la Revue de Belles Let­tresde Genève, au Nou­veau Recueil, et surtout à Arpa,dont il assure la direc­tion dès 1984. Il donne actuelle­ment des poèmes à Thau­ma,Nunc,Le Jour­naldes poètes. Cer­tains de ses arti­cles sont réu­nis dans le vol­ume Les ombrages fab­uleux,en 2003. A par­tir de 2009, un an avant sa retraite, il se con­sacre prin­ci­pale­ment à l’écriture de psaumes, pub­liés par Ad Solem. Le pre­mier vol­ume est pré­facé par Jean-Pierre Lemaire, son ami proche. Le deux­ième s’ouvre sur un envoi de Philippe Jac­cot­tet. Son essai Le poème exer­ci­ce spir­ituelexplique et illus­tre cette démarche. Il prend la respon­s­abil­ité d’une rubrique de poésie dans l’hebdomadaire La Vieet tient une chronique de lec­tures, « Chronique du veilleur »,  à par­tir de 2012 sur le site inter­net :Recours aupoème. De nom­breux prix lui ont été attribués : Voron­ca (1978), Louis Guil­laume (1987), le Grand Prix de poésie pour la jeunesse en 1991, le prix Paul Ver­laine  de la Mai­son de poésie en 1994, le prix Louise Labé en 2011. L’Académie Française lui a décerné le prix François Cop­pée pourPsaumes de l’espérance en 2013. Son jour­nal intime, Les nuages de l’âme, paraît en 2016, regroupant des frag­ments des années 1996 à 2016. Par­mi ses pub­li­ca­tions poé­tiques récentes : Abîmes cachés(2010) ; Psaumes du bel amour(2010) ; Belles saisons obscures(2012) ; Psaumes de l’espérance(2012) ; Le Vil­lageemporté (2013) ; Pas­sant (2014) ; Les Etreintes invis­i­bles (2016) ; Nuits (2016) ; Tisons(2018) ; Un chardon de bleu pur(2018) ; Depuis tou­jours le chant(2019) A paraître : Ain­si par­lait Georges Bernanos(Arfuyen) ; Psaumes de la Foi vive (Ad Solem) ; J’appelle depuis l’enfance (La Coopéra­tive). En 2019 parais­sent Ain­si par­lait G.Bernanos, Psaumes de la foi vive, Depuis tou­jours le chant ; en 2020 J’ap­pelle depuis l’en­fance (La Coopéra­tive) et Une brûlante usure (Le Silence qui roule), Vers le Vis­age (Le Silence qui roule, 2023) et Cette allée qui s’ef­face (Arfuyen, 2024)

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